https://books.google.fr/books?id=DZc19maaDGgC&pg=PT223&lpg=PT223&dq=d%C3%A9prol%C3%A9tarisation&source=bl&ots=vSTCtG7bOK&sig=v1MQdL2ZXFK6Lje4ET7T0QuiqK8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiU6p36urjTAhVKahoKHXkKAgo4HhDoAQgvMAQ#v=onepage&q=d%C3%A9prol%C3%A9tarisation&f=false
"Lorsque une société souffre d'une façon qu'elle ne parvient ni à expliquer ni à soigner, elle se tourne vers un bouc émissaire qu'elle se met à persécuter."
"La menace contre l'attention, qui est une hyper-menace en ceci qu'elle ruine toute possibilité de prise de conscience et de responsabilité, qui seule permet d'imaginer une issue à la crise hyper-systémique, est la dimension essentielle et spécifique de ce qui constitue une hyper-crise. Et cet état de fait résulte de la domination sur l'économie mondiale d'un système spéculatif exploitant lui-même un système consumériste basé sur l'inattention, l'obsolescence, la jetabilité, l'imprévoyance, le "je-m'en-foutisme" et l'incurie."
"La reconstitution des conditions de formation de l'attention (les conditions de la Bildung sans laquelle un citoyen ne peut exercer ses responsabilités) est un objectif prioritaire et clairement revendiqué du nouveau pouvoir en France à travers une politique économique et industrielle fondée sur cet objectif."
"La première pensée rigoureuse de l'incapacitation [...] fut celle de Marx [...] qu'il décrivait comme une prolétarisation [...]
Plus que tout autre, cette question est celle d'une pharmacologie -où l'enjeu organologique est de prescrire de nouveaux agencements entre le pharmakon, l'individu psychique et les organisations sociales: le pharmakon est ce qui peut être capacitant aussi bien qu'incapacitant, support d'apprentissage aussi bien que facteur de désapprentissages, et c'est ce qui dépend de ces agencements. Mais penser positivement le pharmakon, c'est-à-dire de prescrire des agencements individuants (psychiquement et collectivement), cela suppose de dépasser le matérialisme dialectique -où la négativité de la situation du prolétariat est supposée constituer un principe révolutionnaire, les "moyens de production" étant neutres (ne constituant pas une pharmacologie).
J'ai tenté de montrer dans Etats de choc que Marx, parce qu'il ne pense pas la question pharmacologique, fait de la prolétarisation l'horizon dernier et indépassable du travail [...]
Au-delà de la prolétarisation généralisée, telle qu'elle affecte aujourd'hui non seulement tous les producteurs, mais aussi tous les consommateurs et tous les concepteurs, il y a la nécessité et la possibilité de mettre en œuvre une politique de déprolétarisation basée sur la technologie de la rétention tertiaire numérique, telle qu'elle-même suppose le dépassement de l'opposition production/consommation et l'apparition de nouvelles formes d'organisation du travail aussi bien que de nouveaux types de communautés savantes basées sur des espaces contributifs. La déprolétarisation, c'est ce qui met en œuvre une nouvelle époque du désir, c'est-à-dire de l'investissement comme sublimation et pouvoir d'idéalisation. [...]
Si les questions de la prolétarisation et de la déprolétarisation doivent être revisitées avec Platon, Marx et Sen au regard de l'économie des capacités et de la déséconomie des incapacités que décrit l'économiste indien à partir de ses études de la famine en Inde, la limite de cette pensée tient cependant à ce qu'à notre connaissance elle ne pose pas la question des conditions organologiques de formation des capacités qui sont évidemment des formes attentionnelles.
La capacitation doit être pensée comme adoption des possibilités organologiques par une société et par les individus qui la composent, c'est-à-dire comme individuation à la fois psychique, technique et collective constituant ce que nous avons appelé un milieu associé. Le travail dialectique du négatif que le marxisme reprend à Hegel est au contraire ce qui fait de la dissocation (de la désindividuation) la logique du pire qui doit conduire au renversement du tout. Dans les faits (c'est ce que décrit Trentin), cela conduit la gauche à s'adapter au pire, c'est-à-dire à la dissociation.
Plus personne ne croit à une telle perspective parce que tout le monde sait que, de fait, en tant qu'elle engendre de l'incapacitation généralisée, elle ne peut projeter aucune alternative. Ce n'est qu'à partir de la quasi-causalité stoïcienne que peuvent émerger des thérapeutiques de l'organologie contemporaine -et c'est ce qui conduit à la question de ce que Foucault appelle les techniques de soi.
Cette question, qui est aussi celle d'une éthique au vieux sens du terme (d'un ethos, qui est une façon d'être au monde), réaffirme l'enjeu du travail industriel comme individuation, et non comme désindividuation (que le marxisme avait posée en principe)."
-Bernard Stiegler, Pharmacologie du Front national, suivi du Vocabulaire d'Ars Industrialis, de Victor Petit, Flammarion, coll. Bibliothèque des savoirs, 2013.
"Lorsque une société souffre d'une façon qu'elle ne parvient ni à expliquer ni à soigner, elle se tourne vers un bouc émissaire qu'elle se met à persécuter."
"La menace contre l'attention, qui est une hyper-menace en ceci qu'elle ruine toute possibilité de prise de conscience et de responsabilité, qui seule permet d'imaginer une issue à la crise hyper-systémique, est la dimension essentielle et spécifique de ce qui constitue une hyper-crise. Et cet état de fait résulte de la domination sur l'économie mondiale d'un système spéculatif exploitant lui-même un système consumériste basé sur l'inattention, l'obsolescence, la jetabilité, l'imprévoyance, le "je-m'en-foutisme" et l'incurie."
"La reconstitution des conditions de formation de l'attention (les conditions de la Bildung sans laquelle un citoyen ne peut exercer ses responsabilités) est un objectif prioritaire et clairement revendiqué du nouveau pouvoir en France à travers une politique économique et industrielle fondée sur cet objectif."
"La première pensée rigoureuse de l'incapacitation [...] fut celle de Marx [...] qu'il décrivait comme une prolétarisation [...]
Plus que tout autre, cette question est celle d'une pharmacologie -où l'enjeu organologique est de prescrire de nouveaux agencements entre le pharmakon, l'individu psychique et les organisations sociales: le pharmakon est ce qui peut être capacitant aussi bien qu'incapacitant, support d'apprentissage aussi bien que facteur de désapprentissages, et c'est ce qui dépend de ces agencements. Mais penser positivement le pharmakon, c'est-à-dire de prescrire des agencements individuants (psychiquement et collectivement), cela suppose de dépasser le matérialisme dialectique -où la négativité de la situation du prolétariat est supposée constituer un principe révolutionnaire, les "moyens de production" étant neutres (ne constituant pas une pharmacologie).
J'ai tenté de montrer dans Etats de choc que Marx, parce qu'il ne pense pas la question pharmacologique, fait de la prolétarisation l'horizon dernier et indépassable du travail [...]
Au-delà de la prolétarisation généralisée, telle qu'elle affecte aujourd'hui non seulement tous les producteurs, mais aussi tous les consommateurs et tous les concepteurs, il y a la nécessité et la possibilité de mettre en œuvre une politique de déprolétarisation basée sur la technologie de la rétention tertiaire numérique, telle qu'elle-même suppose le dépassement de l'opposition production/consommation et l'apparition de nouvelles formes d'organisation du travail aussi bien que de nouveaux types de communautés savantes basées sur des espaces contributifs. La déprolétarisation, c'est ce qui met en œuvre une nouvelle époque du désir, c'est-à-dire de l'investissement comme sublimation et pouvoir d'idéalisation. [...]
Si les questions de la prolétarisation et de la déprolétarisation doivent être revisitées avec Platon, Marx et Sen au regard de l'économie des capacités et de la déséconomie des incapacités que décrit l'économiste indien à partir de ses études de la famine en Inde, la limite de cette pensée tient cependant à ce qu'à notre connaissance elle ne pose pas la question des conditions organologiques de formation des capacités qui sont évidemment des formes attentionnelles.
La capacitation doit être pensée comme adoption des possibilités organologiques par une société et par les individus qui la composent, c'est-à-dire comme individuation à la fois psychique, technique et collective constituant ce que nous avons appelé un milieu associé. Le travail dialectique du négatif que le marxisme reprend à Hegel est au contraire ce qui fait de la dissocation (de la désindividuation) la logique du pire qui doit conduire au renversement du tout. Dans les faits (c'est ce que décrit Trentin), cela conduit la gauche à s'adapter au pire, c'est-à-dire à la dissociation.
Plus personne ne croit à une telle perspective parce que tout le monde sait que, de fait, en tant qu'elle engendre de l'incapacitation généralisée, elle ne peut projeter aucune alternative. Ce n'est qu'à partir de la quasi-causalité stoïcienne que peuvent émerger des thérapeutiques de l'organologie contemporaine -et c'est ce qui conduit à la question de ce que Foucault appelle les techniques de soi.
Cette question, qui est aussi celle d'une éthique au vieux sens du terme (d'un ethos, qui est une façon d'être au monde), réaffirme l'enjeu du travail industriel comme individuation, et non comme désindividuation (que le marxisme avait posée en principe)."
-Bernard Stiegler, Pharmacologie du Front national, suivi du Vocabulaire d'Ars Industrialis, de Victor Petit, Flammarion, coll. Bibliothèque des savoirs, 2013.