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    Violette Lazard, Dubaï : la note explosive des services de sécurité français sur le narcotrafic

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Violette Lazard, Dubaï : la note explosive des services de sécurité français sur le narcotrafic Empty Violette Lazard, Dubaï : la note explosive des services de sécurité français sur le narcotrafic

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 20 Juin - 19:27

    "Dans une note adressée début juillet à l’état-major de la police nationale, les services de sécurité français basés à Dubaï déplorent l’absence de coopération de la justice des Emirats. Les plus gros narcotrafiquants français y sont réfugiés et le déplacement, pourtant promis, de Gérald Darmanin n’a jamais eu lieu.

    « Je m’y rendrai [à Dubaï, NDLR], c’est prévu dans un mois un mois et demi, on doit sans doute encore améliorer notre coopération policière et judiciaire, mais on n’a aucune raison de penser que ça ne se fera pas positivement », disait Gérald Darmanin, le 1er mars dernier, répondant aux questions des journalistes après une conférence de presse destinée à dresser le bilan – positif – de la lutte contre le trafic de drogue en France en 2022.

    Cinq mois ont passé depuis cette promesse. Le ministre de l’Intérieur ne s’est toujours pas rendu aux Emirats arabes unis afin de « tarir la source des malheurs », selon son expression. Aucun déplacement sur place n’est prévu dans son agenda. Et aucune des têtes de réseaux interpellées à Dubaï, devenu le refuge des narcotrafiquants français, n’a été extradée vers la France depuis cette déclaration. Pire, certains, visés par des notices rouges d’Interpol et interpellés sur place, ont été remis en liberté. [...]

    La coopération entre les deux pays, pourtant essentielle à la lutte contre le trafic de stupéfiant en France dont Gérald Darmanin a fait « la mère de toutes les batailles », est au point mort et les autorités françaises présentes sur place tirent la sonnette d’alarme. D’après nos informations, dans une note adressée à l’état-major de la police nationale et au ministère de l’Intérieur le 7 juillet dernier, elles déplorent l’absence de coopération entre la justice émiratie et la France et demandent un geste politique fort côté français pour favoriser les relations entre les deux pays.

    Depuis un peu moins de dix ans, et plus encore ces cinq dernières années, l’émirat de Dubaï est en effet devenu le refuge des narcotrafiquants français les plus puissants. Selon les estimations policières, ils seraient une trentaine à s’être installés sur place. Une partie figure dans le « Top Nat », le classement créé par l’Ofast – office antistupéfiants – qui regroupe les dix trafiquants les plus recherchés de l’Hexagone.

    Sur place, ils peuvent investir, blanchir et mettre à l’abri la manne démentielle amassée grâce au trafic : l’émirat n’est pas regardant sur la provenance des fonds. Dubaï est également un endroit calme, loin des règlements de comptes des cités, où les barons de la drogue français n’encourent aucun risque pour leur vie. Ils peuvent aussi, depuis quelques années, y croiser leurs « homologues » néerlandais, italiens, colombiens, au point qu’un « super cartel » a été démantelé à l’automne dernier.

    C’est donc pour traquer ces boss des cités et les extrader en France afin qu’ils y soient jugés, rappelle la note que « l’Obs » a pu consulter, qu’un poste d’officier de liaison français (ODL) spécialement chargé de lutter contre le trafic de stupéfiants et le crime organisé a été créé en mars 2022. Deux trafiquants français considérés comme des têtes de réseau du trafic de stupéfiants en France, installés à Dubaï pendant plus de dix ans, avaient été extradés respectivement en 2019 et 2021, laissant penser qu’une coopération était possible.

    La présence d’autorités françaises sur place a permis de resserrer les liens avec la police locale, et de procéder à plusieurs arrestations. Depuis mars 2022, sept narcotrafiquants présumés, tous recherchés en France dans le cadre des plus grosses enquêtes menées à Marseille, Paris ou Bordeaux, ont été interpellés. Parmi eux, Tarik K., surnommé « Bison », soupçonné d’avoir été à l’origine de la livraison à Fos-sur-Mer de 3,3 tonnes de cocaïne en février 2020. Ou encore, Ouicem K., interpellé en janvier 2023, et recherché dans le cadre d’une enquête sur un assassinat commis en 2017 à la Courneuve.

    A chaque fois, les enquêtes permettent de lever le voile sur le mode de vie de ces barons de la drogue : voitures de luxe à gogo, appartements situés dans les plus belles tours de Dubaï, quotidien partagé entre bar à chichas et salle de sport…. et aucune activité professionnelle réelle. Certains se déclarent agent immobilier, loueur de voitures de luxe ou même parfois « architecte d’intérieur », mais ils n’exercent en réalité aucune activité, leurs entreprises sur place sont des coquilles vides.

    Sauf que ces arrestations, dont le ministère de l’Intérieur français se félicite, sont autant de coups d’épée dans l’eau. « A ce jour, aucun de ces narcotrafiquants n’a été extradé vers notre pays et plusieurs procédures à l’encontre d’individus particulièrement actifs et dangereux ont même été abandonnées par les autorités émiriennes invoquant à l’appui de leurs décisions des prétextes plus ou moins fallacieux », constatent les rédacteurs de la note.

    A plusieurs reprises, les magistrats émiratis ont indiqué ne pas avoir reçu dans les formes les demandes d’extradition. Plusieurs personnes interpellées ont donc été libérées, et ne sont plus susceptibles de faire l’objet d’une nouvelle demande d’extradition par la France avant leur éventuelle condamnation (en leur absence donc) dans l’Hexagone. Soit pas avant plusieurs années. Contacté par « l’Obs », le ministère de la Justice français affirme pourtant avoir toujours transmis les dossiers complets et dans les délais impartis.

    Les magistrats peuvent-ils être corrompus ? Le système judiciaire des émirats est-il rétif à toute coopération avec la France ? Ces remises en liberté représentent un « signal fort d’impunité envoyé par les Emirats arabes unis à nos narcotrafiquants qui s’installent en nombre à Dubaï continuant depuis l’émirat à organiser et gérer trafics de stupéfiants, blanchiment d’argent, et assassinats dans les cités françaises », déplore la note.

    « L’impuissance de la France à faire rentrer ces criminels est un très mauvais message envoyé aux “petits caïds” de ces mêmes cités qui défient l’Etat dans des zones de non droit de plus en plus nombreuses », écrivent les rédacteurs. Pour bien mesurer l’enjeu de cette coopération, la note rappelle que vingt-six demandes formelles d’extradition aux Emirats arabes unis sont toujours en cours."
    -Violette Lazard, "Dubaï : la note explosive des services de sécurité français sur le narcotrafic", Le Nouvel Obs, 27 juillet 2023.



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