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    Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Date d'inscription : 12/08/2013
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    Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine Empty Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 6 Sep - 11:47

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Simonnot

    "[Archibald]: L'utile [en économie], c'est tout simplement ce qui est capable de satisfaire un désir." (p.11)

    "Carlyle est un auteur anglais du XIXe siècle qui passait pour le prototype du sage à l'époque victorienne. Ce qui ne va pas sans paradoxe, car nul n'a dénoncé avec plus de persévérance et plus de violence ce qu'il considérait comme la petitesse matérialiste de son siècle. Il faisait "claquer le fouet destiné à cingler, entre autres choses, notre Lugubre Science -dismal science" -ladite science économique. [...] Dès que l'économie est apparue, elle a suscité une opposition que l'on pourrait dire "romantique"." (p.13)

    "L'utilité n'est pas dans les choses, mais dans l'idée que nous nous faisons du besoin que nous en avons, idée qui peut varier selon les lieux et les circonstances et le moment. Un verre d'eau n'aura pas la même valeur au bord d'un fleuve ou au milieu du désert pour un voyageur assoiffé ou pour un buveur déjà désaltéré." (p.15)

    "L'abandon de toute référence morale ou utilitaire va être explicitée un demi-siècle après Condillac par Jean-Baptise Say. [...] [Say] délie l'utilité de toute définition naturaliste des besoins, de toute fondation rationnelle. Par l'évocation significative de la vanité, il parvient même à inclure la comparaison avec autrui dans la détermination du désir. Enfin il insiste sur le fait que nous ne pouvons rien savoir de ce qui se passe dans la tête d'autrui. Tout ce que nous pouvons connaître de ses préférences, c'est par le prix qu'il met aux choses, à un moment donné, prix dont on suppose qu'il peut varier de jour en jour, voire d'heure en heure." (p.17)

    "Un jeu à somme nulle est un jeu où la somme des gains et des pertes est égale à zéro. La formule fameuse de Montaigne, "Nul ne gagne qu'un autre ne perdre", exprime parfaitement ce type de jeu." (p.29)

    "Le physiocrate Quesnay, beaucoup plus libéral qu'on ne le croie généralement, demande que l'on cesse "d'envisager le commerce entre les nations comme un état de guerre et comme un pillage sur l'ennemi", car, explique-t-il, "chacun tend à profiter par le commerce autant qu'il le peut par ses ventes et dans ses achats"." (p.30)

    " Car si égalité il y a, pourquoi y aurait-il échange ? Reprenons l'exemple du troc des trois moutons contre une vache. Propriétaire de la vache, pourquoi l'échangerais-je contre trois moutons, si leur valeur à eux trois est égale -je dis bien égale, strictement égale- à celle de ma vache. Et il est évident que je pourrais me poser la même question si j'étais propriétaire des trois moutons. Pourquoi procéder à l'échange dans ces conditions ? Si la valeur des produits échangés est égale, aucune des deux parties ne gagne à l'échange, et il n'y a donc aucune raison pour que l'échange se produise […] Et pourtant des millions d'échanges se font de par le monde à chaque instant. Il faut donc une autre explication, plus satisfaisante. […]
    Rien d'aussi clairement et d'aussi élégamment formulé que ces deux phrases fulgurantes [de Condillac]: "Il est faux que dans l'échange on donne une valeur égale pour une valeur égale. Au contraire, chacune des parties toujours abandonne une moins grande pour une plus grande valeur". Voilà, tout est dit. Si j'échange ma vache contre mes trois moutons, c'est qu'au moment de l'échange ma vache a moins de valeur pour moi que les trois moutons de mon voisin. Ainsi faut-il encore que mon voisin fasse au même moment le même raisonnement en sens inverse au sujet de ses moutons pour que nous puissions procéder à l'échange. L'échange ne peut avoir lieu que s'il y a cette inégalité dans l'esprit de chacune des parties. L'inégalité de valeur est le moteur de l'échange. Il en est de même pour n'importe quel échange de marchandise ou de service contre argent. Si j'accepte de débourser 6 francs pour acheter un journal, c'est qu'au moment de l'achat les 6 francs que j'ai en poche ont moins de valeur que je n'en attache au journal. Mais à condition que ce soit le journal du jour. Le lendemain, cette même liasse de papier imprimé n'aura que la valeur d'un emballage de poisson. Il en est de même pour le kiosquier: les 6 francs qu'il reçoit ont pour lui plus de valeur que le journal qu'il me remet et qu'il ne lit même pas. Que l'on ait mis tant de temps, non pas à comprendre cela, car en fait on le savait intuitivement depuis l'origine des temps, mais à le formuler est un indice de la faiblesse ou des limites de notre pensée
    ." (pp.35-36)

    "L'échange, je le répète, ne prouve en rien que je suis raisonnable, ou que je poursuis rationnellement mon intérêt." (p.46-47)

    "Le véritable inventeur des avantages comparatifs est James Mill, le père de Stuart Mill et le mentor de Ricardo." (p.47)

    "En subventionnant les exportations, l'Etat subventionne en même temps une activité qui rapporte des devises. Or, que fait-on avec des devises, sinon d'importer des biens ou des services étrangers ? Donc la subvention à l'exportation est une subvention à l'importation. Les droits de douane sur les importations ont un effet symétriquement inverse. Vous rendez plus difficile la vente par les étrangers de leurs produits en France, et plus difficiles aussi leurs achats de produits français: l'entrave à l'importation équivaut à une entrave à l'exportation." (p.51)

    "En France la traduction de son ouvrage (1740) fut condamnée à être brulée." (p.60)

    "Toutes sortes d'activités n'y relèvent pas [dans La Richesse des nations] du laissez-faire: la défense nationale, certes, mais aussi la navigation au long cours qui doit être subventionnée, les routes, les ponts, les ports, la poste, la construction des murs coupe-feu, la conservation des hypothèques, l'exportation de blé, etc. D'autre part, Adam Smith continue à prôner un plafonnage à 5% des taux d'intérêts, alors qu'à la même époque les Français Turgot et Cantillon, qu'il connaît, plaident pour une déréglementation du marché de l'argent." (p.65)

    "Pour Descartes, c'est le propre des "âmes basses" qu'on ne peut les inciter à prendre de la peine pour autrui qu'en leur faisant voir qu'elles en retireront quelque profit. Pour que la béatitude que vise notre philosophe soit au rendez-vous, il faut que le contentement jaillisse spontanément de l'acte vertueux, ou que celui-ci soit à lui-même sa propre récompense." (p.74)

    "Il y a deux éléments pour qu'un droit existe. Le premier est qu'un individu prétend à un droit parce qu'il estime que ce droit va améliorer sa position. Le second est que les autres honoreront ce droit parce qu'ils pensent que leur position sera meilleure s'ils honorent ce droit que s'ils ne l'honorent pas. Bref, pour l'économiste, le droit ne repose ni sur la morale, ni sur l'Etat ou la loi, ni même sur la coutume, mais sur l'utilité, au sens économique du terme. Un droit doit à la fois être utile à celui qui prétend à ce droit et à ceux à qui il est demandé de respecter ce droit." (p.92)

    "A la suite de l'insurrection de Saint-Domingue, la Convention, en 1794, a en effet aboli l'esclavage. Mais il a été rétabli par Napoléon en 1802, et la traite a pu reprendre." (p.101)

    "[Archibald]: Soit une société primitive. Dans cette société primitive, il y a seulement deux moyens de se procurer de la nourriture. Ou la produire, ou la voler. Afin de permettre le stockage des grains, nécessaires aux ensemencements de la saison suivante ou pour parer aux imprévus (on peut imaginer) que chacun tirerait avantage à signer un "contrat social" qui interdirait de voler son voisin et qui instituerait un organe disposant des moyens de faire respecter cet interdit. Mais la signature d'un tel contrat suppose que tout le monde soit d'accord. D'où les problèmes d'unanimité. [...] N'est-il pas plus logique d'imaginer que certains, plus doués pour la bagarre, sont susceptibles de voler sans être inquiétés tandis que d'autres, moins habiles au combat, peuvent être blessés ou tués par les gens qu'ils cherchent à voler ? Dans cette perspective, les seconds sont d'accords pour donner une part de leur récolte aux premiers en échange de quoi les premiers s'engagent à ne plus les attaquer, à ne pas prendre plus que la part qui leur est accordée dans le contrat, et même à les protéger contre les autres voleurs. Les uns et les autres vont tirer bénéfice de cet accord, bien qu'il consacre l'inégalité des deux parties, parce que grâce à cet accord la production va pouvoir augmenter. Un tel type d'accord n'est qu'un cas particulier d'échange. Ici on échange un bien -de la nourriture- contre un autre bien -la sécurité." (p.103)

    "[Archibald]: Résumons: des individus ou groupes d'individus relativement forts peuvent accaparer tout ou partie des richesses accumulées par les plus faibles. Le prédateur échange avec sa proie paix et protection contre un tribut. Le système est relativement stable puisque le prédateur a intérêt à la prospérité de sa proie.
    [Candide]: Le prédateur tel que vous le définissez, ne serait-ce pas l'Etat ?
    " (p.107)

    "La coalition des plus forts peut être appelée Etat, et le reste de la population est alors composé des citoyens de cet Etat. [...] La plupart des Etats se sont formés dans la violence, imposés par des conquérants à des peuples qu'ils avaient conquis." (p.120)

    "Le bien collectif a une propriété tout à fait remarquable, quasi miraculeuse: le fait qu'un individu supplémentaire profite de ses avantages n'en réduit pas le montant disponible pour ceux qui en jouissaient déjà. Dans le langage des économistes, cette propriété est intitulée la "non-rivalité". [...] Ainsi un bien collectif est tel que le fait qu'un individu le consomme n'empêche pas au moins un autre individu de le consommer en même temps. Les consommateurs ou utilisateurs d'un bien collectif ne sont pas rivaux les uns des autres. [...]
    Prenez le chauffage de cette maison. Il profite à vos invités autant qu'à vous-même. Leur "consommation" de chauffage ne diminue pas la vôtre. Quand vous allez au théâtre, au cinéma, au concert, votre "consommation" ne réduit pas celle des autres spectateurs. Un phare profite à tous les navires qui sont à la portée de ses signaux, quel que ce soit leur nombre. Le propriétaire d'un tableau, si énorme soit la fortune qu'il lui a coutée, ne peut empêcher ceux qu'il convie à l'admirer, d'en tirer autan de plaisir que lui. Une information, dès qu'elle est rendue publique, est consommée par tous ceux qu'elle atteint. Un lecteur, un auditeur ou un téléspectateur de plus n'enlèvent rien à ceux qui l'ont précédé dans l'accès à cette information. On pourrait multiplier les exemples qui montreraient que les biens collectifs ainsi définis sont tout autant privés que publics
    ." (p.159-160)

    "Beaucoup de biens individuels ont un caractère collectif dès lors que leur utilisation a un effet, positif ou négatif, sur des tiers. Dans le jargon des économistes, on appelle cela des externalités." (p.161)

    "Un bien durable peut être consommé ou utilisé par plusieurs personnes, mais pas en même temps. Par exemple un appartement peut être occupé successivement par plusieurs familles différentes." (p.161)

    "L'exemple classique de bien public pur, ou que l'on croyait tel, est le phare maritime. A la suite d'auteurs aussi prestigieux que Stuart Mill, Sidgwick et Pigou, il a été utilisé pour démontrer l'impossibilité pour le marché de résoudre les problèmes de signalisation maritime jusqu'au jour où Ronald Coase, le grand théoricien américain contemporain des externalités, prix Nobel 1991, a montré qu'en Angleterre des phares ont bien été construits et gérés par des entreprises privées jusqu'au début du XIXème siècle ! On peut supposer que l'ostracisme et le boycottage contribuaient à réduire le nombre des free riders -les marins qui utilisaient les services du phare sans contribuer à son financement- au-dessous d'un seuil tolérable, et que par conséquent un phare privé était rentable." (p.163-164)

    "L'existence des externalités fait apparaître des failles considérables dans l'économie de marché. Mais ce n'est pas une raison pour compter les yeux fermés sur l’État pour les combler en substituant ses "préférences" à celles des citoyens." (p.177)

    "Au bout du processus concurrentiel, les seuls monopoles privés qui subsistent sont justifiés par les conditions du marché en question." (p.193)

    "L'entrepreneur de la concurrence pure et parfaite est un zombie. Il ne peut avoir aucune influence sur ses concurrents, sur ses fournisseurs, sur ses clients. Il est à la tête d'une entreprise semblable à toutes les autres. L'état de la technique, à un moment donné, s'impose à lui comme à tous les autres. L'information étant parfaite, il n'est confronté à aucune incertitude. En un mot comme en cent, il ne prend aucun risque. Il faut reconnaître à la théorie une certaine cohérence dans son irréalité. Cet entrepreneur-bureaucrate est en fait un technicien supérieur juste capable d’administrer une entité dont les paramètres sont parfaitement connus de tout le monde. Il ne manquerait plus qu'il fasse des profits ! Non, cet entrepreneur-là n'a droit à aucune sorte de profit. Il est comparable à un chef d'usine dans une économie socialiste centralisée. C'est là le paradoxe suprême de la théorie économique qui prend sa source dans la Richesse des nations d'Adam Smith. Son lieu d'aboutissement est une économie socialiste centralisée, dirigée, en principe, par des "techniciens" qui sont persuadés ou ont été persuadés que les choix techniques. En France où les grandes entreprises sont dirigées par des polytechniciens, on n'est pas très loin de cette situation -sans même tenir compte de la part prise par l'Etat dans l'économie." (p.197)

    "La première critique en règle de la possibilité d'existence d'une économie socialiste, on la doit à von Mises, et elle est postérieure à la révolution de 1917." (p.199)

    "Améliorer son information a toujours un coût, et il est parfois rationnel de ne pas l'améliorer. C'est ce que les économistes appellent l'ignorance rationnelle." (p.214-215)

    "Parmi les métaux disponibles sur cette planète, il s'en trouve deux, l'or et l'argent, qui ont des qualités particulières, tout à fait adaptées au rôle de moyens d'échange. Leur première particulière est de conserver leurs qualités à travers le temps. Leur seconde est de conserver ces qualités quelle que soit leur forme. Leur troisième est de leur homogénéité: un kilo d'or ressemble beaucoup plus à un autre kilo d'or qu'un kilo de riz à un autre kilo de riz (les qualités du riz varient en fonction de leur provenance).
    Leur quatrième découle des trois premières, à savoir que l’extraction que l'on fait chaque année ajoute fort peu de chose au stock indestructible existant, ce qui donne un gage de stabilité à l'évolution de son prix.
    Leur cinquième est d'être divisible en de très petites unités. Leur sixième est cette beauté mystérieuse qui a fasciné les êtres humains depuis l'origine des temps. Il aurait vraiment fallu que les hommes soient stupides pour ne pas s'en servir comme moyens d'échange
    ." (p.224)

    "[Archibald]: Vous êtes propriétaires d'un lingot d'or. Vous allez déposer ce lingot chez un spécialiste de ce genre de dépôt -l'existence de ce dernier suppose que la division du travail de la société à laquelle vous appartenez est parvenue à un stade assez avancé. En échange de ce dépôt, vous obtenez un bout de papier sur lequel est marqué que vous êtes bien propriétaire du lingot en question. L'entreposeur n'est pas autre chose qu'un banquier, et ce que vous avez entre les mains à la place du lingot, c'est un billet de banque. Immédiatement vous remarquerez que ce billet est une créance sur la banque. Ce billet indique en effet que vous êtes propriétaire d'un lingot d'or entreposé à la banque en question. Mais cette créance, notez-le tout de suite, ne rapporte aucun intérêt. C'est comme si vous faisiez un prêt gratuit à la banque.
    [Candide]: Et que puis-je faire avec ce billet ?
    [Archibald]: Puisqu'il est aussi bon que l'or, vous pouvez vous en servir comme instrument de paiement
    ." (p.227-228)

    "[Archibald]: Si les prêts créent de la monnaie, n'est-il pas logique que les remboursements de prêts détruisent de la monnaie ?" (p.235)

    "Napoléon a attribué en 1800 le monopole de la planche à billets à une banque privée dont lui et sa famille étaient les principaux actionnaires, grâce à des capitaux constitués des butins de la campagne d'Italie ! Et il a envoyé ses soldats détruire les instruments de fabrication de billets et les presses chez les concurrents potentiels de ce qui allait devenir la Banque de France." (p.238)

    "Comment ces [économistes] libéraux, prompts à dénoncer l'impossibilité d'une gestion centralisée de l'économie, peuvent admettre aussi facilement le concept même d'une banque centrale reste pour moi une énigme." (p.239)

    "Si la banque centrale relève son taux, elle oblige toutes les banques à relever les leurs. Le prix du crédit renchérit, et la création de monnaie de banque en est entravée. Inversement, si elle baisse son taux de base, les banques pourront abaisser leurs propres taux et accorder davantage de crédit, et donc créer davantage de monnaie de banque. La banque centrale, qu'elle le veuille ou non, a donc une très grande responsabilité dans le niveau des taux d'intérêt. Le malheur est qu'elle est forcément moins bien informée sur la qualité des emprunteurs auprès des banques secondaires que chacune de ces dernières. Le centralisme, comme nous l'avons déjà dit, se paie par une perte d'informations. Par conséquent, la gestion centrale des taux est affaire fort délicate comme le reconnaît volontiers tout gouverneur de banque centrale." (p.244)

    "Le ratio des réserves devrait être l'affaire de chaque banque. Certaines banques, qui sont très anciennes, qui ont une excellente réputation ou qui savent choisir leurs clients, peuvent se permettre un ratio très faible de réserves. D'autres, pour rassurer leur clientèle, sont obligées d'avoir un ratio très élevé. Autant de banques, autant de cas d'espèce. Et voici que la banque centrale impose à toutes le même ratio, leur faisant ingurgiter de force et garder en réserve la même proportion de sa propre monnaie. Bien évidemment, les meilleurs banques, celles qui pouvaient n'avoir que des réserves très faibles, seront pénalisées par cette cote mal taillée. Remarquons au passage que pour imposer de tels ratios, la banque centrale doit ajouter à son privilège d'émission un pouvoir de réglementation sur les banques, qu'elle ne peut évidemment détenir que d'une décision de l'Etat." (p.245)

    "Le Gold Exchange Standard a été instauré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les accords dits de Bretton-Woods. A l'époque, les Etats-Unis avaient ramassé à peu près les trois quarts des réserves mondiales en or, et les autres pays dévastés par la guerre avaient soif, non pas d'or -le métal jaune ne nourrit pas !- mais de marchandise, de blé et de machines made in USA, et donc de dollars pour les acheter. On appelait ça le dollar gap. Les banques centrales ne rechignaient donc pas à accumuler le dollars. Le vrai nom du système aurait dû être le Gold Dollar Standard. Aussi bien pendant toutes ces années de reconstruction, le dollar était considéré aussi bon que l'or -as good as gold. Puis petit à petit, à mesure que les autres pays redevenaient prospères, ils ont regimbé contre cet "impérialisme du dollar". Et l'étrange tandem de Gaulle-Rueff a pris la tête de cette espèce de croisade. A mesure que les dollars étaient échangés contre de l'or, les réserves américaines en métal jaune diminueraient, et il est arrivé ce qui devait arriver. Ces réserves sont descendues jusqu'à un seuil défini comme stratégiques, et Richard Nixon, alors président des Etats-Unis, a pris la seule décision qui s'imposait: il a fermé la golden window, le guichet où s'échangeaient les dollars contre l'or, supprimant du même coup ce qui restait de discipline dans le système.
    Dès lors, il ne restait que les changes flottants pour empêcher une banque centrale de se lancer dans une politique expansionniste. [...] Les changes flottent au gré de l'offre et de la demande. [...]
    Certes, les changes flottants accroissent les incertitudes du négoce internationale. Mais entre deux maux, il fallait choisir le moindre. Ce qu'à l'époque les Allemands voulaient éviter, et ce qu'ils cherchent toujours à éviter, c'est d'être obligés d'avaler des devises faibles et d'émettre des marks en contrepartie. C'est pourquoi le Système monétaire européen a fini, lui aussi, par exploser.
    Il faut voir, d'autre part, que la banque centrale qui se lance dans une politique expansionniste est bientôt sanctionnée par la chute de sa devise sur les marchés des changes, et donc sa dévaluation. C'est peut-être ce qu'elle cherche pour faire gagner des marchés aux industriels de son pays. Mais c'est plus compliqué que cela n'en a l'air. Une dévaluation, c'est d'abord un appauvrissement pour le pays qui la pratique
    ." (p.257)

    "[Archibald]: Pourquoi une balance de mouvements de capitaux serait-elle excédentaire ? Parce que l'épargne est insuffisante. L'importation de capital vient combler le déficit d'épargne. Autrement dit, l'épargne étrangère vient s'ajouter à l'épargne des nationaux qui s'avère insuffisante pour financer l'économie. Certes, on peut s'inquiéter de l'insuffisance de l'épargne nationale, mais on peut aussi se réjouir du dynamisme des nationaux qui font appel à des épargnants étrangers pour compléter le financement de leurs projets. Voyez comme la vision que nous avons de la situation a changé. Tout à l'heure nous nous lamentions du déficit de la balance courante et nous étions tout disposés à prendre des mesures d'austérité pour rétablir l'équilibre. Maintenant, nous voyons une économie dynamique qui se finance en faisant appel à l'épargne étrangère. Et nous nous en réjouissons.
    [Candide]: Vous vous réjouissez peut-être un peu trop vite. Cette entrée de capitaux n'en reste pas moins le signe d'un endettement accru en devises étrangères, qu'il faudra bien rembourser à un moment ou à un autre, taux d'intérêts compris.
    [Archibald]: Vous avez tout à fait raison. Mais supposons que le taux d'intérêt du marché financier international soit inférieur au rendement que vous pouvez obtenir en investissant dans votre pays. Vous aurez largement de quoi rembourser vos créanciers, tout en dégageant un bénéfice sur des activités qui auront crée des emplois. Du coup, le déficit de la balance courante qui est la contrepartie de ces entrées de capitaux est beaucoup moins inquiétant.
    Raisonnons sur un cas concret, celui des Etats-Unis. Le déficit de la balance commerciale américaine est l'un des sujets qui ont fait couler le plus d'encre dans les années 1970. Et il est toujours là. Aussi énorme. Aussi insolemment énorme. [...]
    Le phénomène fondamental, outre le statut particulier du dollar dont nous parlerons plus tard, c'est l'insuffisance d'épargne américaine, et donc la nécessité de faire appel à l'épargne étrangère. A ce facteur, il faut ajouter le fait que les marchés financiers des Etats-Unis n'ont pas dans le monde d'équivalent pour la taille, la diversité des placements offerts, la facilité pour se défaire d'une position, etc. Aussi toutes les libéralisations des capitaux qui ont eu lieu depuis 1980 se sont-elles traduites par un afflux de capitaux supplémentaires aux Etats-Unis. Il est facile de comprendre que l'on ne peut déréglementer une place financière sans libérer à la fois les possibilités d'entrée et de sortie de capitaux. Étant donné l'attraction exercée par le marché financier américain, les sorties de capitaux de la place libérée ont été supérieures aux entrées. Et des dizaines de milliards de dollars se sont placés sur le marché des Etats-Unis, permettant aux Américains de vivre au-dessus de leurs moyens et d'importer plus qu'ils n'exportaient. Ainsi le déficit de la balance courante trouve-t-il sa logique, et l'on pourrait vraiment dire qu'il est venu compenser l'excédent de la balance des mouvements de capitaux.
    L'excédent de la balance des capitaux et le déficit de la balance courante sont les deux faces d'une même médaille. Et le remède qu'un gouvernement va choisir sera fonction de la face de la médaille qu'il considère. S'il considère la face "balance courante", il va prendre des mesures de rigueur qui peuvent aller jusqu'à contingenter les importations, contrôler les changes, limiter les allocations en devises aux touristes nationaux qui partent à l'étranger. L'imagination des technocrates est sans limites. Mais si le pays en question a besoin d'importer des biens d'équipement pour son développement, une telle politique résoudra peut-être la crise immédiate qui se caractérise par une pénurie de devises ; mais elle sera un handicap de plus pour la croissance économique. Si maintenant le gouvernement considère la face "balance des mouvements de capitaux", il va s'interroger sur les raisons de l'insuffisance d'épargne nationale et sera incité à lui trouver des remèdes, par exemple dans le domaine de la fiscalité ou de la règlementation bancaire. C'est une toute autre politique qui sera engagée
    ." (p.267-269)

    "En France, on peut dire que tout l'élite a succombé au charme keynésien. Il s'est même trouvé un poète et philosophe [sic] en la personne de Georges Bataille pour se ranger sous la bannière du keynésianisme ouvertement et non sans naïveté. On aurait dit que la Théorie générale était exactement faite pour légitimer l'activisme de la technocratie française. C'était le livre que l'Etat hérité de Louis XIV, de Colbert, de Napoléon attendait. L'E.N.A a été et est encore un haut lieu de l'économie keynésienne." (p.286)

    "C'est avec des cris de joie que M. Toulemonde, s'il était bien informé, devrait accueillir la nouvelle d'une baisse de l'indice général des prix, car les salaires étant plus rigides que les prix [...] la déflation signifie d'abord une augmentation de son pouvoir d'achat." (p.357)

    "En France, par exemple, de 1870 à 1987, les salaires en termes réels, c'est-à-dire une fois défalqué l'effet de la hausse des prix, ont été multipliés par treize. Dans le même temps, le nombre annuel d'heures travaillées est passé de 2945 à 1543. C'est dire qu'il presque été divisé par deux. Dans le temps d'une active, comme on l'a fait remarquer récemment, la durée du travail a diminué de 15%." (p.371)

    "[Le] chômage de frottement ne devrait pas atteindre, si le marché du travail est bien organisé, pas plus de 2 à 3% de la population active." (p.376)

    "Par définition, le S.M.I.C. qui est un salaire minimum, est au-dessus du salaire qui s'établirait à la suite d'une libre confrontation de l'offre et de la demande de travail non qualifié et que nous nous avons appelé salaire d'équilibre. Il a été instauré, comme vous disiez tout à l'heure, pour renforcer la situation des plus démunis. Que va-t-il se passer ? Payées au S.M.I.C, les quantités de travail demandées par les employeurs seront inférieurs à celles qu'ils demanderaient si les salaires les plus bas étaient au niveau de l'équilibre. D'un autre côté, les quantités offertes par les travailleurs vont être supérieures à celles qu'elles étaient au salaire d'équilibre si joue l'effet de substitution décrit plus haut. Donc, d'un côté la demande de cette catégorie de travail diminue, de l'autre l'offre de cette catégorie de travail augmente. La partie de cette offre qui ne pourra être embouchée constitue exactement le chômage involontaire. Toute une série de personnes prêtes à travailler au S.M.I.C. ne trouvent pas d'emploi. Le S.M.I.C. est donc bien à l'origine du chômage des moins qualifiés. Comme sa fixation se répercute au moins sur l'ensemble des bas salaires, cet effet pervers dépasse de beaucoup le cas des seuls Smicards. Peut-être pourriez-vous raisonner par analogie en évoquant l'ancienne législation qui bloquait les loyers. Là encore était présumée une situation d'asymétrie que l'on entendait corriger par la loi. Mais cette fois, l'offreur (le propriétaire d'appartement) jouait le rôle du vilain, et le demandeur (le locataire), celui de la victime. Pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande, on a imposé un loyer maximum. Le loyer issu de ce blocage était forcément inférieur au loyer qui se serait établi à la suite d'une libre confrontation de l'offre et de la demande -sinon à quoi bon l'imposer. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'à ce loyer inférieur au "loyer d'équilibre", l'offre de logements était inférieur à la demande, un loyer insuffisant décourageant l'offre et excitant la demande. Sur le marché du logement comme sur le marché du travail, les mêmes causes aboutissent aux mêmes effets: ici chômage involontaire, là pénurie de logement. Ces mécanismes sont archiconnus et figurent dans tous les manuels d'économie. Et pourtant l'économiste classique a beau jeu de remarquer une fois encore qu'on attribue ces dysfonctionnements non pas à la réglementation qui en est la cause, mais aux forces aveugles, égoïstes, désordonnées, irrationnelles et pour tout dire inhumaines de l'économie de marché. Et qu'une fois encore on propose de remettre en cause, non le règlement fautif, mais de rajouter d'autres interventions de l'Etat pouvant aller jusqu'à la réquisition des entreprises pour qu'elles soient obligées d'embaucher des chômeurs, ou à l'occupation par la force des logements vacants par des sans-logis. Bref, une nouvelle fois on ferait la démonstration qu'une intervention de la puissance publique incompatible avec les règles de l'économie de marché (S.M.I.C, blocage des loyers) conduit fatalement à des interventions supplémentaires." (p.379-381)

    "Il est de fait que les syndicats défendent les intérêts des gens en place, non des chômeurs." (p.382)
    -Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine, Gallimard, coll. folio.essais, 1998, 551 pages.

    "La liberté est quelque chose dont les gens n'ont pas envie. C'est ça le problème. Ils ont envie qu'on les guide."
    -Philippe Simonnot.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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