"Le rapport annuel de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme) publié lundi 2 mai souligne la progression de la tolérance en France au cours d'une année durant laquelle notre pays et l'Europe ont été frappés à plusieurs reprises par des attentats terroristes sans précédent. Ce recul des préjugés s'accompagne hélas d'une intensification de la violence et des actes racistes. Notre société connaît aujourd'hui une polarisation croissante entre une population majoritairement tolérante et des groupes minoritaires de plus en plus radicaux.
Dans le même temps, voir défiler Jean Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et Henry de Lesquen nous rappelle que la France a connu au cours des 30 dernières années la progression du discours essentialiste de l'extrême droite. Le Front national, construit autour d'un projet associant nostalgie coloniale, discours négationniste et programme xénophobe, est aujourd'hui devenu, aux mains de Marine Le Pen, une force politique en mesure de déstabiliser la démocratie.
Le Parti des Indigènes de la République (PIR), une nouvelle mouvance essentialiste
Parallèlement, depuis 10 ans, une nouvelle mouvance essentialiste s'est fait jour. Le Parti des Indigènes de la République (PIR) en est l'archétype, reprenant à son compte les lignes de clivage développées par l'extrême droite européenne. Lorsque le FN dénonce "l'invasion", le PIR revendique pour lui-même le statut d'"indigènes" dans un simulacre de retournement du stigmate. Cette construction en miroir renvoie au même idéal de pureté. Une pureté qui se revendique être celle des idées, mais chacun comprend rapidement qu'il s'agit en réalité de celle de la race.
Dans un texte publié sur les réseaux sociaux, Sadri Khiari nous renseigne sur la ligne de son organisation. Dénonçant la "gauche radicale blanche" (dont le discours idéologique dépend donc du phénotype de ses membres selon Khiari), les Indigènes de la République s'en distinguent. Selon le PIR, l'adversaire des "arabes palestiniens" et des "arabes français" est "la domination occidentale". Khiari poursuit: "Proclamer à la face du blanc: "Je soutiens les arabes parce qu'ils sont arabes et les musulmans parce qu'ils sont musulmans" [...] est une proclamation éminemment politique."
Une double assignation ethno-raciale des "arabes" et des "blancs"
En effet, il s'agit bel et bien d'un énoncé politique et c'est dans sa nature que réside la duplicité. Le Parti des Indigènes de la République noie le principe d'émancipation dans la double assignation ethno-raciale respective des "arabes" et des "blancs". La ligne de partage est sans bavure, la distinction nette, l'affrontement irréductible. Dans le discours du PIR, il n'est pas envisageable d'être métissé, d'être issue d'une famille à la fois occidentale et "arabe", d'être "blanc" et musulman. La seule condition qui vaille est celle de la pureté ethnique et raciale, revêtue d'un filtre culturel et religieux. La seule véritable existence sociale ne peut être que l'héritière du passé et la fille du clivage colonial. En somme, aucun dépassement possible, notre unique destin serait de rejouer l'affrontement, tout en s'accordant sur une vieille idée de l'extrême droite occidentale: il existe une hiérarchie entre les civilisations et in fine entre les races.
Aveuglé par sa colère, le discours des Indigènes de la République dénonce l'Occident mais en reprend les éléments idéologiques les plus néfastes, les idées de race et de pureté, la division étanche et hiérarchique entre des groupes sociaux fondées en tradition, ou pire en nature. Sans proposer la perspective d'une France tirant lucidement les leçons historiques et morales de son passé colonial, le PIR souhaite reprendre l'affrontement identitaire selon sa ferme conviction selon laquelle l'égalité est impossible entre les "occidentaux" et les "arabes".
L'histoire de l'Occident n'est pas réductible à la colonisation
Vouloir réduire l'histoire de l'occident à la matrice coloniale est un projet essentialiste. S'il est vrai que la colonisation est une idée née dans les pays européens, il est faux d'y ramener toute la tradition occidentale dont d'autres composantes ont par exemple fait naître l'idée de démocratie. L'histoire occidentale, pas davantage que l'histoire du monde arabe, n'est monolithique. La dénonciation du "racisme d'état" par le PIR et ses partenaires apparaît alors comme la falsification des thèses de Michel Foucault. Dans son cours au Collège de France en 1976, ce dernier déclarait "La thématique raciste va [...] non plus apparaître comme instrument de lutte d'un groupe social contre un autre, mais elle va servir à la stratégie globale des conservatismes sociaux". Plus loin, il souligne la façon dont la social-démocratie européenne a contribué à sortir la gauche du racisme qui peuplait jusqu'alors l'imaginaire socialiste: "Le racisme socialiste n'a été liquidé, en Europe, qu'à la fin du XIXe siècle, d'une part par la domination d'une social-démocratie (et, il faut bien le dire, d'un réformisme lié à cette social-démocratie), et d'autre part, par un certain nombre de processus comme l'affaire Dreyfus en France".
Cette essentialisation nie la possibilité d'une discussion politique réelle sur l'avenir de notre pays
Selon la démonstration du PIR, c'est cette social-démocratie européenne qui serait la principale pourvoyeuse d'un prétendu racisme d'Etat. Le PIR se drape dans les oripeaux de l'antiracisme pour mieux diffuser un essentialisme qui nous menace tous. Cette essentialisation enferme les individus dans une condition inamovible. Au nom d'une critique politique belliqueuse, fallacieuse et identitaire, les Indigènes de la République nient, par ce simple fait, la possibilité d'une discussion politique réelle sur l'avenir de notre pays. Dans un contexte où la montée de l'extrême droite se manifeste dans les urnes comme dans les consciences d'une partie de la population française, la construction en miroir de ce type de mouvement doit être reconnue comme tout aussi dangereuse.
La montée de la tolérance en France prouve la résilience de la démocratie française face au terrorisme, aux préjugés et à la haine. Ne laissons pas les nostalgiques de l'affrontement colonial diffuser le discours de la guerre des races !"
-Cindy Leoni, Réagir à la diffusion de l'essentialisme, http://www.huffingtonpost.fr, 05/05/2016.
http://www.huffingtonpost.fr/cindy-leoni/reagir-diffusion-essentialisme-republique_b_9837646.html
Dans le même temps, voir défiler Jean Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et Henry de Lesquen nous rappelle que la France a connu au cours des 30 dernières années la progression du discours essentialiste de l'extrême droite. Le Front national, construit autour d'un projet associant nostalgie coloniale, discours négationniste et programme xénophobe, est aujourd'hui devenu, aux mains de Marine Le Pen, une force politique en mesure de déstabiliser la démocratie.
Le Parti des Indigènes de la République (PIR), une nouvelle mouvance essentialiste
Parallèlement, depuis 10 ans, une nouvelle mouvance essentialiste s'est fait jour. Le Parti des Indigènes de la République (PIR) en est l'archétype, reprenant à son compte les lignes de clivage développées par l'extrême droite européenne. Lorsque le FN dénonce "l'invasion", le PIR revendique pour lui-même le statut d'"indigènes" dans un simulacre de retournement du stigmate. Cette construction en miroir renvoie au même idéal de pureté. Une pureté qui se revendique être celle des idées, mais chacun comprend rapidement qu'il s'agit en réalité de celle de la race.
Dans un texte publié sur les réseaux sociaux, Sadri Khiari nous renseigne sur la ligne de son organisation. Dénonçant la "gauche radicale blanche" (dont le discours idéologique dépend donc du phénotype de ses membres selon Khiari), les Indigènes de la République s'en distinguent. Selon le PIR, l'adversaire des "arabes palestiniens" et des "arabes français" est "la domination occidentale". Khiari poursuit: "Proclamer à la face du blanc: "Je soutiens les arabes parce qu'ils sont arabes et les musulmans parce qu'ils sont musulmans" [...] est une proclamation éminemment politique."
Une double assignation ethno-raciale des "arabes" et des "blancs"
En effet, il s'agit bel et bien d'un énoncé politique et c'est dans sa nature que réside la duplicité. Le Parti des Indigènes de la République noie le principe d'émancipation dans la double assignation ethno-raciale respective des "arabes" et des "blancs". La ligne de partage est sans bavure, la distinction nette, l'affrontement irréductible. Dans le discours du PIR, il n'est pas envisageable d'être métissé, d'être issue d'une famille à la fois occidentale et "arabe", d'être "blanc" et musulman. La seule condition qui vaille est celle de la pureté ethnique et raciale, revêtue d'un filtre culturel et religieux. La seule véritable existence sociale ne peut être que l'héritière du passé et la fille du clivage colonial. En somme, aucun dépassement possible, notre unique destin serait de rejouer l'affrontement, tout en s'accordant sur une vieille idée de l'extrême droite occidentale: il existe une hiérarchie entre les civilisations et in fine entre les races.
Aveuglé par sa colère, le discours des Indigènes de la République dénonce l'Occident mais en reprend les éléments idéologiques les plus néfastes, les idées de race et de pureté, la division étanche et hiérarchique entre des groupes sociaux fondées en tradition, ou pire en nature. Sans proposer la perspective d'une France tirant lucidement les leçons historiques et morales de son passé colonial, le PIR souhaite reprendre l'affrontement identitaire selon sa ferme conviction selon laquelle l'égalité est impossible entre les "occidentaux" et les "arabes".
L'histoire de l'Occident n'est pas réductible à la colonisation
Vouloir réduire l'histoire de l'occident à la matrice coloniale est un projet essentialiste. S'il est vrai que la colonisation est une idée née dans les pays européens, il est faux d'y ramener toute la tradition occidentale dont d'autres composantes ont par exemple fait naître l'idée de démocratie. L'histoire occidentale, pas davantage que l'histoire du monde arabe, n'est monolithique. La dénonciation du "racisme d'état" par le PIR et ses partenaires apparaît alors comme la falsification des thèses de Michel Foucault. Dans son cours au Collège de France en 1976, ce dernier déclarait "La thématique raciste va [...] non plus apparaître comme instrument de lutte d'un groupe social contre un autre, mais elle va servir à la stratégie globale des conservatismes sociaux". Plus loin, il souligne la façon dont la social-démocratie européenne a contribué à sortir la gauche du racisme qui peuplait jusqu'alors l'imaginaire socialiste: "Le racisme socialiste n'a été liquidé, en Europe, qu'à la fin du XIXe siècle, d'une part par la domination d'une social-démocratie (et, il faut bien le dire, d'un réformisme lié à cette social-démocratie), et d'autre part, par un certain nombre de processus comme l'affaire Dreyfus en France".
Cette essentialisation nie la possibilité d'une discussion politique réelle sur l'avenir de notre pays
Selon la démonstration du PIR, c'est cette social-démocratie européenne qui serait la principale pourvoyeuse d'un prétendu racisme d'Etat. Le PIR se drape dans les oripeaux de l'antiracisme pour mieux diffuser un essentialisme qui nous menace tous. Cette essentialisation enferme les individus dans une condition inamovible. Au nom d'une critique politique belliqueuse, fallacieuse et identitaire, les Indigènes de la République nient, par ce simple fait, la possibilité d'une discussion politique réelle sur l'avenir de notre pays. Dans un contexte où la montée de l'extrême droite se manifeste dans les urnes comme dans les consciences d'une partie de la population française, la construction en miroir de ce type de mouvement doit être reconnue comme tout aussi dangereuse.
La montée de la tolérance en France prouve la résilience de la démocratie française face au terrorisme, aux préjugés et à la haine. Ne laissons pas les nostalgiques de l'affrontement colonial diffuser le discours de la guerre des races !"
-Cindy Leoni, Réagir à la diffusion de l'essentialisme, http://www.huffingtonpost.fr, 05/05/2016.
http://www.huffingtonpost.fr/cindy-leoni/reagir-diffusion-essentialisme-republique_b_9837646.html