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    Pascal Salin, Libéralisme, « Non, la France n’est pas libérale » & autres textes

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Pascal Salin, Libéralisme, « Non, la France n’est pas libérale » & autres textes Empty Pascal Salin, Libéralisme, « Non, la France n’est pas libérale » & autres textes

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 17 Aoû - 13:07

    "Les libéraux sont "ailleurs" et il est erroné de les situer à droite ou à gauche." (p.19)

    "La seule victoire de l'époque actuelle est celle de la social-démocratie, c'est-à-dire de la combinaison de l'omnipotence d'une minorité élue et de l'économie mixte (définie non pas seulement par l'existence de nombreuses activités étatiques, mais aussi par une fiscalité forte et discriminatoire, ou des règlementations tentaculaires). On est donc loin de la liberté individuelle. Ce qui est vrai, c'est que cette social-démocratie manque singulièrement d'appui idéologique et de souffle spirituel." (p.22)

    "Les idéologies collectivistes ont toujours échoué parce qu'elles ne correspondent pas à la nature profonde de l'homme et à son aspiration à la liberté. Mais elles sont toujours prêtes à renaître. Le miracle occidental c'est le miracle de l'émergence de l'individualisme. Il doit être défendu contre toutes les entreprises destructrices, y compris celles de la social-démocratie. [...] A ceux qui sont aveugles à son instabilité et à sa banqueroute intellectuelle, la social-démocratie apparaît peut-être comme la fin de l'Histoire, mais elle n'est pas la fin de l'homme. Elle lui offre seulement le spectacle de la surenchère démagogique, des réseaux d'influence, des intrigues, souvent même de la corruption et du triomphe de la médiocrité. Une autre direction reste ouverte pour les sociétés humaines: la conquête de la liberté individuelle." (p.24)

    "Le libéral se doit d'être tolérant avec les hommes et intolérant avec les idées." (p.31)

    "Pour Maurice Allais, une société libre est désirable non pas pour des raisons de principe, mais en tant que moyen pour obtenir une économie efficiente." (p.57)

    "Si on admet qu'un individu est propriétaire de lui-même, c'est-à-dire qu'il n'est pas esclave d'autrui, on doit bien admettre qu'il est propriétaire des fruits de son activité, c'est-à-dire de ce qu'il a crée par l'exercice de sa raison. Dans la mesure où la création des richesses n'est qu'un simple prolongement de l'exercice individuel de la raison, la reconnaissance de la nature humaine d'un individu implique la reconnaissance de ses droits de propriété sur ce qu'il a créé. Le capitalisme, système d'appropriation privée des ressources, a donc un fondement éthique incontournable, puisqu'il est fondé sur la reconnaissance des droits de propriété des créateurs sur leur création. Et il est en ce sens incohérent de lutter à la fois contre le capitalisme et contre l'esclavagisme." (p.66)

    "Si deux individus ont créé des richesses, ils en sont les propriétaires exclusifs et ils agissent légitimement lorsqu'ils échangent le produit de leur activité. Dans une société sans contrainte, on est propriétaire d'une ressource soit parce qu'on l'a créée soi-même, soit parce qu'on l'a obtenue par l'échange en contrepartie d'une ressource que l'on avait créée, soit parce qu'on l'a obtenue par un don de celui qui l'avait créée. Autrement dit, le fondement de la propriété réside toujours dans un acte de création. C'est pourquoi on peut dire que le droit de propriété est inhérent à la nature même de l'homme, qu'il en est inséparable. C'est la grandeur d'une société libre -c'est-à-dire d'une société sans contrainte- que de permettre à l'homme d'agir conformément à sa nature. Ainsi, si l'on définit le libéralisme comme la défense d'une société sans contrainte, on doit dire que le libéralisme est un humanisme et même, plus précisément, que l'humanisme est indissociable du libéralisme." (p.68)

    "Si le problème de la liberté ne se pose pas pour Robinson Crusoé, le problème de la propriété ne se pose pas non plus pour lui, puisqu'elle se définit comme un droit d'exclusion par rapport aux autres." (p.69)

    "On sait en effet qu'il existe deux grandes traditions juridiques, la tradition anglo-saxonne et la tradition continentale. Dans la tradition continentale -dont le modèle le plus achevé est évidemment le Droit français et l'expression qu'il a trouvée dans le Code Napoléon- la source du droit est de nature législative. C'est la puissance publique qui a la charge de définir les droits de propriété et cette activité est si étroitement considéré comme appartenant par essence à la sphère publique qu'elle constitue l'une des justifications les plus constantes de l'existence de l'Etat: il faut bien une organisation centrale, pense-t-on, pour établir les lois communes de la société sans lesquelles aucun ordre juridique ne serait possible. Ce sont évidemment des idées de ce type qui inspirent les critiques habituelles du libéralisme d'après lesquelles l'absence d'Etat signifierait l'anarchie. Or, il n'en est rien. Un ordre social fondé sur la liberté individuelle génère parfaitement bien les règles juridiques nécessaires au maintien de cet ordre et au développement des sociétés fondées sur ces principes. Il évite les risques d'anarchie. La tradition juridique anglo-saxonne en apporte précisément la preuve. [...]
    Dans la tradition anglo-saxonne -ou tradition de la common law- la définition concrète des droits est en effet d'origine jurisprudentielle. Le juge a pour rôle de dire le Droit, c'est-à-dire de définir de manière précise les droits existants à partir des principes généraux du Droit (dont l'articulation entre création et appropriation fait naturellement partie). Il n'a pas pour rôle d'inventer le Droit et il n'est d'ailleurs pas nécessaire que quiconque joue ce rôle dans une société civilisée. En effet, la définition des droits n'est pas générale et a priori, mais elle se fait uniquement lorsque l'occasion s'en présente et à propos de cas concrets, soit parce que les personnes concernées reconnaissent spontanément les droits de chacun, soit parce qu'on fait appel au juge. Dans ce dernier cas, le fait que des plaignants se présentent devant un tribunal signifie probablement que la définition des droits de propriété était trop imprécise pour le cas en question et il convient donc de s'en remettre à la sagesse du juge pour définir concrètement ces droits. Cette tradition anglo-saxonne se retrouve d'ailleurs dans des types de civilisation extrêmement différents, aussi bien, par exemple dans le Droit traditionnel africain que dans le Droit des tribus indiennes d'Amérique latine. Et on peut imaginer que ces traditions juridiques auraient été de formidables moteurs de développement économique -comme cela semble avoir été le cas dans les pays de tradition anglo-saxonne- si la colonisation en Afrique et la destruction des Indiens en Amérique n'étaient venues bouleverser ces ordres juridiques
    ." (p.75-76)

    "Il est dépourvu de sens de parler du responsable d'un service, des responsables de l'Etat ou du responsable d'une organisation terroriste car le concept de responsabilité concerne les rapports entre les personnes et non une relation technique entre une personne et une chose. On devrait donc s'interdire d'utiliser le mot "responsable" comme substantif parce qu'aucune personne ne peut être définie de manière générale comme responsable ; elle ne peut être qualifiée de responsable qu'à partir d'actes particuliers." (p.97)

    "La responsabilité n'a de sens que dans la mesure où les rôles de chacun sont spécifiés et où on leur donne le maximum d'autonomie de décision, dans le cadre du rôle qu'ils ont acceptés de jouer, c'est-à-dire de leurs droits respectifs." (p.97-98)

    "Au niveau d'une collectivité publique -un pays par exemple- un système réglementaire est un système qui fonctionne mal, parce qu'il ne repose pas sur l'exercice de la responsabilité individuelle. Mais, par ailleurs, il conduit à l'irresponsabilité, c'est-à-dire qu'il fait perdre aux gens l'habitude d'agir en personnes responsables. On attend le commandement, on n'est plus capable de faire ce qui est en principe la caractéristique même de l'homme, c'est-à-dire réfléchir et agir." (p.98)

    "On parle de l'étalon-or de manière indistincte, comme s'il existait un seul d'étalon-or. Mais ce qui compte le plus n'est pas de savoir en termes de quel bien -or, argent, cuivre ou autre marchandise- telle ou telle monnaie bénéficie d'une garantie de convertibilité, mais qui donne la garantie de convertibilité. Est-ce une personne responsable -au sens où nous l'avons entendu- ou une personne irresponsable ? Telle est au fond la seule question qui compte." (p.99)

    "[La démocratie] doit être elle-même jugée en fonction de sa capacité éventuelle à empêcher le totalitarisme et à assurer la liberté individuelle." (p.102)

    "Il n'est pas suffisant de se préoccuper de la forme du gouvernement pour obtenir une organisation souhaitable de la société." (p.103)

    "Il n'y a pas d'autre moyen d'assurer le respect des droits, donc un régime de liberté, que de permettre la concurrence entre les institutions -et donc la liberté de choix institutionnelle des individus- ou d'instaurer la loi de l'unanimité." (p.106)

    "Les êtres humains sont des êtres sociaux, c'est-à-dire qu'ils vivent dans des systèmes de relations interpersonnelles. Ces relations sont à la fois coopératives et conflictuelles ; coopératives parce que l'homme ne peut pas survivre s'il n'entre pas dans des systèmes mutuellement avantageux ; conflictuelles parce que les ressources sont limitées et qu'il existe donc toujours un risque d'empiètement des domaines des uns par les autres. Bien entendu, le libéralisme vise à permettre la résolution pacifique des conflits, c'est-à-dire à transformer les conflits en coopérations." (p.121)

    "Parce que, comme d'habitude, les hommes ont tendance à voir ce qui est matériel et à oublier ce qui est abstrait, on a parlé, pour expliquer ce phénomène, de révolution industrielle, c'est-à-dire qu'on a mis l'accent sur les nouvelles machines et les nouveaux procédés de fabrication qui auraient permis d'abaisser les coûts de production. Mais il serait bien plus correct de parler de révolution institutionnelle. Si, pour la première fois dans l'Histoire, il a été possible d'assurer un niveau de vie croissant à des masses innombrables, alors que la richesse était restée jusque-là l'apanage d'une toute petite minorité, c'est parce qu'on a mis en place les structures juridiques qui permettaient ce développement, en particulier les sociétés de capitaux. Or, ces institutions n'ont pas été le produit d'une construction légale a priori, mais le résultat de découvertes institutionnelles spontanés et de processus de sélection par lesquels les hommes ont considéré que cette forme d'organisation sociale était la plus efficace pour la production de richesses." (p.128)

    "On ferait probablement un progrès dans la compréhension des phénomènes sociaux si l'on s'interdisait d'attribuer à des abstractions [l'Etat, l'entreprise] des capacités qui ne peuvent appartenir qu'aux êtres humains." (p.128)

    "Il est ainsi de l'intérêt commun des salariés, des prêteurs, des clients ou des fournisseurs que l'entrepreneur fasse des profits, sinon il risquerait d'être dans l'impossibilité de leur payer ce qu'il leur avait promis." (p.136-137)

    "Les incitations des propriétaires d'entreprises à créer des richesses résultent du montant du profit périodique qu'ils escomptent tirer de leur activité et de la valeur de revente de leur entreprise qui en résulte. Le profit est donc logiquement un but de l'entrepreneur et il joue un rôle déterminant pour l'inciter à entreprendre. Mais il n'est pas nécessairement un but exclusif et toutes sortes d'autres motifs peuvent expliquer le comportement d'un entrepreneur, par exemple son appétit de puissance, son souci de la renommée ou le désir de servir les autres en leur fournissant des biens qui leur sont utiles.
    Il serait par ailleurs faux de dire que le profit est l'objectif poursuivi par l' "entreprise". En effet, ainsi que nous l'avons vu, une entreprise est une réalité complexe et abstraite à laquelle on ne peut attribuer de raison et de volonté. Chacun des partenaires d'une entreprise a en fait des objectifs différents: ainsi, un salarié est probablement indifférent au niveau du profit de son entreprise, mais préoccupé par son salaire et ses conditions de travail, un prêteur est pour sa part essentiellement intéressé par le rendement et la sécurité de son prêt, etc. Le rôle de l'entrepreneur consiste précisément à rendre ces différents objectifs individuels cohérents entre eux pour que tous contribuent le mieux possible aux processus de production, de telle sorte, évidemment, qu'il en résulte un profit, faute de quoi l'entreprise ne pourrait pas continuer à fonctionner.
    " (p.137)

    "La crise profonde de notre époque est une crise de la responsabilité et le retour à la prospérité n'est lui-même que l'une des conséquences d'un changement de plus grande ampleur, la restauration de la responsabilité individuelle." (p.140)

    "En définitive, l'entreprise n'est pas et ne peut pas être une démocratie, au sens très restrictif auquel on entend ce terme généralement. Il en est ainsi, fondamentalement, parce que l'entreprise est un ensemble de contrats et non une institution. Or, cela n'a pas de sens de gérer "démocratiquement" un contrat ou un ensemble de contrats.
    La survie même de l'entreprise dépend de ceux qui la contrôlent: elle disparaît si elle cesse de rendre service à ses clients. L'Etat, lui, survit parfaitement, même lorsqu'il mécontente la grande majorité des citoyens dans l'exercice de telle ou telle activité. C'est pourquoi le parallèle entre l'organisation de l'Etat et celle de l'entreprise est totalement fallacieux. Si la démocratie est nécessaire  dans l'Etat, c'est parce que la nature de son action est de décider à la place des autres et qu'il ne subit pas de contrôle externe par la concurrence: le rôle de la règle majoritaire est -ou devrait être- de permettre aux citoyens de mieux contrôler les dirigeants. Mais sur un marché libre, le contrôle des clients sur la marche de l'entreprise existe d'emblée et le plus complètement possible.
    La démocratie est donc nécessairement une forme moins parfaite et moins efficace de l'exercice de la liberté que ne l'est le marché: on n'est pas plus libre par la démocratie que par le marché, bien au contraire.
    L'entreprise capitaliste est nécessairement au service de ses clients, mais elle tient compte de tous leurs choix, dans leur intensité et leur importance, alors que la règle majoritaire viole au moins les préférences de la minorité et parfois même celles du plus grand nombre. On comprendra donc que la comparaison de la démocratie et du marché ne peut tourner qu'à l'avantage de ce dernier.
    " (p.157)

    "C'est le marché libre qui met les entreprises au service du peuple." (p.158)

    "Considérons en effet deux marchés caractérisés par le fait qu'il existe un seul producteur sur chacun d'eux, mais qui diffèrent par ailleurs parce que, sur l'un de ces marchés il y a liberté d'entrer, alors que cette liberté n'existe pas sur l'autre marché. Ces deux situations sont apparemment identiques selon les conceptions traditionnelles qui consistent à prendre une photographie instantanée, à constater un résultat sans s'interroger sur le processus qui y a conduit. On parle alors de monopole. Mais bien entendu, ces deux situations sont fondamentalement différentes et même opposées.
    Dans le cas où il y a pas liberté d'entrer, c'est-à-dire qu'une seule entreprise -dont il importe d'ailleurs peu qu'elle soit publique ou privée- est autorisée par la puissance publique à produire certains biens ou services, le profit est le résultat non pas du fait qu'il existe un seul producteur, mais de l'exercice de la contrainte qui empêche d'autres producteurs de venir proposer un produit moins cher et meilleur. En l'occurrence, il est d'ailleurs légitime d'appeler ce profit un "super-profit", mais il serait encore plus correct de l'appeler "rente de privilège public" ; il est également légitime de dire que le monopole "exploite" le consommateur. En effet, l'entreprise ainsi protégée est moins incitée à faire des efforts d'adaptation aux besoins des consommateurs et à baisser ses prix que si elle subissait la concurrence -effective ou seulement potentielle- d'autres producteurs. Elle dispose d'un marché captif.
    Il conviendrait donc de redéfinir les mots et de parler de monopole lorsque la contrainte publique interdit l'entrée sur le marché de toutes les firmes, à l'exception de l'une d'entre elles (ou d'un petit nombre d'entre elles) qui bénéficie donc d'un privilège ; et de parler de concurrence lorsque cette contrainte publique n'existe pas et qu'il y a liberté d'entrer sur un marché, en un mot de concurrencer les firmes déjà en place.
    Dans le cas où il y a liberté d'entrer sur un marché, mais où il n'existe cependant qu'un seul producteur,
    à un moment donné, cette position spécifique résulte nécessairement des mérites particuliers de ce producteur et de sa capacité à répondre aux besoins du marché avant les autres. Ainsi, tout innovateur est nécessairement le producteur unique du nouveau produit qu'il lance, tout au moins pendant un certain temps. Mais il sait très bien que, si son produit a du succès et rapporte des bénéfices, il devra faire face à la concurrence d'imitateurs ou même de nouveaux innovateurs qui amélioreront le produit et diminueront son prix. On peut ainsi dire que la concurrence -au sens où nous l'entendons- a le grand mérite d'inciter les producteurs à rechercher une position monopolistique, c'est-à-dire -pour reprendre la conception traditionnelle- à être producteurs uniques sur leurs marchés. Et ils n'y arriveront que s'ils ont bien perçu les besoins de leurs acheteurs potentiels et bien imaginé les nouveaux processus de production. La concurrence, parce qu'elle est une force de différenciation, est donc l'aiguillon essentiel de l'innovation et du changement.
    S'il existe un seul producteur d'un bien quelconque à un moment donné, alors que la liberté de produire ce bien a toujours prévalu, il est totalement erroné de déplorer une situation qualifiée de "monopolistique" et de redouter l'exploitation des consommateurs par un entrepreneur qui prélèverait des "super-profits". Il convient en effet de se demander en effet pourquoi d'autres producteurs ne sont pas entrés sur le marché alors qu'ils étaient libres de le faire. Il se peut par exemple que la nouvelle activité leur ait semblé trop risquée, compte tenu du profit (et non du super-profit) possible, ou encore qu'ils n'aient pas été capables d'imaginer le nouveau produit ni de faire les recherches nécessaires pour le concevoir et le lancer. Les reproches que l'on peut faire ensuite à celui qui a osé et qui a réussi, sous prétexte qu'il exercerait un pouvoir de monopole, sont alors totalement dénués de sens et même de moralité. On ne peut s'en prendre qu'à soi-même si l'on n'a pas su mieux percevoir les intérêts des acheteurs ni essayer d'y répondre avant les autres.
    [...] L'idée traditionnelle selon laquelle le monopoleur pourrait percevoir un "super-profit" aux dépens de ses acheteurs est donc une idée erronée. En effet, on ne peut parler que de "super-profit" que par rapport à une norme qui, en l'occurrence, serait celle de la concurrence pure et parfaite. Mais cette référence est purement fictive ; en effet, on ne peut pas définir ce que serait le profit "normal" dans un univers où il y aurait un grand nombre de producteurs, puisque, précisément, il ne peut pas y avoir un grand nombre de producteurs pour une activité nouvelle ! Le super-profit n'est qu'un profit, c'est-à-dire un revenu résiduel, et nous n'avons aucun moyen de dire qu'il est excessif. Il ne peut paraître excessif que pour l'envieux qui aurait voulu réussir aussi bien, mais qui en a été incapable, ou pour l'homme de l'Etat qui cherche toujours des justifications pour imposer son pouvoir à ceux qui agissent librement."
    (p.170-173)

    "Rappelons les débuts peu glorieux de la Banque de France. Celle-ci était, à la charnière du XVIIIème et du XIXème siècle, une banque comme les autres, plutôt moins bien gérée et moins recommandable. Or, en 1803, Napoléon lui a accordé le privilège d'émettre les billets de banque pour une partie de la France, c'est-à-dire qu'il a interdit dorénavant aux autres banques de le faire, alors qu'elles n'avaient pas cessé d'émettre des billets dans les meilleures conditions. Mais Napoléon et sa famille étaient actionnaires de la Banque de France et ils avaient bien conscience que l'obtention d'un privilège public était le meilleur moyen d'obtenir des gains privés (aux dépens des autres)." (p.176)

    "Nous ne pouvons pas juger, en tant qu'observateurs extérieurs, du degré de diversification "optimal" dans une activité donnée. Il s'agit là d'un problème de stratégie productive qui tient compte de la perception des besoins du marché, c'est-à-dire des besoins concrets des clients. S'il y a liberté d'entrer sur le marché, on peut valablement faire l'hypothèse que les producteurs s'efforcent de répondre de la manière la plus satisfaisante possible à ces besoins. Il peut en résulter des structures productives très variées et qui d'ailleurs évoluent dans le temps: un très grand nombre de producteurs, ou un producteur unique, ou un cartel de producteurs. Toute législation qui vise à interdire certaines structures de marché censées correspondre à des pratiques anti-concurrentielles est donc nuisible: elle juge du résultat des processus -le nombre des producteurs à un moment donné- sans pouvoir évidemment évaluer les processus qui y conduisent. C'est pourquoi toute législation en faveur de la concurrence est anti-concurrentielle -en ce sens qu'elle porte atteinte à la liberté de décision, à la liberté de produire- et il est donc souhaitable qu'elle disparaisse." (p.185-186)

    "Si véritablement les hommes de l'Etat étaient capables, mieux que quiconque, de savoir à tout moment quel est le "bon" taux de change auquel il conviendrait de stabiliser le marché, pourquoi restent-ils dans la politique au lieu de faire d'immenses fortunes par leur capacité supérieure à connaître le taux de change d'équilibre ?" (p.189)

    "En aidant continuellement à la recherche des meilleurs dirigeants, la Bourse, loin de constituer un jeu à somme nulle, c'est-à-dire une simple loterie, favorise la création de richesses pour le bienfait de tous." (p.191)

    "Le marché n'est pas une sorte d'être mystérieux et mythique, un sphinx tapi dans l'ombre de la spéculation, mais tout simplement l'ensemble de ces êtres bien concrets qui passent continuellement et librement des contrats entre eux. Parler de "défaillances du marché" c'est en fait parler des défaillances de ces êtres bien concrets. Faut-il alors penser qu'il existerait deux catégories de personnes, celles qui auraient des défaillances et celles qui en seraient protégées ?" (p.193)

    "La véritable justification de toutes les politiques d'interventionnisme étatique dans les activités de production tient au désir des bureaucrates et des hommes politiques d'exercer leur pouvoir et de se substituer à ceux qui sont véritablement responsables." (p.204)

    "Toutes les interventions étatiques pour modifier les structures productives ont une conséquences paradoxale. Elles augmentent en effet la concentration de l'industrie car il y a une tendance naturelle des hommes politiques et des bureaucrates à restructurer autour d'un petit nombre de grands producteurs, ce qui leur rend évidemment plus facile le contrôle d'un secteur. C'est une raison supplémentaire d'affirmer que la prétendue tendance naturelle du capitalisme à se concentrer est en fait dans une large mesure le résultat des interventions non capitalistes. Un élément important renforce cette conclusion. En effet, la diversité des aides publiques et la complexité des procédures sont telles que les grandes entreprises ont un avantage relatif considérable par rapport aux plus petites. Elles peuvent payer des "subsidologues", spécialistes de l'obtention des aides publiques, et entretenir des liens politiques privilégiés entre leurs dirigeants et le monde de la politique ou de la haute fonction publique. Les petits et les moyens entrepreneurs paient donc pour cette politique industrielle qui ne fait que construire une nomemklatura dirigeante à la recherche d'avantages particuliers. Et bien entendu, cet avantage relatif des grandes entreprises consiste une barrière à l'entrée de firmes nouvelles, ce qui freine l'innovation. Au lieu de devenir entrepreneurs, les jeunes générations n'ont guère plus le choix que de devenir salariés des grandes organisations. Au lieu d'avoir une multitude de petites et moyennes entreprises où l'imagination puisse se développer, on aboutit à une cartellisation de l'industrie et une interpénétration croissante de l'administration et des affaires." (p.205-206)

    "Etre propriétaire d'un bien c'est pouvoir exclure autrui de toute utilisation de ce bien, de toute décision concernant ce bien." (p.210)

    "Quels que soient les décideurs dans une entreprise publique, on n'est sûr que d'une chose, à savoir qu'ils sont nécessairement irresponsables, puisque leur sort ne dépend pas de la qualité de leurs décisions. Il ne faut pas s'étonner par conséquent si tant d'entreprises publiques sont mal gérées et font supporter aux contribuables de lourds déficits. Or, il faut bien voir qu'un déficit signifie que l'activité de l'entreprise est destructrice: la valeur de ce qu'elle produit est inférieure à la valeur de ce qu'elle absorbe et elle détruit donc des richesses au cours du processus de production. Les entreprises publiques en déficit ne peuvent donc subsister qu'en prélevant sur la valeur crée par les autres." (p.211)

    "L'objectif premier des hommes de l'Etat consiste à s'attacher des clientèles, c'est-à-dire à donner des avantages bien perceptibles à des catégories bien ciblées en cachant le coût de ces privilèges." (p.212)

    "Une société libre est une société où tout individu a le droit d'agir comme il l'entend, sans subir aucune contrainte, à condition qu'il respecte les droits légitimes des autres." (p.231)

    "Si le propriétaire d'une maison refuse de la louer à quelqu'un qu'il considère comme un "étranger" (parce qu'il vient d'un autre pays, qu'il a une couleur de peau différente, une autre culture ou une autre religion), si le propriétaire d'une entreprise refuse d'embaucher pour les mêmes motifs, cela peut nous choquer, mais nous devons reconnaître qu'ils en ont le droit. Ayons en effet l'honnêteté de l'admettre, nous passons notre vie quotidienne à définir des exclusions, car personne ne possède de droits illimités sur nos biens, notre personnalité et notre temps. Il faut donc accepter le droit d'un individu à refuser certains individus dans sa maison, dans son entreprise, dans sa copropriété, quelles qu'en soient les raisons, même si le refus tient à ce que ces individus sont perçus comme "étrangers". C'est un fait: les êtres humains sont tous différents et chacun a ses préférences en fonction de critères impénétrables. C'est bien pourquoi nous avons des amis: avoir un ami c'est avoir quelque chose en commun avec autrui, mais c'est aussi exclure les autres des relations d'amitié. Si la loi était cohérente, elle devrait punir le fait d'avoir des amis -c'est-à-dire d'exclure les autres des relations d'amitié- puisqu'elle condamne ce qu'on appelle la "discrimination raciale"." (p.232-233)

    "La liberté de se déplacer n'implique pas que n'importe qui a le droit d'aller où bon lui semble. Les droits de chacun trouvent en effet pour limites les droits légitimes des autres. [...] La liberté de circulation [n'implique] donc pas que n'importe qui aurait le droit d'entrer sur la propriété d'autrui sans son consentement." (p.240)

    "Une société ne peut être que barbare ou civilisée: elle est barbare lorsque les droits individuels ne sont pas respectés, elle est civilisés dans le cas contraire." (p.258)

    "L'intérêt général n'existe pas [...] Il ne constitue rien d'autre qu'un alibi pour satisfaire les uns aux dépens des autres." (p.259)

    "Désormais il y a conflit entre ceux qui désirent défendre leurs droits légitimes et ceux qui veulent les détruire et qui n'ont de droits qu'acquis par la force sur autrui. Peu importe qu'ils soient riches ou pauvres, il y a des spoliés et des spoliateurs." (p.264)

    "Il n'y a pas de raison de faire payer quelqu'un pour un service qu'il n'a pas sollicité." (p.285)

    "Aux Etats-Unis comme en France, il paraît en tout cas établi que la vitesse effective a augmenté depuis l'instauration des limitations de vitesse. Or la baisse des taux d'accidents a été, elle aussi, continue. Si la vitesse constituait effectivement la cause essentielle des accidents, on aurait dû constater une chute brutale des accidents lors de la mise en place des limitations, puis une lente augmentation au fur et à mesure que la vitesse effective augmentait. Il n'en a rien été." (p.297)

    "Ceux qui devraient mériter notre attention et notre estime dans le monde moderne ne sont pas ceux qui sont placés sous les feux de l'actualité, mais tous ces êtres anonymes qui bravent les oukases absurdes de l'administration et du législateur." (p.312)

    "La responsabilité est la contrepartie de la liberté." (p.323)

    "La justification fondamentale du marché, ou plus précisément d'un système de droits de propriété privés et de choix individuels, n'est pas l'efficacité d'un tel système -pourtant indéniable- ou sa capacité à assurer le "bien commun". Sa justification est d'ordre moral: le marché fondé sur des droits de propriété légitimes est "juste" parce qu'il est conforme à la nature humaine et qu'il permet donc l'exercice de la responsabilité individuelle." (p.330)

    "Le concept même de "répartition des richesses" est dénué de sens car toute richesse est créée par quelqu'un et appartient à quelqu'un." (p.330)

    "Le refus de laisser aux citoyens leur liberté de choix repose sur une conception de type totalitaire consistant à penser que la plupart des hommes sont "irrationnels" et incapables de savoir ce qui leur convient le mieux." (p.333)

    "Partout où les technocrates et les hommes de l'État substituent leurs propres choix à ceux des citoyens, la satisfaction des besoins est moins bien assurée." (p.334)

    "La thèse habituelle de la relance par la consommation constitue une erreur intellectuelle majeure: l'épargne en effet ne disparaît pas du circuit économique, bien au contraire, elle est investie, elle permet la croissance future. Par conséquent, la seule relance imaginable est la relance par l'épargne." (p.353)

    "L'actuelle interdiction de fumer "dans tous les lieux affectés à un usage collectif qui sont fermés et couverts, qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail" donne aux agents de l'État la possibilité d'entrer dans des lieux essentiellement privés pour y contrôler le comportement des occupants. Le développement des dispositions contractuelles dans les entreprises aurait été autrement plus efficace et plus juste en conduisant, par exemple, à déterminer les droits de fumer lors de l'embauche." (p.376)

    "Dans la mesure où elle repose sur le respect des droits d'autrui, [la société libérale] consiste essentiellement à établir des barrières devant l'exercice illimité de l'esprit de lucre." (p.383)

    "Quand on regarde la carte de l'évolution des forêts au cours des décennies récentes, il est frappant de constater que leur superficie a augmenté de manière significative dans certaines zones du monde et diminué fortement dans d'autres. Or cette évolution est fortement corrélée au régime juridique: la forêt a progressé là où elle est majoritairement privée, par exemple en Europe ; elle a diminué là où elle fait l'objet d'une propriété étatique, par exemple en Afrique et en Asie." (p.387)

    "Aussi longtemps qu'il n'y a pas de victimes concrètes, le problème du dommage est purement mythique." (p.394)

    "Devant la nécessité, l'esprit humain trouve de nouvelles ressources." (p.408)

    "C'est un des paradoxes de notre époque qu'il soit généralement considéré que l'Etat a un rôle particulier à jouer pour assurer le plein-emploi, alors que le chômage résulte précisément de l'interventionnisme étatique. La question qu'il faut en effet se poser pour comprendre le problème du chômage est la suivante: comment peut-il se faire qu'un plus grand nombre d'heures de travail ne puisse pas être obtenu dans un pays donné, alors qu'un grand nombre d'individus susceptibles de travailler se trouvent au chômage ? Poser cette question, c'est déjà en grand partie y répondre. Elle implique en effet que le chômage provient du fait qu'un travailleur potentiel et un employeur potentiel n'arrivent pas à se mettre d'accord. Ou bien les conditions offertes par employeurs ne satisfont pas les travailleurs, ou bien les conditions qu'il faudrait offrir aux salariés ne sont pas rentables pour les employeurs. Autrement dit, le chômage ne constitue pas une sorte de fatalité inexplicable, il n'est pas le produit d'une mécanique globale implacable, il est le résultat de décisions humaines dans un environnement spécifique.
    Mais si un contrat n'est pas signé entre deux personnes, c'est qu'il est impossible de trouver des conditions satisfaisantes pour les deux. Cela peut paraître étrange. Et cela serait étrange, en effet, si l'on raisonnait dans le cadre d'une société où les contrats sont librement signés. Il existerait alors nécessairement des conditions du contrat satisfaisantes sur lesquelles deux parties pourraient se rencontrer. En particulier, en ce qui concerne le contrat de salaire auquel un salarié préférerait travailler qu'être au chômage et auquel il pourrait trouver un employeur, c'est-à-dire quelqu'un qui préfère l'embaucher plutôt que de se priver d'une occasion de profit. Mais nous ne nous trouvons pas dans une situation de liberté conractuelle et le chômage est donc le résultat d'une situation où de nombreux contrats ne peuvent pas être librement signés. Telle est bien, en effet, la situation française.
    Le Droit du travail, les conventions collectives, le salaire minimum, qui sont autant d'obstacles à une libre négociation du salaire et conditions de travail, constituent autant d'obstacles à l'emploi. Prenons l'exemple du salaire minimum. Si un salarié coûte plus cher qu'il ne rapporte à un employeur potentiel, compte tenu non seulement du niveau de ce salaire, mais aussi de l'ensemble des coûts obligatoires qui s'y ajoutent, il est bien évident qu'il ne sera pas embauché. Depuis le début des années 1980, les gouvernements français ont, par pure démagogie, augmenté le salaire minimum bien plus rapidement que ce qui aurait été rendu possible par les progrès de la productivité dans la plupart des entreprises. Ils ont, par là même, exclu du marché du travail un grand nombre de personnes. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes et il ne faut donc pas s'étonner si la France a ce triste privilège d'être parmi les pays où le chômage des jeunes est le plus élevé. Or si un jeune avait la possibilité d'entrer sur le marché du travail à un salaire plus faible que l'actuel salaire minimum, il aurait ainsi une chance se professionnaliser, de se former, d'augmenter sa productivité, de telle sorte que, dans beaucoup de cas et au bout d'un certain temps, il pourrait finalement obtenir un salaire plus élevé que ce fameux salaire minimum qui constitue pour lui une terrible barrière. De manière générale, ceux qu'on appelle les "exclus" ne sont pas les victimes d'une société égoïste et vouée à la recherche du profit, ils sont en général les victimes d'un système protéger les plus faibles.
    Prenons le cas des "sans domicile fixe" (SDF). La télévision présente de temps en temps des portraits de quelque-uns de ceux qu'on appelle ainsi. Ces portraits sont-ils fidèles, sont-ils "représentatifs", comme on le dit dans ce jargon qui prétend ramener chaque individu à une typologie sociale ? Il est difficile de le savoir. Mais une chose frappe chez certains de ces hommes et de ces femmes: c'est l'expression terrible d'une déchéance qui semble irréversible, d'un sort contre lequel il est devenu vain de lutter. Ces hommes et ces femmes ont connu une vie normale, ils ont gagné leur vie, ils ont été insérés dans des familles, se sont intéressés aux problèmes du monde. Ils savent s'exprimer, réfléchir. On ne peut alors éviter une question cruciale et choquante: comment peut-il se faire qu'aucun d'entre eux ne puisse à nouveau s'insérer dans les rythmes normaux d'une société, c'est-à-dire travailler et recevoir un revenu ?
    Beaucoup de ces êtres humains seraient capables de créer des richesses et c'est peu un scandale pour l'esprit que, dans nos sociétés modernes, ils se trouvent ainsi empêchés de le faire et qu'ils ne vivent donc que d'expédient ou d'assistance. C'est pourquoi la recherche des causes est importante. Le raisonnement n'est pourtant pas très difficile à faire à partir du moment où on veut bien abandonner les considérations vagues et générales de type collectiviste consistant à dire que la société moderne fabrique des exclus et qu'il convient d'avoir une société plus humaine et plus généreuse (alors que la générosité ne peut conduire qu'à l'assistance et donc au maintien de l'exclusion). Une question bien plus simple doit en fait être posée: comment se fait-il qu'aucun individu -dans ce monde supposé peuplé d'égoïstes- ne trouve intérêt à faire travailler ces personnes ? L'être humain étant rationnel, lorsqu'il existe un occasion de profit, quelle qu'elle soit, à un coût qui est inférieur à ce qu'elle rapporte, on l'emploie. S'il existe des SDF c'est donc que personne n'a intérêt à utiliser leurs capacités présentes.
    Pour quelle raison ? Prenons un SDF quelconque. Il existe forcément un niveau de rémunération et un coût de son travail tels qu'il puisse être rentable d'acheter ses services. Mais voilà, la législation interdit d'embaucher en dessous d'un certain niveau de salaire, auquel s'ajoutent toutes sortes de cotisations obligatoires. Certes, si le salaire minimum a été crée, c'est bien parce qu'on lui trouvait des justifications. La plus évidente traduit l'opinion courante selon laquelle il n'est pas possible de vivre décemment en dessous d'un certain revenu. Il existe pourtant d'autres moyens d'assurer un niveau de vie minimum, par exemple les transferts privés ou publics, mais on a choisi d'utiliser les entreprises comme un intermédiaire dans la redistribution. Cette méthode avait probablement la mérite, aux yeux des gouvernants, de réaliser les transferts d'une manière moins visible (sauf, peut-être, pour les entrepreneurs) que s'il avait fallu prélever des impôts supplémentaires à cet effet. Outre le fait que le coût du travail en est ainsi modifié, cette modalité de transfert a l'inconvénient d'être "aveugle", en ce sens que le "revenu minimum" d'un jeune célibataire vivant chez ses parents ne devrait pas être le même que celui d'un père de famille. Par ailleurs, le taux des cotisations sociales a beaucoup augmenté depuis la création du salaire minimum, accroissant d'autant les effets du salaire minimum sur le coût du travail. Une autre justification fréquente du salaire minimum consiste aussi à penser qu'en son absence, les employeurs paieraient à un salarié un salaire beaucoup plus faible que sa productivité, ce qui lui permettrait d'accroître d'autant ses profits. Dans cette optique, le salaire minimum est conçu non pas tellement comme un mode de transfert, mais plutôt comme une protection des salariés par rapport à leurs employeurs, ces derniers étant censés avoir plus de poid que les premiers dans les négociations salariales.
    Quelles qu'en soient les justifications effectives, du fait de l'existence de ce salaire minimum il n'y a plus que deux possibilités: ou bien on travaille et on reçoit le salaire minimum légal ainsi qu'un ensemble de services d'assurances obligatoires ; ou bien on ne peut pas travailler, pour les conditions imposés, et on ne reçoit ni revenu ni sécurité (en dehors d'allocations temporaires et d'éventuels petits travaux au noir). Le salaire minimum est donc une monstrueuse machine à créer de la pauvreté et de l'exclusion. Il repose sur l'idée, elle aussi choquante, que tous les "travailleurs" sont interchangeables et qu'ils doivent donc tous recevoir un salaire minimum identique, alors que chacun est différent et a une productivité différente à un moment donné. On oublie aussi que l'être humain n'est pas immuable et celui qui est peu productif à un moment, par exemple parce qu'il commence un travail auquel il n'est pas encore parfaitement adapté, peut développer de nouvelles capacités et justifier ainsi peu à peu un salaire de plus en plus élevé. Le drame du salaire minimum c'est qu'il constitue une barrière à l'entrée et qu'il empêche ceux-là mêmes qui en auraient le plus besoin -par exemple ceux qui n'ont pas eu la chance d'obtenir une formation initiale suffisamment poussée- de développer leurs potentialités. Or, une vision mécaniciste conduit à ne voir dans un "travailleur" qu'une sorte de force brute et non un être humain susceptible de changer.
    Le salaire minimum repose en fait sur cette idée, héritée du romantisme révolutionnaire, qu'un employeur est nécessairement un exploiteur et qu'il faut donc le forcer à payer un salaire décent. Qu'il y ait des employeurs sans scrupules c'est évident, de même qu'il existe des salariés sans scrupules. Mais la grande erreur des législations est de vouloir empêcher les "abus": par les interdictions qu'elles mettent en place, c'est toutes sortes d'actions humaines,  bénéfices pour tous, qui deviennent ainsi interdites. [...] En voulant empêcher les abus des employeurs, elle leur impose des salaires supérieurs à la productivité de certains de leurs salariés potentiels, elle les incite à ne pas embaucher. Or, un employeur connaît son propre intérêt. Il est donc en général capable de reconnaître l'apport spécifique de chacun à son entreprise et donc de la rémunérer en conséquence pour éviter de le voir partir, risquant ainsi de ne garder que les plus mauvais. Ceci est d'autant plus vrai que l'évolution technique a pratiquement supprimé les tâches purement mécaniques et qu'elle rend au contraire nécessaire une adaptation de plus en plus fine de chacun à son travail.
    Les individus ne sont pas interchangeables, nous l'avons dit, leur productivité dépend de l'environnement où ils se trouvent, des rapports qu'ils établissent avec les autres dans une entreprise, elle évolue dans le temps différemment pour chacun. C'est cette grande diversité qu'il convient de maintenir en laissant à chacun sa chance. Le salaire minimum, pour sa part, empêche cette adaptation continuelle des capacités et des rémunérations, il tue l'avenir.
    Si on le supprimait, il faut bien voir que ceux qui sont actuellement payés au niveau correspondant ne verraient pas baisser leur salaire. En effet, s'ils sont employés, c'est bien que leur productivité est supérieure au salaire minimum. La seule conséquence de cette suppression serait de permettre l'entrée sur le marché du travail d'une foule d'êtres humains dont la productivité, à un moment donné tout au moins, est inférieure au salaire minimum et de leur donner la chance d'améliorer leur sort.
    Dans le climat terrorisant de la "pensée unique" qui domine la France, il faut du courage pour réclamer la suppression du salaire minimum. On a tôt fait d'interpréter cette position comme l'expression du désir de favoriser les "patrons" aux dépens des salariés. On l'aura, je l'espère, compris, il s'agit bien au contraire, de donner leur chance aux moins favorisés. C'est pourquoi on doit considérer comme un devoir moral de réclamer la suppression du salaire minimum.
    ." (p.414-48)

    "La diminution autoritaire de la durée du travail, évidemment illustrée de manière éclatante par la loi des 35 heures, relève d'une vision malthusienne et statique de l'activité humaine. Elle consiste à penser qu'il existe un nombre limité d'emplois dans un pays, pour une raison mystérieuse, et qu'il conviendrait que les détenteurs du savoir -c'est-à-dire en réalité les détenteurs du pouvoir- répartissent ces emplois de la manière considérée comme la plus "socialement utile". Cette vision est exactement la même que celle d'une extrême-droite d'après laquelle il faudrait limiter l'immigration parce que, le nombre d'emplois étant limité, les immigrés "prennent des emplois" aux nationaux." (p.426)

    "Pour que [l]es monnaies répondent le mieux possible aux besoins de leurs utilisateurs -ce qui permet de parler de systèmes monétaires optimaux- il faut évidemment qu'il y ait liberté d'entrer sur le marché de la monnaie, c'est-à-dire que l'on mette fin aux monopoles accordés par les Etats à leurs banques centrales pour la création monétaire." (p.431)

    "Dans un système décentralisé, c'est-à-dire un système où chaque banque émet sa propre monnaie et lui donne une garantie de convertibilité en termes d'un autre bien (par exemple l'or), si une banque fait une mauvaise politique -surexpansion monétaire- elle risque fort de faire faillite, car les clients de cette banque fuient une monnaie dont la garantie de convertibilité paraît de moins en moins crédible. Si l'émetteur de monnaie est un propriétaire privé, donc responsable, il est incité à ne pas faire de création monétaire excessive, précisément pour éviter la faillite. Le risque systémique apparaît lorsque le processus de décision est centralisé et que les décisions sont prises par des personnes irresponsables, ce qui est le cas des autorités monétaires: si la banque centrale fait une politique monétaire trop expansionniste, elle crée un risque systémique, puisque c'est l'ensemble du système monétaire qui crée trop de monnaie." (p.432)

    "Passer du contrat volontaire entre propriétaires légitimes à la contrainte étatique, c'est bien passer de la civilisation à la barbarie." (p.438)

    "La substitution d'une monnaie unique aux monnaies existantes est inutile et même nuisible. Il serait préférable que les monnaies européennes -qu'il s'agisse des monnaies existantes ou des monnaies qui pourraient être crées dans le futur- se concurrencent et que le marché -c'est-à-dire les utilisateurs de monnaies- choisisse les monnaies les plus aptes à satisfaire les besoins de monnaie." (p.476)
    -Pascal Salin, Libéralisme, éditions Odile Jacob, 2000, 506 pages.

    "Le mot « nation » pose lui-même problème pour un libéral."

    "Dire que l’être humain est libre c’est dire qu’il est propriétaire de soi-même."
    -Pascal Salin, Intervention au colloque "Les idées libérales vont-elles transformer les doctrines militaires et les armées ?", organisé par La Fondation pour la Recherche Stratégique et Le Laboratoire d’Économie Publique (Université Panthéon-Assas), Le jeudi 30 janvier 2003 (amphi Suffren du CESM – Ecole militaire).

    https://www.entreprendre.fr/non-la-france-nest-pas-liberale/

    https://www.bastiat.net/le-cercle/

    https://www.contrepoints.org/2019/01/28/335754-les-reformes-souhaitables-de-la-fiscalite-et-des-activites-etatiques



    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Jeu 16 Juil - 19:04, édité 1 fois


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    Pascal Salin, Libéralisme, « Non, la France n’est pas libérale » & autres textes Empty Re: Pascal Salin, Libéralisme, « Non, la France n’est pas libérale » & autres textes

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 24 Mar - 14:46

    "S'il est un domaine où il semble impossible de laisser jouer les simples intérêts privés et les motivations individuelles, n'est-ce-pas celui de l'environnement puisqu'il s'agit par définition de problèmes globaux et non de problèmes individuels ? Comment par conséquent des individus séparés pourraient-ils agir de manière à protéger l'environnement ou à en améliorer la qualité ? Ce serait le cas, en particulier, pour les problèmes d'environnement global (lutte contre l'effet de serre, défense de la couche d'ozone, maintien de la bio-diversité, etc.). En effet, si chaque "citoyen du monde" profite des actions visant à maintenir ou à améliorer la qualité de l'environnement, chacun, individuellement, est incapable de les prendre en charge. En d'autres termes, aucun individu n'est incité à supporter les coûts qu'impliquent de telles actions, puisqu'il sait bien que ses actes sont de trop faible importance pour avoir une influence quelconque sur l'environnement. Si la plupart des hommes pensent ainsi -en dehors de quelques militants de l'écologie particulièrement motivés- il en résulte que l'environnement risque de se dégrader continuellement.
    En d'autres termes encore, les ressources globales -l'air pur, l'eau, l'atmosphère- ne pouvant pas être appropriées et étant considérées par nature comme "collectives", elles devraient nécessairement faire l'objet de procédures de gestion publiques. Faute de quoi, chacun aurait intérêt à utiliser ces ressources, à les polluer, mais pas à les reconstituer et à les améliorer.
    C'est cette idée qui a été à l'origine même de la conférence de Rio de Janeiro en juin 1992. Étant donné que certains problèmes concernent l'ensemble de l'humanité ou la totalité de la planète, l'action publique d'un seul Etat serait même considérée comme insuffisante. Il faudrait donc, non seulement des politiques publiques, mais même des politiques publiques coordonnées.
    Dans ces conditions, les plus farouches défenseurs des droits individuels ne devraient-ils pas alors concéder ce terrain aux étatistes ? […] Pourtant, dans ce domaine comme dans les autres, l'exercice de la raison doit se substituer aux réactions instinctives et conduire à reconnaître que les seules et vraies solutions sont individuelles et qu'elles reposent sur les droits de propriété
    ." (pp.381-382)

    "Si, jusqu'à une date récente, les éléphants d'Afrique étaient en voie de disparition, c'est précisément parce qu'ils constituaient un "patrimoine de l'humanité", c'est-à-dire qu'ils n'appartenaient à personne parce qu'ils appartenaient à tout le monde. Dans ces conditions, c'est évidemment l'intérêt de chacun d'essayer de s'approprier les richesses correspondantes, mais pas de les reconstituer: les gains sont privés, mais les coûts sont collectifs, alors que dans une économie capitaliste, c'est-à-dire une économie de droits de propriété, les gains et les coûts correspondants sont privés. Lorsque les éléphants constituent un "bien collectif", chacun a intérêt à les tuer pour en utiliser l'ivoire ou la viande, mais personne n'a intérêt à les protéger. Certes, les Etats peuvent s'efforcer de réglementer, d'interdire et de sanctionner, mais ceux qui doivent faire respecter ces réglementations, ces interdictions ou ces sanctions, s'ils peuvent être de bonne volonté, peuvent aussi être indifférents, dans la mesure où ils n'ont aucun bénéfice particulier à tirer de leurs actions de protection, et ils risquent même de devenir complices des braconniers qui tuent les éléphants: comme toujours, la corruption est fille de la réglementation.
    La prise en charge de la réglementation par la "communauté internationale" (c'est-à-dire par ceux qui s'en proclament les représentants) n'arrange rien et induit au contraire ce que l'on appelle des "effets pervers" faute d'avoir compris que ces effets sont malheureusement "normaux" et prévisibles dès lors que l'on s'interroge sur les motivations effectives des actions humaines. Ainsi, la Convention internationale sur les espèces menacées a interdit le commerce de l'ivoire en pensant que cela conduirait à la diminution ou à la disparition des actes illégaux de braconnage, devenus non rentables. Mais, dans la mesure où la demande d'ivoire persiste, un marché noir s'instaure nécessairement. Le prix qui s'établit sur un tel marché est bien supérieur à ce qu'aurait été le prix sur un marché libre car il incorpore une prime de risque importante sans laquelle les braconniers hésiteraient à se lancer dans des actes illégaux. Le prix devient alors suffisamment rémunérateur pour inciter les plus aventureux à se lancer dans les activités illégales. Dans la mesure où ils s'approprient des ressources qui ne leur appartiennent pas, ils ne respectent évidemment pas les règles de base d'une véritable société libérale. Ils sont certes inspirés par l'esprit de lucre, mais celui-ci est la "chose du monde la mieux partagé" et il ne caractérise en rien le fonctionnement d'une économie libérale. Bien au contraire, celle-ci, dans la mesure où elle repose sur le respect des droits d'autrui, consiste essentiellement à établir des barrières devant l'exercice illimité de l'esprit de lucre
    ." (pp.382-383)

    "Comment, alors, protéger les éléphants et, avec eux, toutes les espèces menacées ? Tout simplement en les privatisant. A partir du moment où les éléphants appartiennent à des individus ou des groupes d'individus bien spécifiés, ces derniers ont intérêt non seulement à exploiter les éléphants, mais à les "créer", c'est-à-dire à favoriser les naissances et à protéger leur croissance, puisque la possession d'un droit de propriété permet d'exclure autrui de l'usage d'une ressource: le propriétaire d'un éléphant et lui seul peut décider de l'abattre, de vendre son ivoire et sa viande. Il a donc tout intérêt à empêcher les autres de tuer ses éléphants et à en faire apparaître de nouveaux. Il en va de l'éléphant comme de n'importe quelle autre ressource: si les vaches, les bœufs et les taureaux avaient été considérés comme des "biens collectifs", à l'instar des éléphants, il y a longtemps sans doute qu'ils auraient disparu ou qu'ils auraient été déclarés membres d'une espèce en voie de disparition… Et un quelconque "accord international sur l'interdiction du commerce de la viande de bœuf" n'aurait évidemment pas pu enrayer le processus.
    Or la privatisation des éléphants n'est pas qu'une vue de l'esprit. Si elle est en fait réalisé depuis longtemps, par exemple, dans les parcs nationaux, en particulier en Afrique du Sud, elle est devenue la pratique légale normale d'un pays comme le Zimbabwe depuis quelques années. A vrai dire, il ne s'agit pas exactement de la création de droits individuels, les éléphants étant plutôt devenus la propriété de communautés villageoises ou de familles élargies. Mais il n'en reste pas moins vrai que cette modification juridique a transformé le sort des éléphants. Désormais, les villageois, au lieu d'être des spectateurs indifférents ou des acteurs conscients des massacres d'éléphants, sont devenus les gestionnaires rationnels d'une exploitation optimale des troupeaux d'éléphants. Le capitalisme pastoral a remplacé le collectivisme, pour le plus grand bienfait des populations et des éléphants… Dès lors, les villageois considèrent les éléphants comme des ressources non seulement renouvelables, mais à renouveler. Et si les troupeaux deviennent trop importants par rapport à ce que l'environnement permet de supporter, on adapte leur dimension en en tirant des ressources. Les résultats de cette privatisation sont tellement spectaculaires qu'en une quinzaine d'années, on est passé d'une situation où les éléphants étaient en voie d'extinction à une situation où ils sont au contraire surabondants, au point qu'il est nécessaire d'organiser régulièrement des ventes aux enchères au cours desquelles les résidents du pays ou d'autres pays voisins peuvent acheter des animaux -non seulement des éléphants, mais aussi des girafes, des buffles ou des impalas- qui permettront de reconstituer leurs propres troupeaux ou de se lancer à leur tour dans l'élevage.
    A titre d'exemple, les villages du district de Nyaminyami ont perçu 467 000 dollars en trois ans grâce à la vente de permis de chasse, à l'organisation de safaris-photos ou à la vente de viande. On constate simultanément une très forte diminution du braconnage. La privatisation des éléphants permet donc à la fois de fournir des ressources non négligeables à des populations pauvres et de sauvegarder des espèces que l'on croyait en danger. Le Zimbabwe compte maintenant parmi les pays qui réclament la fin de l'embargo sur le commerce de l'ivoire et on peut régulièrement lire dans la presse française des cris d'indignation unanimes contre cette horrible pression mercantiliste qui s'exercerait aux dépens de pauvres animaux innocents. Mais la "communauté internationale" n'en a pas moins été forcée de battre en retraite et d'accepter une libéralisation limitée, puisque le commerce de l'ivoire en provenance d'un petit nombre de pays d'Afrique et -curieusement- uniquement à destination du Japon a été récemment autorisé.
    Les tortues marines n'ont pas eu la même chance que les éléphants. En effet, il existait il y a quelques années deux fermes à tortues, l'une aux îles Caïmans, l'autre à Tahiti. L'intérêt de leurs propriétaires était évidemment de tout faire pour perpétuer l'espèce, en particulier en protégeant les œufs contre les rapaces -qui suppriment environ 90% de la ponte- ou contre les humains, et en assurant le développement régulier et le renouvellement des tortues. Mais, hélas, les écologistes sont passés par là et ils ont fait interdire le commerce de l'écaille de tortue. Les fermes à tortues ont donc dû fermer, faute de débouchés. Mais cela n'empêche évidemment pas la capture illégale des rares spécimens qui subsistent. Il est maintenant presque certain, grâce à la réglementation internationale sur la protection des tortues, que celles-ci vont disparaître.
    On peut multiplier les exemples, ils aboutissent tous à la même conclusion: seules l'instauration du capitalisme, c'est-à-dire d'un régime de droits de propriétés privés, et la suppression du collectivisme permettent de défendre les espèces animales menacées et l'environnement. Et ce que l'on constate pour les espèces animales est également vrai, bien évidemment, pour les espèces végétales.
    " (pp.383-386)

    "Ainsi, il est constant de dénoncer la destruction des forêts tropicales par les grandes sociétés multinationales, symboles d'un capitalisme apatride et destructeur. Uniquement mues par le souci de maximiser leurs propres profits, elles coupent des arbres centenaires, pratiquent de larges saignées dans les forêts et, ce faisant, portent atteinte à ce "poumon de l'humanité" que seraient les forêts tropicales, en particulier la forêt amazonienne. Dans la description de ce carnage, on oublie cependant de préciser une chose, à savoir que ces grandes sociétés ne sont pas propriétaires de la forêt, mais qu'elles bénéficient seulement d'une concession accordée par le véritable propriétaire, l'Etat. De là vient tout le mal. En effet, un régime de concession n'accorde au bénéficiaire que deux attributs du droit de propriété, l'usus et le fructus, mais pas l'élément essentiel, l'abusus, qui reste aux mains de l'Etat.
    Si des entreprises privées, véritablement capitalistes, pouvaient se porter acquéreurs de droits de propriété intégraux sur les forêts tropicales, les conséquences en seraient considérables. Elles seraient incitées à reconstituer et même à développer les plantations car la valeur de leurs terrains dépendrait évidemment de la valeur des arbres susceptibles d'y être coupés dans le futur. Il en irait ainsi même si les arbres mettent cent ans à pousser. En effet, le raisonnement rationnel d'un propriétaire -c'est-à-dire d'un titulaire de l'abusus- consiste à envisager la valeur de ses terres à différentes dates du futur. Or, la valeur des terrains dans trente ans, par exemple, est elle-même déterminée non pas seulement par la valeur des arbres que l'on pourra couper à cette époque (peut-être nulle), mais également par la valeur des arbres que l'on pourra couper soixante-dix ans plus tard. Autrement dit, même si l'on envisage de vendre dans trente ans un terrain dont on a coupé les arbres aujourd'hui et sur lequel les nouveaux arbres mettront cent ans à pousser, la valeur future de ce terrain sera d'autant plus grande que l'on aura planté plus d'arbres aujourd'hui et que l'on s'approchera plus de la date à laquelle la forêt deviendra exploitable. Le droit de propriété permet de capitaliser les actions futures, de transporter les valeurs dans le temps.
    Dans un régime de concession, au contraire, l'intérêt du concessionnaire consiste évidemment à exploiter la ressource au maximum, mais pas à la reconstituer, puisque le rendement futur des sacrifices effectués aujourd'hui ne sera pas perçu par lui. Il y a donc incitation à détruire et non à créer. Le véritable coupable de la destruction des forêts tropicales n'est donc pas le forestier -qui ne fait que s'adapter au régime juridique qu'on lui propose- mais l'Etat: utilisant son monopole de la contrainte légale, il a pris possession des forêts et, au lieu de les vendre, il n'accorde que des droits de concession. Ce faisant, il néglige par ailleurs allégrement les "droits de premiers occupants" des populations installées dans ces forêts. Bien entendu, on imagine facilement que cette particularité juridique conduise les entreprises bénéficiaires de concessions à se comporter en nomenklaturistes et non en entrepreneurs innovateurs. Et pour obtenir une concession, la corruption facilite bien les choses. Une insuffisance de droits de propriétés privés conduit donc à la collusion entre le pouvoir étatique et les rentiers nomemklaturistes. Nous sommes aux antipodes du capitalisme. Si les écologistes du monde entier comprenaient les mécanismes institutionnels -ce qui ne devrait pas demander un effort intellectuel trop important- ils seraient les plus fervents défenseurs d'un véritable capitalisme mondial. Ainsi, seul le régime de la propriété privé -inhérent au capitalisme- permettrait à la fois de reconnaître les droits ancestraux des Indiens d'Amazonie et de renouveler les ressources forestières.
    Quand on regarde une carte de l'évolution des forêts au cours des décennies récentes, il est frappant de constater que leur superficie a augmenté de manière significative dans certaines zones du monde et diminué fortement dans d'autres. Or cette évolution est fortement corrélée au régime juridique: la forêt a progressé là où elle est majoritairement privée, par exemple en Europe ; elle a diminué là où elle fait l'objet d'une propriété étatique, par exemple en Afrique et en Asie.
    Et puisque nous parlons des forêts, pourquoi ne pas s'intéresser à des forêts plus proches de nous, par exemple les forêts méditerranéennes ? Celles-ci sont régulièrement la proie des flammes et la réaction constante lors de ces événements consiste à réclamer la création d'un "conservatoire de la forêt", c'est-à-dire d'un patrimoine collectif. La nationalisation des terres serait donc considérée comme la solution au problème des incendies, comme si le feu avait la bonne habitude d'éviter les terres publiques, mais pas les terres privées.
    Pourquoi, en effet, les propriétaires privés de forêts seraient-ils plus indifférents au risque d'incendie que les propriétaires publics ? Existerait-il dans ce cas une exception au principe général selon lequel la propriété privée est le moyen le plus sûr de rendre les gestionnaires responsables ? Ne faut-il pas penser plutôt que, si le conservatoire des forêts méditerranéennes voyait le jour, on devrait affronter dans quelques années les risques nés du mauvais entretien de ses forêts, laissées à l'abandon faute de moyens, mais surtout faute de responsables ?
    En réalité, si les propriétaires privés semblent actuellement dans l'incapacité de préserver leurs biens, en particulier grâce au débroussaillement, c'est parce que les atteintes au droit de propriété sont déjà extraordinairement profondes, de telle sorte que les terres ne sont pas suffisamment rentables. Comme dans tous les autres domaines de l'activité humaine, une véritable politique libérale consiste à restaurer la propriété individuelle. Pour le moment, en effet, l'administration, méfiante à l'égard de la propriété privée, empêche en maints endroits la construction d'habitants individuelles et préfère promouvoir des ZAC et autres zones au nom barbare sur lesquelles on impose des concentrations humaines. Or, des propriétaires de maisons en zone forestière (éventuellement construites sur des terrains de plusieurs hectares préservant largement la nature) seraient beaucoup plus incités à protéger leur environnement, car la valeur de leurs biens en serait considérablement accrue. Et bien évidemment la rentabilité accrue d'une forêt qui ne rapporte à peu près rien pour le moment rendrait l'entretien plus facile à assumer. On pourrait d'ailleurs considérer comme légitime de déduire les frais de débroussaillement de l'assiette de l'impôt sur le revenu, tout au moins si l'on acceptait de manière générale la déductibilité générale de l'épargne: les dépenses en question consistent en effet non pas à obtenir des satisfactions immédiates, mais à maintenir la valeur d'un capital.
    Il faut d'ailleurs se méfier de la notion de "conservation" et de "conservatoire". Si les hommes avaient été soumis, depuis l'origine des temps, à des gouvernements désireux de créer des "conservatoires" de la nature, les paysages de Toscane ou les jardins japonais n'existeraient pas. Les hommes -pas seulement et même surtout pas les gouvernants et leurs administrations- sont capables d'inventer de la beauté et d'améliorer leur environnement, pourvu qu'on les laisse libres de le faire. Quel intérêt peut-on trouver à "conserver" un littoral ou une forêt, au moyen des "conservatoires" correspondants, si ceux-ci ne constituent que des aires sauvages, inaccessibles et sans beauté, faute d'entretien et d'imagination, risquant d'ailleurs même de devenir la proie des flammes ?
    Une "richesse naturelle" n'est pas véritablement une richesse, n'a même pas d'existence aussi longtemps qu'elle ne satisfait pas des besoins humains. Une forêt conservé, préservé de toute intrusion humaine, n'a plus d'utilité, n'a plus même d'existence. Elle n'a pas plus de valeur qu'une forêt brulée et même peut-être moins." (pp.386-388)

    "En fait, le vrai débat ne concerne pas le choix entre l'impôt et la réglementation ; il concerne l'intervention étatique dans le domaine de la lutte contre la pollution. Quant aux taxes écologiques, des raisons de principe très générales et très importantes conduisent en fait à les condamner radicalement.
    Comment, tout d'abord, déterminer ce que les pollueurs doivent payer ? S'il est difficile d'apprécier le tort causé à autrui par la pollution, comment peut-on déterminer le montant de la taxe ? On prétend en effet que les auteurs de nuisances - "d'externalités négatives" - doivent en supporter le coût pour qu'ils soient incités à intégrer dans leurs calculs le poids réel de ce qu'ils font subir à autrui, par exemple sous forme de dégradation de l'environnement. En fait, ces externalités apparaissent parce que les droits de propriété sur l'environnement ne sont pas définis: si chaque citoyen disposait de droits bien définis sur l'environnement, on pourrait déterminer et mesurer les atteintes à leurs droits dues à la pollution. Mais cette absence de définition des droits sur l'environnement peut tenir à deux raisons différentes:
    -ou bien les institutions existantes ne permettent pas de définir ces droits de propriété ;
    -ou bien on ne peut pas définir les droits de propriété d'une manière qui en vaille la peine, c'est-à-dire au fond qu'on ne veut pas les définir: le coût de définition est trop élevé par rapport au gain qu'on en retire.
    Dans le premier cas, il faut modifier le Droit (éventuellement en supprimant tout ce qui contribue à l'étatisation des ressources et qui donne le sentiment qu'elles constituent des "biens publics"). Dans le deuxième cas, celui où les coûts de définition des droits de propriété sont trop élevés, on n'a précisément aucune base pour juger des torts qui sont faits aux individus, par exemple par la pollution. Le fait de recourir à des taxes ne change rien au problème. Il ne résout ni le problème de définition des droits de propriété ni le problème de l'information. Le montant "optimal" de la taxe est, pour sa part, totalement incalculable ! […]
    Au moyen des taxes écologiques, les hommes de l'Etat annoncent un "prix" de la pollution, de manière forcément arbitraire, et on prétend que ce système est libéral ! De même, dans le système de planification centralisée soviétique, il y avait des prix (parfois décidés à partir des catalogues de vente par correspondance occidentaux). Mais ce système n'était pas pour autant un système de liberté économique. Recourir aux taxes écologiques c'est revenir au système de décision centralisée dont la faillite est maintenant reconnue par ailleurs.
    En créant a priori des taxes on suppose au fond implicitement que l'Etat est propriétaire de l'environnement. Et comme tout homme se trouve situé dans un environnement, l'idée que l'on doit payer des taxes à l'Etat pour maintenir l'environnement implique donc l'étatisation potentielle de tout l'univers.
    Compte tenu du caractère arbitraire et dangereux des interventions étatiques pour résoudre les problèmes d'environnement, il faut se demander si des solutions individuelles ne pourraient pas être trouvées. A première vue, il semble contradictoire de vouloir résoudre un problème global par des solutions individuelles. En fait il n'en est rien si l'on recourt à des moyens juridiques plutôt qu'à l'interventionnisme fiscal.
    Prenons l'exemple du "trou dans la couche d'ozone" et supposons qu'il existe effectivement une tendance à l'augmentation continue de ce trou, ce qui ne semble pas absolument prouvé. Supposons aussi que l'on puisse considérer que les chlorofluorocarbones (CFC) en sont les principaux responsables, ce qui donne également lieu à discussion. Supposons enfin que cette situation risque de provoquer des conséquences dommageables sur la santé des hommes, selon des modalités à préciser. Il existe donc une chaîne causale dont tous les éléments ne sont pas parfaitement connus, mais dont l'aboutissement ultime est la dégradation concrète de la santé de certains individus.
    La solution étatiste consiste soit à réglementer la production -et donc l'usage- des CFC, ce qui ne peut impliquer leur interdiction, soit à leur imposer des taxes écologiques. L'autre solution consiste à s'en remettre au Droit de la responsabilité. S'il fonctionne de manière satisfaisante, une personne qui estime être ainsi victime du "trou d'ozone", de manière concrète, pour des dommages vérifiables et spécifiques, va rechercher les responsables -par exemple les producteurs de CFC- et essayer d'en obtenir réparation. Poser le problème en ces termes, c'est souligner qu'il ne constitue pas en réalité un problème global, mais un problème dont l'incidence est différente selon les individus: aussi longtemps qu'il n'y a pas de victimes concrètes, le problème du dommage est purement mythique.
    On objectera alors certainement qu'un système de responsabilité individualisée ne peut pas être efficient, parce qu'un individu isolé est largement désarmé devant la nécessité d'engager des procès à l'encontre d'un grand nombre de producteurs dont chacun dispose de moyens considérablement supérieurs aux siens, et alors même qu'un grand nombre de personnes sont dans le même cas. Autrement dit, aucun individu n'aurait intérêt, individuellement, à lutter contre ceux qui détruisent la couche d'ozone, à titre préventif, et même au titre des réparations dues. N'est-il pas plus simple qu'un petit nombre de gouvernements, aidés par quelques experts, déterminent les conditions de santé idéales et agissent en conséquence ? Ils sont chargés de ce que l'on appelle la "santé publique" qui constituerait donc un bien public. Le problème de la taxe écologique est au fond celui-là: on prétend qu'il faut trouver un substitut étatique à l'action individuelle, parce que celle-ci n'est pas possible. En fait, nous retrouvons le problème typique de bien public que nous avons déjà évoqué: ce serait l'intérêt de tous qu'on limite les émissions de CFC, mais personne individuellement n'aurait intérêt à agir.
    Nous pensons pour notre part que les biens publics n'existent pas et les problèmes d'environnement global en donnent une bonne illustration. Il n'est pas du tout évident, en effet, que l'individu soit désarmé juridiquement par rapport aux producteurs de CFC, et cela surtout si l'on se trouve dans un système économique non réglementé. Il n'est certainement pas vrai, par ailleurs, que l'individu n'a pas intérêt à agir, puisque c'est sa propre santé qui est en cause.
    Remarquons d'abord ceci: s'il est facile de prouver le lien de causalité "émission de CFC -trou dans la couche d'ozone- atteintes à la santé", le coût de l'acte juridique en est diminué d'autant pour le plaignant. Et si la causalité n'est pas facilement démontrable, pourquoi les gouvernements imposeraient-ils des taxes pour empêcher un phénomène dont on n'a pas pu démontrer l'existence et/ou l'incidence ?
    Quoi qu'il en soit, il reste un fait, à savoir qu'un plaignant particulier devrait éventuellement s'attaquer à un grand nombre de pollueurs. Est-il pour autant démuni ? En réalité, toutes sortes de solutions sont envisageables et, même si nous ne pouvons pas toutes les imaginer, la pratique en ferait certainement apparaître plusieurs, dont certaines pourraient être particulièrement efficaces.
    Tout d'abord une association des victimes de la pollution peut se créer et attaquer en justice les coupables. L'avantage de cette solution c'est que l'association est composée de victimes concrètes qui subissent un tort véritable et vérifiable. Et la simple menace d'une action juridique future de la part de futures victimes doit évidemment modifier le comportement des pollueurs, s'ils estiment que la chaîne causale existe effectivement et qu'ils risquent donc d'être condamnés dans le futur.
    Si, par exemple, les gouvernements refusaient d'agir dans le domaine de l'émission des CFC et s'il apparaissait, d'une part, que la preuve de leur nocivité était de plus en plus facile à faire et que, d'autre part, des conséquences concrètes sur la santé devenaient de plus en plus probables, ceux qui se sentiraient victimes commenceraient à constituer des associations de ce type. L'appréciation des risques effectifs et la recherche de solutions se feraient ainsi graduellement et sans bouleverser l'équilibre complexe des décisions humaines. On peut dire que l'information scientifique serait ainsi produite à un rythme optimal, en fonction des besoins concrets des personnes concernées.
    Imaginons même qu'un individu puisse obtenir une décision de justice qui lui soit favorable à l'encontre d'un pollueur quelconque. Des cabinets de Droit pourraient alors avoir intérêt à investir dans cette activité risquée qui consiste à obtenir une jurisprudence contre des pollueurs et à rentabiliser l'investissement juridique initial en se spécialisant dans la défense de cas similaires.
    Mais il faut aussi admettre, plus simplement, qu'il est toujours possible pour une victime potentielle de s'assurer contre les risques dus à la pollution globale et que les procès contre les pollueurs seraient alors pris en charge par les assureurs et non pas directement par les victimes, ce qui transformerait totalement le caractère apparemment asymétrique des relations entre les victimes et les coupables. Les techniques de réassurance rendraient d'ailleurs d'autant plus faciles des actions judiciaires contre un grand nombre de pollueurs dispersés sur la planète.
    Symétriquement, dans le cadre d'une solution purement juridique aux problèmes de pollution, un pollueur potentiel pourrait s'assurer contre le risque d'être condamné à réparation, de telle sorte que les compagnies d'assurance exerceraient une fonction de régulation de la pollution, puisqu'il serait de leur intérêt d'atténuer les risques, en contrôlant les pollueurs et en leur demandant des primes d'assurance d'autant plus élevées que les risques apparaîtraient plus importants. Le pollueur pourrait même s'assurer contre le risque d'être considéré comme le pollueur unique, alors qu'il en existe d'autres, et sa compagnie d'assurances aurait donc à se retourner contre ces derniers. Il suffirait alors à une victime de la pollution d'attaquer un pollueur quelconque pour que l'ensemble des pollueurs soient mis en cause. Par ces mécanismes contractuels complexes, l'action judiciaire se poursuivrait donc jusqu'au pollueur marginal dont la contribution à la pollution serait trop faible pour qu'il vaille la peine de l'attaquer. Par ailleurs, l'émergence de cette structure de défense des droits individuels exercerait un effet dissuasif sur les pollueurs potentiels. Mais cette solution fonctionnerait d'autant mieux que l'activité d'assurance serait moins réglementée.
    Sans pouvoir être parfaite, elle serait en tout cas très supérieure à la solution collectiviste généralement à l'honneur. En effet, la taxation des sources de pollution ne peut évidemment pas conduire à une efficacité totale. Il restera toujours des victimes de l'environnement, c'est-à-dire des victimes des actes d'autrui. Mais lorsque l'environnement est étatisé, tout mal provenant de l'environnement est considéré comme une fatalité: il n'y a pas de responsable contre lequel se retourner. Les victimes futures des atteintes à l'environnement n'obtiendront donc pas réparation, alors que des sommes considérables entreront dans les caisses étatiques au moyen des taxes écologistes.
    " (pp.391-397)
    -Pascal Salin, "La défense de l'environnement: bien public ou bien privé ?" chapitre 16 in Libéralisme, éditions Odile Jacob, 2000, 506 pages, pp.381-399.




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