« Avant 1918 on désigne sous le nom de Syrie une vaste région naturelle couvrant environ 300 000 km2, qui comporte la Syrie actuelle, le Liban, la Palestine et la Transjordanie. Baignée à l’ouest par la Méditerranée, limitée au nord par le Taurus, à l’est par le désert d’Arabie, cette « Grande Syrie » ou « Bilal Al Cham » (le pays de Cham), suivant le vocable arabe, éclate à la suite de la signature du traité de Sèvres, le 10 août 1920, consacrant le démembrement de l’Empire ottoman, pour donner le jour à la Syrie moderne.
Les frontières de l’Etat actuel ramené à 185 180 km2 sont de ce fait largement artificielles : au nord la voie ferrée du Taurus sert de limite avec la Turquie jusqu’à Kamechlié, à l’est le tracé de la frontière avec l’Irak suit à distance le cours du Khabour, au sud à partir de Abou-Kémal une ligne tracée comme aucordeau sépare la Syrie de la Jordanie, jusqu’au hauteur du djebel el-Arab. Enfin, à l’ouest on retrouve des limites naturelles avec le Jourdain, le mont Hermon et l’Anti-Liban sur la partie libanaise. » (p.3)
« La population de la Syrie est estimée au 1er janvier 1976 à 7 600 000 habitants, soit une densité moyenne de 39.7 habitants au kilomètres carré. […] L’accroissement annuel de la population est de l’ordre de 3.7% par an, soit un des taux les plus élevés du monde. Dans ces conditions la population de la Syrie devrait doubler d’ici 22 ans et tripler en 35 ans. […] L’émigration des Syriens vers l’étranger, encore très importante malgré des règles très strictes pour la sortie, réduit cet accroissement de 3.7 à 3.3%. Depuis le début du siècle plus d’un demi-million de Syriens ont émigré. » (p.10-11)
« En 1938, la Syrie avait une population de 2 500 000 habitants. » (note 1 p.10)
« En l’an 2000, une estimation situe la population de la Syrie à près de 18 millions d’habitants et ne saurait être dans tous les cas inférieure à 13 millions. » (p.11)
« Les apports des grandes migrations, Amorrhéens, au Ive millénaire, Phéniciens et Cananéens au IIIe, araméens au cours de la seconde moitié du IIe millénaire, les passages des Bédouins d’Arabie, des Turcs, des Kurdes et des Arméniens rendent la structure ethnique de la population très composite et la distinction ne peut plus être faite qu’au niveau linguistique.
Les Arabes se sont infiltrés en Syrie d’abord pacifiquement avec les incursions des tribus bédouines ou les caravanes marchandes en provenance d’Arabie, avant de conquérir le pays à la main après leur victoire sur les Byzantins sur le Yarmouk le 20 août 636. L’arabisation lancée sous les dynasties des Omeyyades, puis des Abassides, se poursuivit et se développa malgré une histoire fertile en rebondissement. De nos jours, la population arabe domine la vie politique, économique et sociale de la Syrie.
Les Kurdes, d’origine indo-européenne, sont aujourd’hui répartis entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Arrivées à Damas au début du XIe siècle, les tribus kurdes se sont ensuite installées au nord-est d’Alep, dans la Djérireh où ils ont mené pendant longtemps une vie semi-sédentaire. Bien qu’étant en Syrie la minorité numériquement la plus importante, ayant conservé l’usage de leur langue et gardant leurs coutumes, ils ne constituent pas comme en Irak ou encore en Turquie un réel problème politique. La colonie kurde de Damas est pratiquement assimilée et semble bien intégrée à la vie du pays : ainsi Khaled Bagdache, sécrétaire général du Parti communiste syrien, est un Kurde. Beaucoup occupent des emplois dans l’administration. Les Kurdes de l’intérieur sont en majorité des paysans et ont fait de la Djérireh le véritable grenier à blé de la Syrie. La politique d’arabisation entreprise à partir de 1967 par les autorités et qui s’est traduite par quelques déplacement de populations a été stoppée avec l’arrivée au pouvoir du général Assad, mais a contribué, dans une certaine mesure, à raviver le sentiment national kurde et à exacerber certaines passions.
Les Arméniens, d’origine caucasienne, sont venus en Syrie à la suite des persécutions dont ils furent l’objet à la fin du XIXe siècle et pendant la première guerre mondiale. Inégalement répartis à travers tout le pays, essentiellement dans les villes, ils sont surtout implantés à Alep où ils occupent une place privilégiée dans la vie économique et sociale. La langue et les traditions sont conservées grâce à la cohésion de leur communauté religieuse. La jeunesse tend pourtant à s’arabiser ou en tout cas s’assimile relativement facilement à l’élément arabe.
Les Assyriens, d’origine araméenne, ont fui la Turquie et l’Iran pour se réfugier d’abord en Irak, et plus récemment dans la province de la Djézireh, sur les rives du Khabour. Cultivateurs, ils conservent le dialecte araméen.
Les Tcherkess sont des Caucasiens arrivés dans le Djolan à côté de Damas à la fin du XIXe siècle. De religion musulmane, ils parlent le circassien et surtout l’arabe.
Quelques autres minorités existent encore comme les Turcs de la région de Lattaquié, les Turkmènes que l’on trouve à Homs, Alep et dans la Djézireh et les Druzes.
Les Juifs forment une communauté à part, très soudée et attentive au déroulement du conflit israélo-arabe. Malgré quelques moments difficiles, au gré des tensions, les Juifs de Syrie ne souffrent plus aujourd’hui d’une discrimination et peuvent avoir des activités normales. La visite du quartier juif de Damas est à cet égard révélatrice.
Les conflits de Palestine et du Liban ont provoqué l’arrivée de quelque 200 000 réfugiés palestiniens et 300 à 400 000 réfugiés libanais. » (p.12-13)
« La Syrie se caractérise par une très forte concentration urbaine qui est le résultat de l’attirance marquée des villageois vers les grands centres. On estime que 60% de la population vit aujourd’hui dans les villes. » (p.14)
« Damas qui étend ses quartiers à travers l’oasis de la Ghouta, au bord du Barada, « résidence de la poésie, château de l’âme », comme l’écrit Maurice Barrès, est d’abord un carrefour commercial entre l’Arabie, la Mésopotamie et la Méditerranée avant d’être choisie comme capitale du royaume araméen et devenir plus tard le lieu de la conversion de saint Paul. Passant ensuite de main en main, au gré des péripéties de l’histoire de la Syrie, Damas, conquise par les Arabes, devient dès 660 la capitale de l’Empire omeyyade qui y bâtit sa célèbre mosquée, un des hauts lieux de l’islam. Centre de l’empire du Proche-Orient de Saladin, dévastée par les Mongols de Genghis Khan, reconquise par les Mamelouks, brûlée par Tamerlan, Damas, riche de tous ces souvenirs historiques, est aujourd’hui le grand centre politique, administratif et culturel de la Syrie. » (p.14)
« Après les Phéniciens, des Araméens, venant du Nord de l’Arabie par la Mésopotamie, occupent sous le Ier millénaire les territoires à l’ouest de l’Euphrate. Damas devient la citadelle de la puissance araméenne et un des centres, avec Alep, de la guerre menée contre les Hébreux. Tour à tour les Egyptiens, les Assyriens, les Chaldéens, puis les Perses, à partir de 547 av. J.C., contrôlent cette partie de l’Ouest et y laissent leur empreinte à des degrés divers. La victoire d’Alexandre le Grand sur Darius III Codoman à Issos et la prise de Tyr en 332, après un siège de sept mois, chassent les Perses et soumettent la Syrie. La période macédonienne, marquée par de nombreuses révoltes, introduit les mœurs grecques et développe l’hellénisation du pays par la fondation de nombreuses cités. La mort d’Alexandre à Babylone attribue la Syrie à l’un de ses lieutenants, Seleucus, qui crée un état séleucide s’étendant du Golfe arabe jusqu’à la mer Noire. Antioche devient la capitale tandis que les villes de Damas et Tadmar (Palmyre) s’imposent comme les grands centres de l’intérieur. Mais le royaume séleucide, après avoir connu une brillante civilisation grâce à l’essor économique et culturel de ses cités méditerranéennes, se désagrège au bout de deux siècles sous les coups de conflits d’ordre interne et sous les attaques des Egyptiens et surtout des Parthes venus de la Haute Asie.
Pompée qui reçoit en 66 av. J.C. le commandement suprême contre Mithridate entreprend de soumettre l’Orient : le Pont, la Syrie et la Cilicie deviennent des provinces romaines. Après avoir établi des consuls, les Romains laissent subsister, sous leur protection les petits Etats de Palestine, de Damas et de Homs. Malgré quelques incursions parthes qui se poursuivent, la Syrie, partagée en cinq provinces, devient une riche contrée agricole dont le blé et l’olivier assurent l’extension du commerce en direction de la Méditerranée. Engagé sous la domination macédonienne, le développement des villes soumises cette fois aux influences littéraires et artistiques de la métropole romaine s’accentue : Antioche, qui constituera le berceau de la communauté chrétienne, compte alors plus de 300 000 habitants. Palmyre aux portes du désert édifie temples et théâtres grandioses. Bosra devient la capitale de la province d’Arabie, Apamée possède un des plus grands théâtres connus…
Mais, après la mort d’Auguste, l’avènement des empereurs Ibère, Caligula et Néron change notablement le climat de sécurité et de prospérité qui règne jusque-là. Le relâchement de l’administration, les pressions exagérées des impôts, la politique personnelle de quelques consuls conduisent Rome à envoyer ses meilleurs généraux pour rétablir l’autorité centrale. C’est alors que les événements amènent la Syrie à exercer une influence déterminante à Rome même. Les légions romaines qui comptent dans leurs rangs un bon nombre de Syriens que l’on retrouve engagé en Egypte, en Afrique et même en Germanie, portent en effet au pouvoir l’empereur Vespasien, aidé par Mucien, gouverneur de la Syrie. Lorsque Trajan, qui est engagé dans une campagne militaire contre les Parthes, meurt en Cilicie, c’est un autre gouverneur de Syrie qu’il désigne, avant de mourir, comme son successeur. Mais surtout un général, Sévère l’Africain ou Septime Sévère, époux d’une Syrienne de Homs, appuyé par ses soldats, met en place la dynastie émésienne des empereurs syriens, dont Caracalla, son fils Héliogobal qui remplaça le culte romain par celui de l’Orient (216-222), Alexandre Sévère (222-235) et Philippe l’Arabe (244-249), natif du Hauran et premier empereur chrétien de Rome. » (p.18-19)
« De 661 à 750 la dynastie des Omeyyades, fondée par Moavia, un secrétaire du prophète, s’installe à Damas et érige la ville en capitale du nouvel Empire syrien après avoir vaincu, à la bataille de Siffin, les partisans d’Ali, gendre de Mahomet. Moavia obtient la soumission de Hassan, fils d’Ali, et réalise ainsi l’unité de l’Islam. Sous cette dynastie puissante la Syrie connaît de nouveau une ère de prospérité et exerce un immense rayonnement. Sa marine s’empare des îles de la Méditerranée orientale, Chypre, la Crète et Rhodes tandis que les troupes syriennes viennent camper sous les murs de Constantinople. L’administration du pays est réorganisée, l’étude des sciences se développe, l’architecture arabe crée mosquées et palais. Malgré l’expédition lancée contre les Maronites du Liban, les chrétiens profitent à la cour d’une politique tolérante.
Pourtant au bout d’un siècle la dynastie des Omeyyades tombe sous les coups des Abbassides, descendants de Abbas, oncle du prophète, venus de Mésopotamie. Chassés, les Omeyyades, sous la direction de Abd er-Rahman, rejoignent l’Espagne et fondent le khalifat indépendant de Corfou. Les Abbassides vainqueurs font de la Syrie une simple province et établissent leur capitale à Bagdad. Intolérants et tyranniques, mais aussi affaiblis, ceux-ci ne peuvent empêcher leur empire de se désagréger au fil de cinq siècles de domination (750-1258). Les Fatimides, descendants d’Ali et de Fatima, petite-fille de Mahomet, venus d’Egypte, déjà installés en Tunisie, placent une partie de la Syrie sous le khalifat du Caire de 977 à 1098, tandis que les Turcs seldjoukides s’emparent des provinces de l’Ouest et que les empereurs de Byzance envahissent momentanément Beyrouth, Jbail, Homs et les villes de la vallée de l’Oronte. […] De nouveau morcelée et en proie à l’anarchie, la Syrie se trouve désarmée devant les entreprises des Croisés. » (p.20)
« En 1300 et 1404 avec le terrible Timour-Leng (Tamerlan), les Mongols puis les Tartares dévastent la Syrie et mettent à sac Alep et Damas. Le remplacement des Bahrites par les Mamelouks Bordjites d’origine circassienne n’améliore pas les conditions de vie de ces populations qui subissent leur présence jusqu’en 1516.
Cette année-là, le sultan Sélim Ier, qui règne à Constantinople, se présente en Syrie à la tête de la redoutable milice des Janissaires. Intrépides, mais divisés, les Mamelouks ne peuvent résister et la bataille de Mardjdabak, où le sultan Kanso Goù est tué, puis la chute d’Alep, Damas et Gaza mettent la Syrie entre les mains des Ottomans. » (p.21-22)
« En 1799, Bonaparte qui a conquis l’Egypte envahit la Syrie après que la Turquie eut déclaré la guerre à la France. Malgré la déroute de l’armée turque devant le mont Tabor, il ne peut venir à bout du siège de Saint-Jean-D’Arcre et regagne l’Egypte, puis la France. C’est alors que Méhémet Ali profite de l’affaiblissement de la Turquie après la guerre contre la Russie pour dépêcher son fils Ibrahim à la tête d’un corps expéditionnaire égyptien. L’intervention des puissances européennes oblige l’Egypte à évacuer la Syrie en 1840. Les Ottomans revenus abolissent alors l’émirat du Liban sans tenir compte des rencontres sanglantes entre Druzes, musulmanes et chrétiens qui en résultent. La proclamation de principes libéraux et égalitaires de la Turquie en 1856 et la promulgation d’une Constitution annonçant l’instauration d’un régime parlementaire n’ont aucune suite en Syrie mais l’intervention française au Levant en 1860-1861 pour protéger les minorités chrétiennes provoque l’autonomie administrative du Liban et l’exécution par les Turcs du pacha de Damas qui avait laissé massacrer plus de 5000 chrétiens dans sa ville.
L’arrivée des Jeunes Turcs au pouvoir en 1908 n’améliore pas la situation du pays où les sentiments nationalistes se développent chez les chrétiens comme chez les musulmans prenant pour cible l’occupation turque. La première guerre mondiale donne alors l’occasion à beaucoup de participer aux combats contre les Turcs. Ceux-ci, alliés des Allemands, vaincus par les Anglais et les armées arabes de l’émir Fayçal, sont chassés définitivement de Syrie en octobre 1918. » (p.22)
« La victoire des Alliés à la bataille de Sarona le 19 septembre 1918 est considérée comme une véritable délivrance. Déjà à la fin de 1916 le chérif Hussein aidé par ses trois fils Ali, Fayçal et Abdallah organise le soulèvement contre l’oppresseur ottoman. Soutenu par le colonel Lawrence qui mène « la révolte dans le désert », les colonnes chérifiennes de l’émir Fayçal entrent à Damas le 3 octobre 1918 suivant les Bédouins Rouallah de Nouri Chaalan. Le contingent français, symbolique, qui participe à la prise de la ville aux côtés des Anglais rejoint alors Beyrouth et, renforcé, forme les « Troupes françaises du Levant ». Celles-ci occupent le mont Liban, la Bekaa avant de réduire les Alaouites du djebel Ansariyé et plus tard les Turcs de Cilicie. Mais les accords Sykes-Picot de 1916, qui délimitent entre les Alliés les zones d’influence respectives, sont quelques peu interprétés par les Britanniques : Fayçal, accompagné de Lawrence, se rend en janvier 1919 à la Conférence de la Paix à Paris pour y revendiquer une complète indépendance arabe. En mars 1920, un congrès national syrien réuni à Damas proclame l’indépendance de la « Grande Syrie » sous la couronne chérifienne. Mais, en avril 1920, la conférence de San Remo, confirmant les accords Sykes-Picot modifiés, donne à la France les mandats sur le Liban et la Syrie, à l’Angleterre les mandats sur la Palestine, la Syrie du Nord (Transjordanie) et l’Irak. Le 24 juillet 1920, après avoir lancé un ultimatum à l’émir Fayçal pour qu’il respecte les accords conclus, une colonne française défait l’armée chérifienne à Khan Meyssaloun et entre à Damas. Fayçal rejoint Bagdad où il est proclamé roi d’Irak le 21 août 1921. Le mandat français sur la Syrie commence et va durer un peu plus de vingt ans.
La France a d’abord en Syrie, comme au Liban voisin, la lourde tâche de mener à bien la remise en état et la pacification du pays. […] Mais cette politique de redressement est contrariée par la poursuite des intrigues britanniques et les réticences certaines de l’élite politique syrienne. Le nationalisme syrien, apparu dès avant la guerre, s’est non seulement renforcé mais donne naissance maintenant à un profond sentiment unitaire de l’arabisme. Cette évolution est mal comprise ou ignorée par les autorités françaises qui jouent avec les antagonismes des minorités. Afin de répondre à ces particularismes locaux, à l’attitude centrifuge et ombrageuse des sectes dissidentes de l’islam, enfin aux privilèges consentis par traité à la minorité turque, la Syrie est divisée en quatre Etats : Damas et Alep qui seront réunis par la suite, le territoire autonome des Alaouites, le Djebel Druze dans le Hauran qui bénéficie d’un gouvernement. Les sandjaks d’Alexandrette et de Deir ez-Zor jouissent quant à eux de certaines dispositions. A côté le Grand Liban, détaché de cet ensemble, proclamé indépendant le 1er septembre 1920, a un statut particulier. La Société des Nations en confirmant, le 24 juillet 1922, le mandat français sur les Etats du Levant, reconnaît l’organisation administrative ainsi réalisée.
En 1923, est tenté un essai de fédération avec les Etats des Alaouites, de Damas, d’Alep et du Djebel Druze, dont la capitale devait être Homs, qui échoue surtout à cause de la résistance des féodaux alaouites encouragés par les administrateurs locaux français. Les régimes administratifs dans chacun de ces ensembles sont différents : en Syrie, résultat de la réunion des Etats de Damas et Alep et du sandjak d’Alexandrette, le chef d’Etat est un notable désigné par le mandat appuyé par une administration syrienne où les Français n’ont qu’un rôle de conseillers. Dans les Etats des Alaouites et du Djebel Druze l’administration française, placée sous la responsabilité d’un gouverneur français, est directe. L’action du mandat français a surtout consisté à faire régresser les autonomies pour arriver graduellement à l’Etat unitaire, ce qui ne s’est pas réalisé sans difficultés, du fait des dissidences.
Après avoir réglé celle des Alaouites, une colonne doit réduire en 1921 les Bédouins qui ont attaqué Deir ez-Zor. En août 1922, c’est au tour des Druzes de Soltan Pacha al Attrache de prendre les armes, probablement soutenu par les Anglais de Transjordanie, pays qu’il rejoint d’ailleurs après l’intervention des troupes françaises. Mais surtout en 1925 une nouvelle révolte éclate dans le Djebel Druze et s’étend rapidement sur une partie de la Syrie. Pendant un an, « la guerre du Djebel Druze » va opposer les farouches guerriers druzes aux colonnes françaises qui subissent de lourdes pertes. Le conflit entretenu par les agents de l’émir Abdallah de Transjordanie et l’Arab Legion de Peake Pacha gagne l’Hermon, peuplé également de Druzes, la Ghouta, oasis de Damas et l’Anti-Liban , débordant sur la riche plaine de la Békaa au Liban. Les autorités françaises viennent à bout de l’insurrection au début de l’été 1926 avec la prise de Soueida, la capitale du Djebel Druze, et de Salkhad que Soltan Pacha doit abandonner. L’oasis de la Ghouta est réoccupée par les troupes françaises non sans difficultés quelques mois plus tard. Le calme est définitivement revenu en Syrie et ne sera plus troublé jusqu’en 1936.
Mais le combat se situe désormais sur un autre terrain, politique cette fois. L’Assemblée constituante, élue en avril 1928, vote une Constitution qui est refusée par le haut-commissaire car elle revendique des territoires passés au Grand Liban et postule l’unité territoriale passés au Grand Liban et postule l’unité nationale intégrale et immédiate impliquant la fin brusquée du mandat. La Chambre est dissoute en mai 1930. Les nouvelles élections de janvier 1932 ne permettent pas de trouver un compromis entre les autorités et les nationalistes pour la conclusion d’un traité franco-syrien sur le modèle du traité anglo-irakien de 1930. En 1934, la Chambre est suspendue définitivement. Mais l’arrivée au pouvoir en France, en 1936, du Front populaire, provoque un nouvel examen des aspirations nationalistes syriennes. Un traité franco-syrien, prévoyait l’indépendance de la Syrie dans un délai de trois ans, est conclu, agréé à l’unanimité par le Parlement syrien mais n’est pas soumis à la ratification du Parlement français à la suite d’une campagne déclenchée par les milieux conservateurs de Paris.
Le gouvernement turc, inquiet de voir que la souveraineté de la Syrie indépendante puisse un jour s’étendre sur le sandjak d’Alexandrette où se trouve installé une minorité turque, obtient que la France cède en juin 1939 le territoire, devenu le Hatay, à la Turquie. Cette décision est très vivement ressentie par les Syriens qui gardent encore aujourd’hui le sentiment que le sandjak est partie intégrante de leur pays.
En décembre 1938, le gouvernement français, soucieux de ne pas perdre au Moyen-Orient ses positions militaires, confirme qu’il n’est pas question d’envisager la ratification du traité franco-syrien. La déclaration de la guerre de septembre 1939 accentue le raidissement français. L’effondrement de la France et l’installation du gouvernement de Vichy ont pour conséquence la désignation du général Dentz comme haut-commissaire tandis que la flotte britannique fait le blocus des côtes et que la résistance tente de s’organiser au Liban comme en Syrie.
En juin 1941, afin de mettre en échec les tentatives du général Dentz pour maintenir l’autorité du gouvernement de Vichy sur la Syrie, les forces françaises libres et les forces britanniques pénètrent dans le pays. Le général Catroux, au nom du Comité national de la Libération, proclame formellement l’indépendance syrienne le 27 septembre 1941 et la fin du mandat français. » (p.23-28)
-Philippe Rondot, La Syrie, Presse Universitaire de France, Que sais-je ?, 1978, 126 pages.
Les frontières de l’Etat actuel ramené à 185 180 km2 sont de ce fait largement artificielles : au nord la voie ferrée du Taurus sert de limite avec la Turquie jusqu’à Kamechlié, à l’est le tracé de la frontière avec l’Irak suit à distance le cours du Khabour, au sud à partir de Abou-Kémal une ligne tracée comme aucordeau sépare la Syrie de la Jordanie, jusqu’au hauteur du djebel el-Arab. Enfin, à l’ouest on retrouve des limites naturelles avec le Jourdain, le mont Hermon et l’Anti-Liban sur la partie libanaise. » (p.3)
« La population de la Syrie est estimée au 1er janvier 1976 à 7 600 000 habitants, soit une densité moyenne de 39.7 habitants au kilomètres carré. […] L’accroissement annuel de la population est de l’ordre de 3.7% par an, soit un des taux les plus élevés du monde. Dans ces conditions la population de la Syrie devrait doubler d’ici 22 ans et tripler en 35 ans. […] L’émigration des Syriens vers l’étranger, encore très importante malgré des règles très strictes pour la sortie, réduit cet accroissement de 3.7 à 3.3%. Depuis le début du siècle plus d’un demi-million de Syriens ont émigré. » (p.10-11)
« En 1938, la Syrie avait une population de 2 500 000 habitants. » (note 1 p.10)
« En l’an 2000, une estimation situe la population de la Syrie à près de 18 millions d’habitants et ne saurait être dans tous les cas inférieure à 13 millions. » (p.11)
« Les apports des grandes migrations, Amorrhéens, au Ive millénaire, Phéniciens et Cananéens au IIIe, araméens au cours de la seconde moitié du IIe millénaire, les passages des Bédouins d’Arabie, des Turcs, des Kurdes et des Arméniens rendent la structure ethnique de la population très composite et la distinction ne peut plus être faite qu’au niveau linguistique.
Les Arabes se sont infiltrés en Syrie d’abord pacifiquement avec les incursions des tribus bédouines ou les caravanes marchandes en provenance d’Arabie, avant de conquérir le pays à la main après leur victoire sur les Byzantins sur le Yarmouk le 20 août 636. L’arabisation lancée sous les dynasties des Omeyyades, puis des Abassides, se poursuivit et se développa malgré une histoire fertile en rebondissement. De nos jours, la population arabe domine la vie politique, économique et sociale de la Syrie.
Les Kurdes, d’origine indo-européenne, sont aujourd’hui répartis entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Arrivées à Damas au début du XIe siècle, les tribus kurdes se sont ensuite installées au nord-est d’Alep, dans la Djérireh où ils ont mené pendant longtemps une vie semi-sédentaire. Bien qu’étant en Syrie la minorité numériquement la plus importante, ayant conservé l’usage de leur langue et gardant leurs coutumes, ils ne constituent pas comme en Irak ou encore en Turquie un réel problème politique. La colonie kurde de Damas est pratiquement assimilée et semble bien intégrée à la vie du pays : ainsi Khaled Bagdache, sécrétaire général du Parti communiste syrien, est un Kurde. Beaucoup occupent des emplois dans l’administration. Les Kurdes de l’intérieur sont en majorité des paysans et ont fait de la Djérireh le véritable grenier à blé de la Syrie. La politique d’arabisation entreprise à partir de 1967 par les autorités et qui s’est traduite par quelques déplacement de populations a été stoppée avec l’arrivée au pouvoir du général Assad, mais a contribué, dans une certaine mesure, à raviver le sentiment national kurde et à exacerber certaines passions.
Les Arméniens, d’origine caucasienne, sont venus en Syrie à la suite des persécutions dont ils furent l’objet à la fin du XIXe siècle et pendant la première guerre mondiale. Inégalement répartis à travers tout le pays, essentiellement dans les villes, ils sont surtout implantés à Alep où ils occupent une place privilégiée dans la vie économique et sociale. La langue et les traditions sont conservées grâce à la cohésion de leur communauté religieuse. La jeunesse tend pourtant à s’arabiser ou en tout cas s’assimile relativement facilement à l’élément arabe.
Les Assyriens, d’origine araméenne, ont fui la Turquie et l’Iran pour se réfugier d’abord en Irak, et plus récemment dans la province de la Djézireh, sur les rives du Khabour. Cultivateurs, ils conservent le dialecte araméen.
Les Tcherkess sont des Caucasiens arrivés dans le Djolan à côté de Damas à la fin du XIXe siècle. De religion musulmane, ils parlent le circassien et surtout l’arabe.
Quelques autres minorités existent encore comme les Turcs de la région de Lattaquié, les Turkmènes que l’on trouve à Homs, Alep et dans la Djézireh et les Druzes.
Les Juifs forment une communauté à part, très soudée et attentive au déroulement du conflit israélo-arabe. Malgré quelques moments difficiles, au gré des tensions, les Juifs de Syrie ne souffrent plus aujourd’hui d’une discrimination et peuvent avoir des activités normales. La visite du quartier juif de Damas est à cet égard révélatrice.
Les conflits de Palestine et du Liban ont provoqué l’arrivée de quelque 200 000 réfugiés palestiniens et 300 à 400 000 réfugiés libanais. » (p.12-13)
« La Syrie se caractérise par une très forte concentration urbaine qui est le résultat de l’attirance marquée des villageois vers les grands centres. On estime que 60% de la population vit aujourd’hui dans les villes. » (p.14)
« Damas qui étend ses quartiers à travers l’oasis de la Ghouta, au bord du Barada, « résidence de la poésie, château de l’âme », comme l’écrit Maurice Barrès, est d’abord un carrefour commercial entre l’Arabie, la Mésopotamie et la Méditerranée avant d’être choisie comme capitale du royaume araméen et devenir plus tard le lieu de la conversion de saint Paul. Passant ensuite de main en main, au gré des péripéties de l’histoire de la Syrie, Damas, conquise par les Arabes, devient dès 660 la capitale de l’Empire omeyyade qui y bâtit sa célèbre mosquée, un des hauts lieux de l’islam. Centre de l’empire du Proche-Orient de Saladin, dévastée par les Mongols de Genghis Khan, reconquise par les Mamelouks, brûlée par Tamerlan, Damas, riche de tous ces souvenirs historiques, est aujourd’hui le grand centre politique, administratif et culturel de la Syrie. » (p.14)
« Après les Phéniciens, des Araméens, venant du Nord de l’Arabie par la Mésopotamie, occupent sous le Ier millénaire les territoires à l’ouest de l’Euphrate. Damas devient la citadelle de la puissance araméenne et un des centres, avec Alep, de la guerre menée contre les Hébreux. Tour à tour les Egyptiens, les Assyriens, les Chaldéens, puis les Perses, à partir de 547 av. J.C., contrôlent cette partie de l’Ouest et y laissent leur empreinte à des degrés divers. La victoire d’Alexandre le Grand sur Darius III Codoman à Issos et la prise de Tyr en 332, après un siège de sept mois, chassent les Perses et soumettent la Syrie. La période macédonienne, marquée par de nombreuses révoltes, introduit les mœurs grecques et développe l’hellénisation du pays par la fondation de nombreuses cités. La mort d’Alexandre à Babylone attribue la Syrie à l’un de ses lieutenants, Seleucus, qui crée un état séleucide s’étendant du Golfe arabe jusqu’à la mer Noire. Antioche devient la capitale tandis que les villes de Damas et Tadmar (Palmyre) s’imposent comme les grands centres de l’intérieur. Mais le royaume séleucide, après avoir connu une brillante civilisation grâce à l’essor économique et culturel de ses cités méditerranéennes, se désagrège au bout de deux siècles sous les coups de conflits d’ordre interne et sous les attaques des Egyptiens et surtout des Parthes venus de la Haute Asie.
Pompée qui reçoit en 66 av. J.C. le commandement suprême contre Mithridate entreprend de soumettre l’Orient : le Pont, la Syrie et la Cilicie deviennent des provinces romaines. Après avoir établi des consuls, les Romains laissent subsister, sous leur protection les petits Etats de Palestine, de Damas et de Homs. Malgré quelques incursions parthes qui se poursuivent, la Syrie, partagée en cinq provinces, devient une riche contrée agricole dont le blé et l’olivier assurent l’extension du commerce en direction de la Méditerranée. Engagé sous la domination macédonienne, le développement des villes soumises cette fois aux influences littéraires et artistiques de la métropole romaine s’accentue : Antioche, qui constituera le berceau de la communauté chrétienne, compte alors plus de 300 000 habitants. Palmyre aux portes du désert édifie temples et théâtres grandioses. Bosra devient la capitale de la province d’Arabie, Apamée possède un des plus grands théâtres connus…
Mais, après la mort d’Auguste, l’avènement des empereurs Ibère, Caligula et Néron change notablement le climat de sécurité et de prospérité qui règne jusque-là. Le relâchement de l’administration, les pressions exagérées des impôts, la politique personnelle de quelques consuls conduisent Rome à envoyer ses meilleurs généraux pour rétablir l’autorité centrale. C’est alors que les événements amènent la Syrie à exercer une influence déterminante à Rome même. Les légions romaines qui comptent dans leurs rangs un bon nombre de Syriens que l’on retrouve engagé en Egypte, en Afrique et même en Germanie, portent en effet au pouvoir l’empereur Vespasien, aidé par Mucien, gouverneur de la Syrie. Lorsque Trajan, qui est engagé dans une campagne militaire contre les Parthes, meurt en Cilicie, c’est un autre gouverneur de Syrie qu’il désigne, avant de mourir, comme son successeur. Mais surtout un général, Sévère l’Africain ou Septime Sévère, époux d’une Syrienne de Homs, appuyé par ses soldats, met en place la dynastie émésienne des empereurs syriens, dont Caracalla, son fils Héliogobal qui remplaça le culte romain par celui de l’Orient (216-222), Alexandre Sévère (222-235) et Philippe l’Arabe (244-249), natif du Hauran et premier empereur chrétien de Rome. » (p.18-19)
« De 661 à 750 la dynastie des Omeyyades, fondée par Moavia, un secrétaire du prophète, s’installe à Damas et érige la ville en capitale du nouvel Empire syrien après avoir vaincu, à la bataille de Siffin, les partisans d’Ali, gendre de Mahomet. Moavia obtient la soumission de Hassan, fils d’Ali, et réalise ainsi l’unité de l’Islam. Sous cette dynastie puissante la Syrie connaît de nouveau une ère de prospérité et exerce un immense rayonnement. Sa marine s’empare des îles de la Méditerranée orientale, Chypre, la Crète et Rhodes tandis que les troupes syriennes viennent camper sous les murs de Constantinople. L’administration du pays est réorganisée, l’étude des sciences se développe, l’architecture arabe crée mosquées et palais. Malgré l’expédition lancée contre les Maronites du Liban, les chrétiens profitent à la cour d’une politique tolérante.
Pourtant au bout d’un siècle la dynastie des Omeyyades tombe sous les coups des Abbassides, descendants de Abbas, oncle du prophète, venus de Mésopotamie. Chassés, les Omeyyades, sous la direction de Abd er-Rahman, rejoignent l’Espagne et fondent le khalifat indépendant de Corfou. Les Abbassides vainqueurs font de la Syrie une simple province et établissent leur capitale à Bagdad. Intolérants et tyranniques, mais aussi affaiblis, ceux-ci ne peuvent empêcher leur empire de se désagréger au fil de cinq siècles de domination (750-1258). Les Fatimides, descendants d’Ali et de Fatima, petite-fille de Mahomet, venus d’Egypte, déjà installés en Tunisie, placent une partie de la Syrie sous le khalifat du Caire de 977 à 1098, tandis que les Turcs seldjoukides s’emparent des provinces de l’Ouest et que les empereurs de Byzance envahissent momentanément Beyrouth, Jbail, Homs et les villes de la vallée de l’Oronte. […] De nouveau morcelée et en proie à l’anarchie, la Syrie se trouve désarmée devant les entreprises des Croisés. » (p.20)
« En 1300 et 1404 avec le terrible Timour-Leng (Tamerlan), les Mongols puis les Tartares dévastent la Syrie et mettent à sac Alep et Damas. Le remplacement des Bahrites par les Mamelouks Bordjites d’origine circassienne n’améliore pas les conditions de vie de ces populations qui subissent leur présence jusqu’en 1516.
Cette année-là, le sultan Sélim Ier, qui règne à Constantinople, se présente en Syrie à la tête de la redoutable milice des Janissaires. Intrépides, mais divisés, les Mamelouks ne peuvent résister et la bataille de Mardjdabak, où le sultan Kanso Goù est tué, puis la chute d’Alep, Damas et Gaza mettent la Syrie entre les mains des Ottomans. » (p.21-22)
« En 1799, Bonaparte qui a conquis l’Egypte envahit la Syrie après que la Turquie eut déclaré la guerre à la France. Malgré la déroute de l’armée turque devant le mont Tabor, il ne peut venir à bout du siège de Saint-Jean-D’Arcre et regagne l’Egypte, puis la France. C’est alors que Méhémet Ali profite de l’affaiblissement de la Turquie après la guerre contre la Russie pour dépêcher son fils Ibrahim à la tête d’un corps expéditionnaire égyptien. L’intervention des puissances européennes oblige l’Egypte à évacuer la Syrie en 1840. Les Ottomans revenus abolissent alors l’émirat du Liban sans tenir compte des rencontres sanglantes entre Druzes, musulmanes et chrétiens qui en résultent. La proclamation de principes libéraux et égalitaires de la Turquie en 1856 et la promulgation d’une Constitution annonçant l’instauration d’un régime parlementaire n’ont aucune suite en Syrie mais l’intervention française au Levant en 1860-1861 pour protéger les minorités chrétiennes provoque l’autonomie administrative du Liban et l’exécution par les Turcs du pacha de Damas qui avait laissé massacrer plus de 5000 chrétiens dans sa ville.
L’arrivée des Jeunes Turcs au pouvoir en 1908 n’améliore pas la situation du pays où les sentiments nationalistes se développent chez les chrétiens comme chez les musulmans prenant pour cible l’occupation turque. La première guerre mondiale donne alors l’occasion à beaucoup de participer aux combats contre les Turcs. Ceux-ci, alliés des Allemands, vaincus par les Anglais et les armées arabes de l’émir Fayçal, sont chassés définitivement de Syrie en octobre 1918. » (p.22)
« La victoire des Alliés à la bataille de Sarona le 19 septembre 1918 est considérée comme une véritable délivrance. Déjà à la fin de 1916 le chérif Hussein aidé par ses trois fils Ali, Fayçal et Abdallah organise le soulèvement contre l’oppresseur ottoman. Soutenu par le colonel Lawrence qui mène « la révolte dans le désert », les colonnes chérifiennes de l’émir Fayçal entrent à Damas le 3 octobre 1918 suivant les Bédouins Rouallah de Nouri Chaalan. Le contingent français, symbolique, qui participe à la prise de la ville aux côtés des Anglais rejoint alors Beyrouth et, renforcé, forme les « Troupes françaises du Levant ». Celles-ci occupent le mont Liban, la Bekaa avant de réduire les Alaouites du djebel Ansariyé et plus tard les Turcs de Cilicie. Mais les accords Sykes-Picot de 1916, qui délimitent entre les Alliés les zones d’influence respectives, sont quelques peu interprétés par les Britanniques : Fayçal, accompagné de Lawrence, se rend en janvier 1919 à la Conférence de la Paix à Paris pour y revendiquer une complète indépendance arabe. En mars 1920, un congrès national syrien réuni à Damas proclame l’indépendance de la « Grande Syrie » sous la couronne chérifienne. Mais, en avril 1920, la conférence de San Remo, confirmant les accords Sykes-Picot modifiés, donne à la France les mandats sur le Liban et la Syrie, à l’Angleterre les mandats sur la Palestine, la Syrie du Nord (Transjordanie) et l’Irak. Le 24 juillet 1920, après avoir lancé un ultimatum à l’émir Fayçal pour qu’il respecte les accords conclus, une colonne française défait l’armée chérifienne à Khan Meyssaloun et entre à Damas. Fayçal rejoint Bagdad où il est proclamé roi d’Irak le 21 août 1921. Le mandat français sur la Syrie commence et va durer un peu plus de vingt ans.
La France a d’abord en Syrie, comme au Liban voisin, la lourde tâche de mener à bien la remise en état et la pacification du pays. […] Mais cette politique de redressement est contrariée par la poursuite des intrigues britanniques et les réticences certaines de l’élite politique syrienne. Le nationalisme syrien, apparu dès avant la guerre, s’est non seulement renforcé mais donne naissance maintenant à un profond sentiment unitaire de l’arabisme. Cette évolution est mal comprise ou ignorée par les autorités françaises qui jouent avec les antagonismes des minorités. Afin de répondre à ces particularismes locaux, à l’attitude centrifuge et ombrageuse des sectes dissidentes de l’islam, enfin aux privilèges consentis par traité à la minorité turque, la Syrie est divisée en quatre Etats : Damas et Alep qui seront réunis par la suite, le territoire autonome des Alaouites, le Djebel Druze dans le Hauran qui bénéficie d’un gouvernement. Les sandjaks d’Alexandrette et de Deir ez-Zor jouissent quant à eux de certaines dispositions. A côté le Grand Liban, détaché de cet ensemble, proclamé indépendant le 1er septembre 1920, a un statut particulier. La Société des Nations en confirmant, le 24 juillet 1922, le mandat français sur les Etats du Levant, reconnaît l’organisation administrative ainsi réalisée.
En 1923, est tenté un essai de fédération avec les Etats des Alaouites, de Damas, d’Alep et du Djebel Druze, dont la capitale devait être Homs, qui échoue surtout à cause de la résistance des féodaux alaouites encouragés par les administrateurs locaux français. Les régimes administratifs dans chacun de ces ensembles sont différents : en Syrie, résultat de la réunion des Etats de Damas et Alep et du sandjak d’Alexandrette, le chef d’Etat est un notable désigné par le mandat appuyé par une administration syrienne où les Français n’ont qu’un rôle de conseillers. Dans les Etats des Alaouites et du Djebel Druze l’administration française, placée sous la responsabilité d’un gouverneur français, est directe. L’action du mandat français a surtout consisté à faire régresser les autonomies pour arriver graduellement à l’Etat unitaire, ce qui ne s’est pas réalisé sans difficultés, du fait des dissidences.
Après avoir réglé celle des Alaouites, une colonne doit réduire en 1921 les Bédouins qui ont attaqué Deir ez-Zor. En août 1922, c’est au tour des Druzes de Soltan Pacha al Attrache de prendre les armes, probablement soutenu par les Anglais de Transjordanie, pays qu’il rejoint d’ailleurs après l’intervention des troupes françaises. Mais surtout en 1925 une nouvelle révolte éclate dans le Djebel Druze et s’étend rapidement sur une partie de la Syrie. Pendant un an, « la guerre du Djebel Druze » va opposer les farouches guerriers druzes aux colonnes françaises qui subissent de lourdes pertes. Le conflit entretenu par les agents de l’émir Abdallah de Transjordanie et l’Arab Legion de Peake Pacha gagne l’Hermon, peuplé également de Druzes, la Ghouta, oasis de Damas et l’Anti-Liban , débordant sur la riche plaine de la Békaa au Liban. Les autorités françaises viennent à bout de l’insurrection au début de l’été 1926 avec la prise de Soueida, la capitale du Djebel Druze, et de Salkhad que Soltan Pacha doit abandonner. L’oasis de la Ghouta est réoccupée par les troupes françaises non sans difficultés quelques mois plus tard. Le calme est définitivement revenu en Syrie et ne sera plus troublé jusqu’en 1936.
Mais le combat se situe désormais sur un autre terrain, politique cette fois. L’Assemblée constituante, élue en avril 1928, vote une Constitution qui est refusée par le haut-commissaire car elle revendique des territoires passés au Grand Liban et postule l’unité territoriale passés au Grand Liban et postule l’unité nationale intégrale et immédiate impliquant la fin brusquée du mandat. La Chambre est dissoute en mai 1930. Les nouvelles élections de janvier 1932 ne permettent pas de trouver un compromis entre les autorités et les nationalistes pour la conclusion d’un traité franco-syrien sur le modèle du traité anglo-irakien de 1930. En 1934, la Chambre est suspendue définitivement. Mais l’arrivée au pouvoir en France, en 1936, du Front populaire, provoque un nouvel examen des aspirations nationalistes syriennes. Un traité franco-syrien, prévoyait l’indépendance de la Syrie dans un délai de trois ans, est conclu, agréé à l’unanimité par le Parlement syrien mais n’est pas soumis à la ratification du Parlement français à la suite d’une campagne déclenchée par les milieux conservateurs de Paris.
Le gouvernement turc, inquiet de voir que la souveraineté de la Syrie indépendante puisse un jour s’étendre sur le sandjak d’Alexandrette où se trouve installé une minorité turque, obtient que la France cède en juin 1939 le territoire, devenu le Hatay, à la Turquie. Cette décision est très vivement ressentie par les Syriens qui gardent encore aujourd’hui le sentiment que le sandjak est partie intégrante de leur pays.
En décembre 1938, le gouvernement français, soucieux de ne pas perdre au Moyen-Orient ses positions militaires, confirme qu’il n’est pas question d’envisager la ratification du traité franco-syrien. La déclaration de la guerre de septembre 1939 accentue le raidissement français. L’effondrement de la France et l’installation du gouvernement de Vichy ont pour conséquence la désignation du général Dentz comme haut-commissaire tandis que la flotte britannique fait le blocus des côtes et que la résistance tente de s’organiser au Liban comme en Syrie.
En juin 1941, afin de mettre en échec les tentatives du général Dentz pour maintenir l’autorité du gouvernement de Vichy sur la Syrie, les forces françaises libres et les forces britanniques pénètrent dans le pays. Le général Catroux, au nom du Comité national de la Libération, proclame formellement l’indépendance syrienne le 27 septembre 1941 et la fin du mandat français. » (p.23-28)
-Philippe Rondot, La Syrie, Presse Universitaire de France, Que sais-je ?, 1978, 126 pages.