https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-%C3%89vremond
https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Charles_de_Saint-%C3%89vremond
https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_la_morale_d%E2%80%99%C3%89picure
"Le mot de Volupté me rappelle Épicure ; et je confesse que, de toutes les opinions des philosophes, touchant le souverain bien, il n’y en a point qui me paroisse si raisonnable que la sienne. Il seroit inutile d’apporter ici des raisons, cent fois dites par les épicuriens : que l’amour de la volupté, et la fuite de la douleur, sont les premiers et les plus naturels mouvements, qu’on remarque aux hommes ; que les richesses, la puissance, l’honneur, la vertu, peuvent contribuer à notre bonheur : mais que la jouissance du plaisir, la volupté, pour tout dire, est la véritable fin où toutes nos actions se rapportent. C’est une chose assez claire d’elle-même, et j’en suis pleinement persuadé."
"Qu’on le considère dans son commerce avec les femmes, et on ne croira pas qu’il ait passé tant de temps avec Leontium, et avec Themisto5, à ne faire que philosopher. Mais, s’il a aimé la jouissance, en voluptueux, il s’est ménagé, en homme sage. Indulgent aux mouvements de la nature, contraire aux efforts : ne prenant pas toujours la chasteté pour une vertu, comptant toujours la luxure pour un vice ; il vouloit que la sobriété fût une économie de l’appétit, et que le repas qu’on faisoit ne pût jamais nuire à celui qu’on devoit faire : Sic præsentibus voluptatibus utaris, ut futuris non noceas. Il dégageoit les voluptés, de l’inquiétude qui les précède, et du dégoût qui les suit. Comme il tomba dans les infirmités, et dans les douleurs, il mit le souverain bien dans l’indolence : sagement, à mon avis, pour la condition où il se trouvoit ; car la cessation de la douleur est la félicité de ceux qui souffrent. Pour la tranquillité de l’esprit, qui faisoit l’autre partie de son bonheur, ce n’est qu’une simple exemption de trouble : mais, qui ne peut plus avoir de mouvements agréables, est heureux de pouvoir se garantir des impressions douloureuses.
Après tant de discours, je conclus que l’indolence et la tranquillité doivent faire le souverain bien d’Épicure infirme et languissant. Pour un homme qui est en état de pouvoir goûter les plaisirs, je crois que la santé se fait sentir elle-même, par quelque chose de plus vif que l’indolence, comme une bonne disposition de l’âme veut quelque chose de plus animé qu’un état tranquille. Nous vivons au milieu d’une infinité de biens et de maux, avec des sens capables d’être touchés des uns, et blessés des autres : sans tant de philosophie, un peu de raison nous fera goûter les biens, aussi délicieusement qu’il est possible, et nous accommoder aux maux, aussi patiemment que nous le pouvons."
-Charles de Saint-Évremond, Sur la morale d’Épicure, 1685.
https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Charles_de_Saint-%C3%89vremond
https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_la_morale_d%E2%80%99%C3%89picure
"Le mot de Volupté me rappelle Épicure ; et je confesse que, de toutes les opinions des philosophes, touchant le souverain bien, il n’y en a point qui me paroisse si raisonnable que la sienne. Il seroit inutile d’apporter ici des raisons, cent fois dites par les épicuriens : que l’amour de la volupté, et la fuite de la douleur, sont les premiers et les plus naturels mouvements, qu’on remarque aux hommes ; que les richesses, la puissance, l’honneur, la vertu, peuvent contribuer à notre bonheur : mais que la jouissance du plaisir, la volupté, pour tout dire, est la véritable fin où toutes nos actions se rapportent. C’est une chose assez claire d’elle-même, et j’en suis pleinement persuadé."
"Qu’on le considère dans son commerce avec les femmes, et on ne croira pas qu’il ait passé tant de temps avec Leontium, et avec Themisto5, à ne faire que philosopher. Mais, s’il a aimé la jouissance, en voluptueux, il s’est ménagé, en homme sage. Indulgent aux mouvements de la nature, contraire aux efforts : ne prenant pas toujours la chasteté pour une vertu, comptant toujours la luxure pour un vice ; il vouloit que la sobriété fût une économie de l’appétit, et que le repas qu’on faisoit ne pût jamais nuire à celui qu’on devoit faire : Sic præsentibus voluptatibus utaris, ut futuris non noceas. Il dégageoit les voluptés, de l’inquiétude qui les précède, et du dégoût qui les suit. Comme il tomba dans les infirmités, et dans les douleurs, il mit le souverain bien dans l’indolence : sagement, à mon avis, pour la condition où il se trouvoit ; car la cessation de la douleur est la félicité de ceux qui souffrent. Pour la tranquillité de l’esprit, qui faisoit l’autre partie de son bonheur, ce n’est qu’une simple exemption de trouble : mais, qui ne peut plus avoir de mouvements agréables, est heureux de pouvoir se garantir des impressions douloureuses.
Après tant de discours, je conclus que l’indolence et la tranquillité doivent faire le souverain bien d’Épicure infirme et languissant. Pour un homme qui est en état de pouvoir goûter les plaisirs, je crois que la santé se fait sentir elle-même, par quelque chose de plus vif que l’indolence, comme une bonne disposition de l’âme veut quelque chose de plus animé qu’un état tranquille. Nous vivons au milieu d’une infinité de biens et de maux, avec des sens capables d’être touchés des uns, et blessés des autres : sans tant de philosophie, un peu de raison nous fera goûter les biens, aussi délicieusement qu’il est possible, et nous accommoder aux maux, aussi patiemment que nous le pouvons."
-Charles de Saint-Évremond, Sur la morale d’Épicure, 1685.