"Laclos eut pour vocation première et définitive l'armée. Il entre dans l'artillerie parce que, a-t-on dit, cette arme où la compétence est exigée s'ouvrait à ceux qui, comme lui, ne possédaient pas les quatre quartiers de noblesse obligatoires. Mais on peut penser aussi qu'il l'a choisie par goût. Il se distingue de la foule des militaires, exerçant le métier par routine. Il se montre un novateur, attiré par la recherche. Pendant qu'il rédige son roman, il est affecté à l'île d'Aix, avant-poste de Rochefort. Il a mission d'y construire un fort, contre une éventuelle attaque anglaise. Or l'ouvrage dessiné par son patron, le marquis de Montalembert, est d'une conception révolutionnaire, rompant avec la tradition de Vauban. Les forts à l'ancienne mode laissaient les soldats exposés au feu de l'ennemi, plus meurtrier par suite des récents progrès de l'armement. Montalembert et Laclos veulent leur substituer la fortification "perpendiculaire", mettant les défenseurs à couvert sous des casemates. En outre, ils avaient mis au point un nouveau modèle d'affût, assurant aux pièces d'artillerie un champ de tir plus étendu. Toutes nouveautés mal vues du ministère: l'esprit de recherche entraîne Laclos dans une polémique contre la mémoire de Vauban, qui brise sa carrière militaire. Lorsqu'il revient aux choses de la guerre sous la Révolution, il s'occupe encore d'une innovation, promise à un bel avenir. A plusieurs reprises, et même incarcéré sous la Terreur, il procède à des essais sur le "boulet creux", qui deviendra l'obus.
Par là se manifeste chez Laclos un tour d'esprit à la fois inventif, minutieux et calculateur." (p.17-18)
"Tout ce qu'on sait de lui confirme qu'il fut un caractère honnête en même temps qu'un écrivain soucieux de moralisation. Dans les mois qui suivent Les Liaisons dangereuses, il séduit à La Rochelle une jeune fille de bonne famille, Marie-Soulange Duperré ; il en a un enfant. Mais dans l'affaire, il se conduit comme un Saint-Preux -séducteur aussi de sa Julie-, non comme son Valmont. Le ministère l'avait informé qu'il devait se tenir prêt à rejoindre son régiment à Brest. Il lui était facile de provoquer cet ordre. Mais au lieu d'abandonner sa maîtresse et son fils, il s'applique à rester à La Rochelle (sous le prétexte d'y construire une médiocre bâtisse, l'Arsenal). Il s'emploie à surmonter les obstacles, pour épouser, au bout de trois ans, Marie-Soulange, en reconnaissant leur fils. On sait comment ensuite, mieux partagé que Saint-Preux (et que Rousseau), il a vécu toute sa vie dans la félicité conjugale et familiale. [...]
Il reste qu'en dépit de ses protestations on n'a cessé de mettre en doute l'effet moral de son roman." (p.31-32)
"Laclos, homme des Lumières, situe sa critique au niveau social. Il cherche l'origine et les effets du mal dans les mœurs, ainsi que dans les institutions. Plus précisément, puisque ici "le danger des liaisons" fait deux victimes, qui sont des femmes, il met en cause la condition féminine. Le roman déjà est sous-tendu par des analyses que développeront ses essais sur l'éducation des femmes. Les premières lettres de Cécile à sa camarade de pension font ressortir l'insuffisance de la formation reçue en son couvent. Il n'existait pas pour les jeunes filles, dans la France du XVIIIe siècle, d'établissements comparables aux collèges, de jésuites ou d'oratoriens, fréquentés par les garçons. C'était un premier facteur d'inégalité entre les sexes." (p.58-59)
-René Pomeau, introduction à Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, GF Flammarion, Paris, 2006 (1782 pour la première édition), 549 pages.
"Vos ordres sont charmants ; votre façon de les donner est plus aimable encore ; vous feriez chérir le despotisme. Ce n'est pas la première fois, comme vous le savez, que je regrette de ne plus être votre esclave ; et tout monstre que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps où vous m'honoriez de noms plus doux. Souvent même je désire de les mériter de nouveau, et de finir par donner, avec vous, un exemple de constance au monde. Mais de plus grands intérêts nous appellent ; conquérir est notre destin ; il faut le suivre: peut-être au bout de la carrière nous rencontrerons-nous encore." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre IV, p.84-85)
"Rien ne m'amuse comme un désespoir amoureux." (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre V, .89)
"Quelle est donc en effet l'insolente sécurité de cet homme, qui ose dormir tranquille, tandis qu'une femme, qui a à se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengée ?" (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre XX, p.117)
"J'ai été étonné du plaisir qu'on éprouve en faisant le bien ; et je serais tenté de croire que ce que nous appelons les gens vertueux, n'ont pas tant de mérite qu'on se plaît à nous le dire." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre XXI, p.120)
"Ah ! par pitié, Madame, daignez calmer le trouble de mon âme ; daignez m'apprendre ce que je dois espérer ou craindre. Placé entre l'excès du bonheur et celui de l'infortune, l'incertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlé ? que n'ai-je pu résister au charme impérieux qui vous livrait mes pensées ? Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour ; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors l'image de votre douleur, suffisait à ma félicité: mais cette source de bonheur en est devenue une de désespoir, depuis que j'ai vu couler vos larmes ; depuis que j'ai entendu ce cruel Ah! malheureuse ! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cœur. Par quelle fatalité, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi ? [...]
qu'ai-je donc fait ? que céder à un sentiment involontaire, inspiré par la beauté et justifié par la vertu ; toujours contenu par le respect, et dont l'innocent aveu fût l'effet de la confiance et non de l'espoir: la trahirez-vous cette confiance que vous-même avez semblé me permettre, et à laquelle je me suis livré sans réserve ? Non, je ne puis le croire ; ce serait vous supposer un tort, et mon cœur se révolte à la seule idée de vous en trouver un: je désavoue mes reproches ; j'ai pu les écrire, mais non pas les penser. Ah ! laissez-moi vous croire parfaite, c'est le seul plaisir qu'il me reste." (Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel, Lettre XXIV, p.127-128)
"L'humanité n'est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien." (Madame de Volanges à la Présidente de Tourvel, Lettre XXXII, p.140)
"Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l'âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur ; les passions actives peuvent seules y conduire." (Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel, Lettre XLVIII, p.179-180)
"En est-il de plus doux [plaisirs] que d'être en paix avec soi-même, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'éveiller sans remords ?" (La présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont, Lettre LVI, p.198)
"Vous savez qu'il n'est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis décidée, et je le suis pour lui." (p.236)
"Vous pouvez, doublant votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre." (p.237) (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre LXXIV)
"Vous méprisez l'amitié ; et dans votre folle ivresse, comptant pour rien les malheurs et la honte, vous ne cherchez que des plaisirs et des victimes." (La présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont, Lettre LXXVIII, p.249)
"Tout est privation, tout est regret, tout est désespoir ; et tous ces maux me viennent d'où j'attendais tous mes plaisirs !" (Le chevalier Danceny à Cécile Volanges, Lettre XXX, p.257)
"Si cependant vous m'avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies ; ôter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire ; si j'ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi
Ces tyrans détrônés devenus mes esclaves ;
Si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s'est pourtant conservée pure ; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi ?" (p.262)
"Quand m'avez-vous vue m'écarter des règles que je me suis prescrites, et manquer à mes principes ? je dis mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes réflexions ; je les ai créées, et je puis dire que je suis mon ouvrage." (p.236) (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre LXXXI)
"C'est toujours de vous que j'ai reçu les consolations les plus douces et les avis les plus sages ; c'est de vous aussi que j'aime le mieux à en recevoir.
Adieu, ma chère et bonne amie ; vous connaissez les sentiments qui m'attachent à vous pour jamais." (La Marquise de Merteuil à Madame de Volanges, Lettre LXXXVII, p.292)
"Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et où tout se convient en effet, hors les goûts et les caractères, ne sont-ils pas la source la plus féconde de ces éclats scandaleux qui deviennent tous les jours plus fréquents ? J'aime mieux différer: au moins j'aurai le temps d'étudier ma fille que je ne connais pas." (Madame de Volanges à la Marquise de Merteuil, Lettre XCVIII, p.320)
"Je la verrai encore à mes genoux, tremblante et baignée de pleurs, me criant merci de sa trompeuse voix ; et moi, je serai sans pitié." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre C, p.327)
"J'avoue bien que l'argent ne fait pas le bonheur ; mais il faut avouer aussi qu'il le facilite beaucoup." (La Marquise de Merteuil à Madame de Volanges, Lettre CIV, p.340)
"J'espère qu'on me comptera même pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas: comme si ce n'était rien, que d'enlever en une soirée, une jeune fille à son amant aimé, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras d'en obtenir ce qu'on n'ose pas même exiger de toutes les filles dont c'est le métier [...] Je prédis que la timide écolière prendra bientôt un essor propre à faire honneur à son maître." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre CXV, p.375)
-Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, GF Flammarion, Paris, 2006 (1782 pour la première édition), 549 pages.
Par là se manifeste chez Laclos un tour d'esprit à la fois inventif, minutieux et calculateur." (p.17-18)
"Tout ce qu'on sait de lui confirme qu'il fut un caractère honnête en même temps qu'un écrivain soucieux de moralisation. Dans les mois qui suivent Les Liaisons dangereuses, il séduit à La Rochelle une jeune fille de bonne famille, Marie-Soulange Duperré ; il en a un enfant. Mais dans l'affaire, il se conduit comme un Saint-Preux -séducteur aussi de sa Julie-, non comme son Valmont. Le ministère l'avait informé qu'il devait se tenir prêt à rejoindre son régiment à Brest. Il lui était facile de provoquer cet ordre. Mais au lieu d'abandonner sa maîtresse et son fils, il s'applique à rester à La Rochelle (sous le prétexte d'y construire une médiocre bâtisse, l'Arsenal). Il s'emploie à surmonter les obstacles, pour épouser, au bout de trois ans, Marie-Soulange, en reconnaissant leur fils. On sait comment ensuite, mieux partagé que Saint-Preux (et que Rousseau), il a vécu toute sa vie dans la félicité conjugale et familiale. [...]
Il reste qu'en dépit de ses protestations on n'a cessé de mettre en doute l'effet moral de son roman." (p.31-32)
"Laclos, homme des Lumières, situe sa critique au niveau social. Il cherche l'origine et les effets du mal dans les mœurs, ainsi que dans les institutions. Plus précisément, puisque ici "le danger des liaisons" fait deux victimes, qui sont des femmes, il met en cause la condition féminine. Le roman déjà est sous-tendu par des analyses que développeront ses essais sur l'éducation des femmes. Les premières lettres de Cécile à sa camarade de pension font ressortir l'insuffisance de la formation reçue en son couvent. Il n'existait pas pour les jeunes filles, dans la France du XVIIIe siècle, d'établissements comparables aux collèges, de jésuites ou d'oratoriens, fréquentés par les garçons. C'était un premier facteur d'inégalité entre les sexes." (p.58-59)
-René Pomeau, introduction à Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, GF Flammarion, Paris, 2006 (1782 pour la première édition), 549 pages.
"Vos ordres sont charmants ; votre façon de les donner est plus aimable encore ; vous feriez chérir le despotisme. Ce n'est pas la première fois, comme vous le savez, que je regrette de ne plus être votre esclave ; et tout monstre que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps où vous m'honoriez de noms plus doux. Souvent même je désire de les mériter de nouveau, et de finir par donner, avec vous, un exemple de constance au monde. Mais de plus grands intérêts nous appellent ; conquérir est notre destin ; il faut le suivre: peut-être au bout de la carrière nous rencontrerons-nous encore." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre IV, p.84-85)
"Rien ne m'amuse comme un désespoir amoureux." (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre V, .89)
"Quelle est donc en effet l'insolente sécurité de cet homme, qui ose dormir tranquille, tandis qu'une femme, qui a à se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengée ?" (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre XX, p.117)
"J'ai été étonné du plaisir qu'on éprouve en faisant le bien ; et je serais tenté de croire que ce que nous appelons les gens vertueux, n'ont pas tant de mérite qu'on se plaît à nous le dire." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre XXI, p.120)
"Ah ! par pitié, Madame, daignez calmer le trouble de mon âme ; daignez m'apprendre ce que je dois espérer ou craindre. Placé entre l'excès du bonheur et celui de l'infortune, l'incertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlé ? que n'ai-je pu résister au charme impérieux qui vous livrait mes pensées ? Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour ; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors l'image de votre douleur, suffisait à ma félicité: mais cette source de bonheur en est devenue une de désespoir, depuis que j'ai vu couler vos larmes ; depuis que j'ai entendu ce cruel Ah! malheureuse ! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cœur. Par quelle fatalité, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi ? [...]
qu'ai-je donc fait ? que céder à un sentiment involontaire, inspiré par la beauté et justifié par la vertu ; toujours contenu par le respect, et dont l'innocent aveu fût l'effet de la confiance et non de l'espoir: la trahirez-vous cette confiance que vous-même avez semblé me permettre, et à laquelle je me suis livré sans réserve ? Non, je ne puis le croire ; ce serait vous supposer un tort, et mon cœur se révolte à la seule idée de vous en trouver un: je désavoue mes reproches ; j'ai pu les écrire, mais non pas les penser. Ah ! laissez-moi vous croire parfaite, c'est le seul plaisir qu'il me reste." (Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel, Lettre XXIV, p.127-128)
"L'humanité n'est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien." (Madame de Volanges à la Présidente de Tourvel, Lettre XXXII, p.140)
"Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l'âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur ; les passions actives peuvent seules y conduire." (Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel, Lettre XLVIII, p.179-180)
"En est-il de plus doux [plaisirs] que d'être en paix avec soi-même, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'éveiller sans remords ?" (La présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont, Lettre LVI, p.198)
"Vous savez qu'il n'est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis décidée, et je le suis pour lui." (p.236)
"Vous pouvez, doublant votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre." (p.237) (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre LXXIV)
"Vous méprisez l'amitié ; et dans votre folle ivresse, comptant pour rien les malheurs et la honte, vous ne cherchez que des plaisirs et des victimes." (La présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont, Lettre LXXVIII, p.249)
"Tout est privation, tout est regret, tout est désespoir ; et tous ces maux me viennent d'où j'attendais tous mes plaisirs !" (Le chevalier Danceny à Cécile Volanges, Lettre XXX, p.257)
"Si cependant vous m'avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies ; ôter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire ; si j'ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi
Ces tyrans détrônés devenus mes esclaves ;
Si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s'est pourtant conservée pure ; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi ?" (p.262)
"Quand m'avez-vous vue m'écarter des règles que je me suis prescrites, et manquer à mes principes ? je dis mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes réflexions ; je les ai créées, et je puis dire que je suis mon ouvrage." (p.236) (La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, Lettre LXXXI)
"C'est toujours de vous que j'ai reçu les consolations les plus douces et les avis les plus sages ; c'est de vous aussi que j'aime le mieux à en recevoir.
Adieu, ma chère et bonne amie ; vous connaissez les sentiments qui m'attachent à vous pour jamais." (La Marquise de Merteuil à Madame de Volanges, Lettre LXXXVII, p.292)
"Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et où tout se convient en effet, hors les goûts et les caractères, ne sont-ils pas la source la plus féconde de ces éclats scandaleux qui deviennent tous les jours plus fréquents ? J'aime mieux différer: au moins j'aurai le temps d'étudier ma fille que je ne connais pas." (Madame de Volanges à la Marquise de Merteuil, Lettre XCVIII, p.320)
"Je la verrai encore à mes genoux, tremblante et baignée de pleurs, me criant merci de sa trompeuse voix ; et moi, je serai sans pitié." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre C, p.327)
"J'avoue bien que l'argent ne fait pas le bonheur ; mais il faut avouer aussi qu'il le facilite beaucoup." (La Marquise de Merteuil à Madame de Volanges, Lettre CIV, p.340)
"J'espère qu'on me comptera même pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas: comme si ce n'était rien, que d'enlever en une soirée, une jeune fille à son amant aimé, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras d'en obtenir ce qu'on n'ose pas même exiger de toutes les filles dont c'est le métier [...] Je prédis que la timide écolière prendra bientôt un essor propre à faire honneur à son maître." (Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil, Lettre CXV, p.375)
-Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, GF Flammarion, Paris, 2006 (1782 pour la première édition), 549 pages.