http://classiques.uqac.ca/classiques/lavelle_louis/mal_et_souffrance/mal_et_souffrance.html
http://classiques.uqac.ca/classiques/lavelle_louis/conduite_egard_autrui/conduite.html
"Narcisse demande à la vue toute pure de le faire jouir de sa seule essence: et le drame où il succombe, c'est qu'elle ne peut lui donner que sur son apparence.
Il est sans parole et ne cherche pas à s'entendre.
Il ne qu'à se voir, qu'à saisir comme une proie son corps beau et muet auquel les paroles donneraient encore on ne sait quelle troublante initiative encore on ne sait quelle troublante initiative qui pourrait inquiéter en lui le désir et diviser la possession.
Mais son échec même l'invite à tenter un appel, à implorer une réponse. Inquiet de cette solitude où il demeure et qu'il avait cru vaincre, il accepte de rompre l'unité du silence pur, de chercher au creux de la fontaine les signes d'une vie propre dans cette forme qui ressemble à la sienne et qui pourtant la redouble.
Or l'écho répercute sa propre voix comme pour témoigner qu'il est seul et donne une résonance à sa solitude même. Cette réponse, qui imite ses paroles et qui n'est que l'imitation d'une réponse, achève de le séparer de lui-même et de le transporter dans un monde illusoire où sa propre existence se dissipe et lui échappe.
La punition de Narcisse, c'est de n'avoir été aimé que par la nymphe Echo. Il cherche dans la fontaine un autre être qui puisse l'aimer. Mais il est incapable de l'y trouver. Il ne peut s'échapper de soi. Seul l'amour qu'il a de soi ne cesse de le poursuivre, alors même qu'il voudrait le fuir." (p.8-9)
-Louis Lavelle, L'erreur de Narcisse, Paris, Grasset, 1939, 245 pages.
http://classiques.uqac.ca/classiques/lavelle_louis/conduite_egard_autrui/conduite.html
"Narcisse demande à la vue toute pure de le faire jouir de sa seule essence: et le drame où il succombe, c'est qu'elle ne peut lui donner que sur son apparence.
Il est sans parole et ne cherche pas à s'entendre.
Il ne qu'à se voir, qu'à saisir comme une proie son corps beau et muet auquel les paroles donneraient encore on ne sait quelle troublante initiative encore on ne sait quelle troublante initiative qui pourrait inquiéter en lui le désir et diviser la possession.
Mais son échec même l'invite à tenter un appel, à implorer une réponse. Inquiet de cette solitude où il demeure et qu'il avait cru vaincre, il accepte de rompre l'unité du silence pur, de chercher au creux de la fontaine les signes d'une vie propre dans cette forme qui ressemble à la sienne et qui pourtant la redouble.
Or l'écho répercute sa propre voix comme pour témoigner qu'il est seul et donne une résonance à sa solitude même. Cette réponse, qui imite ses paroles et qui n'est que l'imitation d'une réponse, achève de le séparer de lui-même et de le transporter dans un monde illusoire où sa propre existence se dissipe et lui échappe.
La punition de Narcisse, c'est de n'avoir été aimé que par la nymphe Echo. Il cherche dans la fontaine un autre être qui puisse l'aimer. Mais il est incapable de l'y trouver. Il ne peut s'échapper de soi. Seul l'amour qu'il a de soi ne cesse de le poursuivre, alors même qu'il voudrait le fuir." (p.8-9)
-Louis Lavelle, L'erreur de Narcisse, Paris, Grasset, 1939, 245 pages.