https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Vacherot
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58025112
"L'état actuel de la civilisation moderne, et la loi du progrès qui la régit ne permettent guère de douter que le siècle suivant ne voie, à son début, les Etats-Unis de la Démocratie européenne." (p.20)
"La démocratie n'est pas seulement l'idéal des sociétés modernes ; elle en est l'avenir plus ou moins prochain. Simple vérité aujourd'hui, elle sera tôt ou tard la réalité ; c'est une de ces utopies qui n'attendent que l'heure et l'occasion pour prendre place dans la politique pratique. Telle est du moins la foi profonde de tous les démocrates sérieux, en face des changements politiques, sociaux, économiques, qui se succèdent en Europe, depuis la Révolution de 89." (p.23)
"Si les flatteurs de la vanité nationale ont pu dire qu'impossible n'est pas français, nous soutenons, nous, que c'est un mot à rayer du dictionnaire de la politique." (p.24)
"Le despotisme, pour prendre un exemple dans l'ordre politique, est le plus élémentaire des gouvernements ; il n'a pas plus besoin de génie que de vertu: la force y suffit, sous la forme du premier gendarme venu. Une œuvre vraiment difficile, autant que glorieuse, c'est le gouvernement libre ; car là tout devient difficulté pour ceux qui gouvernent, le bien comme le mal, les mérites comme les fautes, parce que tout y subit l'épreuve du contrôle et de la critique." (p.25)
"Dans l'école démocratique libérale à laquelle nous tenons à honneur d'appartenir, des voix s'élèveront peut-être pour protester en faveur du droit individuel compromis, en apparence, par notre théorie du droit social et de l'Etat qui en est l'organe. Rien ne serait plus propre à éveiller nos doutes sur la justice de nos principes que les scrupules des consciences libérales, s'ils étaient fondés. Notre démocratie repousse absolument toute espèce de despotisme, quelle qu'en soit l'origine, le caprice d'un prince ou la volonté d'un peuple tout entier. Elle tient avant tout pour les droits de l'homme, pour ces droits inviolables, imprescriptibles, antérieures et supérieurs aux lois positives, qui peuvent bien les reconnaître et les formuler, mais ne les créent point. Elle considère la déclaration de ces droits comme le palladium de toute vrai démocratie, et ne saurait trop applaudir à la haute inspiration des assemblées qui l'ont mise en tête de leurs Constitutions. Le droit individuel est le principe de toute politique avouable. La Société n'a d'autre but que d'en assurer le développement ; l'Etat ne peut pas avoir d'autre mission que d'en protéger et d'en favoriser l'exercice. Nous sommes de ceux qui proclament bien haut que la volonté d'un Peuple ne peut contre ce droit rien de plus que la volonté d'un individu. Ainsi, le vote le plus régulier, le plus libre, fût-il unanime, ne peut priver un seul citoyen d'un de ses droits, si bien nommés droits naturels, parce qu'il les tient de sa nature d'homme, et nullement d'une institution sociale quelconque. S'il est vrai que les grands révolutionnaires qui, en 39, ont fait un si terrible abus de la souveraineté populaire, aient obéi en cela à un principe plutôt qu'à une nécessité, nous répudions énergiquement cette dangereuse tradition, et nous nous séparons sans retour de cette fraction de l'école démocratique qui, tout en flétrissant les excès et les crimes de la Révolution, accepte la théorie de l'omnipotence de l'autorité populaire." (p.26-27)
"La suppression de l'Etat [...] la conclusion formelle d'une certaine école ultra-libérale qui ne veut de l'autorité politique sous aucune forme, ni dans aucune mesure." (p.30)
"Où trouver la vraie ligne de démarcation qui sépare le domaine de l'Etat de celui de l'initiative individuelle ou communale ? C'est la question que nous avons essayé de résoudre par la distinction précise de l'intérêt privé et de l'intérêt public. Les publicistes, généralement d'accord sur le principe varient beaucoup sur l'application. Certaines attributions, telles que les fonctions de la justice, de la police générale, de l'administration financière, de la défense nationale, de la politique extérieure, sont acquises à l'Etat sans contestations sérieuses. D'autres, comme l'instruction publique, les travaux d'utilité générale, la construction des monuments publics, l'entretient et la direction des théâtres, sont renvoyées par la plupart des publicistes libéraux à l'initiative des individus, des compagnies, ou des communes. En maintenant ces dernières attributions à l'Etat, nous ne croyons pas exagérer la centralisation. Si nous avons en horreur tout régime auquel puisse s'appliquer le mot de Louis XIV: L'Etat c'est moi, nous n'avons aucune défiance d'un Etat vraiment démocratique, où aucun intérêt personnel et dynastique ne vient se mêler à l'intérêt social dont cette institution est l'organe propre. On nous dire qu'à défaut d'un homme ou d'une famille, il faudra toujours que l'Etat se personnifie dans un parti, sous le régime démocratique. Nous en convenons, en faisant observer toutefois que les partis qui se disputent le gouvernement et l'administration, dans une démocratie, sont toujours sous le coup d'un vote populaire qui les punit d'un abus de pouvoir, comme il les récompense d'une bonne et libérale gestion." (p.31-32)
"La liberté, telle que l'entend l'école libérale proprement dite, n'est pas la justice." (p.35)
"La vertu est trop rare, surtout la difficile vertu de l'abnégation personnelle et du sacrifice, en ce temps d'égoïsme universel." (p.39)
"S'il y a eu, dans l'histoire, des dictatures bienfaisantes, c'est précisément parce qu'elles préparaient le règne de la liberté, en faisant tomber par l'industrie, par la guerre, par la centralisation, par une certaine civilisation matérielle, les chaînes qui retenaient l'essor de l'humanité." (p.52)
"Le salariat, que le socialisme veut détruire à tout prix, est pour [l'école libérale] le travail libre par excellence ; et comme cet état de choses entretient la misère des masses, cette école ne voit pas que sa manière d'entendre la liberté n'engendre que servitude." (p.54)
"Le socialisme bien entendu n'a pas un autre but, une autre formule que le libéralisme." (p.55)
"Aussi haut que remonte l'observation historique, elle découvre des races, des nations, des peuplades, des tribus, jamais d'individus. A proprement parler, ce n'est pas la société qui est l'abstraction, et l'individu la réalité ; c'est au contraire la société qui est la réalité, et l'individu l'abstraction." (p.63)
"Le patron [...] remplacé complètement par la société des ouvriers. Cette dernière association est donc le but et le terme de la révolution économique qui doit faire de la démocratie une réalité." (p.232)
-Étienne Vacherot, La Démocratie, 1860, 446 pages.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58025112
"L'état actuel de la civilisation moderne, et la loi du progrès qui la régit ne permettent guère de douter que le siècle suivant ne voie, à son début, les Etats-Unis de la Démocratie européenne." (p.20)
"La démocratie n'est pas seulement l'idéal des sociétés modernes ; elle en est l'avenir plus ou moins prochain. Simple vérité aujourd'hui, elle sera tôt ou tard la réalité ; c'est une de ces utopies qui n'attendent que l'heure et l'occasion pour prendre place dans la politique pratique. Telle est du moins la foi profonde de tous les démocrates sérieux, en face des changements politiques, sociaux, économiques, qui se succèdent en Europe, depuis la Révolution de 89." (p.23)
"Si les flatteurs de la vanité nationale ont pu dire qu'impossible n'est pas français, nous soutenons, nous, que c'est un mot à rayer du dictionnaire de la politique." (p.24)
"Le despotisme, pour prendre un exemple dans l'ordre politique, est le plus élémentaire des gouvernements ; il n'a pas plus besoin de génie que de vertu: la force y suffit, sous la forme du premier gendarme venu. Une œuvre vraiment difficile, autant que glorieuse, c'est le gouvernement libre ; car là tout devient difficulté pour ceux qui gouvernent, le bien comme le mal, les mérites comme les fautes, parce que tout y subit l'épreuve du contrôle et de la critique." (p.25)
"Dans l'école démocratique libérale à laquelle nous tenons à honneur d'appartenir, des voix s'élèveront peut-être pour protester en faveur du droit individuel compromis, en apparence, par notre théorie du droit social et de l'Etat qui en est l'organe. Rien ne serait plus propre à éveiller nos doutes sur la justice de nos principes que les scrupules des consciences libérales, s'ils étaient fondés. Notre démocratie repousse absolument toute espèce de despotisme, quelle qu'en soit l'origine, le caprice d'un prince ou la volonté d'un peuple tout entier. Elle tient avant tout pour les droits de l'homme, pour ces droits inviolables, imprescriptibles, antérieures et supérieurs aux lois positives, qui peuvent bien les reconnaître et les formuler, mais ne les créent point. Elle considère la déclaration de ces droits comme le palladium de toute vrai démocratie, et ne saurait trop applaudir à la haute inspiration des assemblées qui l'ont mise en tête de leurs Constitutions. Le droit individuel est le principe de toute politique avouable. La Société n'a d'autre but que d'en assurer le développement ; l'Etat ne peut pas avoir d'autre mission que d'en protéger et d'en favoriser l'exercice. Nous sommes de ceux qui proclament bien haut que la volonté d'un Peuple ne peut contre ce droit rien de plus que la volonté d'un individu. Ainsi, le vote le plus régulier, le plus libre, fût-il unanime, ne peut priver un seul citoyen d'un de ses droits, si bien nommés droits naturels, parce qu'il les tient de sa nature d'homme, et nullement d'une institution sociale quelconque. S'il est vrai que les grands révolutionnaires qui, en 39, ont fait un si terrible abus de la souveraineté populaire, aient obéi en cela à un principe plutôt qu'à une nécessité, nous répudions énergiquement cette dangereuse tradition, et nous nous séparons sans retour de cette fraction de l'école démocratique qui, tout en flétrissant les excès et les crimes de la Révolution, accepte la théorie de l'omnipotence de l'autorité populaire." (p.26-27)
"La suppression de l'Etat [...] la conclusion formelle d'une certaine école ultra-libérale qui ne veut de l'autorité politique sous aucune forme, ni dans aucune mesure." (p.30)
"Où trouver la vraie ligne de démarcation qui sépare le domaine de l'Etat de celui de l'initiative individuelle ou communale ? C'est la question que nous avons essayé de résoudre par la distinction précise de l'intérêt privé et de l'intérêt public. Les publicistes, généralement d'accord sur le principe varient beaucoup sur l'application. Certaines attributions, telles que les fonctions de la justice, de la police générale, de l'administration financière, de la défense nationale, de la politique extérieure, sont acquises à l'Etat sans contestations sérieuses. D'autres, comme l'instruction publique, les travaux d'utilité générale, la construction des monuments publics, l'entretient et la direction des théâtres, sont renvoyées par la plupart des publicistes libéraux à l'initiative des individus, des compagnies, ou des communes. En maintenant ces dernières attributions à l'Etat, nous ne croyons pas exagérer la centralisation. Si nous avons en horreur tout régime auquel puisse s'appliquer le mot de Louis XIV: L'Etat c'est moi, nous n'avons aucune défiance d'un Etat vraiment démocratique, où aucun intérêt personnel et dynastique ne vient se mêler à l'intérêt social dont cette institution est l'organe propre. On nous dire qu'à défaut d'un homme ou d'une famille, il faudra toujours que l'Etat se personnifie dans un parti, sous le régime démocratique. Nous en convenons, en faisant observer toutefois que les partis qui se disputent le gouvernement et l'administration, dans une démocratie, sont toujours sous le coup d'un vote populaire qui les punit d'un abus de pouvoir, comme il les récompense d'une bonne et libérale gestion." (p.31-32)
"La liberté, telle que l'entend l'école libérale proprement dite, n'est pas la justice." (p.35)
"La vertu est trop rare, surtout la difficile vertu de l'abnégation personnelle et du sacrifice, en ce temps d'égoïsme universel." (p.39)
"S'il y a eu, dans l'histoire, des dictatures bienfaisantes, c'est précisément parce qu'elles préparaient le règne de la liberté, en faisant tomber par l'industrie, par la guerre, par la centralisation, par une certaine civilisation matérielle, les chaînes qui retenaient l'essor de l'humanité." (p.52)
"Le salariat, que le socialisme veut détruire à tout prix, est pour [l'école libérale] le travail libre par excellence ; et comme cet état de choses entretient la misère des masses, cette école ne voit pas que sa manière d'entendre la liberté n'engendre que servitude." (p.54)
"Le socialisme bien entendu n'a pas un autre but, une autre formule que le libéralisme." (p.55)
"Aussi haut que remonte l'observation historique, elle découvre des races, des nations, des peuplades, des tribus, jamais d'individus. A proprement parler, ce n'est pas la société qui est l'abstraction, et l'individu la réalité ; c'est au contraire la société qui est la réalité, et l'individu l'abstraction." (p.63)
"Le patron [...] remplacé complètement par la société des ouvriers. Cette dernière association est donc le but et le terme de la révolution économique qui doit faire de la démocratie une réalité." (p.232)
-Étienne Vacherot, La Démocratie, 1860, 446 pages.