https://en.wikipedia.org/wiki/Edward_Bellamy
http://www.marxists.org/francais/general/bellamy/works/00/bellamy.htm
"Tout le monde sait que, vers la fin du dix-neuvième siècle, la civilisation, telle que nous la connaissons aujourd'hui, n´existait pas encore, bien qu´on sentit déjà fermenter les éléments qui devaient la produire. Aucun événement n´avait encore modifié les antiques divisions de la société. Le riche, le pauvre, l´ignorant, le lettré, étaient aussi étrangers l´un à l´autre, que le sont aujourd'hui autant de nations différentes. Moi, je jouissais de ce qui représentait le bonheur pour les hommes de cette époque : la fortune et l´éducation. Je vivais dans le luxe ; je ne me souciais nullement de me rendre utile à la société ; je trouvais tout naturel de traverser la vie en oisif pendant que les autres travaillaient pour moi. C´est ainsi qu´avaient vécu mes parents et mes grands-parents ; je m´imaginais donc que mes descendants, à leur tour, n´auraient qu´à faire comme moi pour jouir d´une existence facile et agréable.
Vous me demanderez, comme de juste, pourquoi la société tolérait la paresse et l´inaction chez un, homme capable de lui rendre service ; à quoi je vous répondrai que mon grand-père avait accumulé une fortune qui servit d´apanage à tous ses héritiers. La somme, direz-vous, devait être bien grande, pour n´être pas épuisée par trois générations successives ? Erreur ! Dans le principe, la somme n´était pas forte. Elle a même beaucoup augmenté, depuis que trois générations en ont vécu. Ce mystère, qui consiste à user sans épuiser, à donner de la chaleur sans consumer de combustible, semble tenir de la magie; mais, quelque invraisemblable que cela paraisse, cela résulte tout naturellement du procédé d´alors, qui consistait à reporter sur le voisin la charge de votre entretien. Ne croyez pas que vos ancêtres n´aient pas critiqué une loi que nous trouverions, aujourd'hui, inadmissible et injuste. Une discussion, sur ce point, nous mènerait trop loin. Je dirai seulement que l´intérêt sur les placements de fonds était une espèce de taxe à perpétuité, prélevée, par les capitalistes, sur le produit de l´argent engagé dans l´industrie. De tout temps, les législateurs ont essayé de limiter, sinon d´abolir, le taux de l´intérêt. À l´époque dont je parle, fin du dix-neuvième siècle, les gouvernements, en présence d´une organisation sociale arriérée, avaient renoncé à la réalisation de ce projet, qu´ils considéraient comme une utopie."
"Quant à ceux qui avaient eu le bonheur d´hériter de leurs ancêtres un de ces sièges rembourrés, leur infatuation, leur conviction d´être substantiellement distincts du commun des mortels, n´avaient plus de limites."
"La parabole de la comète était peut-être encore une meilleure image de la marche de l´humanité. Partie de ‘´l´aphélie´´ de la barbarie, la race humaine n´avait atteint le ‘´périhélie´´ de la civilisation que pour se plonger, une fois de plus, au bas de sa course, dans les ténèbres du néant. C´était là, sans doute, une opinion extrême, mais je me souviens que des hommes sérieux, dans mon entourage, en devisant des signes du temps, s´exprimaient dans des termes très semblables. Dans l´opinion commune des penseurs, la société approchait d´une période critique, d´où pouvaient résulter de grands changements. Les crises ouvrières, leurs causes, leur étendue, leurs remèdes, dominaient tous les autres sujets dans les conversations sérieuses, comme dans les feuilles publiques.
Rien ne démontrait mieux la tension nerveuse des esprits, que l´alarme produite par les clameurs d´une poignée d´hommes qui s´intitulaient anarchistes et se proposaient de terrifier le peuple américain, de lui imposer leurs idées par des menaces de violence ; comme si une nation puissante, qui venait de réprimer la rébellion de la moitié de sa population, pour maintenir son système politique, allait se laisser imposer, par la terreur, un nouveau système social !
En ma qualité d´homme riche, ayant un grand intérêt dans l´ordre existant des choses, je partageais naturellement les craintes de ma classe."
http://www.marxists.org/francais/general/bellamy/works/00/bellamy.htm
"Tout le monde sait que, vers la fin du dix-neuvième siècle, la civilisation, telle que nous la connaissons aujourd'hui, n´existait pas encore, bien qu´on sentit déjà fermenter les éléments qui devaient la produire. Aucun événement n´avait encore modifié les antiques divisions de la société. Le riche, le pauvre, l´ignorant, le lettré, étaient aussi étrangers l´un à l´autre, que le sont aujourd'hui autant de nations différentes. Moi, je jouissais de ce qui représentait le bonheur pour les hommes de cette époque : la fortune et l´éducation. Je vivais dans le luxe ; je ne me souciais nullement de me rendre utile à la société ; je trouvais tout naturel de traverser la vie en oisif pendant que les autres travaillaient pour moi. C´est ainsi qu´avaient vécu mes parents et mes grands-parents ; je m´imaginais donc que mes descendants, à leur tour, n´auraient qu´à faire comme moi pour jouir d´une existence facile et agréable.
Vous me demanderez, comme de juste, pourquoi la société tolérait la paresse et l´inaction chez un, homme capable de lui rendre service ; à quoi je vous répondrai que mon grand-père avait accumulé une fortune qui servit d´apanage à tous ses héritiers. La somme, direz-vous, devait être bien grande, pour n´être pas épuisée par trois générations successives ? Erreur ! Dans le principe, la somme n´était pas forte. Elle a même beaucoup augmenté, depuis que trois générations en ont vécu. Ce mystère, qui consiste à user sans épuiser, à donner de la chaleur sans consumer de combustible, semble tenir de la magie; mais, quelque invraisemblable que cela paraisse, cela résulte tout naturellement du procédé d´alors, qui consistait à reporter sur le voisin la charge de votre entretien. Ne croyez pas que vos ancêtres n´aient pas critiqué une loi que nous trouverions, aujourd'hui, inadmissible et injuste. Une discussion, sur ce point, nous mènerait trop loin. Je dirai seulement que l´intérêt sur les placements de fonds était une espèce de taxe à perpétuité, prélevée, par les capitalistes, sur le produit de l´argent engagé dans l´industrie. De tout temps, les législateurs ont essayé de limiter, sinon d´abolir, le taux de l´intérêt. À l´époque dont je parle, fin du dix-neuvième siècle, les gouvernements, en présence d´une organisation sociale arriérée, avaient renoncé à la réalisation de ce projet, qu´ils considéraient comme une utopie."
"Quant à ceux qui avaient eu le bonheur d´hériter de leurs ancêtres un de ces sièges rembourrés, leur infatuation, leur conviction d´être substantiellement distincts du commun des mortels, n´avaient plus de limites."
"La parabole de la comète était peut-être encore une meilleure image de la marche de l´humanité. Partie de ‘´l´aphélie´´ de la barbarie, la race humaine n´avait atteint le ‘´périhélie´´ de la civilisation que pour se plonger, une fois de plus, au bas de sa course, dans les ténèbres du néant. C´était là, sans doute, une opinion extrême, mais je me souviens que des hommes sérieux, dans mon entourage, en devisant des signes du temps, s´exprimaient dans des termes très semblables. Dans l´opinion commune des penseurs, la société approchait d´une période critique, d´où pouvaient résulter de grands changements. Les crises ouvrières, leurs causes, leur étendue, leurs remèdes, dominaient tous les autres sujets dans les conversations sérieuses, comme dans les feuilles publiques.
Rien ne démontrait mieux la tension nerveuse des esprits, que l´alarme produite par les clameurs d´une poignée d´hommes qui s´intitulaient anarchistes et se proposaient de terrifier le peuple américain, de lui imposer leurs idées par des menaces de violence ; comme si une nation puissante, qui venait de réprimer la rébellion de la moitié de sa population, pour maintenir son système politique, allait se laisser imposer, par la terreur, un nouveau système social !
En ma qualité d´homme riche, ayant un grand intérêt dans l´ordre existant des choses, je partageais naturellement les craintes de ma classe."