Histoire: "[A, 1, a] Recherche, connaissance, reconstruction du passé de l'humanité sous son aspect général ou sous des aspects particuliers, selon le lieu, l'époque, le point de vue choisi; ensemble des faits, déroulement de ce passé. [...]
[2, b]: Science qui étudie, relate de façon rigoureuse le passé de l'humanité; discipline scolaire, universitaire correspondante; leur contenu. [...]
[3, a. Par analogie]: Évolution, passage par différentes phases d'un objet quelconque de connaissance; étude, description correspondante."
-TLFI, "Histoire".
"L'histoire n'est qu'un tas de mensonges sur les événements qui ne se sont jamais passés, racontés par des gens qui n'étaient pas là."
-Georges Santayana, The Life of Reason, 1905.
"L'histoire n'est autre que l'arrachement à la nature."
-Michel Clouscard, L'Etre et le Code. Le procès de production d'un ensemble précapitaliste, L'Harmattan, Logiques sociales, 2003 (1973 pour sa première édition), 595 pages, p.16.
"L’histoire de l’humanité est, depuis ses débuts, un combat contre la nature qui ne nous attendait pas. C’est précisément parce que l’homme s’est affranchi de l’asservissement de cette nature qu’il a été en mesure d’édifier des civilisations. En France, plus aucun paysage n’est « naturel » depuis au moins la fin du Moyen-Age."
-Jean de Kervasdoué, Les Français ne croient plus au progrès (cf: http://www.marianne.net/elie-pense/les-francais-ne-croient-plus-au-progres-100243108.html ).
« L’histoire est l’école de la politique. »
-Louis Ménard, Les questions sociales dans l’antiquité (1898).
"Les passions sont la substance de l'histoire."
-Emil Cioran, Le Livre des Leurres (1936). In Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 1995, 1818 pages, p.229.
"L'histoire n'est qu'un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l'esprit devant l'Improbable. Lors même qu'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeure assujetti ; s'épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement: son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l'évidence et du ridicule." (p.581)
-Emil Cioran, Précis de décomposition, 1949. In Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 1995, 1818 pages.
"Ce n'est pas l'histoire qui se sert de l'homme comme moyen pour réaliser -comme si elle était une personne à part- ses fins à elle ; elle n'est que l'activité de l'homme qui poursuit ses fins à lui."
-Karl Marx, La Sainte Famille, 1844.
"Nous ne connaissons qu'une unique science, la science de l'histoire. On peut considérer l'histoire de deux côtés, elle peut être subdivisée en histoire de la nature et en histoire des hommes. Cependant, les deux côtés ne sont pas séparables ; tant que les hommes existent, l'histoire de la nature et l'histoire des hommes se conditionnent réciproquement.."
-Karl Marx, Friedrich Engels & Joseph Weydemeyer, L'idéologie allemande, trad. Jean Quétier et Guillaume Fonde, Éditions sociales, GEME, 2014, 497 pages, p.271.
"Jusqu'à présent toute l'histoire a été l'histoire des luttes entre les classes; ces classes sociales en lutte sont toujours le produit des relations de production et d'échange, en un mot des rapports économiques de leur époque; ainsi à chaque moment la structure économique de la société constitue le fondement réel par lequel doivent s'expliquer en dernier ressort toute la superstructure des institutions juridiques et politiques, ainsi que les conceptions religieuses, philosophiques et autres, de toute période historique. Par là l'idéalisme a été chassé de son dernier refuge, la conception de l'histoire, et une conception matérialiste de l'histoire a été donnée."
-Friedrich Engels, Anti-Dühring, 1878.
"L'histoire présente, vivante, est aussi ouverte sur un futur incertain, imprévu, non encore accompli et par conséquent aléatoire."
-Louis Althusser, Sur la philosophie, Paris, 1994, p. 45.
“The belief in an immanent teleology of history was unfounded.”
-Georg Lukàcs, an interview conducted by the New Left Review, translated 1971.
"Une bataille a la même structure que l'histoire dans sa totalité. Faite à la fois d'intentions raisonnables, de rencontres imprévisibles, de forces matérielles, elle apparaît tour à tour intelligible comme une conduite ou une oeuvre humaine, et absurde ou du moins déterminée, comme le choc des pierres ou la lutte des animaux. Elle est ou non compréhensible, selon le niveau où l'on se place. A l'incohérence des mouvements individuels succède, grâce à la discipline des troupes ou l'éloignement de l'observateur, la vision ordonnée du chef ou de l'historien. Mais ces événements, déjà organisés, ne se déroulent pas constamment selon un plan, à nouveau des accidents se produisent, en dernière analyse les hommes s'affrontent et le courage, les moyens matériels ou la Fortune décident. Certes, on retrouve encore, à ce niveau, une logique. Mais parfois, l'ordre se dissout dans le chaos, la panique s'empare de la foule. Et on se demande si les faits microscopiques et les hasards, négligés au profit de l'ensemble, ne constituent pas la réalité authentique, efficace. Partout on aperçoit des volontés ou des réactions raisonnables, et l'issue, que personne n'a voulue telle, surprend. Le mystère est à la fois à la racine et au sommet. L'élément et la totalité restent insaisissables, mais entre ces deux termes s'édifie la connaissance objective." (p.141)
"Vieille formule [de Marx]: les hommes font leur histoire, mais ils ne savent pas l'histoire qu'ils font." (p.168)
-Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l'histoire. Essai sur les limites de l'objectivité historique, Gallimard, 1986 (1938 pour la première édition), 521 pages, p.141.
"L'incertitude de l'avenir, incertitude qui ne saurait être sauvegardée par l'historien qu'en maintenant, contre la sanction de l'événement, que le réel n'était pas à l'avance écrit et qu'il dépendait de telles personnes ou de telles circonstances que la marche de l'histoire fût autre."
"L'histoire est la tragédie d'une humanité qui fait son histoire, mais qui ne sait pas l'histoire qu'elle fait."
-Raymond Aron, préface à Max Weber, Le Savant et le Politique, 1919, "Les classiques des sciences sociales", 152 pages.
"L'histoire n'assure jamais le triomphe pur et simple d'un contraire sur son contraire: elle dévoile, en se faisant, des issues inimaginables, des synthèses imprévisibles." -Roland Barthes, Mythologies, Editions du Seuil, 2010 (1957 pour la première édition), 272 pages, p.270.
"L'historicité de l'homme [...] ne s'épuise jamais dans une forme établie de la pensée sociale, politique ou scientifique. Elle cherche, découvre, cerne et formule les nouveaux problèmes qui naissent de ce qui a déjà été atteint, mais qui ne pouvaient pas naître avant." -Ernest Grassi, Humanisme et Marxisme, L'Age d'Homme, 1978, p.20.
"L'Histoire n'équivaut pas à une évolution ! C'est une analogie trompeuse ! L'évolution est une question d'environnement et de hasard, déployée sur des millions d'années. Mais l'Histoire, elle, concerne à la fois l'environnement et le choix, des actes limités à des temps de vie, et parfois même à des années, des mois, ou des jours !" -Kim Stanley Robinson, Mars La Rouge, Paris, éditions Presses de la Cité, 1994 (1993 pour la première édition américaine), 548 pages.
« Rien n'est plus malaisé que de se rendre compte de la portée historique d'un mouvement contemporain. La proximité des phénomènes ne permet pas d'en reconnaître les formes et les proportions. Le jugement historique exige avant tout le recul. » -Ludwig von Mises, Le Socialisme.
« Toute connaissance historique tira sa lumière et son intensité du présent ; toutes les représentations et les constructions historiques sont pleines de projections et d’identification naïves ; seule une conscience de notre propre situation historique nous donnera une clairvoyance historique. » -Carl Schmitt, Positionen und Begriffe.
"L'histoire est […] d'une part le produit, évidemment inconscient jusqu'ici, de l'activité des hommes eux-mêmes, d'autre part la succession des processus dans lesquels les formes de cette activité, les relations de l'homme avec lui-même (avec la nature et avec les autres hommes) se transforment." -Gyorgy Lukàcs, Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste (1922).
« Les actions d’hier sont les conditions préalables objectives de la décision d’aujourd’hui. » -Georg Lukács, Schicksalswende (1944), repris dans Tournant du destin, Contributions à une nouvelle idéologie allemande, Aufbau, Berlin, 1956, p.32.
"Il y a dans l’histoire humaine non seulement une évolution nécessaire, mais une direction intelligible et un sens idéal. Donc, tout le long des siècles, l’homme n’a pu aspirer à la justice qu’en aspirant à un ordre social moins contradictoire à l’homme que l’ordre présent, et préparé par cet ordre présent, et ainsi l’évolution des formes économiques, mais en même temps, à travers tous ces arrangements successifs, l’humanité se cherche et s’affirme elle-même, et quelle que soit la diversité des milieux, des temps, des revendications économiques, c’est un même souffle de plainte et d’espérance qui sort de la bouche de l’esclave, du serf et du prolétaire ; c’est ce souffle immortel d’humanité qui est l’âme de ce qu’on appelle le droit. Il ne faut donc pas opposer la conception matérialiste et la conception idéaliste de l’histoire. Elles se confondent en un développement unique et insoluble, parce que si on ne peut abstraire l’homme des rapports économiques, on ne peut abstraire les rapports économiques de l’homme et l’histoire, en même temps qu’elle est un phénomène qui se déroule selon une loi mécanique, est une aspiration qui se réalise selon une loi idéale." -Jean Jaurès, Idéalisme et matérialisme dans la conception de l’histoire, décembre 1894.
« Spectacle ou vraie vie vécue ? Cela ne ressemble ni à l’un ni à l’autre. Grotesque dans le détail, tragique dans l’ensemble, sur l’instant, on ne voit que les détails, l’ensemble, on le comprend trop tard, bien trop tard. L’histoire, est-ce cela ? Ce bruit, ces fureurs inutiles, ces cris et ces gesticulations et ces mille récits sans liens apparents, racontés non par un idiot, mais par mille imbéciles et quelques malins. Ne serait-elle grande l’histoire qu’avec le recul, quand les détails s’estompent, et que la machinerie du pouvoir a disparu, et que viennent les amplifications, les épopées, les chansons de geste et les mensonges poétiques. » -Henri Lefebvre, La somme et le reste, Paris, La Nef de Paris, 1959, p. 161.
"L'histoire est une lutte entre deux principes : le principe de paix favorables au développement du commerce, et le principe militariste et impérialiste qui fait dépendre la vie sociale, non pas d'une collaboration fondée sur la division du travail, mais d'une domination exercée par les forts sur les faibles. [...]
Rien ne démontre que l'évolution sociale doive se poursuivre suivant une ligne droite ascendante. Il y a eu des périodes d'arrêt et des périodes de décadence dans l'évolution sociale : ce sont là des phénomènes historiques que nous n'avons pas le droit d'ignorer. L'histoire universelle est un cimetière de civilisations mortes." -Ludwig von Mises, Le Socialisme.
"L'Histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies." -Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution.
"L'histoire, c'est cela: un moyen de comprendre et, par là même d'agir sur le cours des événements." -Lucien Febvre.
« Une philosophie de l'histoire suppose [...] que l'histoire humaine n'est pas une simple somme de faits juxtaposés [...], mais qu'elle est dans l'instant et dans la succession une totalité, en mouvement vers un état privilégié qui donne le sens à l'ensemble. » -Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945.
"Dans une politique marxiste l'histoire est un système qui va, par bonds et crises, vers le pouvoir du prolétariat et la croissance du prolétariat mondial, norme de l'histoire, appelle dans chaque domaine des solutions déterminées, tout changement partiel devant retentir sur l'ensemble." -Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur, Gallimard, Idées, 1947, page 237.
« La fin de l'histoire n'est pas une valeur d'exemple et de perfectionnement. Elle est un principe d'arbitraire et de terreur. » -Albert Camus, L'Homme révolté, 1951.
"L'histoire n'est pas déploiement rationnel." -Cornelius Castoriadis, Fait et à faire, Seuil, coll. Points, 1997, 336 pages, p.20.
« La principale utilité de l’histoire consiste à découvrir les principes constants et universels de la nature de l’homme, considérée dans tous les états et dans toutes les situations de la vie ; c’est elle qui nous fournit les matériaux d’où nous tirons nos remarques sur les ressorts réglés des actions humaines.
Ces récits de guerre, d’intrigues, de factions et de révolutions sont autant de recueils d’expériences qui servent au politique et au philosophe moral à établir les principes de leurs doctrines, de la même façon que le physicien, le naturaliste apprend à connaître la nature des plantes, des minéraux et des autres objets. » -David Hume, Essais sur l’entendement humain, VIII.
« La théorie de la répétition historique de Marx, telle qu'elle apparaît notamment dans le Dix-huit Brumaire, tourne autour du principe suivant qui ne semble pas avoir été suffisamment compris par les historiens : que la répétition en histoire n'est pas une analogie ou un concept de la réflexion de l'historien, mais d'abord une condition de l'action historique elle-même. Dans de très belles pages, Harold Rosenberg a mis ce point en lumière : les acteurs, les agents de l'histoire ne peuvent créer qu'à condition de s'identifier à des figures du passé ; c'est en ce sens que l'histoire est un théâtre. »
-Gilles Deleuze, Différence et répétition, PUF, coll. Épiméthée, 1993 (1968 pour la première édition), 409 pages, p.125.
« Il faut réétudier toute l’histoire, il faut soumettre à une investigation détaillée les conditions sociales avant d’essayer d’en déduire les conceptions politiques, juridiques, esthétiques, philosophiques, religieuses, etc. » -Friedrich Engels, Lettre à Schmidt, 5 août 1890.
"Le cours des choses humaines est hérissé d'une foule d'épreuves qui attendent l'homme." -Emmanuel Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1784, in Opuscule sur l'histoire, GF Flammarion, Paris, 1990, 245, p.73.
"Dans l'ordre de l'histoire, si on entend survivre, il faut consentir aux moyens efficaces, et on ne résiste aux armes que par les armes." -Raymond Aron, Etats démocratiques et Etats totalitaires, communication présentée devant la Société française de philosophie, le 17 juin 1939 ; publiée dans le Bulletin de la Société française de philosophie, 40e année, n°2, avril-mai 1946. Repris dans Raymond Aron, Penser la liberté, penser la démocratie, Gallimard, coll. Quarto, 2005, 1815 pages, p.77.
"Mémoire, histoire: loin d'être des synonymes, nous prenons conscience que tout les oppose. La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l'amnésie, inconsciente de ses déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations, susceptible de longues latences et de soudaines revitalisations. L'histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n'est plus. La mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel ; l'histoire, une représentation du passé. Parce qu'elle est affective et magique, la mémoire ne s'accommode que des détails qui la confortent ; elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensible à tous les transferts, écrans, censure ou projections. L'histoire, parce que opération intellectuelle et laïcisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire installe le souvenir dans le sacré, l'histoire l'en débusque, elle prosaïse toujours. La mémoire sourd d'un groupe qu'elle soude, ce qui revient à dire, comme Halbwachs l'a fait, qu'il y a autant de mémoires que de groupes ; qu'elle est, par nature, multiple et démultipliée, collective, plurielle et individualisée. L'histoire, au contraire, appartient à tous et à personne, ce qui lui donne vocation à l'universel. La mémoire s'enracine dans la concret, dans l'espace, le geste, l'image et l'objet. L'histoire ne s'attache qu'aux continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des choses. La mémoire est un absolu et l'histoire ne connaît que le relatif." -C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia et N. Offenstadt (dir), Historiographies, I, Concepts et débats, Gallimard, 2010, Introduction, p.13-15.
"L'histoire, c'est un album de famille. [...] Sinon c'est du savoir mort. Aucun intérêt." -Pierre-Yves Rougeyron, Grand Entretien de février 2017.
« L’histoire est […] la matière première des idéologies nationalistes, ethnicistes ou fondamentalistes. Le passé est un élément essentiel, peut-être l’élément essentiel de ces idéologies. S’il ne convient pas, on peut toujours l’inventer. En général, il ne convient jamais tout à fait, car le phénomène que ces idéologies prétendent justifier n’est ni ancien ni éternel, mais historiquement nouveau. […] Le passé légitime. Il donne un arrière-plan plus glorieux à un présent qui n’offre guère de motifs de réjouissance. » (p.29)
« Je pensais au moins que l’historien, à la différence, disons, du physicien nucléaire, ne pouvait pas faire de mal. Je sais désormais que ce n’est pas le cas. Nos études peuvent devenir des usines à fabriquer des bombes. Cet état de chose nous affecte de deux manières. Nous avons une responsabilité globale envers les faits historiques, et une responsabilité particulière : celle de critiquer les abus de l’utilisation de l’histoire dans un but politico-idéologique. » (p.30)
« L’histoire doit […] être différenciée du mythe, de la politique et du rituel nation[al]. » (p.33-34)
« L’analyse de toute société, à quelque moment que ce soit du développement historique, doit commencer par l’analyse de son mode de production, c’est-à-dire d’une part de la forme technico-économique du « métabolisme entre homme et nature » (Marx), la manière dont l’homme s’adapte à la nature et la transforme par le travail, et d’autres part des arrangements sociaux en fonction desquels la main d’œuvre est mobilisée, utilisée et répartie. » (p.69)
« La simple expérience historique peut toujours nous en apprendre long sur la société contemporaine. C’est en partie dû au fait que les êtres humains ne changent guère, et que les situations humaines se reproduisent périodiquement. » (p.88)
« Pourquoi tous les régimes font-ils enseigner l’histoire à l’école ? Ce n’est pas pour comprendre leur société et la manière dont elle change, mais pour l’approuver, s’en enorgueillir, afin d’être ou de devenir de bons citoyens des Etats-Unis, d’Espagne, du Honduras ou d’Irak. Il en va de même des causes et des mouvements. En tant qu’inspiration et qu’idéologie, l’histoire a une tendance innée à se transformer en mythe auto justifiant. Il n’y a pas d’aveuglement plus dangereux que celui-là. » (p.101)
-Eric J. Hobsbawm, Marx et l’histoire, Éditions Demopolis, coll. Pluriel, 2008, 204 pages.
« Seule l’illusion rétrospective de la fatalité, comme dit Raymond Aron, nous permet « d’expliquer » la Révolution française à partir des « causes » bien connues de la Révolution française. Vous pouvez bien entasser dans un même chaudron la hausse tendancielle des prix et les accidents de la conjoncture 1787-1789, les philosophes –Voltaire, Diderot, Rousseau- et la réaction nobiliaire, la richesse croissante des riches et l’appauvrissement des pauvres, Michelet et Labrousse, la faiblesse du roi et la légèreté de Marie-Antoinette, le poids de la dette et le collier de la reine, vous pouvez brasser, touiller, faire bouillir, vous n’obtiendrez jamais la Révolution française, sauf si, profitant d’un instant d’inattention, vous la jetez telle quelle dans le chaudron. » -Jacques Julliard, « Sur la causalité dans l’histoire des idées », Mil neuf cent, 2001/1, n°19, p.14.
"The historian must put himself at a point in the past at which the known factors still seem to permit different outcomes. If he speaks of Salamis, then it must be as if the Persians might still win." -Johan Huizinga, in Fritz Stern(ed.), The Varieties of History, New York, Meridian, 1956.
"L'histoire est faite d'aléatoire et d'imprévisible." (p.326)
"L'historien a un devoir vis-à-vis des Morts et ce devoir inclut éminemment celui de leur "rendre justice"." (p.337)
-Marc Angenot, L'Histoire des idées. Problématiques, objets, concepts, méthodes, enjeux, débats, Presse Universitaires de Liège, coll. Situations, 2014, 392 pages.
"Le déterminisme historique est absurde parce qu'il nie la liberté des hommes: l'histoire ne peut avoir de sens ni de fin."
-Nicolas Baverez, Introduction à Raymond Aron, Mémoires, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010 (1983 pour la première édition), 1030 pages, p.VII.
« Sans l’imprudence du régime impérial à déclarer la guerre et sans les défaites militaires, il n’est pas douteux que l’avènement de la République eût été retardé d’une décennie au moins ; tel était bien le sentiment des républicains au lendemain du plébiscite de mai 1870 : ne disaient-ils pas que l’Empire venait d’être reconduit pour vingt ans et ne désespéraient-ils pas pour leur génération de revoir un jour la République ? Un écart imprévu de l’histoire a rendu soudainement possible ce qui, la veille encore, restait une chimère. » (p.11)
« L’intervention à tout instant de la contingence, le surgissement de l’imprévu, le poids de l’événement qui déjoue brusquement les calculs, dérange l’ordre des choses et dont les crises, qui modifient de fond en comble l’éat des données, sont la manifestation au suprême degré. » (p.18)
-René Rémond, La République souveraine. La vie politique en France (1879-1939), Fayard, coll. Pluriel, 2002, 435 pages.
"L’étude des possibles permet d’éviter la production d’un récit linéaire et téléologique qui consiste à écrire l’histoire en fonction d’un point d’arrivée ou d’une finalité, donnant par là l’impression que ce qui est advenu était inévitable."
-Quentin Deluermoz, entretien avec Lydia Ben Ytzhak, Réimaginer l’Histoire pour mieux la comprendre, 27.07.2016 (cf: https://lejournal.cnrs.fr/articles/reimaginer-lhistoire-pour-mieux-la-comprendre ).
"Nous ne pouvons juger que sur ce qui fut, non sur ce qui aurait pu être." -Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire, 2014, 506 pages, p.315.
"L'historicité, c'est l'art d'apprendre que tout ce qui est n'a pas toujours été ; que ce qui n'existe pas a pu exister, que le nouveau n'est pas forcément nouveau ; qu'au contraire ce qu'on tient parfois pour éternel est assez récent. La notion d'historicité nous permet de nous situer dans le temps. Elle nous invite à relativiser l'événement qui surgit, en nous donnant la possibilité de juger son aspect répétitif, ou, au contraire, elle nous met en garde face à sa radicale nouveauté -moyennant quoi il est vain d'agir avec des recettes anachroniques. Comprendre son temps, c'est percevoir les lignes de continuité et identifier les ruptures. Dans un cas, la connaissance de l'histoire peut apaiser: "L'humanité en a vu d'autres !" ; dans l'autre cas, elle met en garde: voici de l'inédit, du jamais vu, de l'inconnu -alors il faut inventer les solutions, la sagesse des nations ne peut y pourvoir." (p.154)
-Michel Winock, "A quoi sert l'histoire ?", in Yves Beauvois et Cécile Blondel (éd.), Qu'est-ce qu'on ne sait pas en histoire ?, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1998, p.17-25.
"Si la connaissance historique ne saurait faire resurgir intégralement le passé, tel qu'il fut vécu, elle découvre un ensemble de faits qu'ignorèrent les contemporains. Nous ne pouvons, par la lecture des documents indigènes, que tenter d'évoquer les événements avec l'approximation inévitable qu'impose la distance spatiale, temporelle, culturelle, qu'aucune magie jamais ne permettra d'abolir. Ces événements se dissolvent, au niveau de chaque vie individuelle, en une infinité de modalités concrètes ; de l'oubli où ont sombré toutes ces destinées singulières, chacune empreinte d'une coloration originale, nous ne pouvons sauver que des brides, au hasard des sources qui ont franchi les siècles. Mais notre compréhension, si ténue, si partielle, s'appuie en revanche sur un savoir dont ne disposaient pas les contemporains, et qui permet en quelque sorte de compenser, au niveau de l'analyse abstraite, cette saveur immédiate de l'événement que nous avons presque irrémédiablement perdue. Car il existe des dimensions de l'histoire qui n'affleurent pas à la conscience des acteurs, et dont ils subissent cependant le conditionnement ; dimensions multiples, que nous traduisons dans notre vocabulaire sous les rubriques de démographie, de mode de production, de mentalité, etc.: ce contexte non événementiel vient au secours de l'historien en l'informant sur les circonstances, les causes et les corrélations de l'événement." -Nathan Wachtel, La vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la Conquête espagnole (1530-1570), Gallimard, coll. folio histoire, 1971, 395 pages, p.306.
« L’histoire n’est pas scientifique, si par scientifique on entend le texte qui explicite les règles de sa production. C’est un mixte, science-fiction, dont le récit n’a que l’apparence du raisonnement mais n’en est pas moins circonscrit par des contrôles et des possibilités de falsifications. »
-Michel de Certeau, « L’histoire, une passion nouvelle », Le Magazine littéraire, n°123, avril 1977, p.19-20.
"Si l'on croit que l'histoire des hommes comporte sa part d'accident et d'imprévisibilité." (p.8 )
-Yves-Marie Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme (1598-1661), Nouvelle histoire de la France moderne n°3, Seuil, coll. Point, 1992, 223 pages.
"Quel que soit le sujet, [l'historien] fait métier d'abstraction, découpant dans la durée les objets de ses études."
-Michel Winock, "Les générations intellectuelles", Vingtième Siècle. Revue d'histoire, Année 1989, 22, pp. 17-38, p.19.
« L’étude d’une société à une certaine période n’est jamais achevée dans la mesure même où nos curiosités successives ne cessent de renouveler le questionnaire auquel nous soumettons le passé. » -Jean-Pierre Azéma, De Munich à la Libération (1938-1944), tome 14 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Éditions du Seuil, 1979, 416 pages, p.353.
"La zone la plus délicate et la plus attirante de l’histoire, l’évocation de la subjectivité des hommes d’antan."
-Paule Petitier, « La réinvention du merveilleux dans l’histoire romantique », Romantisme, 2015/4 (n° 170), p. 62-75. DOI : 10.3917/rom.170.0062. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2015-4-page-62.htm
[2, b]: Science qui étudie, relate de façon rigoureuse le passé de l'humanité; discipline scolaire, universitaire correspondante; leur contenu. [...]
[3, a. Par analogie]: Évolution, passage par différentes phases d'un objet quelconque de connaissance; étude, description correspondante."
-TLFI, "Histoire".
"L'histoire n'est qu'un tas de mensonges sur les événements qui ne se sont jamais passés, racontés par des gens qui n'étaient pas là."
-Georges Santayana, The Life of Reason, 1905.
"L'histoire n'est autre que l'arrachement à la nature."
-Michel Clouscard, L'Etre et le Code. Le procès de production d'un ensemble précapitaliste, L'Harmattan, Logiques sociales, 2003 (1973 pour sa première édition), 595 pages, p.16.
"L’histoire de l’humanité est, depuis ses débuts, un combat contre la nature qui ne nous attendait pas. C’est précisément parce que l’homme s’est affranchi de l’asservissement de cette nature qu’il a été en mesure d’édifier des civilisations. En France, plus aucun paysage n’est « naturel » depuis au moins la fin du Moyen-Age."
-Jean de Kervasdoué, Les Français ne croient plus au progrès (cf: http://www.marianne.net/elie-pense/les-francais-ne-croient-plus-au-progres-100243108.html ).
« L’histoire est l’école de la politique. »
-Louis Ménard, Les questions sociales dans l’antiquité (1898).
"Les passions sont la substance de l'histoire."
-Emil Cioran, Le Livre des Leurres (1936). In Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 1995, 1818 pages, p.229.
"L'histoire n'est qu'un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l'esprit devant l'Improbable. Lors même qu'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeure assujetti ; s'épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement: son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l'évidence et du ridicule." (p.581)
-Emil Cioran, Précis de décomposition, 1949. In Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 1995, 1818 pages.
"Ce n'est pas l'histoire qui se sert de l'homme comme moyen pour réaliser -comme si elle était une personne à part- ses fins à elle ; elle n'est que l'activité de l'homme qui poursuit ses fins à lui."
-Karl Marx, La Sainte Famille, 1844.
"Nous ne connaissons qu'une unique science, la science de l'histoire. On peut considérer l'histoire de deux côtés, elle peut être subdivisée en histoire de la nature et en histoire des hommes. Cependant, les deux côtés ne sont pas séparables ; tant que les hommes existent, l'histoire de la nature et l'histoire des hommes se conditionnent réciproquement.."
-Karl Marx, Friedrich Engels & Joseph Weydemeyer, L'idéologie allemande, trad. Jean Quétier et Guillaume Fonde, Éditions sociales, GEME, 2014, 497 pages, p.271.
"Jusqu'à présent toute l'histoire a été l'histoire des luttes entre les classes; ces classes sociales en lutte sont toujours le produit des relations de production et d'échange, en un mot des rapports économiques de leur époque; ainsi à chaque moment la structure économique de la société constitue le fondement réel par lequel doivent s'expliquer en dernier ressort toute la superstructure des institutions juridiques et politiques, ainsi que les conceptions religieuses, philosophiques et autres, de toute période historique. Par là l'idéalisme a été chassé de son dernier refuge, la conception de l'histoire, et une conception matérialiste de l'histoire a été donnée."
-Friedrich Engels, Anti-Dühring, 1878.
"L'histoire présente, vivante, est aussi ouverte sur un futur incertain, imprévu, non encore accompli et par conséquent aléatoire."
-Louis Althusser, Sur la philosophie, Paris, 1994, p. 45.
“The belief in an immanent teleology of history was unfounded.”
-Georg Lukàcs, an interview conducted by the New Left Review, translated 1971.
"Une bataille a la même structure que l'histoire dans sa totalité. Faite à la fois d'intentions raisonnables, de rencontres imprévisibles, de forces matérielles, elle apparaît tour à tour intelligible comme une conduite ou une oeuvre humaine, et absurde ou du moins déterminée, comme le choc des pierres ou la lutte des animaux. Elle est ou non compréhensible, selon le niveau où l'on se place. A l'incohérence des mouvements individuels succède, grâce à la discipline des troupes ou l'éloignement de l'observateur, la vision ordonnée du chef ou de l'historien. Mais ces événements, déjà organisés, ne se déroulent pas constamment selon un plan, à nouveau des accidents se produisent, en dernière analyse les hommes s'affrontent et le courage, les moyens matériels ou la Fortune décident. Certes, on retrouve encore, à ce niveau, une logique. Mais parfois, l'ordre se dissout dans le chaos, la panique s'empare de la foule. Et on se demande si les faits microscopiques et les hasards, négligés au profit de l'ensemble, ne constituent pas la réalité authentique, efficace. Partout on aperçoit des volontés ou des réactions raisonnables, et l'issue, que personne n'a voulue telle, surprend. Le mystère est à la fois à la racine et au sommet. L'élément et la totalité restent insaisissables, mais entre ces deux termes s'édifie la connaissance objective." (p.141)
"Vieille formule [de Marx]: les hommes font leur histoire, mais ils ne savent pas l'histoire qu'ils font." (p.168)
-Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l'histoire. Essai sur les limites de l'objectivité historique, Gallimard, 1986 (1938 pour la première édition), 521 pages, p.141.
"L'incertitude de l'avenir, incertitude qui ne saurait être sauvegardée par l'historien qu'en maintenant, contre la sanction de l'événement, que le réel n'était pas à l'avance écrit et qu'il dépendait de telles personnes ou de telles circonstances que la marche de l'histoire fût autre."
"L'histoire est la tragédie d'une humanité qui fait son histoire, mais qui ne sait pas l'histoire qu'elle fait."
-Raymond Aron, préface à Max Weber, Le Savant et le Politique, 1919, "Les classiques des sciences sociales", 152 pages.
"L'histoire n'assure jamais le triomphe pur et simple d'un contraire sur son contraire: elle dévoile, en se faisant, des issues inimaginables, des synthèses imprévisibles." -Roland Barthes, Mythologies, Editions du Seuil, 2010 (1957 pour la première édition), 272 pages, p.270.
"L'historicité de l'homme [...] ne s'épuise jamais dans une forme établie de la pensée sociale, politique ou scientifique. Elle cherche, découvre, cerne et formule les nouveaux problèmes qui naissent de ce qui a déjà été atteint, mais qui ne pouvaient pas naître avant." -Ernest Grassi, Humanisme et Marxisme, L'Age d'Homme, 1978, p.20.
"L'Histoire n'équivaut pas à une évolution ! C'est une analogie trompeuse ! L'évolution est une question d'environnement et de hasard, déployée sur des millions d'années. Mais l'Histoire, elle, concerne à la fois l'environnement et le choix, des actes limités à des temps de vie, et parfois même à des années, des mois, ou des jours !" -Kim Stanley Robinson, Mars La Rouge, Paris, éditions Presses de la Cité, 1994 (1993 pour la première édition américaine), 548 pages.
« Rien n'est plus malaisé que de se rendre compte de la portée historique d'un mouvement contemporain. La proximité des phénomènes ne permet pas d'en reconnaître les formes et les proportions. Le jugement historique exige avant tout le recul. » -Ludwig von Mises, Le Socialisme.
« Toute connaissance historique tira sa lumière et son intensité du présent ; toutes les représentations et les constructions historiques sont pleines de projections et d’identification naïves ; seule une conscience de notre propre situation historique nous donnera une clairvoyance historique. » -Carl Schmitt, Positionen und Begriffe.
"L'histoire est […] d'une part le produit, évidemment inconscient jusqu'ici, de l'activité des hommes eux-mêmes, d'autre part la succession des processus dans lesquels les formes de cette activité, les relations de l'homme avec lui-même (avec la nature et avec les autres hommes) se transforment." -Gyorgy Lukàcs, Histoire et conscience de classe. Essai de dialectique marxiste (1922).
« Les actions d’hier sont les conditions préalables objectives de la décision d’aujourd’hui. » -Georg Lukács, Schicksalswende (1944), repris dans Tournant du destin, Contributions à une nouvelle idéologie allemande, Aufbau, Berlin, 1956, p.32.
"Il y a dans l’histoire humaine non seulement une évolution nécessaire, mais une direction intelligible et un sens idéal. Donc, tout le long des siècles, l’homme n’a pu aspirer à la justice qu’en aspirant à un ordre social moins contradictoire à l’homme que l’ordre présent, et préparé par cet ordre présent, et ainsi l’évolution des formes économiques, mais en même temps, à travers tous ces arrangements successifs, l’humanité se cherche et s’affirme elle-même, et quelle que soit la diversité des milieux, des temps, des revendications économiques, c’est un même souffle de plainte et d’espérance qui sort de la bouche de l’esclave, du serf et du prolétaire ; c’est ce souffle immortel d’humanité qui est l’âme de ce qu’on appelle le droit. Il ne faut donc pas opposer la conception matérialiste et la conception idéaliste de l’histoire. Elles se confondent en un développement unique et insoluble, parce que si on ne peut abstraire l’homme des rapports économiques, on ne peut abstraire les rapports économiques de l’homme et l’histoire, en même temps qu’elle est un phénomène qui se déroule selon une loi mécanique, est une aspiration qui se réalise selon une loi idéale." -Jean Jaurès, Idéalisme et matérialisme dans la conception de l’histoire, décembre 1894.
« Spectacle ou vraie vie vécue ? Cela ne ressemble ni à l’un ni à l’autre. Grotesque dans le détail, tragique dans l’ensemble, sur l’instant, on ne voit que les détails, l’ensemble, on le comprend trop tard, bien trop tard. L’histoire, est-ce cela ? Ce bruit, ces fureurs inutiles, ces cris et ces gesticulations et ces mille récits sans liens apparents, racontés non par un idiot, mais par mille imbéciles et quelques malins. Ne serait-elle grande l’histoire qu’avec le recul, quand les détails s’estompent, et que la machinerie du pouvoir a disparu, et que viennent les amplifications, les épopées, les chansons de geste et les mensonges poétiques. » -Henri Lefebvre, La somme et le reste, Paris, La Nef de Paris, 1959, p. 161.
"L'histoire est une lutte entre deux principes : le principe de paix favorables au développement du commerce, et le principe militariste et impérialiste qui fait dépendre la vie sociale, non pas d'une collaboration fondée sur la division du travail, mais d'une domination exercée par les forts sur les faibles. [...]
Rien ne démontre que l'évolution sociale doive se poursuivre suivant une ligne droite ascendante. Il y a eu des périodes d'arrêt et des périodes de décadence dans l'évolution sociale : ce sont là des phénomènes historiques que nous n'avons pas le droit d'ignorer. L'histoire universelle est un cimetière de civilisations mortes." -Ludwig von Mises, Le Socialisme.
"L'Histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies." -Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution.
"L'histoire, c'est cela: un moyen de comprendre et, par là même d'agir sur le cours des événements." -Lucien Febvre.
« Une philosophie de l'histoire suppose [...] que l'histoire humaine n'est pas une simple somme de faits juxtaposés [...], mais qu'elle est dans l'instant et dans la succession une totalité, en mouvement vers un état privilégié qui donne le sens à l'ensemble. » -Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945.
"Dans une politique marxiste l'histoire est un système qui va, par bonds et crises, vers le pouvoir du prolétariat et la croissance du prolétariat mondial, norme de l'histoire, appelle dans chaque domaine des solutions déterminées, tout changement partiel devant retentir sur l'ensemble." -Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur, Gallimard, Idées, 1947, page 237.
« La fin de l'histoire n'est pas une valeur d'exemple et de perfectionnement. Elle est un principe d'arbitraire et de terreur. » -Albert Camus, L'Homme révolté, 1951.
"L'histoire n'est pas déploiement rationnel." -Cornelius Castoriadis, Fait et à faire, Seuil, coll. Points, 1997, 336 pages, p.20.
« La principale utilité de l’histoire consiste à découvrir les principes constants et universels de la nature de l’homme, considérée dans tous les états et dans toutes les situations de la vie ; c’est elle qui nous fournit les matériaux d’où nous tirons nos remarques sur les ressorts réglés des actions humaines.
Ces récits de guerre, d’intrigues, de factions et de révolutions sont autant de recueils d’expériences qui servent au politique et au philosophe moral à établir les principes de leurs doctrines, de la même façon que le physicien, le naturaliste apprend à connaître la nature des plantes, des minéraux et des autres objets. » -David Hume, Essais sur l’entendement humain, VIII.
« La théorie de la répétition historique de Marx, telle qu'elle apparaît notamment dans le Dix-huit Brumaire, tourne autour du principe suivant qui ne semble pas avoir été suffisamment compris par les historiens : que la répétition en histoire n'est pas une analogie ou un concept de la réflexion de l'historien, mais d'abord une condition de l'action historique elle-même. Dans de très belles pages, Harold Rosenberg a mis ce point en lumière : les acteurs, les agents de l'histoire ne peuvent créer qu'à condition de s'identifier à des figures du passé ; c'est en ce sens que l'histoire est un théâtre. »
-Gilles Deleuze, Différence et répétition, PUF, coll. Épiméthée, 1993 (1968 pour la première édition), 409 pages, p.125.
« Il faut réétudier toute l’histoire, il faut soumettre à une investigation détaillée les conditions sociales avant d’essayer d’en déduire les conceptions politiques, juridiques, esthétiques, philosophiques, religieuses, etc. » -Friedrich Engels, Lettre à Schmidt, 5 août 1890.
"Le cours des choses humaines est hérissé d'une foule d'épreuves qui attendent l'homme." -Emmanuel Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1784, in Opuscule sur l'histoire, GF Flammarion, Paris, 1990, 245, p.73.
"Dans l'ordre de l'histoire, si on entend survivre, il faut consentir aux moyens efficaces, et on ne résiste aux armes que par les armes." -Raymond Aron, Etats démocratiques et Etats totalitaires, communication présentée devant la Société française de philosophie, le 17 juin 1939 ; publiée dans le Bulletin de la Société française de philosophie, 40e année, n°2, avril-mai 1946. Repris dans Raymond Aron, Penser la liberté, penser la démocratie, Gallimard, coll. Quarto, 2005, 1815 pages, p.77.
"Mémoire, histoire: loin d'être des synonymes, nous prenons conscience que tout les oppose. La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l'amnésie, inconsciente de ses déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations, susceptible de longues latences et de soudaines revitalisations. L'histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n'est plus. La mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel ; l'histoire, une représentation du passé. Parce qu'elle est affective et magique, la mémoire ne s'accommode que des détails qui la confortent ; elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensible à tous les transferts, écrans, censure ou projections. L'histoire, parce que opération intellectuelle et laïcisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire installe le souvenir dans le sacré, l'histoire l'en débusque, elle prosaïse toujours. La mémoire sourd d'un groupe qu'elle soude, ce qui revient à dire, comme Halbwachs l'a fait, qu'il y a autant de mémoires que de groupes ; qu'elle est, par nature, multiple et démultipliée, collective, plurielle et individualisée. L'histoire, au contraire, appartient à tous et à personne, ce qui lui donne vocation à l'universel. La mémoire s'enracine dans la concret, dans l'espace, le geste, l'image et l'objet. L'histoire ne s'attache qu'aux continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des choses. La mémoire est un absolu et l'histoire ne connaît que le relatif." -C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia et N. Offenstadt (dir), Historiographies, I, Concepts et débats, Gallimard, 2010, Introduction, p.13-15.
"L'histoire, c'est un album de famille. [...] Sinon c'est du savoir mort. Aucun intérêt." -Pierre-Yves Rougeyron, Grand Entretien de février 2017.
« L’histoire est […] la matière première des idéologies nationalistes, ethnicistes ou fondamentalistes. Le passé est un élément essentiel, peut-être l’élément essentiel de ces idéologies. S’il ne convient pas, on peut toujours l’inventer. En général, il ne convient jamais tout à fait, car le phénomène que ces idéologies prétendent justifier n’est ni ancien ni éternel, mais historiquement nouveau. […] Le passé légitime. Il donne un arrière-plan plus glorieux à un présent qui n’offre guère de motifs de réjouissance. » (p.29)
« Je pensais au moins que l’historien, à la différence, disons, du physicien nucléaire, ne pouvait pas faire de mal. Je sais désormais que ce n’est pas le cas. Nos études peuvent devenir des usines à fabriquer des bombes. Cet état de chose nous affecte de deux manières. Nous avons une responsabilité globale envers les faits historiques, et une responsabilité particulière : celle de critiquer les abus de l’utilisation de l’histoire dans un but politico-idéologique. » (p.30)
« L’histoire doit […] être différenciée du mythe, de la politique et du rituel nation[al]. » (p.33-34)
« L’analyse de toute société, à quelque moment que ce soit du développement historique, doit commencer par l’analyse de son mode de production, c’est-à-dire d’une part de la forme technico-économique du « métabolisme entre homme et nature » (Marx), la manière dont l’homme s’adapte à la nature et la transforme par le travail, et d’autres part des arrangements sociaux en fonction desquels la main d’œuvre est mobilisée, utilisée et répartie. » (p.69)
« La simple expérience historique peut toujours nous en apprendre long sur la société contemporaine. C’est en partie dû au fait que les êtres humains ne changent guère, et que les situations humaines se reproduisent périodiquement. » (p.88)
« Pourquoi tous les régimes font-ils enseigner l’histoire à l’école ? Ce n’est pas pour comprendre leur société et la manière dont elle change, mais pour l’approuver, s’en enorgueillir, afin d’être ou de devenir de bons citoyens des Etats-Unis, d’Espagne, du Honduras ou d’Irak. Il en va de même des causes et des mouvements. En tant qu’inspiration et qu’idéologie, l’histoire a une tendance innée à se transformer en mythe auto justifiant. Il n’y a pas d’aveuglement plus dangereux que celui-là. » (p.101)
-Eric J. Hobsbawm, Marx et l’histoire, Éditions Demopolis, coll. Pluriel, 2008, 204 pages.
« Seule l’illusion rétrospective de la fatalité, comme dit Raymond Aron, nous permet « d’expliquer » la Révolution française à partir des « causes » bien connues de la Révolution française. Vous pouvez bien entasser dans un même chaudron la hausse tendancielle des prix et les accidents de la conjoncture 1787-1789, les philosophes –Voltaire, Diderot, Rousseau- et la réaction nobiliaire, la richesse croissante des riches et l’appauvrissement des pauvres, Michelet et Labrousse, la faiblesse du roi et la légèreté de Marie-Antoinette, le poids de la dette et le collier de la reine, vous pouvez brasser, touiller, faire bouillir, vous n’obtiendrez jamais la Révolution française, sauf si, profitant d’un instant d’inattention, vous la jetez telle quelle dans le chaudron. » -Jacques Julliard, « Sur la causalité dans l’histoire des idées », Mil neuf cent, 2001/1, n°19, p.14.
"The historian must put himself at a point in the past at which the known factors still seem to permit different outcomes. If he speaks of Salamis, then it must be as if the Persians might still win." -Johan Huizinga, in Fritz Stern(ed.), The Varieties of History, New York, Meridian, 1956.
"L'histoire est faite d'aléatoire et d'imprévisible." (p.326)
"L'historien a un devoir vis-à-vis des Morts et ce devoir inclut éminemment celui de leur "rendre justice"." (p.337)
-Marc Angenot, L'Histoire des idées. Problématiques, objets, concepts, méthodes, enjeux, débats, Presse Universitaires de Liège, coll. Situations, 2014, 392 pages.
"Le déterminisme historique est absurde parce qu'il nie la liberté des hommes: l'histoire ne peut avoir de sens ni de fin."
-Nicolas Baverez, Introduction à Raymond Aron, Mémoires, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010 (1983 pour la première édition), 1030 pages, p.VII.
« Sans l’imprudence du régime impérial à déclarer la guerre et sans les défaites militaires, il n’est pas douteux que l’avènement de la République eût été retardé d’une décennie au moins ; tel était bien le sentiment des républicains au lendemain du plébiscite de mai 1870 : ne disaient-ils pas que l’Empire venait d’être reconduit pour vingt ans et ne désespéraient-ils pas pour leur génération de revoir un jour la République ? Un écart imprévu de l’histoire a rendu soudainement possible ce qui, la veille encore, restait une chimère. » (p.11)
« L’intervention à tout instant de la contingence, le surgissement de l’imprévu, le poids de l’événement qui déjoue brusquement les calculs, dérange l’ordre des choses et dont les crises, qui modifient de fond en comble l’éat des données, sont la manifestation au suprême degré. » (p.18)
-René Rémond, La République souveraine. La vie politique en France (1879-1939), Fayard, coll. Pluriel, 2002, 435 pages.
"L’étude des possibles permet d’éviter la production d’un récit linéaire et téléologique qui consiste à écrire l’histoire en fonction d’un point d’arrivée ou d’une finalité, donnant par là l’impression que ce qui est advenu était inévitable."
-Quentin Deluermoz, entretien avec Lydia Ben Ytzhak, Réimaginer l’Histoire pour mieux la comprendre, 27.07.2016 (cf: https://lejournal.cnrs.fr/articles/reimaginer-lhistoire-pour-mieux-la-comprendre ).
"Nous ne pouvons juger que sur ce qui fut, non sur ce qui aurait pu être." -Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire, 2014, 506 pages, p.315.
"L'historicité, c'est l'art d'apprendre que tout ce qui est n'a pas toujours été ; que ce qui n'existe pas a pu exister, que le nouveau n'est pas forcément nouveau ; qu'au contraire ce qu'on tient parfois pour éternel est assez récent. La notion d'historicité nous permet de nous situer dans le temps. Elle nous invite à relativiser l'événement qui surgit, en nous donnant la possibilité de juger son aspect répétitif, ou, au contraire, elle nous met en garde face à sa radicale nouveauté -moyennant quoi il est vain d'agir avec des recettes anachroniques. Comprendre son temps, c'est percevoir les lignes de continuité et identifier les ruptures. Dans un cas, la connaissance de l'histoire peut apaiser: "L'humanité en a vu d'autres !" ; dans l'autre cas, elle met en garde: voici de l'inédit, du jamais vu, de l'inconnu -alors il faut inventer les solutions, la sagesse des nations ne peut y pourvoir." (p.154)
-Michel Winock, "A quoi sert l'histoire ?", in Yves Beauvois et Cécile Blondel (éd.), Qu'est-ce qu'on ne sait pas en histoire ?, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1998, p.17-25.
"Si la connaissance historique ne saurait faire resurgir intégralement le passé, tel qu'il fut vécu, elle découvre un ensemble de faits qu'ignorèrent les contemporains. Nous ne pouvons, par la lecture des documents indigènes, que tenter d'évoquer les événements avec l'approximation inévitable qu'impose la distance spatiale, temporelle, culturelle, qu'aucune magie jamais ne permettra d'abolir. Ces événements se dissolvent, au niveau de chaque vie individuelle, en une infinité de modalités concrètes ; de l'oubli où ont sombré toutes ces destinées singulières, chacune empreinte d'une coloration originale, nous ne pouvons sauver que des brides, au hasard des sources qui ont franchi les siècles. Mais notre compréhension, si ténue, si partielle, s'appuie en revanche sur un savoir dont ne disposaient pas les contemporains, et qui permet en quelque sorte de compenser, au niveau de l'analyse abstraite, cette saveur immédiate de l'événement que nous avons presque irrémédiablement perdue. Car il existe des dimensions de l'histoire qui n'affleurent pas à la conscience des acteurs, et dont ils subissent cependant le conditionnement ; dimensions multiples, que nous traduisons dans notre vocabulaire sous les rubriques de démographie, de mode de production, de mentalité, etc.: ce contexte non événementiel vient au secours de l'historien en l'informant sur les circonstances, les causes et les corrélations de l'événement." -Nathan Wachtel, La vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la Conquête espagnole (1530-1570), Gallimard, coll. folio histoire, 1971, 395 pages, p.306.
« L’histoire n’est pas scientifique, si par scientifique on entend le texte qui explicite les règles de sa production. C’est un mixte, science-fiction, dont le récit n’a que l’apparence du raisonnement mais n’en est pas moins circonscrit par des contrôles et des possibilités de falsifications. »
-Michel de Certeau, « L’histoire, une passion nouvelle », Le Magazine littéraire, n°123, avril 1977, p.19-20.
"Si l'on croit que l'histoire des hommes comporte sa part d'accident et d'imprévisibilité." (p.8 )
-Yves-Marie Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme (1598-1661), Nouvelle histoire de la France moderne n°3, Seuil, coll. Point, 1992, 223 pages.
"Quel que soit le sujet, [l'historien] fait métier d'abstraction, découpant dans la durée les objets de ses études."
-Michel Winock, "Les générations intellectuelles", Vingtième Siècle. Revue d'histoire, Année 1989, 22, pp. 17-38, p.19.
« L’étude d’une société à une certaine période n’est jamais achevée dans la mesure même où nos curiosités successives ne cessent de renouveler le questionnaire auquel nous soumettons le passé. » -Jean-Pierre Azéma, De Munich à la Libération (1938-1944), tome 14 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Éditions du Seuil, 1979, 416 pages, p.353.
"La zone la plus délicate et la plus attirante de l’histoire, l’évocation de la subjectivité des hommes d’antan."
-Paule Petitier, « La réinvention du merveilleux dans l’histoire romantique », Romantisme, 2015/4 (n° 170), p. 62-75. DOI : 10.3917/rom.170.0062. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2015-4-page-62.htm