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    Amartya Sen, La démocratie des autres

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Amartya Sen, La démocratie des autres Empty Amartya Sen, La démocratie des autres

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 20 Juil - 13:00

    "L'adhésion à l'idée de démocratie comme règle générale pour tous les peuples [...] est fréquemment combattue, en ce sens qu'elle implique une tentative pour imposer les valeurs et les pratiques occidentales à des sociétés non occidentales." (p.11)

    "Les élections sont seulement un moyen -bien que, de toute évidence, très important- de rendre efficaces les discussions publiques, quand la possibilité de voter se combine à la possibilité de parler et d'écouter sans crainte. La force et la portée des élections dépendent de manière critique de la possibilité de l'existence d'un débat public ouvert. Les élections à elles seules peuvent être tristement inadéquates, ce qui est abondamment illustré par les extraordinaires victoires électorales des tyrans au pouvoir dans les régimes dictatoriaux, de l'Union soviétique de Staline à l'Irak de Saddam Hussein. Dans ces cas-là, le problème ne réside pas simplement dans la pression qui est amenée à peser sur les électeurs au moment de l'acte que constitue le vote lui-même, mais dans la façon dont les débats publics sur les échecs et les transgressions du pouvoir sont contrecarrés par la censure, dans la suppression d'une opposition politique, ainsi que dans la violation des libertés et des droits politiques fondamentaux." (p.13)

    "Une démocratie qui n'est pas fondée sur les libertés individuelles, mise justement en cause par Fareed Zakaria dans son livre La Démocratie illibérale, est non seulement privée de liberté [...] mais aussi de démocratie en tant que telle." (p.15)

    "Les longues traditions consistant à encourager et à pratiquer le débat public sur les problèmes politiques, sociaux et culturels dans des pays tels que l'Inde, la Chine, le Japon, la Corée, l'Iran, la Turquie, le monde arabe et dans de nombreuses parties de l'Afrique, exigent une reconnaissance beaucoup plus complète de l'histoire des idées sur la démocratie." (p.16)

    "Dans l'évolution des idées et des pratiques démocratiques, il est certainement important de considérer le rôle exceptionnel de la démocratie directe à Athènes, depuis Clisthène et sa démarche de pionner pour aboutir au système du vote vers 506 av. J.C. [...]
    Mais jusqu'à quel point cela fait-il de la démocratie un concept fondamentalement occidental ?
    " (p.20)

    "Rien n'indique que l'expérience du gouvernement démocratique en Grèce eut vraiment un impact immédiat dans les pays situés à l'ouest de la Grèce et de Rome -disons, par exemple, en France, en Allemagne, en Angleterre. En revanche, certaines cités contemporaines d'Asie -en Iran, en Bactriane et en Inde- intégrèrent des éléments de démocratie dans leur type de gouvernement, dans une large mesure sous l'influence de la Grèce. Pendant plusieurs siècles après l'époque d'Alexandre, par exemple, la ville de Suse, au sud-ouest de l'Iran, eut un conseil élu, une assemblée populaire et des magistrats proposés par le conseil et élus par l'assemblée. Il existait aussi quantité d'éléments de gouvernement démocratique à l'échelon local en Inde et en Bactriane à cette époque." (p.22-23)

    "Au Japon, au début du VIIe siècle, le prince bouddhiste Shotoku, qui gouvernait comme régent de sa mère, envoya des missions en Chine pour qu'elles s'informent et rapportent un ensemble de connaissances concernant l'art, l'architecture, l'astronomie, la littérature et la religion (y compris des textes taoïstes et confucianistes, en plus des écrits bouddhistes), mais il fut aussi l'initiateur d'une constitution relativement libérale, ou kempo, appelée la "constitution des dix-sept articles", en 604 après J.C. Tout à fait dans l'esprit de la Grande Charte (Magna Carta) signée six siècles plus tard en Angleterre, elle insistait sur le fait que les décisions relatives à des sujets d'importance ne devaient pas être prises par un seul. Elles devaient être discutées par plusieurs personnes. Cette constitution donnait aussi le conseil suivant: "Ne soyons pas portés à l'esprit de ressentiment lorsque les opinions d'autrui différent des nôtres. Car tout homme a un cœur, et tout cœur a ses propres inclinations. Ce qui est juste pour les uns est faux pour les autres, et inversement". Il n'y a rien d'étonnant à ce que de nombreux commentateurs aient vu dans cette constitution du VIIe siècle ce que Nakamura Hajime définit comme le "premier pas vers une marche progressive vers la démocratie"." (p.33-34)

    "Rôle central du débat public dans le concept de démocratie." (p.35)

    "La Chine [...] connut entre 1958 et 1961 la plus grande famine enregistrée dans l'histoire, famine au cours de laquelle, d'après les estimations, entre vingt-trois et trente millions de gens trouvèrent la mort, et cela à la suite de la débâcle de la collectivisation, dans le prétendu Grand Bond en avant." (p.37)

    "L'origine du concept de démocratie remonte bien sûr à la Grèce antique, il y a plus de deux millénaires. Des efforts sporadiques vers la démocratisation furent également tentés en d'autres lieux, y compris en Inde. Mais c'est vraiment dans la Grèce antique que l'idée de démocratie prit forme et fut mise en pratique de manière sérieuse (quoique sur une échelle limitée) [...] Nulle part ailleurs, il n'y eut quelque chose du même ordre." (p.53)

    "L'assentiment universel n'est pas requis pour que quelque chose soit une valeur universelle." (p.75)

    "A chaque tentative du porte-parole d'un gouvernement asiatique pour opposer les prétendues "valeurs asiatiques" au prétendues "valeurs occidentales" correspond la tentative d'un intellectuel occidental pour faire la même opposition en sens inverse. Mais bien que chaque partie, asiatique ou occidentale, tire d'un côté ou pousse de l'autre, elles ne réussissent pas, ensemble ou séparément, à entamer l'idée de la démocratie comme valeur universelle." (p.86)
    -Amartya Sen, La démocratie des autres, Rivages Poche, coll. Petite Bibliothèque, 2003 (1999 pour la première parution américaine), 94 pages.


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