« Est théorique tout discours, quel que soit son langage, qui tente d’expliquer les causes et le fonctionnement, le pourquoi et le comment. » (p.3)
« Quand on analyse l'oppression des femmes, on étudie nécessairement oppression matérielle, et leur réelle, et l'idéologie qui la justifie, idéologie intériorisée les femmes et dont le pouvoir coercitif permet l'exploitation. Or l'un des lieux privilégiés d'expression de cette idéologie -et de son développement car elle n'est pas produite une fois pour toutes- reste « la science », et en particulier les sciences dites humaines. Une démarche féministe inclut nécessairement une critique du discours scientifique, le discours sur les femmes mais aussi le discours prétendu « général » : car quoi de plus révélateur que les omissions ? Les théories générales de la société et du psychisme, quand elles considèrent les catégories de sexe comme naturelles sans s'interroger sur leur genèse et leur nature sociale, et qu'elles ne prennent pas en compte l'oppression des femmes, reprennent du coup celle-ci à leur compte, restant dans l'idéologie sexiste la plus sommaire. De ce fait, elles contribuent à perpétuer l'oppression des femmes dans le même temps qu'elles construisent une théorie fausse de leur objet d'étude.
Nous souhaitons qu'une science féministe puisse advenir, qui rende compte de la formation patriarcale hiérarchique (et de son impact sur les individus), et par là-même modifie l'analyse globale de la société. L'intérêt de cette science féministe est très quotidien : l'émergence des discours féministes subversifs nous a permis et nous permet de modifier le cours de nos existences. » (p.4)
« La notion de radicalisme part du constat de (et d'une lutte politique contre) une oppression des femmes par le système social patriarcal. » (p.4)
« Notre oppression ne réside pas dans le fait de « n'être pas assez femme », mais bien au contraire dans celui de l'être trop : nous sommes empêchées de mener une existence d'individus à part entière, sous le prétexte que nous sommes « femme », « différente ». C'est le système patriarcal qui nous pose « différentes » pour justifier notre exploitation, la masquer. C'est lui qui nous impose l'idée d'une « nature », d'une « essence » féminine.
Le féminisme radical se donne comme préalable de rester dans le terrain que les premières féministes ont conquis contre l'idéologie naturaliste. Ce qui exige :
• De refuser résolument d'interroger, de construire, de projeter une idée de «La Femme» en dehors de la société.
• Le corollaire étant de déstructurer la notion de « différence des sexes » qui or- donne et sous-tend cette idée de « la femme », partie intégrante de l'idéologie naturaliste. L 'existence sociale des hommes et des femmes ne dépend nullement nature de mâle et de femelle, de la forme de leur sexe anatomique.
Dans une société non patriarcale, la question d'être homme ou femme n'aura pas à se poser dans les termes où elle se pose aujourd'hui pour nous. Tous les travaux, toutes les tâches seront assurées par hommes et femmes. Au plan des pratiques sexuelles, la distinction entre homo- et hétéro-sexualité n'aura plus de sens puisque les individus se rencontreront sur le fondement de leur singularité (individu spécifique avec telle histoire) et non sur celui de leur identité de sexe.
Détruire la différence des sexes c'est supprimer la hiérarchie qui existe actuellement entre deux termes dont l'un est référé à l'autre, et infériorisé dans cette comparaison. On ne peut revendiquer le « droit à la différence », car cela signifie dans le contexte actuel le droit à l'oppression. C'est le droit à l'autonomie que nous visons en premier lieu (ne plus être objets de, appropriées par) ; à la singularité en dehors de toute référence à l'identité sexuelle en second lieu. Cela ne signifie pas que « nous voulons devenir des hommes », car dans le même temps que nous détruisons l'idée de « La Femme », nous détruisons aussi l'idée d’ « Homme ». » (p.5)
« Le féminisme radical s'exprime aussi en référence aux courants politiques actuels. Il refuse toute ingérence des groupes poli- tiques en place dans sa problématique, et considère certaines notions, certains mots d'ordre comme fondamentalement falsifiés (idée de « lutte principale » et « luttes secondaires » ; terrorisme de l'explication unique par le capitalisme). » (p.6)
-« Variations sur des thèmes communs », Questions féministes n°1, novembre 1977.
« Quand on analyse l'oppression des femmes, on étudie nécessairement oppression matérielle, et leur réelle, et l'idéologie qui la justifie, idéologie intériorisée les femmes et dont le pouvoir coercitif permet l'exploitation. Or l'un des lieux privilégiés d'expression de cette idéologie -et de son développement car elle n'est pas produite une fois pour toutes- reste « la science », et en particulier les sciences dites humaines. Une démarche féministe inclut nécessairement une critique du discours scientifique, le discours sur les femmes mais aussi le discours prétendu « général » : car quoi de plus révélateur que les omissions ? Les théories générales de la société et du psychisme, quand elles considèrent les catégories de sexe comme naturelles sans s'interroger sur leur genèse et leur nature sociale, et qu'elles ne prennent pas en compte l'oppression des femmes, reprennent du coup celle-ci à leur compte, restant dans l'idéologie sexiste la plus sommaire. De ce fait, elles contribuent à perpétuer l'oppression des femmes dans le même temps qu'elles construisent une théorie fausse de leur objet d'étude.
Nous souhaitons qu'une science féministe puisse advenir, qui rende compte de la formation patriarcale hiérarchique (et de son impact sur les individus), et par là-même modifie l'analyse globale de la société. L'intérêt de cette science féministe est très quotidien : l'émergence des discours féministes subversifs nous a permis et nous permet de modifier le cours de nos existences. » (p.4)
« La notion de radicalisme part du constat de (et d'une lutte politique contre) une oppression des femmes par le système social patriarcal. » (p.4)
« Notre oppression ne réside pas dans le fait de « n'être pas assez femme », mais bien au contraire dans celui de l'être trop : nous sommes empêchées de mener une existence d'individus à part entière, sous le prétexte que nous sommes « femme », « différente ». C'est le système patriarcal qui nous pose « différentes » pour justifier notre exploitation, la masquer. C'est lui qui nous impose l'idée d'une « nature », d'une « essence » féminine.
Le féminisme radical se donne comme préalable de rester dans le terrain que les premières féministes ont conquis contre l'idéologie naturaliste. Ce qui exige :
• De refuser résolument d'interroger, de construire, de projeter une idée de «La Femme» en dehors de la société.
• Le corollaire étant de déstructurer la notion de « différence des sexes » qui or- donne et sous-tend cette idée de « la femme », partie intégrante de l'idéologie naturaliste. L 'existence sociale des hommes et des femmes ne dépend nullement nature de mâle et de femelle, de la forme de leur sexe anatomique.
Dans une société non patriarcale, la question d'être homme ou femme n'aura pas à se poser dans les termes où elle se pose aujourd'hui pour nous. Tous les travaux, toutes les tâches seront assurées par hommes et femmes. Au plan des pratiques sexuelles, la distinction entre homo- et hétéro-sexualité n'aura plus de sens puisque les individus se rencontreront sur le fondement de leur singularité (individu spécifique avec telle histoire) et non sur celui de leur identité de sexe.
Détruire la différence des sexes c'est supprimer la hiérarchie qui existe actuellement entre deux termes dont l'un est référé à l'autre, et infériorisé dans cette comparaison. On ne peut revendiquer le « droit à la différence », car cela signifie dans le contexte actuel le droit à l'oppression. C'est le droit à l'autonomie que nous visons en premier lieu (ne plus être objets de, appropriées par) ; à la singularité en dehors de toute référence à l'identité sexuelle en second lieu. Cela ne signifie pas que « nous voulons devenir des hommes », car dans le même temps que nous détruisons l'idée de « La Femme », nous détruisons aussi l'idée d’ « Homme ». » (p.5)
« Le féminisme radical s'exprime aussi en référence aux courants politiques actuels. Il refuse toute ingérence des groupes poli- tiques en place dans sa problématique, et considère certaines notions, certains mots d'ordre comme fondamentalement falsifiés (idée de « lutte principale » et « luttes secondaires » ; terrorisme de l'explication unique par le capitalisme). » (p.6)
-« Variations sur des thèmes communs », Questions féministes n°1, novembre 1977.