https://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Gauchon
"Nous oserons même un paradoxe en espérant qu'il ne sera pas mis sur le compte de l'ivresse: de tous les pays européens, c'est la France qui est la mieux dotée. [...]
Il ne suffit pas de collectionner les atouts, il faut les jouer. Ce qui suppose des efforts. "Triste comme la grandeur", disait le général de Gaulle. Et coûteux aurait-il pu ajouter. La puissance et l'indépendance ont un coût, financier bien sûr, mais aussi humain et même moral. Les Français sont-ils prêts à le payer ?" (p.9)
"Hugues Capet, premier roi de France, est couronné en 987. Pour Georges Duby, c'est l'acte de naissance du pays. La carte montre une France beaucoup plus étirée qu'aujourd'hui, de la Flandre à la Catalogne, plus étroite aussi. Elle regroupe quelques pièces de notre puzzle, les bassins sédimentaires, le finisterre breton, le Massif central qui constitue alors sa frontière orientale. Il manque le contrôle de l'axe Rhin-Rhône. Tout l'effort de la monarchie visera à le récupérer en démembrant l'ancienne Lotharingie, ce qui mettra la France au contact de l'Allemagne.
La conquête de cet axe majeur demanda huit siècles et d'innombrables guerres. Elle ne réussit pas totalement, la France échouant à saisir toute la rive gauche du Rhin malgré les "réunions" de Louis XIV. Aussi les frontières de la France se sont-elles fixées à mi-chemin entre Paris et le Rhin. Elles sont restées pratiquement inchangées depuis 1789 à l'exception de quelques cités et, au sud-est, de la Savoie et de Nice, sans oublier l'Alsace-Lorraine, perdue deux fois et deux fois récupérés. [...]
La poussée vers l'est constitue une remarquable constante de la géopolitique française -faut-il expliquer ainsi que l'aventure maritime ait été délaissée ?" (p.13)
"Avec Paris, le Massif central constitue l'autre pôle symbolique de la France: d'un côté l'Etat qui a "fait la France", la capitale nationale et mondiale, la ville des élites venues de toutes les provinces, le lieu de passage vers lequel convergent les fleuves du Bassin parisien ; de l'autre le cœur du pays profond, le réceptacle qui rappelle que notre nation n'est pas seulement une "fabrication" mais qu'elle tire ses origines d'un passé lointain et d'un peuple moins modifié qu'on l'a dit (du moins jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle), le massif que ses rivières encaissées rendent difficiles à traverser et que les grandes routes contournent sans le pénétrer. Au cœur de la France, un pôle attractif pour le meilleur et pour le pire et un pôle répulsif mais aussi refuge. Comme le yin et le yang de notre territoire." (p.14)
"La France est située à cheval sur le 45e parallèle, à équidistance du pôle Nord et de l'Équateur, en pleine zone tempérée, sur la côte ouest du continent européen réchauffé par le Gulf Stream. Pas de déserts, peu de très hautes montagnes, des plateaux et des plaines, le limon des fleuves et, sur une bonne partie du Bassin parisien, les plaques de loess, sous-produit de l'érosion glaciaire du Quaternaire qui se révèle particulièrement fertile.
Tout paraît encourager le travail agricole. La diversité des milieux (océanique à l'ouest, semi-continental à l'est, méditerranéen au sud) autorise des activités variées, des "grandes cultures" des bassins sédimentaires (céréales, betteraves à sucre) à l'arboriculture des Midis, de l'horticulture des côtes atlantiques à l'élevage de l'Ouest et des plateaux du Jura. Enfin la forêt, la quatrième d'Europe, couvre 29 % du territoire (sans compter la Guyane)."(p.14-15)
"De grands travaux ont été menés qui ouvrent le réseau français sur l'Europe et le monde: tunnel du Mont Blanc inauguré en 1965, tunnel sous la Manche en 1994." (p.19)
"La dispersion des ports constitue un autre handicap: l'ensemble des six ports autonomes maritimes français (Marseille-Fos, Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes-Saint Nazaire, Bordeaux) assure un trafic équivalant au seul Rotterdam, ce qui rend difficile les économies d'échelle. De plus la faiblesse des liaisons avec l'intérieur par voie d'eau limite leur rayonnement: l'Est de la France s'approvisionne auprès des ports belges et néerlandais.
Faut-il aller plus loin et penser que la France s'est détournée depuis longtemps de la mer pour se tourner vers l'intérieur, devenant une nation terrienne et paysanne plus que maritime ? Paradoxalement, l'une des faiblesses de ces infrastructures vient de très anciennes mesures adoptées par la monarchie et renforcées par l'Empire afin de protéger le secteur et ses travailleurs. Si culpabilité il y a, ce n'est pas le désintérêt de l'Etat qu'il faut pointer, mais son intervention." (p.20)
"En 1789, [la France] est le troisième pays européen (hors Russie) par la superficie (derrière l'Autriche et la Suède), deuxième en 1914 (derrière l'Autriche-Hongrie) et, avec 550 000 km2, première aujourd'hui. Mais son horizon s'est élargi et, à l'échelle mondiale, la France n'est que quarante-deuxième. Même remarque en ce qui concerne sa population: première en Europe en 1789, seconde aujourd'hui, elle n'est que vingt-et-unième dans le monde.
Ce changement d'échelle consacre la position moyenne de la France entre grande et moyenne puissance -grande en Europe, moyenne voire petite dans le monde." (p.21)
"L'axe majeur de l'Europe est celui du Rhin prolongé vers le nord-ouest par la région londonienne et au sud-est par les cols suisses et la Lombardie. L'axe majeur de la France est l'axe Seine-Rhône le long duquel se situent ses trois premières agglomérations (Paris, Lyon et Marseille). Le territoire français est donc légèrement décalé à l'ouest par rapport au coeur européen dans lequel ne sont vraiment intégrés que le Nord, l'Alsace-Lorraine et, à la limite, la région parisienne." (p.22)
"Les départements [français] (qui font partie de l'Union européenne) et les territoires (qui n'en font pas partie et ont été associés aux différents accords avec les pays ACP) d'outre-mer couvrent une superficie de 550 000km2, autant que la métropole, dont 440 000 pour les Terres australes et antarctiques pratiquement désertes. Leur population totale atteint 2 millions et demi d'habitants dont 2 millions pour les départements d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion et, depuis 2011, Mayotte).
C'est grâce à eux que la France possède la deuxième zone économique exclusive au monde. Elle a pu expérimenter en Polynésie sa bombe atomique jusqu'à ce que Jacques Chirac renonce aux essais à ciel ouvert. Proche de l'équateur, la base de Kourou permet le lancement des fusées Ariane. Enfin, les troupes et les flottes qui sont déployées au-delà des mers donnent à Paris une capacité d'intervention dans le monde entier." (p.24)
"Nous avons déjà posé la question de la date de naissance de la France. Reprenons la plus évidente, celle d'Hugues Capet (987)." (p.27)
"Par le fer et par le feu s'est forgée la frontière du nord-est. Au sud-est, l'expansion française est beaucoup plus paficique: "transport" pacifique du Dauphiné (1349), rattachement de la Provence par héritage (1487), achat de la Corse à Gênes (1768), octroi de la Savoie et de Nice par Cavour en contrepartie de l'aide française et après plébiscite (1860)." (p.28)
"Au XVIIe siècle, la France connaît un second apogée. Elle brise l'encerclement dont la menaçaient les Hasbourg d'Espagne et d'Autriche, elle atteint le Rhin, elle bâtit son premier empire colonial dans les îles des Caraïbes, en Inde et en Amérique du Nord. Ses armées l'emportent sur les tercios espagnols qui passaient pour les meilleures troupes d'Europe, sa marine rivalise avec les flottes anglaises et hollandaises, Vauban couvre ses frontières de forteresses réputées imprenables, Colbert affirma sa puissance économique, le roi lui-même s'occupe de son soft power en subventionnant les artistes et en multipliant les constructions. A lui seul le palais de Versailles illustre la puissance, la richesse et la créativité française.
Trop dominatrice, la France finit par dresser contre elle la plupart des pays européens en une sorte de répétition générale des coalitions qui se formeront contre la Révolution et l'Empire. Sauvée au dernier moment par les victoires du maréchal Villars (nouveau sursaut !) et surtout par les divisions de ses adversaires, la France sort de cette aventure exsangue. Sous Louis XV elle perd son premier empire colonial au profit du Royaume-Uni qui apparaît de plus en plus comme son principal rival. Le règne de Louis XVI constitue une phase de récupération marquée par l'essor démographique, le progrès technique et l'innovation militaire avec les canons Gribeauval dont Napoléon saura faire usage. La marine est reconstituée et se montre efficace lors de la guerre d'indépendance des Etats-Unis: pour la France, le traité de Paris constitue une revanche (1783).
Sous la Révolution et l'Empire, la puissance française connaît un dernier apogée, le plus remarquable mais aussi le dernier." (p.30)
"Le bilan en 1815 est désastreux. La France n'a rien conservé des conquêtes antérieures et retrouve ses limites de 1789. Plus de vingt ans de guerre ont coûté un million de morts, estiment les historiens, et la démographie française ne s'en relèvera pas. La France a perdu son statut de première puissance européenne et ne le retrouvera plus -malgré l'illusion de la Victoire de 1919." (p.31)
"Washington souhaite le réarmement de l'Allemagne comme bouclier face à l'URSS. Mais elle connaît les réticences de beaucoup de Français qui n'ont pas oublié l'occupation ; certains dirigeants se satisfont d'une Allemagne divisée qui laisse le champ libre à la puissance française. "Jaime tellement l'Allemagne que je souhaite qu'il y en ait plusieurs", ricane François Mauriac. Il faut donc faire passer ce réarmement en le noyant dans le vaste projet d'une construction européenne largement instrumentalisée à l'époque, on le voit.
Première initiative américaine, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951) permettra la reconstruction de l'industrie lourde allemande, première étape vers la fabrication d'armes. Le patronat est réticent tout comme le Quai d'Orsay, largement tenu à l'écart. Il faut les pressions américaines, l'entregent de Jean Monnet et l'action des partis acquis à l'atlantisme pour emporter la décision.
Seconde étape, le projet de Communauté européenne de défense (1952) d'ailleurs proposé par les Français comme solution alternative au réarmement pur et simple: il y aura bien des soldats allemands incorporés dans une armée européenne, mais pas d'armée allemande. Toute une partie de l'opinion refuse pourtant cette demi-mesure: communistes, gaullistes, mais aussi certains socialistes et une partie de la droite modérée. Le 30 août, le président du Conseil Pierre Mendès France, peu favorable au projet, le présente devant le Parlement sans engager sa responsabilité ; le texte est repoussé comme il l'est au même moment en Italie. [...]
Washington soutient les premiers pas de l'Europe pour des raisons idéologiques (construire des "Etats-Unis d'Europe" à leur image), politiques (faire barrage à l'URSS) et économiques (offrir à leurs firmes multinationales un vaste marché)." (p.36)
"La France a tendance à regarder de haut son cousin latin [l'Italie] et n'a pas vraiment tiré tout le parti possible de la proximité géographique, culturelle et humaine avec son plus proche voisin." (p.39)
"La géopolitique consiste dans l'étude des rapports de force dans l'espace." (p.45)
"C'est en 1791 que la Constitution fixe ce droit: "Sont Français les fils d'étrangers nés en France et qui vivent dans le royaume". L'Empire revient à une conception plus stricte: il exige que l'enfant de parents étrangers résidant en France réclame la nationalité à l'âge adulte. Cette restriction disparaît en 1889: l'octroi de la nationalité française devient automatique à la majorité." (p.48)
"La croissance a été vive dans les années 1920. Mais les années 1930 ont été particulièrement catastrophiques. La croissance annuelle de la production industrielle est négative entre 1929 et 1938 (-1.1% l'an). Les années 1930 restent dans la mémoire française le temps du déclin par excellence, le repoussoir absolu qu'un mot suffit à résumer: Munich." (p.50)
"L'Etat se dote [à la Libération] d'un vaste secteur public qui concerne les infrastructures matérielles et immatérielles: banques (nationalisation de la Banque de France et des "quatre vieilles" -Société générale, Crédit lyonnais, Banque nationale du commerce et de l'industrie, Comptoir national d'escompte de Paris) ; énergie (charbon, électricité, gaz, nucléaire avec la création du Commissariat à l'énergie atomique, sans oublier la CFP qui date de 1924) ; transports (Air France qui s'ajoute à la SNCF créée en 1937 et au transport maritime nationalisé en 1932). Il faut aussi tenir compte du domaine public hérité de l'avant-guerre (arsenaux, industrie aéronautique) et des nationalisations punitives (Renault, Gnome et Rhône). [...]
L'autre pilier de l'action de l'Etat est la planification. En 1946 est créé le Commissariat général au plan. Son action est facilitée par les travaux de l'INSEE et du Service des études économiques et financières qui devient en 1962 Direction de la prévision.
Troisième pilier du nouveau modèle, la Sécurité sociale entend mettre chacun à l'abri des événements qui amputent les revenus et qui précipitaient autrefois les travailleurs dans la misère: maladie, accident du travail, vieillesse... Grâce à elle, les travailleurs seront plus motivés et en meilleure santé ; en cas de difficultés, ils continueront à percevoir un revenu, ce qui soutiendra la croissance. La "Sécu" contribue ainsi au bon fonctionnement du modèle économique. Elle ne prend pas en charge le chômage qui ne semble guère menaçant alors: c'est au contraire la pénurie de travailleurs que l'on craint et l'Office national d'immigration y pourvoit en facilitant l'entrée de travailleurs étrangers. Il faudra attendre 1958 pour que soit créée l'UNEDIC destinée à mieux couvrir ce risque.
Reste à former et à recruter les hommes qui dirigeront ces organismes. Tel est le sens de la nationalisation de Science Po (jugée trop libérale) et de la création de l'École nationale d'administration qui fournira les grands commis formés à l'économie moderne dont l'Etat a besoin.
Ainsi se constitue le modèle français qui réunit, selon la formule d'Ezra Suleiman, "le meilleur de deux mondes", un système qui se prétend plus humain que le modèle américain et plus libre que le modèle soviétique." (p.51)
"La France se lance alors sur la voie de "grands projets" qui ont tous un rapport avec le secteur militaire: programme sidérurgique de 1966, développement de l'énergie nucléaire, plan Calcul lancé après que Washington a refusé de fournir à Paris des superordinateurs nécessaires pour l'élaboration de la bombe H, soutien à l'aéronautique. Ce dernier cas est significatif: plutôt que de développer la Caravelle (lancée en 1958) afin d'en faire un succès commercial, les Français s'associent aux Britanniques pour fabriquer le Concorde: après l'avion à réaction, le supersonique ! Le pari est risqué, mais il permet au pays de réaliser un saut technologique et de conforter l'une de ces "industries impériales" [C. Stoffaës] sur lesquelles repose la puissance. On remarquera que la plupart des secteurs concernés sont dominés par les Etats-Unis: la France doit s'affranchir de leurs technologies pour affirmer son indépendance économique et militaire.
Les préoccupations de puissance et de prestige se retrouvent à tous les niveaux. La politique monétaire entend faire du franc une monnaie forte. Le général de Gaulle refuse de dévaluer en 1968 ; mieux, il exige des Etats-Unis qu'ils convertissent les dollars détenus par la Banque de France en or, comme le prévoient les accords de Bretton Woods mais comme s'abstiennent de le faire les autres alliés de Washington." (p.52-53)
"L'Union européenne, le plus efficace relais des idées libérales." (p.55)
"Bruxelles pousse les membres de l'Union européenne à reconnaître le fait régional au nom du "principe de subsidiarité". La charte européenne des langues régionales et minoritaires adoptée par le Conseil de l'Europe (1992) concerne non seulement les langues des régions, mais aussi celle des immigrants (arabe, kabyle), ce qui établit le lien entre les différents communautarismes. Elle imposerait l'usage de ces parlers dans la sphère publique -les textes officiels étant traduits dans chacun d'entre eux. Cette pratique a été rejetée par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel. Mais une première entorse a été faite pour le corse dont l'enseignement est obligatoire dans l'île, sauf refus des parents." (p.58)
"Il faut d'abord tenir compte de ce que les géographes appellent "les atouts du retard". Les régions du Sud et de l'Ouest, plus pauvres, proposent aux entreprises des coûts de production plus faibles qu'il s'agisse des salaires, des impôts locaux ou du prix des terrains. Elles offrent souvent un cadre de vie plus attrayant, leurs paysages sont mieux préservés, leurs villes moins encombrées. Aussi peuvent-elles attirer les touristes, mais aussi la main-d'œuvre qualifiée dont les nouvelles activités ont besoin. Pour faire valoir ces atouts, encore faut-il qu'elles soient bien reliées au reste du pays. C'est là que l'Etat conserve toute son importance avec sa politique des transports." (p.68)
"Le rééquilibrage Paris/province ne s'est pas produit.
La politique d'aménagement du territoire s'est concentrée sur le rééquilibrage de l'industrie en un moment où cette dernière passait pour le fondement de la puissance et de la richesse. Ce n'est plus le cas. Les activités stratégiques relèvent maintenant du "tertiaire supérieur" -recherche, finances, conception, commandement, information… Or ces emplois se concentrent en région parisienne plus encore que l'industrie autrefois. L'INSEE parle de "fonctions supérieures" qui représentaient en 2002 7.9% de l'emploi national. Dans la région parisienne le pourcentage s'élève à 16% ; il est supérieur à 10% dans cinq agglomérations (Grenoble, Toulouse, Montpellier, Lyon et Strasbourg). Viennent ensuite une quinzaine de villes situées au-dessus de la moyenne nationale, de grandes métropoles dont Nantes, Rennes, Bordeaux, Marseille, Nice ou Nancy ainsi que quelques villes moyennes (Orléans, Annecy, Chambéry, Bourges, Niort…). On remarquera la surreprésentation du Sud et de l'Ouest.
Le bilan est donc plus mitigé que la formule de "France inverse" le laisse penser: rééquilibrage entre le Nord-Est et le Sud et l'Ouest sans doute, mais prééminence maintenue et même renforcée de Paris ainsi que prédominance des grandes métropoles au détriment des zones rurales." (p.70-71)
"Concentration des médias qui fait de Paris la faiseuse des modes et des opinions du pays -60 % des journalistes français sont installés dans la capitale." (p.73)
"L'INSEE distingue pôles urbains, périurbain (les banlieues) et espaces ruraux eux-mêmes divisés entre espaces sous influence urbaine (le "rurbain"), pôles ruraux (le "rural vivant" dont parlait Bernard Kayser) et rural isolé, en voie de désertification." (p.74)
"Le cas de Science Po résume à lui seul l'attitude des élites des centres-villes envers le reste du territoire. Quintessence de l'esprit parisien, situé à proximité de Saint-Germain-des-Prés, l'IEP est depuis sa création destiné à former des élites modernes ; c'était l'intention d'Émile Boutmy, son créateur, sous le coup de la défaite de 1871. Au nom de l'égalité dont elle se réclame aujourd'hui, elle a ouvert un examen d'entrée particulier pour les élèves des lycées de ZEP souvent issus de l'immigration. Parallèlement elle a supprimé son examen d'entrée après classe préparatoire et a avancé celui pour les bacheliers avant les vacances d'été. Cette dernière mesure favorise clairement les élèves des grands lycées parisiens et pénalise ceux qui viennent des bons lycées de province, mais qui sont moins au courant des exigences de l'IEP ; ils pouvaient espérer réussir avec deux mois ou un an de préparation, ils ont moins de chances dorénavant.
Recruter dans les milieux aisés parisiens, écarter la province et se concilier la banlieue: cela ne résume-t-il pas toute la politique de l'élite actuelle ?" (p.76)
"Les pilotes et la flotte de l'aviation civile seront mobilisés pour des missions de transport. C'est une des raisons qui explique le soutient de l'Etat à la création d'Air France en 1933 puis sa nationalisation au lendemain de la guerre." (p.82)
"L'intensité énergétique a baissé de presque 40% depuis 1973. […]
Dans les années 1970, [la France] faisait venir son pétrole principalement du Proche-Orient grâce au contrat d'approvisionnement à long terme négocié par Michel Jobert en 1974 avec l'Arabie saoudite et aux bonnes relations avec l'Irak et les émirats du Golfe. Aujourd'hui le Proche-Orient ne fournit plus que 22% des achats français contre 29% pour l'Afrique, 29% pour le monde russe et 20% pour la mer du Nord. La même diversification vaut pour le gaz (28% de Norvège, 16% des Pays-Bas, 14% d'Algérie et 13% de Russie).
La France en tire un avantage géopolitique important: sa diplomatie risque moins d'être prise en otages par ses fournisseurs -ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne ou de l'Italie très dépendantes du gaz russe." (p.83)
"57% des Français sont propriétaires de leur logement." (p.86)
"Autrefois fortement contrôlé par l'Etat, [le réseau bancaire] a été privatisé dans les années 1980 et 1990 (Paribas et Société générale en 1987, BNP en 1993, Crédit lyonnais en 1999), déréglementé et décloisonné (ce qui signifie que les banques peuvent se concurrencer sur tous les secteurs d'activité)." (p.87)
"Remarquables résultats [scolaires et académiques] des nations asiatiques qui distancent la plupart des pays développés. Il s'agit d'un aspect du "grand basculement" du monde vers l'est." (p.90)
"Au 1er janvier 2011, la population de la France atteint un peu plus de 65 millions d'habitants dont 63.1 en France métropolitaine. […]
Un redressement s'opère à partir des années 1990: tombé à 1.65 en 1994, le taux de fécondité remonte à 2.01 aujourd'hui. Sans doute le chiffre est-il inférieur au seuil de reproduction (2.1), mais c'est le second le chiffre de l'Union européenne (après l'Irlande) et l'un des élevés des pays développés." (p.91)
"A près de 82 ans, l'espérance de vie est l'une des plus élevée du monde (6e place mondiale) alors que le taux de mortalité infantile (3.9 pour mille) figure parmi les plus faibles. […] Les plus de 65 ans représentent 15.2% de la population totale contre 19.3 en Allemagne et 16.7 en moyenne dans l'Union […]
[La France] devrait (re)devenir le pays le plus peuplé de l'Union vers 2080." (p.92)
"Grande puissance agricole, elle est le troisième exportateur de produits agroalimentaires mais aussi le cinquième producteur industriel de la planète et le quatrième exportateur de services commerciaux." (p.98)
"Seule rescapée [du textile], l'industrie du luxe reste la première mondiale avec une part de marché supérieure à 25%. Son chiffre d'affaires (22 milliards d'euros) est le double de celui de l'Italie, sa principale rivale, et PPR est la première entreprise mondiale du secteur." (p.100)
"Pour 500 000 emplois directement créés par l'activité touristique, il faudrait en compter 3 ou 4 fois plus générés indirectement. […]
Le tourisme propage une image positive de la France qui contribue à son soft power." (p.102)
"Tourisme. Travaux publics. Agriculture. Luxe. Beaucoup font la moue devant cette énumération qui prouverait la faible modernité de la France […] lle est pourtant bien placée pour beaucoup d'activités de pointe comme l'aéronautique, le nucléaire ou la pharmacie." (p.102)
"En 1958 la France ne comptait qu'une seule firme parmi les 100 premières mondiales et il s'agissait de Total, en 98e position. Aujourd'hui elles sont, selon les années, entre 8 et 9. Si l'on retient les 500 premières entreprises mondiales, la France place 35 de ses firmes, ce qui la situe à la quatrième place derrière les Etats-Unis, le Japon et la Chine (qui l'a dépassé depuis peu) mais devant tous les pays européens." (p.103)
"Succès du système éducatif français qui, nonobstant les critiques, attire plus de 250 000 étudiants étrangers, à la troisième place mondiale derrière les Etats-Unis (600 000) et le Royaume-Uni, avant l'Allemagne que la France a dépassé en 2005 et juste devant l'Australie qui progresse rapidement. La France arrive donc en tête des pays non anglophones, ce qui n'est pas une mince performance dans une planète où mondialisation rime avec américanisation. Logiquement ces étudiants viennent principalement de pays francophones (55% du Maghreb) mais les Chinois (15%), les Allemands (6%) ou les Italiens fournissent des contingents importants.
La culture française ne repose pas sur les seules humanités, mais aussi sur les sciences. Sans doute la France détient-elle le record des prix Nobel de littérature depuis sa création avec 14 bénéficiaires, mais elle est aussi quatrième en ce qui concerne les prix Nobel scientifiques." (p.106)
"Sans doute le français n'est-il plus la langue des diplomates comme ce fut le cas des traités de Westphalie au traité de Versailles. […]
Sans doute la francophonie coûte-t-elle cher au pays: entretien des alliances françaises, soutien à l'enseignement, aide à l'exportation de livres et de films… Le CNN chiffre à 1.4 milliard $ les dépenses de la France pour promouvoir sa langue. Elle rapporte en retour. Les pays francophones représentent un marché naturel pour l'exportation de biens culturels, mais aussi de services comme les grands travaux qui nécessitent l'envoi de techniciens français. Ils envoient dans l'hexagone leurs étudiants. Plus généralement, les relations économiques, humaines et culturelles sont facilités." (p.107)
"L'Etat a accompli depuis peu un effort considérable pour développer les chaînes d'information françaises destinées à l'étranger. L'enjeu est la promotion du français, mais aussi la diffusion du point de vue de la France et la défense de ses choix diplomatiques et de ses intérêts: Radio France Internationale, TV5 et surtout France 24 lancée en 2006 qui diffuse en français, mais aussi en anglais et en arabe […] A l'origine de cette création, la crise irakienne avait révélé la capacité d'influence des chaînes d'information internationale (CNN, Al-Jazeera). Ainsi s'explique le surnom initial de "CNN à la française" attribué à France 24, malgré des budgets beaucoup moins importants (10% de celui de CNN).
L'un des problèmes de la politique culturelle de la France réside dans la dispersion des organismes qui les coiffe et la rivalité qui les oppose. La création de France 24 a généré des conflits que l'on a tenté de résoudre par la création en 2008 d'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), un holding d'Etat coiffant l'ensemble des chaînes tournées vers l'international.
Dans le même esprit est créé en 2010 l'Institut français chargé de reprendre l'ensemble de la politique culturelle de la France." (p.109)
"De Gaulle accepte l'indépendance de l'Algérie pour des raisons politiques et économiques, mais aussi pour des raisons militaires. "Messieurs il n'y a pas que l'Algérie, il y a l'Europe, il y a le monde", explique-t-il aux officiers du Ier REP. A cause du maintien de l'ordre, la France immobilisait ses meilleures troupes et ses moyens en Algérie ; du coup sa sécurité en Europe dépendait du parapluie atomique américain et elle devait aligner sa politique extérieure sur celle de son protecteur. Pour le général de Gaulle il faut rompre avec cette situation." (p.110)
"Lors de l'intervention en Libye (2011), l'aviation française a assuré environ le quart des sorties des alliés, soit 200 sorties hebdomadaires sur 800 ; elle atteignait ses limites de même que le porte-avions Charles de Gaulle. C'est un problème de nombre d'appareils, mais aussi de fatigue des pilotes, d'usure du matériel et même de réserve de munitions ! Le conflit libyen a aussi démontré les limites françaises en matière de renseignement par satellite, de ravitaillement ou de drones -autant d'outils essentiels pour lesquels le corps d'intervention dépendait des Etats-Unis, même si ces derniers avaient arrêté leurs raids début avril." (p.115)
"L'attractivité peut être définie comme la compétitivité des territoires, leur capacité à attirer et fixer les facteurs de production (capital, travail, technologie)." (p.125)
"Entre 1970 et 2008 leur nombre [aux ménages sous le seuil de pauvreté] a chuté de 15 à 7% des ménages." (p.130)
"Les délocalisations n'ont pas que des inconvénients. Elles apportent des produits bon marché aux consommateurs français, des profits aux entreprises, des dividendes aux actionnaires petits ou gros, des emplois de contrôle et coordination dans les sièges sociaux." (p.132)
"De Bruxelles viennent des influences clairement libérales qui s'opposent à l'interventionnisme étatique." (p.135)
"La PAC paraît faite pour les paysans français. Le soutien par les prix encourage leur production sans limite ; la préférence communautaire signifie que leurs partenaires doivent s'approvisionner en Europe et non à l'étranger ; des subventions leur permettent de vendre sur le marché mondial ; enfin, grâce au principe de solidarité financière, ce sont tous les Européens qui financent la PAC… et l'agriculture française." (p.152)
"La PAC est régulièrement réformée pour coûter moins cher, la politique redistributive voit ses fonds augmenter considérablement. La première représentait 80% des dépenses communes en 1980 et moins de 50% aujourd'hui ; la seconde, qui ne faisait pas 10% des dépenses en 1980, en représente un tiers." (p.157)
"D'un côté [la France] pose au porte-parole de l'Afrique et du Sud en général, elle se fait l'intermédiaire entre eux et l'Europe, elle réclame la réduction de leur dette et la prise en compte de leurs problèmes. Mais elle défend avec vigueur la politique commune qui freine certaines exportations de ces pays." (p.166)
-Pascal Gauchon, Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance, PUF, coll. "Major", 2012, 189 pages.
carte p.66-67
p.165
"Nous oserons même un paradoxe en espérant qu'il ne sera pas mis sur le compte de l'ivresse: de tous les pays européens, c'est la France qui est la mieux dotée. [...]
Il ne suffit pas de collectionner les atouts, il faut les jouer. Ce qui suppose des efforts. "Triste comme la grandeur", disait le général de Gaulle. Et coûteux aurait-il pu ajouter. La puissance et l'indépendance ont un coût, financier bien sûr, mais aussi humain et même moral. Les Français sont-ils prêts à le payer ?" (p.9)
"Hugues Capet, premier roi de France, est couronné en 987. Pour Georges Duby, c'est l'acte de naissance du pays. La carte montre une France beaucoup plus étirée qu'aujourd'hui, de la Flandre à la Catalogne, plus étroite aussi. Elle regroupe quelques pièces de notre puzzle, les bassins sédimentaires, le finisterre breton, le Massif central qui constitue alors sa frontière orientale. Il manque le contrôle de l'axe Rhin-Rhône. Tout l'effort de la monarchie visera à le récupérer en démembrant l'ancienne Lotharingie, ce qui mettra la France au contact de l'Allemagne.
La conquête de cet axe majeur demanda huit siècles et d'innombrables guerres. Elle ne réussit pas totalement, la France échouant à saisir toute la rive gauche du Rhin malgré les "réunions" de Louis XIV. Aussi les frontières de la France se sont-elles fixées à mi-chemin entre Paris et le Rhin. Elles sont restées pratiquement inchangées depuis 1789 à l'exception de quelques cités et, au sud-est, de la Savoie et de Nice, sans oublier l'Alsace-Lorraine, perdue deux fois et deux fois récupérés. [...]
La poussée vers l'est constitue une remarquable constante de la géopolitique française -faut-il expliquer ainsi que l'aventure maritime ait été délaissée ?" (p.13)
"Avec Paris, le Massif central constitue l'autre pôle symbolique de la France: d'un côté l'Etat qui a "fait la France", la capitale nationale et mondiale, la ville des élites venues de toutes les provinces, le lieu de passage vers lequel convergent les fleuves du Bassin parisien ; de l'autre le cœur du pays profond, le réceptacle qui rappelle que notre nation n'est pas seulement une "fabrication" mais qu'elle tire ses origines d'un passé lointain et d'un peuple moins modifié qu'on l'a dit (du moins jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle), le massif que ses rivières encaissées rendent difficiles à traverser et que les grandes routes contournent sans le pénétrer. Au cœur de la France, un pôle attractif pour le meilleur et pour le pire et un pôle répulsif mais aussi refuge. Comme le yin et le yang de notre territoire." (p.14)
"La France est située à cheval sur le 45e parallèle, à équidistance du pôle Nord et de l'Équateur, en pleine zone tempérée, sur la côte ouest du continent européen réchauffé par le Gulf Stream. Pas de déserts, peu de très hautes montagnes, des plateaux et des plaines, le limon des fleuves et, sur une bonne partie du Bassin parisien, les plaques de loess, sous-produit de l'érosion glaciaire du Quaternaire qui se révèle particulièrement fertile.
Tout paraît encourager le travail agricole. La diversité des milieux (océanique à l'ouest, semi-continental à l'est, méditerranéen au sud) autorise des activités variées, des "grandes cultures" des bassins sédimentaires (céréales, betteraves à sucre) à l'arboriculture des Midis, de l'horticulture des côtes atlantiques à l'élevage de l'Ouest et des plateaux du Jura. Enfin la forêt, la quatrième d'Europe, couvre 29 % du territoire (sans compter la Guyane)."(p.14-15)
"De grands travaux ont été menés qui ouvrent le réseau français sur l'Europe et le monde: tunnel du Mont Blanc inauguré en 1965, tunnel sous la Manche en 1994." (p.19)
"La dispersion des ports constitue un autre handicap: l'ensemble des six ports autonomes maritimes français (Marseille-Fos, Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes-Saint Nazaire, Bordeaux) assure un trafic équivalant au seul Rotterdam, ce qui rend difficile les économies d'échelle. De plus la faiblesse des liaisons avec l'intérieur par voie d'eau limite leur rayonnement: l'Est de la France s'approvisionne auprès des ports belges et néerlandais.
Faut-il aller plus loin et penser que la France s'est détournée depuis longtemps de la mer pour se tourner vers l'intérieur, devenant une nation terrienne et paysanne plus que maritime ? Paradoxalement, l'une des faiblesses de ces infrastructures vient de très anciennes mesures adoptées par la monarchie et renforcées par l'Empire afin de protéger le secteur et ses travailleurs. Si culpabilité il y a, ce n'est pas le désintérêt de l'Etat qu'il faut pointer, mais son intervention." (p.20)
"En 1789, [la France] est le troisième pays européen (hors Russie) par la superficie (derrière l'Autriche et la Suède), deuxième en 1914 (derrière l'Autriche-Hongrie) et, avec 550 000 km2, première aujourd'hui. Mais son horizon s'est élargi et, à l'échelle mondiale, la France n'est que quarante-deuxième. Même remarque en ce qui concerne sa population: première en Europe en 1789, seconde aujourd'hui, elle n'est que vingt-et-unième dans le monde.
Ce changement d'échelle consacre la position moyenne de la France entre grande et moyenne puissance -grande en Europe, moyenne voire petite dans le monde." (p.21)
"L'axe majeur de l'Europe est celui du Rhin prolongé vers le nord-ouest par la région londonienne et au sud-est par les cols suisses et la Lombardie. L'axe majeur de la France est l'axe Seine-Rhône le long duquel se situent ses trois premières agglomérations (Paris, Lyon et Marseille). Le territoire français est donc légèrement décalé à l'ouest par rapport au coeur européen dans lequel ne sont vraiment intégrés que le Nord, l'Alsace-Lorraine et, à la limite, la région parisienne." (p.22)
"Les départements [français] (qui font partie de l'Union européenne) et les territoires (qui n'en font pas partie et ont été associés aux différents accords avec les pays ACP) d'outre-mer couvrent une superficie de 550 000km2, autant que la métropole, dont 440 000 pour les Terres australes et antarctiques pratiquement désertes. Leur population totale atteint 2 millions et demi d'habitants dont 2 millions pour les départements d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion et, depuis 2011, Mayotte).
C'est grâce à eux que la France possède la deuxième zone économique exclusive au monde. Elle a pu expérimenter en Polynésie sa bombe atomique jusqu'à ce que Jacques Chirac renonce aux essais à ciel ouvert. Proche de l'équateur, la base de Kourou permet le lancement des fusées Ariane. Enfin, les troupes et les flottes qui sont déployées au-delà des mers donnent à Paris une capacité d'intervention dans le monde entier." (p.24)
"Nous avons déjà posé la question de la date de naissance de la France. Reprenons la plus évidente, celle d'Hugues Capet (987)." (p.27)
"Par le fer et par le feu s'est forgée la frontière du nord-est. Au sud-est, l'expansion française est beaucoup plus paficique: "transport" pacifique du Dauphiné (1349), rattachement de la Provence par héritage (1487), achat de la Corse à Gênes (1768), octroi de la Savoie et de Nice par Cavour en contrepartie de l'aide française et après plébiscite (1860)." (p.28)
"Au XVIIe siècle, la France connaît un second apogée. Elle brise l'encerclement dont la menaçaient les Hasbourg d'Espagne et d'Autriche, elle atteint le Rhin, elle bâtit son premier empire colonial dans les îles des Caraïbes, en Inde et en Amérique du Nord. Ses armées l'emportent sur les tercios espagnols qui passaient pour les meilleures troupes d'Europe, sa marine rivalise avec les flottes anglaises et hollandaises, Vauban couvre ses frontières de forteresses réputées imprenables, Colbert affirma sa puissance économique, le roi lui-même s'occupe de son soft power en subventionnant les artistes et en multipliant les constructions. A lui seul le palais de Versailles illustre la puissance, la richesse et la créativité française.
Trop dominatrice, la France finit par dresser contre elle la plupart des pays européens en une sorte de répétition générale des coalitions qui se formeront contre la Révolution et l'Empire. Sauvée au dernier moment par les victoires du maréchal Villars (nouveau sursaut !) et surtout par les divisions de ses adversaires, la France sort de cette aventure exsangue. Sous Louis XV elle perd son premier empire colonial au profit du Royaume-Uni qui apparaît de plus en plus comme son principal rival. Le règne de Louis XVI constitue une phase de récupération marquée par l'essor démographique, le progrès technique et l'innovation militaire avec les canons Gribeauval dont Napoléon saura faire usage. La marine est reconstituée et se montre efficace lors de la guerre d'indépendance des Etats-Unis: pour la France, le traité de Paris constitue une revanche (1783).
Sous la Révolution et l'Empire, la puissance française connaît un dernier apogée, le plus remarquable mais aussi le dernier." (p.30)
"Le bilan en 1815 est désastreux. La France n'a rien conservé des conquêtes antérieures et retrouve ses limites de 1789. Plus de vingt ans de guerre ont coûté un million de morts, estiment les historiens, et la démographie française ne s'en relèvera pas. La France a perdu son statut de première puissance européenne et ne le retrouvera plus -malgré l'illusion de la Victoire de 1919." (p.31)
"Washington souhaite le réarmement de l'Allemagne comme bouclier face à l'URSS. Mais elle connaît les réticences de beaucoup de Français qui n'ont pas oublié l'occupation ; certains dirigeants se satisfont d'une Allemagne divisée qui laisse le champ libre à la puissance française. "Jaime tellement l'Allemagne que je souhaite qu'il y en ait plusieurs", ricane François Mauriac. Il faut donc faire passer ce réarmement en le noyant dans le vaste projet d'une construction européenne largement instrumentalisée à l'époque, on le voit.
Première initiative américaine, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951) permettra la reconstruction de l'industrie lourde allemande, première étape vers la fabrication d'armes. Le patronat est réticent tout comme le Quai d'Orsay, largement tenu à l'écart. Il faut les pressions américaines, l'entregent de Jean Monnet et l'action des partis acquis à l'atlantisme pour emporter la décision.
Seconde étape, le projet de Communauté européenne de défense (1952) d'ailleurs proposé par les Français comme solution alternative au réarmement pur et simple: il y aura bien des soldats allemands incorporés dans une armée européenne, mais pas d'armée allemande. Toute une partie de l'opinion refuse pourtant cette demi-mesure: communistes, gaullistes, mais aussi certains socialistes et une partie de la droite modérée. Le 30 août, le président du Conseil Pierre Mendès France, peu favorable au projet, le présente devant le Parlement sans engager sa responsabilité ; le texte est repoussé comme il l'est au même moment en Italie. [...]
Washington soutient les premiers pas de l'Europe pour des raisons idéologiques (construire des "Etats-Unis d'Europe" à leur image), politiques (faire barrage à l'URSS) et économiques (offrir à leurs firmes multinationales un vaste marché)." (p.36)
"La France a tendance à regarder de haut son cousin latin [l'Italie] et n'a pas vraiment tiré tout le parti possible de la proximité géographique, culturelle et humaine avec son plus proche voisin." (p.39)
"La géopolitique consiste dans l'étude des rapports de force dans l'espace." (p.45)
"C'est en 1791 que la Constitution fixe ce droit: "Sont Français les fils d'étrangers nés en France et qui vivent dans le royaume". L'Empire revient à une conception plus stricte: il exige que l'enfant de parents étrangers résidant en France réclame la nationalité à l'âge adulte. Cette restriction disparaît en 1889: l'octroi de la nationalité française devient automatique à la majorité." (p.48)
"La croissance a été vive dans les années 1920. Mais les années 1930 ont été particulièrement catastrophiques. La croissance annuelle de la production industrielle est négative entre 1929 et 1938 (-1.1% l'an). Les années 1930 restent dans la mémoire française le temps du déclin par excellence, le repoussoir absolu qu'un mot suffit à résumer: Munich." (p.50)
"L'Etat se dote [à la Libération] d'un vaste secteur public qui concerne les infrastructures matérielles et immatérielles: banques (nationalisation de la Banque de France et des "quatre vieilles" -Société générale, Crédit lyonnais, Banque nationale du commerce et de l'industrie, Comptoir national d'escompte de Paris) ; énergie (charbon, électricité, gaz, nucléaire avec la création du Commissariat à l'énergie atomique, sans oublier la CFP qui date de 1924) ; transports (Air France qui s'ajoute à la SNCF créée en 1937 et au transport maritime nationalisé en 1932). Il faut aussi tenir compte du domaine public hérité de l'avant-guerre (arsenaux, industrie aéronautique) et des nationalisations punitives (Renault, Gnome et Rhône). [...]
L'autre pilier de l'action de l'Etat est la planification. En 1946 est créé le Commissariat général au plan. Son action est facilitée par les travaux de l'INSEE et du Service des études économiques et financières qui devient en 1962 Direction de la prévision.
Troisième pilier du nouveau modèle, la Sécurité sociale entend mettre chacun à l'abri des événements qui amputent les revenus et qui précipitaient autrefois les travailleurs dans la misère: maladie, accident du travail, vieillesse... Grâce à elle, les travailleurs seront plus motivés et en meilleure santé ; en cas de difficultés, ils continueront à percevoir un revenu, ce qui soutiendra la croissance. La "Sécu" contribue ainsi au bon fonctionnement du modèle économique. Elle ne prend pas en charge le chômage qui ne semble guère menaçant alors: c'est au contraire la pénurie de travailleurs que l'on craint et l'Office national d'immigration y pourvoit en facilitant l'entrée de travailleurs étrangers. Il faudra attendre 1958 pour que soit créée l'UNEDIC destinée à mieux couvrir ce risque.
Reste à former et à recruter les hommes qui dirigeront ces organismes. Tel est le sens de la nationalisation de Science Po (jugée trop libérale) et de la création de l'École nationale d'administration qui fournira les grands commis formés à l'économie moderne dont l'Etat a besoin.
Ainsi se constitue le modèle français qui réunit, selon la formule d'Ezra Suleiman, "le meilleur de deux mondes", un système qui se prétend plus humain que le modèle américain et plus libre que le modèle soviétique." (p.51)
"La France se lance alors sur la voie de "grands projets" qui ont tous un rapport avec le secteur militaire: programme sidérurgique de 1966, développement de l'énergie nucléaire, plan Calcul lancé après que Washington a refusé de fournir à Paris des superordinateurs nécessaires pour l'élaboration de la bombe H, soutien à l'aéronautique. Ce dernier cas est significatif: plutôt que de développer la Caravelle (lancée en 1958) afin d'en faire un succès commercial, les Français s'associent aux Britanniques pour fabriquer le Concorde: après l'avion à réaction, le supersonique ! Le pari est risqué, mais il permet au pays de réaliser un saut technologique et de conforter l'une de ces "industries impériales" [C. Stoffaës] sur lesquelles repose la puissance. On remarquera que la plupart des secteurs concernés sont dominés par les Etats-Unis: la France doit s'affranchir de leurs technologies pour affirmer son indépendance économique et militaire.
Les préoccupations de puissance et de prestige se retrouvent à tous les niveaux. La politique monétaire entend faire du franc une monnaie forte. Le général de Gaulle refuse de dévaluer en 1968 ; mieux, il exige des Etats-Unis qu'ils convertissent les dollars détenus par la Banque de France en or, comme le prévoient les accords de Bretton Woods mais comme s'abstiennent de le faire les autres alliés de Washington." (p.52-53)
"L'Union européenne, le plus efficace relais des idées libérales." (p.55)
"Bruxelles pousse les membres de l'Union européenne à reconnaître le fait régional au nom du "principe de subsidiarité". La charte européenne des langues régionales et minoritaires adoptée par le Conseil de l'Europe (1992) concerne non seulement les langues des régions, mais aussi celle des immigrants (arabe, kabyle), ce qui établit le lien entre les différents communautarismes. Elle imposerait l'usage de ces parlers dans la sphère publique -les textes officiels étant traduits dans chacun d'entre eux. Cette pratique a été rejetée par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel. Mais une première entorse a été faite pour le corse dont l'enseignement est obligatoire dans l'île, sauf refus des parents." (p.58)
"Il faut d'abord tenir compte de ce que les géographes appellent "les atouts du retard". Les régions du Sud et de l'Ouest, plus pauvres, proposent aux entreprises des coûts de production plus faibles qu'il s'agisse des salaires, des impôts locaux ou du prix des terrains. Elles offrent souvent un cadre de vie plus attrayant, leurs paysages sont mieux préservés, leurs villes moins encombrées. Aussi peuvent-elles attirer les touristes, mais aussi la main-d'œuvre qualifiée dont les nouvelles activités ont besoin. Pour faire valoir ces atouts, encore faut-il qu'elles soient bien reliées au reste du pays. C'est là que l'Etat conserve toute son importance avec sa politique des transports." (p.68)
"Le rééquilibrage Paris/province ne s'est pas produit.
La politique d'aménagement du territoire s'est concentrée sur le rééquilibrage de l'industrie en un moment où cette dernière passait pour le fondement de la puissance et de la richesse. Ce n'est plus le cas. Les activités stratégiques relèvent maintenant du "tertiaire supérieur" -recherche, finances, conception, commandement, information… Or ces emplois se concentrent en région parisienne plus encore que l'industrie autrefois. L'INSEE parle de "fonctions supérieures" qui représentaient en 2002 7.9% de l'emploi national. Dans la région parisienne le pourcentage s'élève à 16% ; il est supérieur à 10% dans cinq agglomérations (Grenoble, Toulouse, Montpellier, Lyon et Strasbourg). Viennent ensuite une quinzaine de villes situées au-dessus de la moyenne nationale, de grandes métropoles dont Nantes, Rennes, Bordeaux, Marseille, Nice ou Nancy ainsi que quelques villes moyennes (Orléans, Annecy, Chambéry, Bourges, Niort…). On remarquera la surreprésentation du Sud et de l'Ouest.
Le bilan est donc plus mitigé que la formule de "France inverse" le laisse penser: rééquilibrage entre le Nord-Est et le Sud et l'Ouest sans doute, mais prééminence maintenue et même renforcée de Paris ainsi que prédominance des grandes métropoles au détriment des zones rurales." (p.70-71)
"Concentration des médias qui fait de Paris la faiseuse des modes et des opinions du pays -60 % des journalistes français sont installés dans la capitale." (p.73)
"L'INSEE distingue pôles urbains, périurbain (les banlieues) et espaces ruraux eux-mêmes divisés entre espaces sous influence urbaine (le "rurbain"), pôles ruraux (le "rural vivant" dont parlait Bernard Kayser) et rural isolé, en voie de désertification." (p.74)
"Le cas de Science Po résume à lui seul l'attitude des élites des centres-villes envers le reste du territoire. Quintessence de l'esprit parisien, situé à proximité de Saint-Germain-des-Prés, l'IEP est depuis sa création destiné à former des élites modernes ; c'était l'intention d'Émile Boutmy, son créateur, sous le coup de la défaite de 1871. Au nom de l'égalité dont elle se réclame aujourd'hui, elle a ouvert un examen d'entrée particulier pour les élèves des lycées de ZEP souvent issus de l'immigration. Parallèlement elle a supprimé son examen d'entrée après classe préparatoire et a avancé celui pour les bacheliers avant les vacances d'été. Cette dernière mesure favorise clairement les élèves des grands lycées parisiens et pénalise ceux qui viennent des bons lycées de province, mais qui sont moins au courant des exigences de l'IEP ; ils pouvaient espérer réussir avec deux mois ou un an de préparation, ils ont moins de chances dorénavant.
Recruter dans les milieux aisés parisiens, écarter la province et se concilier la banlieue: cela ne résume-t-il pas toute la politique de l'élite actuelle ?" (p.76)
"Les pilotes et la flotte de l'aviation civile seront mobilisés pour des missions de transport. C'est une des raisons qui explique le soutient de l'Etat à la création d'Air France en 1933 puis sa nationalisation au lendemain de la guerre." (p.82)
"L'intensité énergétique a baissé de presque 40% depuis 1973. […]
Dans les années 1970, [la France] faisait venir son pétrole principalement du Proche-Orient grâce au contrat d'approvisionnement à long terme négocié par Michel Jobert en 1974 avec l'Arabie saoudite et aux bonnes relations avec l'Irak et les émirats du Golfe. Aujourd'hui le Proche-Orient ne fournit plus que 22% des achats français contre 29% pour l'Afrique, 29% pour le monde russe et 20% pour la mer du Nord. La même diversification vaut pour le gaz (28% de Norvège, 16% des Pays-Bas, 14% d'Algérie et 13% de Russie).
La France en tire un avantage géopolitique important: sa diplomatie risque moins d'être prise en otages par ses fournisseurs -ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne ou de l'Italie très dépendantes du gaz russe." (p.83)
"57% des Français sont propriétaires de leur logement." (p.86)
"Autrefois fortement contrôlé par l'Etat, [le réseau bancaire] a été privatisé dans les années 1980 et 1990 (Paribas et Société générale en 1987, BNP en 1993, Crédit lyonnais en 1999), déréglementé et décloisonné (ce qui signifie que les banques peuvent se concurrencer sur tous les secteurs d'activité)." (p.87)
"Remarquables résultats [scolaires et académiques] des nations asiatiques qui distancent la plupart des pays développés. Il s'agit d'un aspect du "grand basculement" du monde vers l'est." (p.90)
"Au 1er janvier 2011, la population de la France atteint un peu plus de 65 millions d'habitants dont 63.1 en France métropolitaine. […]
Un redressement s'opère à partir des années 1990: tombé à 1.65 en 1994, le taux de fécondité remonte à 2.01 aujourd'hui. Sans doute le chiffre est-il inférieur au seuil de reproduction (2.1), mais c'est le second le chiffre de l'Union européenne (après l'Irlande) et l'un des élevés des pays développés." (p.91)
"A près de 82 ans, l'espérance de vie est l'une des plus élevée du monde (6e place mondiale) alors que le taux de mortalité infantile (3.9 pour mille) figure parmi les plus faibles. […] Les plus de 65 ans représentent 15.2% de la population totale contre 19.3 en Allemagne et 16.7 en moyenne dans l'Union […]
[La France] devrait (re)devenir le pays le plus peuplé de l'Union vers 2080." (p.92)
"Grande puissance agricole, elle est le troisième exportateur de produits agroalimentaires mais aussi le cinquième producteur industriel de la planète et le quatrième exportateur de services commerciaux." (p.98)
"Seule rescapée [du textile], l'industrie du luxe reste la première mondiale avec une part de marché supérieure à 25%. Son chiffre d'affaires (22 milliards d'euros) est le double de celui de l'Italie, sa principale rivale, et PPR est la première entreprise mondiale du secteur." (p.100)
"Pour 500 000 emplois directement créés par l'activité touristique, il faudrait en compter 3 ou 4 fois plus générés indirectement. […]
Le tourisme propage une image positive de la France qui contribue à son soft power." (p.102)
"Tourisme. Travaux publics. Agriculture. Luxe. Beaucoup font la moue devant cette énumération qui prouverait la faible modernité de la France […] lle est pourtant bien placée pour beaucoup d'activités de pointe comme l'aéronautique, le nucléaire ou la pharmacie." (p.102)
"En 1958 la France ne comptait qu'une seule firme parmi les 100 premières mondiales et il s'agissait de Total, en 98e position. Aujourd'hui elles sont, selon les années, entre 8 et 9. Si l'on retient les 500 premières entreprises mondiales, la France place 35 de ses firmes, ce qui la situe à la quatrième place derrière les Etats-Unis, le Japon et la Chine (qui l'a dépassé depuis peu) mais devant tous les pays européens." (p.103)
"Succès du système éducatif français qui, nonobstant les critiques, attire plus de 250 000 étudiants étrangers, à la troisième place mondiale derrière les Etats-Unis (600 000) et le Royaume-Uni, avant l'Allemagne que la France a dépassé en 2005 et juste devant l'Australie qui progresse rapidement. La France arrive donc en tête des pays non anglophones, ce qui n'est pas une mince performance dans une planète où mondialisation rime avec américanisation. Logiquement ces étudiants viennent principalement de pays francophones (55% du Maghreb) mais les Chinois (15%), les Allemands (6%) ou les Italiens fournissent des contingents importants.
La culture française ne repose pas sur les seules humanités, mais aussi sur les sciences. Sans doute la France détient-elle le record des prix Nobel de littérature depuis sa création avec 14 bénéficiaires, mais elle est aussi quatrième en ce qui concerne les prix Nobel scientifiques." (p.106)
"Sans doute le français n'est-il plus la langue des diplomates comme ce fut le cas des traités de Westphalie au traité de Versailles. […]
Sans doute la francophonie coûte-t-elle cher au pays: entretien des alliances françaises, soutien à l'enseignement, aide à l'exportation de livres et de films… Le CNN chiffre à 1.4 milliard $ les dépenses de la France pour promouvoir sa langue. Elle rapporte en retour. Les pays francophones représentent un marché naturel pour l'exportation de biens culturels, mais aussi de services comme les grands travaux qui nécessitent l'envoi de techniciens français. Ils envoient dans l'hexagone leurs étudiants. Plus généralement, les relations économiques, humaines et culturelles sont facilités." (p.107)
"L'Etat a accompli depuis peu un effort considérable pour développer les chaînes d'information françaises destinées à l'étranger. L'enjeu est la promotion du français, mais aussi la diffusion du point de vue de la France et la défense de ses choix diplomatiques et de ses intérêts: Radio France Internationale, TV5 et surtout France 24 lancée en 2006 qui diffuse en français, mais aussi en anglais et en arabe […] A l'origine de cette création, la crise irakienne avait révélé la capacité d'influence des chaînes d'information internationale (CNN, Al-Jazeera). Ainsi s'explique le surnom initial de "CNN à la française" attribué à France 24, malgré des budgets beaucoup moins importants (10% de celui de CNN).
L'un des problèmes de la politique culturelle de la France réside dans la dispersion des organismes qui les coiffe et la rivalité qui les oppose. La création de France 24 a généré des conflits que l'on a tenté de résoudre par la création en 2008 d'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), un holding d'Etat coiffant l'ensemble des chaînes tournées vers l'international.
Dans le même esprit est créé en 2010 l'Institut français chargé de reprendre l'ensemble de la politique culturelle de la France." (p.109)
"De Gaulle accepte l'indépendance de l'Algérie pour des raisons politiques et économiques, mais aussi pour des raisons militaires. "Messieurs il n'y a pas que l'Algérie, il y a l'Europe, il y a le monde", explique-t-il aux officiers du Ier REP. A cause du maintien de l'ordre, la France immobilisait ses meilleures troupes et ses moyens en Algérie ; du coup sa sécurité en Europe dépendait du parapluie atomique américain et elle devait aligner sa politique extérieure sur celle de son protecteur. Pour le général de Gaulle il faut rompre avec cette situation." (p.110)
"Lors de l'intervention en Libye (2011), l'aviation française a assuré environ le quart des sorties des alliés, soit 200 sorties hebdomadaires sur 800 ; elle atteignait ses limites de même que le porte-avions Charles de Gaulle. C'est un problème de nombre d'appareils, mais aussi de fatigue des pilotes, d'usure du matériel et même de réserve de munitions ! Le conflit libyen a aussi démontré les limites françaises en matière de renseignement par satellite, de ravitaillement ou de drones -autant d'outils essentiels pour lesquels le corps d'intervention dépendait des Etats-Unis, même si ces derniers avaient arrêté leurs raids début avril." (p.115)
"L'attractivité peut être définie comme la compétitivité des territoires, leur capacité à attirer et fixer les facteurs de production (capital, travail, technologie)." (p.125)
"Entre 1970 et 2008 leur nombre [aux ménages sous le seuil de pauvreté] a chuté de 15 à 7% des ménages." (p.130)
"Les délocalisations n'ont pas que des inconvénients. Elles apportent des produits bon marché aux consommateurs français, des profits aux entreprises, des dividendes aux actionnaires petits ou gros, des emplois de contrôle et coordination dans les sièges sociaux." (p.132)
"De Bruxelles viennent des influences clairement libérales qui s'opposent à l'interventionnisme étatique." (p.135)
"La PAC paraît faite pour les paysans français. Le soutien par les prix encourage leur production sans limite ; la préférence communautaire signifie que leurs partenaires doivent s'approvisionner en Europe et non à l'étranger ; des subventions leur permettent de vendre sur le marché mondial ; enfin, grâce au principe de solidarité financière, ce sont tous les Européens qui financent la PAC… et l'agriculture française." (p.152)
"La PAC est régulièrement réformée pour coûter moins cher, la politique redistributive voit ses fonds augmenter considérablement. La première représentait 80% des dépenses communes en 1980 et moins de 50% aujourd'hui ; la seconde, qui ne faisait pas 10% des dépenses en 1980, en représente un tiers." (p.157)
"D'un côté [la France] pose au porte-parole de l'Afrique et du Sud en général, elle se fait l'intermédiaire entre eux et l'Europe, elle réclame la réduction de leur dette et la prise en compte de leurs problèmes. Mais elle défend avec vigueur la politique commune qui freine certaines exportations de ces pays." (p.166)
-Pascal Gauchon, Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance, PUF, coll. "Major", 2012, 189 pages.
carte p.66-67
p.165