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    L'Internationale Anarchiste et la Guerre

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    L'Internationale Anarchiste et la Guerre Empty L'Internationale Anarchiste et la Guerre

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 11 Juil 2014 - 10:47

    L’Europe en feu, une dizaine de millions d’hommes aux prises, dans la plus effroyable boucherie qu’ait jamais enregistré l’histoire, des millions de femmes et d’enfants en larmes, la vie économique, intelectuelle et morale de sept grands peuples, brutalement suspendue, la menace, chaque jour plus grave, de complications nouvelles, tel est, depuis sept mois, le pénible, angoissant et odieux spectacle que nous offre le monde civilisé. Mais, spectacle attendu, au moins par les anarchistes, car pour eux, il n’a jamais fait et ne fait aucun doute - les terribles événements d’aujourd’hui fortifient cette assurance, - que la guerre est en permanente gestation dans l’organisme social actuel et que le conflit armé restreint ou généralisé, colonial ou européen est la conséquence naturelle et l’aboutissement nécessaire et fatal d’un régime qui a pour base l’inégalité économique des citoyens, repose sur l’antagonisme sauvage des intérêts et place le monde du travail sous l’étroite et douloureuse dépendance d’une minorité de parasites, détenteurs à la fois du pouvoir politique et de la puissance économique.

    La guerre était inévitable ; d’où qu’elle vînt, elle devait éclater. Ce n’est pas en vain que depuis un demi-siècle, on prépare fièvreusement les plus formidables armements et que l’on accroît tous les jours davantage les budgets de la mort. A perfectionner constamment le matériel de guerre, à tendre continûment tous les esprits et toutes les volontés vers la meilleure organisation de la machine militaire, on ne travaille pas à la paix. Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités de tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les guerres offensives et les guerres défensives. Dans le conflit actuel, les gouvernements de Berlin et de Vienne se sont justifiés avec des documents non moins authentiques que les gouvernements de Paris, de Londres, de Pétrograd ; c’est à qui de ceux-ci ou de ceux-là produira les documents les plus indiscutables et les plus décisifs pour établir sa bonne foi, et se présenter comme l’immaculé défenseur du droit et de la liberté, le champion de la civilisation.

    La civilisation ? Qui donc la représente, en ce moment ? Est-ce l’Etat allemand, avec son militarisme formidable et si puissant, qu’il a étouffé toute velléité de révolte? Est-ce l’Etat russe, dont le knout, le gibet et la Sibérie sont les seuls moyens de persuasion ? Est-ce l’Etat français, avec Biribi, les sanglantes conquêtes du Tonkin, de Madagascar, du Maroc, avec le recrutement forcé des troupes noires ? La France qui retient dans ses prisons, depuis des années, des camarades coupables seulement d’avoir parlé et écrit contre la guerre ? Est-ce l’Angleterre qui exploite, divise, affame et opprime les populations de son immense empire colonial ? Non. Aucun des belligérants n’a le droit de se réclamer de la civilisation, comme aucun n’a le droit de se déclarer en état de légitime défense.

    La vérité, c’est que la cause des guerres, de celle qui ensanglante actuellement les plaines de l’Europe, comme de toutes celles qui l’ont précédée, réside uniquement dans l’existence de l’Etat, qui est la forme politique du privilège. L’Etat est né de la force militaire ; il s’est développé en se servant de la force militaire ; et c’est encore sur la force militaire qu’il doit logiquement s’appuyer pour maintenir sa toute puissance. Quelle que soit la forme qu’il revête, l’Etat n’est que l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés. Le conflit actuel illustre cela de façon frappante : toutes les formes de l’Etat se trouvent engagées dans la guerre présente : l’absolutisme avec la Russie, l’absolutisme mitigé de parlementarisme avec l’Allemagne, l’Etat régnant sur des peuples de races bien différentes avec l’Autriche, le régime démocratique républicain avec la France.
    Le malheur des peuples qui, pourtant, étaient tous profondément attachés à la paix, est d’avoir eu confiance en l’Etat, avec ses diplomates intrigants, en la démocratie et les partis politiques (même d’opposition, comme le socialisme parlementaire) pour éviter la guerre. Cette confiance a été trompée à dessein, et elle continue à l’être, lorsque les gouvernements, avec l’aide de toute leur presse, persuadent leurs peuples respectifs que cette guerre est une guerre de libération.

    Nous sommes résoulument contre toute guerre entre peuples ; et, dans les pays neutres, comme l’Italie, où les gouvernants prétendent jeter encore de nouveaux peuples dans la fournaise guerrière, nos camarades se sont opposés, s’opposent, et s’opposeront toujours à la guerre, avec la dernière énergie. Le rôle des anarchistes quels que soient l’endroit ou la situation dans lesquels ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs. Notre rôle, c’est d’appeler les esclaves à la révolte, contre leurs maîtres. La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec persévérance à affaiblir et à désagréger les divers Etats, à cultiver l’esprit de révolte, et à faire naître le mécontentement dans les peuples et dans les armées.
    A tous les soldats de tous les pays, qui ont la foi de combattre pour la justice et la liberté, nous devons expliquer que leur héroïsme et leur vaillance ne serviront qu’à perpétuer la haine, la tyrannie et la misère. Aux ouvriers de l’usine, il faut rappeler que les fusils qu’ils ont maintenant dans leurs mains, ont été employés contre eux dans les jours de grève et de légitime révolte et qu’ensuite, ils serviront encore contre eux, pour les obliger à subir l’exploitation patronale. Aux paysans, montrer qu’après la guerre, il faudra encore une fois se courber sous le joug, continuer à cultiver la terre de leurs seigneurs et nourrir les riches. A tous les parias, qu’ils ne doivent pas lâcher leurs armes avant d’avoir réglé leurs comptes avec leurs oppresseurs, avant d’avoir pris la terre et l’usine pour eux. Aux mères, compagnes et filles, victimes d’un surcroit de misère et de privations, montrons quels sont les vrais responsables de leurs douleurs et du massacre de leurs pères, fils et maris.

    Nous devons profiter de tous les mouvements de révolte de tous les mécontentements, pour fomenter l’insurrection, pour organiser la révolution, de laquelle nous attendons la fin de toutes les iniquités sociales. Pas de découragement - même devant une calamité comme la guerre actuelle. C’est dans des périodes aussi troublées où des milliers d’hommes donnent héroïquement leur vie pour une idée, qu’il faut que nous montrions à ces hommes la générosité, la grandeur et la beauté de l’idéal anarchiste ; la justice sociale réalisée par l’organisation libre des producteurs ; la guerre et le militarisme à jamais supprimés ; la liberté entière conquise par la destruction totale de l’Etat et de ses organismes de coercition. Vive l’Anarchie !

    Londres, février 1915.

    Léonard d’Abbot, Alexandre Berkman, L. Bertoni, L. Bersani, G. Bernard, A. Bernado, G. Barett, E. Boudot, A. Gazitta, Joseph J. Cohen, Henri Combes, Nestor Ciek van Diepen, F.-W. Dunn, Ch. Frigerio, Emma Goldman, V. Garcia, Hippolyte Havel, T.-H. Keel, Harry Kelly, J. Lemarie, E. Malatesta, A. Marquez, F. Domela-Nieuwenhuis, Noël Paravich, E. Recchioni, G. Rijnders, I. Rochtchine, A. Savioli, A. Schapiro, William Shatoff, V.-J.-C. Schermerhorn, C. Trombetti, P. Vallina, G. Vignati, L.-G. Wolf, S. Yanovsky.


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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