« En 1914, au terme du fiévreux mouvement d’expansion amorcé au cœur des années 1880, la France s’est donc taillé le deuxième empire colonial du monde, un empire de plus de 10 millions de km2 peuplé par près de 50 millions d’habitants. Un empire qui s’étale en taches roses sur tous les murs des écoles communales. Un empire qui fait dire en 1905 à Clémentel, novice ministre des Colonies, devant la vaste carte des possessions françaises : « Les colonies… Je ne savais pas qu’il y en eût tant. ». » (p.7)
« Alors que les départements algériens apparaissent comme le prolongement de la France au sud de la Méditerranée, la Tunisie et le Maroc conservent leur souverain, leur pavillon et leur personnalité. C’est le résident général, ministre des Affaires étrangères des souverains, chef des services administratifs et commandant en chef des forces armées, qui est « dépositaire dans ces territoires des pouvoirs de la République » sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères. » (p.9)
« Tous les autres territoires de l’empire, à l’exception donc de l’Afrique du Nord, relèvent du ministre des Colonies créé par la loi du 20 mars 1894. » (p.10)
« Quatre grands gouvernements généraux avaient fini par être constitués. L’Indochine réunissait depuis le décret du 21 avril 1891 l’Annam, la Cochinchine, le Tonkin, le Cambodge et le Laos. L’AOF, dont l’organisation avait été réglée par le décret du 18 octobre 1904, rassemblait les colonies du Sénégal, de la Guinée française, de la Côte-d’Ivoire, du Dahomey, de la Mauritanie, du Soudan français, de la Haute-Volta et du Niger. L’AEF, constituée en 1908, se composait du Gabon, du Moyen-Congo, de l’Oubangui-Chari et du Tchad. Un quatrième gouvernement général rassemblait Madagascar, Mayotte et les Comores. Les autres territoires étaient placés sous l’autorité de gouverneurs des colonies. » (p.12)
« Le ministère des Colonies pesait, en 1913, 100 millions de francs, soit 2.1% des dépenses publiques totales, trois fois moins que l’Instruction publique, mais deux fois plus que l’Agriculture. » (p.12-13)
« Cette complexité administrative était en fait le produit du débat qui opposait, depuis le début des années 1890, partisans et adversaires de l’assimilation. Pour les premiers, qui rassemblaient les juristes experts en législation coloniale [comme Arthur Girault], la politique d’assimilation devait avoir pour objectif de soumettre aux mêmes lois les différentes parties du territoire et d’en faire progressivement de véritables départements français. Cette politique, prétendaient-ils, était celle des nations de race latine, fidèles héritières du génie assimilateur de Rome qui avait romanisé la Gaule, l’Espagne et l’Afrique et répandu sa langue, sa religion et ses coutumes. » (p.14)
« C’est de Lanessan, ancien médecin de marine, professeur à la Faculté de médecine et gouverneur général de l’Union indochinoise de 1891 à 1894, qui allait défendre avec le plus d’éloquence la politique de l’autonomie. Dans ses Lettres du Tonkin et de Madagascar, Lyautey, nommé à l’état-major du corps d’occupation du Tonkin en octobre 1894, nous avoue la « séduction » qu’exerce sur lui de Lanessan, au mois de novembre, quand cet ardent défenseur du protectorat contre l’administration lui expose sa théorie. » (p.17)
« Maintenir les institutions et les usages indigènes, utiliser les chefs traditionnels, leur laisser l’exercice de la police, de l’administration, de la perception de l’impôt, de la justice, tels étaient les principes que tentera d’appliquer Lyautey par la suite au Maroc. » (p.18)
« Georges Leygues, successeur de Clémentel au ministère des Colonies, […] déclarait devant les membres du Congrès colonial en juillet 1906 : « L’assimilation est une erreur funeste. Il faut y renoncer pour toujours. Ce serait tenter une œuvre inutile parce qu’elle ne pourrait réussir, et dangereuse parce qu’elle ne pourrait soulever contre nous que défiance et colère. » (p.19-20)
« Conformément toujours aux principes d’autonomie fixés dans les ordonnances de la Restauration, les lois et décrêts relatifs aux colonies, bien que promulgués dans la métropole par le président de la République et publiés dans le Journal officiel de la République française ou dans le Bulletin des lois, n’étaient pas pour cela exécutoires dans la colonie. Il fallait une seconde promulgation et une publication spéciale faites par le gouverneur dans la colonie. Ce n’était pas une simple formalité. Cette clause permettait en fait à un gouverneur de retarder indéfiniment la mise en vigueur de la loi ou du décret. Le remède consistait pour le ministre à donner au gouverneur un ordre devant lequel ce dernier devait s’incliner. Encore fallait-il pour cela une certaine stabilité ministérielle… » (p.20)
« Ni la Guerre ni la Marine ne voulaient de la création d’une troisième ministère militaire. La loi du 7 juillet 1900 avait finalement rattaché les troupes coloniales au ministère de la Guerre. Cela n’allait pas sans éprouver l’autorité du gouverneur dont on a vu plus haut qu’elle était théoriquement très étendue. Des officiers, qui attendaient leur avancement du ministre de la Guerre, avaient en effet tendance à se considérer comme indépendants des gouverneurs, qui avaient pourtant la disposition des forces militaires stationnées sur leurs territoires. Ils opposaient volontiers aux ordres donnés par un fonctionnaire du ministère des Colonies les instructions de leur ministre, d’où de multiples conflits. » (p.21)
« La loi douanière du 11 janvier 1892 avait satisfait les industriels métropolitains qui croyaient trouver dans l’assimilation douanière le meilleur moyen de se réserver les marchés coloniaux. Dès 1884, les produits étrangers importés en Algérie étaient déjà soumis aux mêmes droits que s’ils étaient importés en France. En 1889, on avait également rétabli le monopole de pavillon, qui réservait à la flotte française les transports entre la France et l’Algérie. En 1892 enfin, sous la pression des industriels du textile cotonnier et de la métallurgie, confrontés à la baise des prix qui sévissait depuis le début des années 1880, une loi avait introduit le principe de l’assimilation douanière. Comme toutefois des engagements internationaux limitaient la souveraineté de la France, certaines colonies comme le Dahomey, la Côte-d’Ivoire, le Sud-Gabon, le Moyen-Congo et plus tard le Maroc, pour lequel l’Acte d’Algésiras stipulait la stricte égalité économique pour toutes les importations, restaient en dehors du champ d’application de la loi. Pour la Martinique, la Guyane, la Réunion, Madagascar, Mayotte, l’Indochine et la Nouvelle-Calédonie, les produits étrangers importés étaient soumis aux mêmes droits que s’ils étaient importés en France. En contrepartie, les produits de ces colonies assimilées entraient en France en franchise, à l’exception du sucre et de ses dérivés qui étaient soumis aux droits du tarif métropolitain. […]
Cette loi était vivement condamnée par les représentants du commerce colonial, en particulier ceux de Marseille, qui condamnaient un régime douanier édicté uniquement en fonction des besoins métropolitains. » (p.21-22)
-Jacques Thobie, « Les hésitations du colonisateur », chapitre 1 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.7-24.
« Comment attirer les Français vers des territoires si peu propices au peuplement, à la nature si hostile ? Dès 1874, dans son œuvre maîtresse, De la colonisation chez les peuples modernes, Paul Leroy-Beaulieu avait déjà condamnée l’idée de la « soupape sociale » en démontrant que les colonies de peuplement étaient un modèle périmé et qu’il ne fallait s’intéresser qu’aux colonies modernes, capables d’accueillir seulement les capitaux et les élites. A quoi bon envoyer aux colonies des indigents qu’il faudrait ensuite rapatrier ? Il fallait au contraire sélectionner les candidats au départ, les former dans des écoles spéciales, bref attirer surtout les classes dirigeantes. « Donnez-nous cent bonnes familles, énergiques, solides, vigoureuses, travalleuses et économes, pour la Tunisie et Madagascar, exigeait en 1900 le jésuite J. B. Piolet, vous aurez fait davantage pour la prospérité, le développement et l’avenir de ces pays qu’en leur envoyant 1000, 10 000 pauvres diables, ramassés sur le pavé de nos villes, qui ne savent rien, qui n’ont rien, qui ne veulent rien faire ».
C’était bien aussi l’avis de Gallieni, gouverneur général de Madagascar. « Considérant que la présence sans cesse croissante des gens sans avoir et sans ressources sur le territoire de la colonie, outre qu’elle constitue un danger pour la sécurité publique, occassionne pour le budget local des dépenses d’hospitalisation et de rapatriement », il avait signé, à la date du 15 juin 1903, un arrêté dont l’article 1er stipulait : « Nul ne sera admis à débarquer dans la colonie s’il ne fait la preuve d’y avoir un établissement ou s’il ne justifie de la possession d’un capital qui ne saurait être inférieur à 5000 francs, ou d’un emploi assuré par contrat ». » (p.26)
« A la veille de la guerre, le nombre total de Français aux colonies, naturalisé compris, atteignait 700 000, dont près de 500 000 en Algérie. » (p.28)
« Le chantage au séparatisme restera bien l’une des constantes de la « mentalité algérienne » tant redoutée par les autorités gouvernementales.
Dans les autres parties de l’empire, la communauté française était bien trop minoritaire pour être en mesure d’exercer une telle menace. » (p.29)
« En Indochine, les Européens étaient à peine 24 000, noyés au milieu de 16 millions d’indigènes. » (p.30)
« En Algérie, en 1914, 47 263 élèves indigènes, 5% à peine des enfants musulmans, étaient scolarisés dans les écoles primaires françaises de toute nature dont 8 000 dans l’enseignement européen. C’est que, depuis la création des délégations et, surtout, l’octroi à l’Algérie de son autonomie financière, les colons faisaient tout pour s’opposer à l’implantation d’écoles pour les indigèns. En 1908, le Congrès des colons avait émis le vœu fort clair que l’instruction primaire des indigènes soit supprimée et que les crédits qui y étaient affectés soient employés à leur instruction agricole pratique.
« L’instruction fait un mal de termite, déclarait un membre des délégations financières, elle arrivera peu à peu à modifier la situation sociale de l’élément français […]. Instruire nos sujets, c’est les rendre aujourd’hui nos égaux, demain nos maîtres. »
Le 14 mars 1914, des instructions ministérielles mirent ainsi fin à l’expérience des « écoles auxiliaires » qu’avait voulu développer le gouvernement Jonnart, pour faire des Arabes des citoyens plus que des sujets. […]
En Afrique noire, les lois sur les congrégations avaient amené en 1903 le gouvernement à s’occuper des choses de l’enseignement jusque-là complètement abandonnées aux missionnaires. Organisé par le gouverneur Camille Guy, agrégé de l’Université passé dans l’administration coloniale, l’enseignement primaire ne rassemblait toutefois que 17 000 élèves en AOF à la fin de 1914. En AEF, l’école était toujours exclusivement confiée aux missions. » (p.33-34)
« En Indochine, on comptait, en 1914, 12 200 fonctionnaires indigènes pour 4332 agents français de toutes catégories. » (p.37)
-Jacques Thobie, « Deux sociétés en confrontation », chapitre 2 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.25-37.
« En 1885, quand Jules Ferry défendait à la tribune de la Chambre la politique coloniale, au cours du débat qui devait entraîner sa chute, la violence verbale d’un Clemenceau et les insultes d’une foule conspuant « le Tonkinois » démontraient assez les réticences de l’opinion. A la veille de la guerre, constate avec raison R. Girardet, les hésitations, voire les contradictions, dont témoigne l’attitude de Jaurès au cœur même des débats marocains, deviennent alors particulièrement significatives. Il ne s’agit plus de condamner la colonisation mais de veiller à ne pas compromettre sa mission. » (p.39)
« A partir de 1890, les pôles essentiels d’action et de rayonnement du parti colonial sont les comités dont le foisonnement est impressionnant. Fondé en 1890, le Comité de l’Afrique française, présidé par le prince d’Arenberg, directeur du Journal des Débats, dépensa en quinze ans un million de francs pour la seule propagande coloniale. […]
L’Union coloniale, crée en 1893, et dirigée par Chailley-Bert, organisait des dîners mensuels et un banquet annuel placé sous la présidence du ministre des Colonies. Grâce à son périodique, la Quinzaine coloniale, et aux fortes cotisations des entreprises –elle dépensa un million de francs-or pour la seule propagande de 1894 à 1903-, elle fut certainement le fer de lance du parti colonial. » (p.40-41)
« Et pourtant, à la veille de la guerre, les militants de la cause coloniale demeuraient peu nombreux : moins de 25 000 sans doute, pour la quarantaine de sociétés rassemblées dans ce vaste « cartel » colonial. On était donc loin des 45 000 adhérents de la Ligue coloniale allemande en 1914. » (p.41)
« Justifiée par l’inertie des indigènes, la colonisation achevait également l’œuvre de la Révolution française. Dans La Ville inconnue, un roman publiée en 1911, Paul Adam nous décrit l’itinéraire de Mérot, un soldat, antimilitariste et de conviction socialiste, qui s’est engagé dans l’armée d’Afrique par besoin impératif d’argent. Persuadé comme « ses amis de la CGT » que « nous exterminions ici de pauvres nègres inoffensifs pour le seul bénéfice de financiers louches », Mérot finit par comprendre que la « la France de ma Révolution, la France de la Liberté, a le devoir d’affranchir des races innocentes et faibles », de délivrer de l’esclavage des Ahmadou ou des Samory les Kanembous, les Bambaras, les Ouolofs et les Toucouleurs qui sont devenus nos soldats reconnaissants et fidèles. Mérot voudrait montrer ça « au camarade Jaurès » et lui demander ensuite s’il blâme toujours les expéditions coloniales. » (p.44)
« Des colons romains vinrent s’établir en Gaule, comme des Français vont de nos jours se fixer en Algérie, écrivaient Rogie et Despiques dans un manuel d’Histoire de France édité en 1905. Ils apprirent aux Gaulois à travailler la terre, à fabriquer des outils, à construire des habitations. La Gaule défrichée se peupla, se couvrit de vignobles et de cultures. » (p.46)
« L’immense majorité [des socialistes] estimait, comme Jaurès en 1913, que le « Parti socialiste n’avait pas la puérilité et l’enfantillage de demander que, du jour au lendemain, on procède à l’évacuation des anciennes colonies françaises » et pensait au contraire que la France avait là « des devoirs précis et profonds ».
« Je suis convaincu, s’écriait Jaurès au moment de la conquête du Maroc, que la France a, au Maroc, des intérêts de premier ordre ; je suis convaincu que ces intérêts mêmes lui créent une sorte de droit. » S’il récuse avec passion le traité du protectorat résultant, selon lui, d’une politique « d’intervention hâtive, impatiente, indiscrète et brutale », il ne propose pas pour autant d’évacuer le Maroc. » (p.48)
-Jacques Thobie, « La conquête de l’opinion », chapitre 3 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.39-49.
« Certes, la France acheta, pendant la guerre, aux colonies, plus qu’elle ne leur vendit. Sa balance commerciale avec elles, d’excédentaire, tendit à devenir déficitaire : l’industrie française n’était plus guère en mesure d’exporter, ou alors à des prix très élevés. Mais, en quantités, les importations françaises, ou stagnèrent, ou diminuèrent fortement. […]
Les colonies participèrent donc bien à l’effort de guerre, mais ce fut dans les limites de leurs possibilités. » (p.75)
« Économiquement parlant, la Grande-Bretagne compta bien plus que l’ensemble des colonies. » (p.76)
« Au total, les colonies fournirent à la guerre française, selon les sources, de 535 000 à 607 000 soldats, Sarraut retenant, lui, le chiffre de 587 000, soit, en comptant les 4 000 Français des colonies et les 73 000 Français d’Algérie recrutés, de 608 000 à 680 000 hommes, soit de 7 à 8% du chiffre des Français mobilisés pendant la Grande Guerre […]
Selon les évaluations, de 66 000 à 71 000 coloniaux furent tués à la guerre […] pourcentages de pertes assez comparables à celles des unités d’infanterie françaises. » (p.77-78)
« Le colonel Paul Azan estime que le recrutement de travailleurs dut toucher 310 000 hommes, dont 1/3 d’Algériens (Maghrébins : plus de 50%), 1/6 d’Annamites, 1/7 de Chinois […] Il y eut aussi, en moindre nombre, des Malgaches et des Africains noirs.
Au total donc pour sa guerre, le pouvoir français préleva sans doute de 800 000 à 900 000 hommes tirailleurs et travailleurs confondus. » (p.78-79)
« Pendant quatre ans, tout racisme manifeste est suspendu dans les journaux.
La France se donne pour la meilleure amie de l’Islam : elle flatte l’Islam aux Comores pour réaliser les recrutements ; le gouverneur Clozel s’attire les bonnes grâces des chefs musulmans d’AOF. La France organise jusqu’en 1917 à La Mecque des pèlerinages officiels de notables, encadrés et dorlotés. » (p.79)
« Les réformes ne touchèrent rien au fond […] destinées à monnayer l’impôt du sang, [elles] avaient souvent suscité des espoirs démesurés chez les colonisés. L’action prochaine d’un émir Khaled en Algérie ou d’un Taalbi en Tunisie s’inscrivit dans la protestation générale des déçus de la « guerre du droit ». […]
Le pouvoir colonial avait dû tenter de se mettre au registre du paternalisme généralisé quand il lui était requis par le colonisé d’aller au-delà, ce qu’il ne pouvait faire, sauf à renier sa nature. » (p.84)
« A la veille de 1914, les colonies étaient un enjeu entre puissances. Dans les buts de guerre respectifs de la France et de l’Allemagne, chacun des deux Etats entend bien mettre la main sur les colonies de l’autre. L’idéologie pangermaniste, la Deutsche Kolonialgesellschaft, le Bonner Kolonialinstitut, le Flottenverein, des personnalités comme Heinrich Class, Aloys Sprenger, Maximilien Harden ou Gerhard Hildebrand et Paul Rohrbach représentaient que l’Allemagne, arrivée trop tard au partage du gâteau colonial, y fut mal servie : laissée pour compte de l’Histoire, elle se devait de revendiquer un espace colonial à la mesure de son importance et de ses talents. Dans un livre d’anticipation paru à Leipzig en 1906 et signé du pseudonyme de Seestern, l’auteur entrevoit une guerre européenne provoquée par le contentieux colonial et terminée par une paix de compromis autorisant une redistribution. Après 1918, dans la République de Weimar, les propagandistes coloniaux restent nombreux et actifs. […]
L’Allemagne impériale s’est construite de longue date une image d’amie de l’Islam. Pour les Maghrébins, le Kayser est « Haj Guillaume ». Le couronnement de cette politique fut l’alliance avec le régime jeune-turc, surtout après le coup d’Etat de 1913 qui installe Enver Pacha et élimine l’essentiel de la vieille garde saloniquienne francophile des Jeunes Turcs. Le général Liman von Sanders, nommé général d’une importante division anatolienne, est chargé de réorganiser l’armée impériale ottomane. La revue Der Islam trace les grandes lignes d’une politique islamophile antifrançaise. Dans le Livre jaune allemand, est dite l’utilité qu’il y aura à « susciter des troubles dans le nord de l’Afrique et en Russie ». […]
Et de fait pendant toute la guerre, et tout particulièrement au Maghreb et sur les franges sahariennes, la propagande allemande ne cessa pas. » (p.85-86)
« Les colonies allemandes furent englobées dans les livraisons exigées par le diktat de Versailles et partagées principalement entre Anglais et Français, théoriquement chargés par la SDN de leur tutelle, sous réserve que les puissances mandataires aient à rendre compte de leur administration à la SDN et qu’elles les conduisent à l’indépendance. Dans ce partage des dépouilles, la France reçut la plus grande partie du Togo et du Cameroun. » (p.87)
« Fait sans précédent, les conversations décisives entre Clemenceau et Wilson se passent en anglais. » (p.88)
« Plus nettement qu’avant guerre, c’est la droite nationaliste qui dénonce les menées subversives contre l’empire : L’Action française, dans la presse, Marcel Habert, l’ancien bras droit de Déroulède, au Parlement… […] les colonies, plus après 1918 qu’avant 1914, ont des vertus robaratives et rédemptrices nationales. » (p.89)
« En chiffre, de 1914 à 1918, la diminution de l’encadrement français en Algérie atteint 26% pour les administrateurs de communes fixes, 27% pour les médecins de colonisation, 34% pour les officiers, 48% pour les agents des eaux et forêts, 51% pour les troupes françaises, 57% pour les instituteurs français, 68% pour la distribution gratuite de quinine, 80% pour les constructions scolaires. Les Français quadrillent moins le pays. » (p.93)
« Dans le cas de Viet-Nam, apparaît donc un quatrième type de résistance armée : la lutte de l’élite tente de s’y articuler avec les soulèvements populaires. En janvier 1916, des bandes armées s’opposent aux opérations de recrutement et, renforcées de mutins évadés de la prison de Bien Hoa, multiplient les coups de main, dont le fameux débarquement de trois cents d’entre eux à l’embouchure de l’arroyo chinois et de la rivière de Saigon, puis la tentative manquée d’assaut de la prison centrale et les batailles rangées avec la police et les gendarmes en pleine ville, à Saigon et Cholon. Dans le courant de l’hier, d’autres tentatives sont faites dans le Sud. Mais la répression est rapide et sévère, les actions restent isolées, leur base populaire étroite. » (p.98)
-Gilbert Meynier, « Guerre et pouvoir colonial : continuités et adaptations », chapitre 5 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.73-100.
« Pour Élie Halévy, le XXe siècle doit être celui des empires ; pour Octave Homberg, la France doit être La France des cinq parties du monde (Paris, 1927). […]
Dans l’enseignement, les programmes d’histoire sont révisés en 1925. Ils accordent aux colonies une place désormais importante. […] Tout annonce l’apothéose des fêtes du centenaire de l’Algérie française et la grande exposition coloniale de Vincennes de 1931. » (p.134)
« Les fêtes du Centenaire de l’Algérie française ont beau attirer 80 000 visiteurs français, les milieux cultivés et les enseignants continuent à être indifférents aux colonies, voire à être, au moins, réservés à l’égard de la plus grande France […] globalement, l’Empire n’est pas encore aimé, pas même désiré ; il concourt à un vague sentiment de fierté mais le grand large reste lointain, s’il ne fait pas peur. » (p.136)
« En 1913, dans le commerce extérieur de la France, l’empire venait au troisième rang après la Grande-Bretagne et l’union belgo-luxembourgeoise, à égalité avec l’Allemagne. En 1924, il conquiert la deuxième place ; en 1928, la première. La part des exportations destinées aux colonies passe du 1/10 du total dans l’avant-guerre à un peu plus du 1/6 en 1928. La part des importations provenant des colonies représente le 1/8 du total en 1928 contre le 1/11 en 1913. » (p.139)
« L’Empire devient un débouché majeur pour les productions anciennes (textiles, sucre, peausseries, papier, boissons alcoolisées, corps gras alimentaire…), mais un débouché médiocre pour les biens d’équipement –sauf le ciment- et la plupart des productions vedettes, sauf l’automobile. De 1918 à 1928, la part des biens d’équipement dans les exportations passe de 3.3% à 13.2% ; ils régressent, dans les exportations vers les colonies, de 50% à 30.4%. » (p.140)
« A un moment décisif pour le capitalisme français, les colonies l’ancrent au XIXe siècle. Rente de situation pour le patronat de France le plus rétrograde, elles lui permettent de se maintenir à flot face aux concurrences étrangères et de se passer d’une augmentation du pouvoir d’achat du marché intérieur. » (p.141)
« L’endettement de l’Algérie, dont les ressources n’ont jamais payé que le tiers des dépenses, reste relativement modestes (974 millions courants en 1927), comparé au milliard de l’endettement tunisien et au milliard, également, emprunté depuis peu par le Maroc. » (p.147)
« Les années 20 voient le développement des lignes aériennes entre France et Maghreb […]
Les réalisations portuaires sont poussées, particulièrement à Dakar à partir de 1924. […]
Extensions, décidées en 1921 et 1924, des ports d’Alger et d’Oran […] création fébrile du port de Casablanca […] De même, au Viêt-nam, agrandissements et approfondissements en cours modifient les installations portuaires de Saigon et de Haiphong. » (p.148)
« C’est au Viet-nam du Nord que la croissance du secteur minier est la plus spectaculaire. Rien qu’en 1928 et 1929, près de 50 millions de francs or sont investis dans des sociétés minières du Nord-Viêt-nam. En valeur, la production de minerais augmente de 300% de 1920 à 1930 ; celle de zinc est multipliée par 8 de 1920 à 1926, celle d’étain, qui était passée de 44 tonnes en 1913 à 438 tonnes en 1920, s’élève à 1900 tonnes en 1930. La production de houille du bassin de Quand Yên, qui était de l’ordre du demi-million de tonnes en 1913, atteint en 1930 1.89 million de tonnes en 1930.
D’autres régions de l’empire sont encore à peine exploitées : en 1929, les 5000 tonnes de nickel extraites en Nouvelle-Calédonie ne représente encore que le 1/10 de la production canadienne. » (p.152)
« En aucun cas les années 20 ne voient la création d’une véritable industrie intégrée dans l’empire colonial français. Même l’Indochine, qui connut, avec l’Algérie, l’industrialisation la plus notable, continue à payer une dîme de plusieurs millions de piastres au maintien du pacte colonial, en important des produits français à prix élevés. Tout au plus, l’industrie française concède-t-elle aux colonies la création de fabrications complémentaires ; en aucun cas d’industries rivales. » (p.153)
« Le travail remarquable de l’institut Pasteur d’Alger et le dévouement des médecins de colonisation ne sont pas complétés en aval par une infrastructure suffisante. Les quelques hôpitaux indigènes sont rarissimes et équipés de manière rudimentaire. Le nombre des lits disponibles n’augmente que faiblement. La majorité des infirmeries indigènes sont des gourbis délabrés. Seules les séances de vaccination collectives et de quiquinisation préventive, multipliées, les visites d’infirmières visiteuses, instaurées par le gouvernement de Viollette en 1926, et la création d’équipes sanitaires mobiles en 1929 représentent un progrès. La mortalité régresse lentement. […]
Par comparaison avec l’Algérie, l’œuvre sanitaire réalisée dans le Maroc de Lyautey est plus rapide et plus large : il y a, dans les années 20, davantage de médecins de colonisation après une décennie de protectorat qu’il n’y en a en Algérie après un siècle de présence française, autant d’infirmeries indigènes, davantage de dispensaires. Dans le mandat syrien, pour une population nettement inférieure à la population musulmane de l’Algérie, les crédits alloués à l’assistance médicale représentent le quintuple des chiffres algériens. » (p.156)
« L’ « enseignement indigène » représente, comme dans l’avant-guerre, entre 19 et 22% du budget total de l’instruction publique ; mais la part relative des crédits consacrés aux indigènes par rapport aux Européens a plutôt tendance à légèrement régresser. […]
Dans l’enseignement secondaire, l’effectif algérien passa de 386 élèves en 1914 à 776 en 1930. » (p.159)
« 17 000 élèves à la veille de la guerre, en AOF, 25 000 en 1922, 37 000 en 1930, dont environ 10% de filles, sans compter la dizaine de milliers d’élèves des écoles de missions, installées dans quelques bastions, comme le cercle de Toma en pays samo, en Haute-Volta, ou en AEF. En AEF à la fin des années 20, l’école touche moins de 10 000 enfants, dont les 2/3 dans des écoles de missions, dans une atmosphère à la Congo belge. […] Au total, un taux de scolarisation bas mais variable selon les colonies […]
En 1930 [à Madagascar], 185 000 élèves –dont un tiers de filles- fréquentaient l’école primaire (le 1er degré) : un taux de scolarisation de 20%, absolument unique dans les annales de la France coloniale à cette époque. Les instituteurs, pasteurs, membres d’une petite intelligentsia, seront, et sont déjà, les cadres désignés du mouvement national. […]
La scolarisation progresse sensiblement [en Indochine] : 70 000 élèves en 1924, 378 000 en 1930. » (p.161)
« Si les années 20 furent moins qu’on ne l’a dit les années d’un new deal colonial en matière économique, la France coloniale travailla, sans doute, plus à l’investissement, en bien ou en mal, dans le sanitaire et le culturel. » (p.162)
« Ce n’est pas une souscription populaire, mais une entreprise très officielle qui permet la construction de la mosquée de Paris, inaugurée en 1926 –tout près du quartier Latin, pas à Ménilmontant. Les apports d’outre-mer ne sont pas encore pour toutes les bourses, et surtout, pour tous les goûts. » (p.166)
« Le réflexe impérial naît au moment précis des prodromes de la décolonisation. » (p.167)
« En Afrique noire, le plus petit échelon administratif civil est l’arrondissement, qui est laissé à la chefferie indigène devenue un organe d’autorité subordonné. » (p.170)
« Panacée théorique dans la bouche des idéologues coloniaux, l’ « association » est d’abord, sur le terrain, un procès-verbal de semi-carence de l’encadrement civil. » (p.171)
-Gilbert Meynier, « Les années 20 : un new deal colonial ? », chapitre 7 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.133-179.
« Phénomènes de refuge dans l’imaginaire. » (p.182)
« La Première Guerre a fait surgir ou révélé des forces de contestation du fait colonial ou fait entendre des voix sur lesquelles les colonisés s’appuient pour revendiquer la liberté. Parmi celles-ci, les thèmes wilsoniens, qui eurent leur heure de gloire au lendemain immédiat du conflit, font ensuite long feu. […]
Dans une certaine mesure, la SDN prit le relais du wilsonisme […]
Il en va autrement de l’influence soviétique : il n’est pas, dans les années 20, un seul mouvement d’émancipation qui se tourne, d’une manière ou d’une autre, vers la grande lumière russe. Non que la révolution anticoloniale ait été, d’emblée, un des mots d’ordre prioritaires de la nouvelle internationale communiste. Les questions nationale et coloniale sont évoquées, mais sans insistance, au deuxième congrès de l’IC, en juillet 1920, où André Julien et le dirigeant indien Roy ne peuvent intervenir que rapidement. […] Avec la stalinisation progressive du Komintern, contre les thèses de Roy, la coopération avec les bourgeoisies nationales devient la tactique de base.
Sous les auspices de l’IC, se tient en 1927 au palais d’Egmont, à Bruxelles, le « Congrès anti-impérialiste contre l’oppression coloniale et pour la libération des peuples opprimés ». Ce fut dans le contexte du reflux mondial révolutionnaire que se firent connaître sur la scène internationale des hommes comme le Sénégalais Lamine Senghor, l’Indonésien Mohammes Hatta, et, plus encore, l’Indien Jawaharlal Nehru et l’Algérien Messali Hadj. Les frictions constatées à Bruxelles entre dirigeants natinaux et appareil communiste accélèrent la prise de distance des mouvements d’émancipation par rapport au mentor communiste.
Mais, au sein de l’IC, des militants anticolonialistes de pays colonisés continuèrent à faire fond sur le communisme et à y tenir leur rôle. Le plus important d’entre eux fut Ho Chi Minh. » (p.186-187)
« Par rapport à l’avant-guerre, les années 20 sont marquées par une poussée anticoloniale en « métropole » même. Les critiques vis-à-vis des colonies n’émanent pratiquement plus de la droite : une figure d’avant guerre comme celle du député nationaliste Lucien Millevoye, accoutumé à briser des lances avec les députés colons, n’est plus de saison. La droite nationaliste est désormais uniment et ardemment colonialiste.
L’anticolonialisme est donc le fait de la gauche. En mineur de la vieille maison SFIO. […] Les dénonciations ne sont jamais condamnation essentielle du fait colonial ; elles sont appels à la mission d’une France civilisatrice, reconnaissantes d’une possible bonne colonisation idéale. La majorité, celle de Blum et de Renaudel, suit à peu près les mêmes penchants. […]
L’anticolonialisme dans les années 20 est surtout représenté par le parti communiste. Marginalisé pour l’ensemble de son action, il l’est en particulier pour son combat anticolonial qui fait de lui la cible désignée des contempteurs de l’antipatriotisme. » (p.190)
« C’est dans le foyer de l’Union intercoloniale et du journal le Paria, en grande partie rédigé par Hô Chi Minh, que prennent leur essor respectivement le parti annamite de l’indépendance, l’Étoile nord-africaine et le Comité de défense de la race nègre (CDRN) dominé par la personnalité de Lamine Senghor, ancien combattant gazé et militant communiste autodidacte, désireux comme le jeune Messali de secouer la tutelle communiste : c’est patronné par des personnalités françaises de gauche ou humanistes fort diverses qu’il fonde en 1927 le journal la Voix des Nègres qui milite pour des revendications immédiates, et non pour une indépendance jugée encore impensable.
Fort de près de 500 militants, le CDRN éclate en mars 1927 en deux groupes, l’un assimilationniste, l’autre plus révolutionnaire. C’est sur cette ligne plus dure, et avec à nouveau un soutien communiste, que Senghor fonde, en mars 1927, la Ligue de défense de la race nègre, dont l’organe deviendra La race nègre. La LDRN se replace, après sa mort, en novembre, sous la direction du jeune instituteur soudanais Tiemoko Garan Kouyaté, dans l’orbite communiste. Poursuivant des tentatives déjà faites par Senghor d’implantations dans les milieux de marins africains des grands ports français, Kouyaté déborde une CGTU insuffisamment anticolonialisye en promouvant la création de syndicats autonomes africains ; il lance l’idée d’un institut nègre à Paris ; il prépare une exposition anticoloniale en réponse à la préparation de l’exposition de Vincennes. Les thèmes ont déjà évolué : se plaçant en dehors du système colonial, Kouyaté entend militer pour l’unité et l’indépendance de l’Afrique… […] Le « mouvement nègre » trouve peu d’échos en Afrique : il est le fait de gens coupés du milieu africain d’origine. » (p.193)
« Déjà, le remplacement dès 1926 de Hadjali par Messali, moins profondément impliqué dans l’appareil communiste, avait signifié la prise de distance. […] Le grand meeting du 20 janvier 1929 de la rue Grande-aux-belles scanda fortement « l’indépendance totale » : l’indépendance de l’Algérie, mais aussi l’indépendance par rapport au mentor communiste, qui coupa les vivres. En novembre de la même année, l’Étoile fut dissoute pour propagande portant atteinte à l’intégrité du territoire national. A ce moment, elle comptait quelques milliers d’adhérents, peut-être 4 à 5% des Algériens vivant en France. » (p.194)
« A Madagascar, Jean Ralaimongo, rentré en 1924, organise l’action contre l’expropriation des Malgaches au profit des grandes concessions, il dénonce les abus de l’Administration et des colons, proteste contre l’envoi de troupes malgaches pour réprimer la révolte syrienne. Avec une pléida d’amis socialisants ou communisants, il tente, malgré les condamnations, de faire vivre son journal, l’Opinion. La répression se déclenche au printemps 1929 : la plupart des dirigeants du groupe contestataires sont arrêtés ou assignés à résidence. Pourtant, l’Opinion ne demendait pas autre chose que la constitution de Madagascar en département français. » (p.195)
« A Canton depuis 1924, Hô Chi Minh fonda, l’année suivante, une organisation de jeunesse du Tam Tam Xa, le Thanh Nien Cach Mang Dong Chi Hoi, la Ligue de la jeunesse révolutionnaire dont il entreprit de faire l’éducation dans un journal didactique portant le même nom, le Thanh Nien. Il est dit, dans ses statuts, que la ligue doit promouvoir la révolution nationale et la révolution mondiale. La répression sanglante contre les communistes chinois de 1927 eut pour spectacteurs attérés les militants vietnamiens émigrés en Chine. Hô Chi Minh leur représenta les risques d’une coupures entre des chefs communistes et leur base paysanne ou ouvrière. Pour beaucoup, c’en fut fini des espoirs placés dans une révolution confiée à une bourgeoisie asiatique.
A partir de 1927, un grand mouvement de grèves, organisé par les syndicalistes du Thanh Nien, s’étend dans plusieurs usines du Tonkin. Les tracts du Thanh Nien appellent à « renverser les colonialistes et les féodaux pour que les usines reviennent aux ouvriers ». »
(p197-198)
-Gilbert Meynier, « Les années 20 : Revendication anticoloniale et glaciations coloniales », chapitre 8 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.181-209.
« Alors que les départements algériens apparaissent comme le prolongement de la France au sud de la Méditerranée, la Tunisie et le Maroc conservent leur souverain, leur pavillon et leur personnalité. C’est le résident général, ministre des Affaires étrangères des souverains, chef des services administratifs et commandant en chef des forces armées, qui est « dépositaire dans ces territoires des pouvoirs de la République » sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères. » (p.9)
« Tous les autres territoires de l’empire, à l’exception donc de l’Afrique du Nord, relèvent du ministre des Colonies créé par la loi du 20 mars 1894. » (p.10)
« Quatre grands gouvernements généraux avaient fini par être constitués. L’Indochine réunissait depuis le décret du 21 avril 1891 l’Annam, la Cochinchine, le Tonkin, le Cambodge et le Laos. L’AOF, dont l’organisation avait été réglée par le décret du 18 octobre 1904, rassemblait les colonies du Sénégal, de la Guinée française, de la Côte-d’Ivoire, du Dahomey, de la Mauritanie, du Soudan français, de la Haute-Volta et du Niger. L’AEF, constituée en 1908, se composait du Gabon, du Moyen-Congo, de l’Oubangui-Chari et du Tchad. Un quatrième gouvernement général rassemblait Madagascar, Mayotte et les Comores. Les autres territoires étaient placés sous l’autorité de gouverneurs des colonies. » (p.12)
« Le ministère des Colonies pesait, en 1913, 100 millions de francs, soit 2.1% des dépenses publiques totales, trois fois moins que l’Instruction publique, mais deux fois plus que l’Agriculture. » (p.12-13)
« Cette complexité administrative était en fait le produit du débat qui opposait, depuis le début des années 1890, partisans et adversaires de l’assimilation. Pour les premiers, qui rassemblaient les juristes experts en législation coloniale [comme Arthur Girault], la politique d’assimilation devait avoir pour objectif de soumettre aux mêmes lois les différentes parties du territoire et d’en faire progressivement de véritables départements français. Cette politique, prétendaient-ils, était celle des nations de race latine, fidèles héritières du génie assimilateur de Rome qui avait romanisé la Gaule, l’Espagne et l’Afrique et répandu sa langue, sa religion et ses coutumes. » (p.14)
« C’est de Lanessan, ancien médecin de marine, professeur à la Faculté de médecine et gouverneur général de l’Union indochinoise de 1891 à 1894, qui allait défendre avec le plus d’éloquence la politique de l’autonomie. Dans ses Lettres du Tonkin et de Madagascar, Lyautey, nommé à l’état-major du corps d’occupation du Tonkin en octobre 1894, nous avoue la « séduction » qu’exerce sur lui de Lanessan, au mois de novembre, quand cet ardent défenseur du protectorat contre l’administration lui expose sa théorie. » (p.17)
« Maintenir les institutions et les usages indigènes, utiliser les chefs traditionnels, leur laisser l’exercice de la police, de l’administration, de la perception de l’impôt, de la justice, tels étaient les principes que tentera d’appliquer Lyautey par la suite au Maroc. » (p.18)
« Georges Leygues, successeur de Clémentel au ministère des Colonies, […] déclarait devant les membres du Congrès colonial en juillet 1906 : « L’assimilation est une erreur funeste. Il faut y renoncer pour toujours. Ce serait tenter une œuvre inutile parce qu’elle ne pourrait réussir, et dangereuse parce qu’elle ne pourrait soulever contre nous que défiance et colère. » (p.19-20)
« Conformément toujours aux principes d’autonomie fixés dans les ordonnances de la Restauration, les lois et décrêts relatifs aux colonies, bien que promulgués dans la métropole par le président de la République et publiés dans le Journal officiel de la République française ou dans le Bulletin des lois, n’étaient pas pour cela exécutoires dans la colonie. Il fallait une seconde promulgation et une publication spéciale faites par le gouverneur dans la colonie. Ce n’était pas une simple formalité. Cette clause permettait en fait à un gouverneur de retarder indéfiniment la mise en vigueur de la loi ou du décret. Le remède consistait pour le ministre à donner au gouverneur un ordre devant lequel ce dernier devait s’incliner. Encore fallait-il pour cela une certaine stabilité ministérielle… » (p.20)
« Ni la Guerre ni la Marine ne voulaient de la création d’une troisième ministère militaire. La loi du 7 juillet 1900 avait finalement rattaché les troupes coloniales au ministère de la Guerre. Cela n’allait pas sans éprouver l’autorité du gouverneur dont on a vu plus haut qu’elle était théoriquement très étendue. Des officiers, qui attendaient leur avancement du ministre de la Guerre, avaient en effet tendance à se considérer comme indépendants des gouverneurs, qui avaient pourtant la disposition des forces militaires stationnées sur leurs territoires. Ils opposaient volontiers aux ordres donnés par un fonctionnaire du ministère des Colonies les instructions de leur ministre, d’où de multiples conflits. » (p.21)
« La loi douanière du 11 janvier 1892 avait satisfait les industriels métropolitains qui croyaient trouver dans l’assimilation douanière le meilleur moyen de se réserver les marchés coloniaux. Dès 1884, les produits étrangers importés en Algérie étaient déjà soumis aux mêmes droits que s’ils étaient importés en France. En 1889, on avait également rétabli le monopole de pavillon, qui réservait à la flotte française les transports entre la France et l’Algérie. En 1892 enfin, sous la pression des industriels du textile cotonnier et de la métallurgie, confrontés à la baise des prix qui sévissait depuis le début des années 1880, une loi avait introduit le principe de l’assimilation douanière. Comme toutefois des engagements internationaux limitaient la souveraineté de la France, certaines colonies comme le Dahomey, la Côte-d’Ivoire, le Sud-Gabon, le Moyen-Congo et plus tard le Maroc, pour lequel l’Acte d’Algésiras stipulait la stricte égalité économique pour toutes les importations, restaient en dehors du champ d’application de la loi. Pour la Martinique, la Guyane, la Réunion, Madagascar, Mayotte, l’Indochine et la Nouvelle-Calédonie, les produits étrangers importés étaient soumis aux mêmes droits que s’ils étaient importés en France. En contrepartie, les produits de ces colonies assimilées entraient en France en franchise, à l’exception du sucre et de ses dérivés qui étaient soumis aux droits du tarif métropolitain. […]
Cette loi était vivement condamnée par les représentants du commerce colonial, en particulier ceux de Marseille, qui condamnaient un régime douanier édicté uniquement en fonction des besoins métropolitains. » (p.21-22)
-Jacques Thobie, « Les hésitations du colonisateur », chapitre 1 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.7-24.
« Comment attirer les Français vers des territoires si peu propices au peuplement, à la nature si hostile ? Dès 1874, dans son œuvre maîtresse, De la colonisation chez les peuples modernes, Paul Leroy-Beaulieu avait déjà condamnée l’idée de la « soupape sociale » en démontrant que les colonies de peuplement étaient un modèle périmé et qu’il ne fallait s’intéresser qu’aux colonies modernes, capables d’accueillir seulement les capitaux et les élites. A quoi bon envoyer aux colonies des indigents qu’il faudrait ensuite rapatrier ? Il fallait au contraire sélectionner les candidats au départ, les former dans des écoles spéciales, bref attirer surtout les classes dirigeantes. « Donnez-nous cent bonnes familles, énergiques, solides, vigoureuses, travalleuses et économes, pour la Tunisie et Madagascar, exigeait en 1900 le jésuite J. B. Piolet, vous aurez fait davantage pour la prospérité, le développement et l’avenir de ces pays qu’en leur envoyant 1000, 10 000 pauvres diables, ramassés sur le pavé de nos villes, qui ne savent rien, qui n’ont rien, qui ne veulent rien faire ».
C’était bien aussi l’avis de Gallieni, gouverneur général de Madagascar. « Considérant que la présence sans cesse croissante des gens sans avoir et sans ressources sur le territoire de la colonie, outre qu’elle constitue un danger pour la sécurité publique, occassionne pour le budget local des dépenses d’hospitalisation et de rapatriement », il avait signé, à la date du 15 juin 1903, un arrêté dont l’article 1er stipulait : « Nul ne sera admis à débarquer dans la colonie s’il ne fait la preuve d’y avoir un établissement ou s’il ne justifie de la possession d’un capital qui ne saurait être inférieur à 5000 francs, ou d’un emploi assuré par contrat ». » (p.26)
« A la veille de la guerre, le nombre total de Français aux colonies, naturalisé compris, atteignait 700 000, dont près de 500 000 en Algérie. » (p.28)
« Le chantage au séparatisme restera bien l’une des constantes de la « mentalité algérienne » tant redoutée par les autorités gouvernementales.
Dans les autres parties de l’empire, la communauté française était bien trop minoritaire pour être en mesure d’exercer une telle menace. » (p.29)
« En Indochine, les Européens étaient à peine 24 000, noyés au milieu de 16 millions d’indigènes. » (p.30)
« En Algérie, en 1914, 47 263 élèves indigènes, 5% à peine des enfants musulmans, étaient scolarisés dans les écoles primaires françaises de toute nature dont 8 000 dans l’enseignement européen. C’est que, depuis la création des délégations et, surtout, l’octroi à l’Algérie de son autonomie financière, les colons faisaient tout pour s’opposer à l’implantation d’écoles pour les indigèns. En 1908, le Congrès des colons avait émis le vœu fort clair que l’instruction primaire des indigènes soit supprimée et que les crédits qui y étaient affectés soient employés à leur instruction agricole pratique.
« L’instruction fait un mal de termite, déclarait un membre des délégations financières, elle arrivera peu à peu à modifier la situation sociale de l’élément français […]. Instruire nos sujets, c’est les rendre aujourd’hui nos égaux, demain nos maîtres. »
Le 14 mars 1914, des instructions ministérielles mirent ainsi fin à l’expérience des « écoles auxiliaires » qu’avait voulu développer le gouvernement Jonnart, pour faire des Arabes des citoyens plus que des sujets. […]
En Afrique noire, les lois sur les congrégations avaient amené en 1903 le gouvernement à s’occuper des choses de l’enseignement jusque-là complètement abandonnées aux missionnaires. Organisé par le gouverneur Camille Guy, agrégé de l’Université passé dans l’administration coloniale, l’enseignement primaire ne rassemblait toutefois que 17 000 élèves en AOF à la fin de 1914. En AEF, l’école était toujours exclusivement confiée aux missions. » (p.33-34)
« En Indochine, on comptait, en 1914, 12 200 fonctionnaires indigènes pour 4332 agents français de toutes catégories. » (p.37)
-Jacques Thobie, « Deux sociétés en confrontation », chapitre 2 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.25-37.
« En 1885, quand Jules Ferry défendait à la tribune de la Chambre la politique coloniale, au cours du débat qui devait entraîner sa chute, la violence verbale d’un Clemenceau et les insultes d’une foule conspuant « le Tonkinois » démontraient assez les réticences de l’opinion. A la veille de la guerre, constate avec raison R. Girardet, les hésitations, voire les contradictions, dont témoigne l’attitude de Jaurès au cœur même des débats marocains, deviennent alors particulièrement significatives. Il ne s’agit plus de condamner la colonisation mais de veiller à ne pas compromettre sa mission. » (p.39)
« A partir de 1890, les pôles essentiels d’action et de rayonnement du parti colonial sont les comités dont le foisonnement est impressionnant. Fondé en 1890, le Comité de l’Afrique française, présidé par le prince d’Arenberg, directeur du Journal des Débats, dépensa en quinze ans un million de francs pour la seule propagande coloniale. […]
L’Union coloniale, crée en 1893, et dirigée par Chailley-Bert, organisait des dîners mensuels et un banquet annuel placé sous la présidence du ministre des Colonies. Grâce à son périodique, la Quinzaine coloniale, et aux fortes cotisations des entreprises –elle dépensa un million de francs-or pour la seule propagande de 1894 à 1903-, elle fut certainement le fer de lance du parti colonial. » (p.40-41)
« Et pourtant, à la veille de la guerre, les militants de la cause coloniale demeuraient peu nombreux : moins de 25 000 sans doute, pour la quarantaine de sociétés rassemblées dans ce vaste « cartel » colonial. On était donc loin des 45 000 adhérents de la Ligue coloniale allemande en 1914. » (p.41)
« Justifiée par l’inertie des indigènes, la colonisation achevait également l’œuvre de la Révolution française. Dans La Ville inconnue, un roman publiée en 1911, Paul Adam nous décrit l’itinéraire de Mérot, un soldat, antimilitariste et de conviction socialiste, qui s’est engagé dans l’armée d’Afrique par besoin impératif d’argent. Persuadé comme « ses amis de la CGT » que « nous exterminions ici de pauvres nègres inoffensifs pour le seul bénéfice de financiers louches », Mérot finit par comprendre que la « la France de ma Révolution, la France de la Liberté, a le devoir d’affranchir des races innocentes et faibles », de délivrer de l’esclavage des Ahmadou ou des Samory les Kanembous, les Bambaras, les Ouolofs et les Toucouleurs qui sont devenus nos soldats reconnaissants et fidèles. Mérot voudrait montrer ça « au camarade Jaurès » et lui demander ensuite s’il blâme toujours les expéditions coloniales. » (p.44)
« Des colons romains vinrent s’établir en Gaule, comme des Français vont de nos jours se fixer en Algérie, écrivaient Rogie et Despiques dans un manuel d’Histoire de France édité en 1905. Ils apprirent aux Gaulois à travailler la terre, à fabriquer des outils, à construire des habitations. La Gaule défrichée se peupla, se couvrit de vignobles et de cultures. » (p.46)
« L’immense majorité [des socialistes] estimait, comme Jaurès en 1913, que le « Parti socialiste n’avait pas la puérilité et l’enfantillage de demander que, du jour au lendemain, on procède à l’évacuation des anciennes colonies françaises » et pensait au contraire que la France avait là « des devoirs précis et profonds ».
« Je suis convaincu, s’écriait Jaurès au moment de la conquête du Maroc, que la France a, au Maroc, des intérêts de premier ordre ; je suis convaincu que ces intérêts mêmes lui créent une sorte de droit. » S’il récuse avec passion le traité du protectorat résultant, selon lui, d’une politique « d’intervention hâtive, impatiente, indiscrète et brutale », il ne propose pas pour autant d’évacuer le Maroc. » (p.48)
-Jacques Thobie, « La conquête de l’opinion », chapitre 3 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.39-49.
« Certes, la France acheta, pendant la guerre, aux colonies, plus qu’elle ne leur vendit. Sa balance commerciale avec elles, d’excédentaire, tendit à devenir déficitaire : l’industrie française n’était plus guère en mesure d’exporter, ou alors à des prix très élevés. Mais, en quantités, les importations françaises, ou stagnèrent, ou diminuèrent fortement. […]
Les colonies participèrent donc bien à l’effort de guerre, mais ce fut dans les limites de leurs possibilités. » (p.75)
« Économiquement parlant, la Grande-Bretagne compta bien plus que l’ensemble des colonies. » (p.76)
« Au total, les colonies fournirent à la guerre française, selon les sources, de 535 000 à 607 000 soldats, Sarraut retenant, lui, le chiffre de 587 000, soit, en comptant les 4 000 Français des colonies et les 73 000 Français d’Algérie recrutés, de 608 000 à 680 000 hommes, soit de 7 à 8% du chiffre des Français mobilisés pendant la Grande Guerre […]
Selon les évaluations, de 66 000 à 71 000 coloniaux furent tués à la guerre […] pourcentages de pertes assez comparables à celles des unités d’infanterie françaises. » (p.77-78)
« Le colonel Paul Azan estime que le recrutement de travailleurs dut toucher 310 000 hommes, dont 1/3 d’Algériens (Maghrébins : plus de 50%), 1/6 d’Annamites, 1/7 de Chinois […] Il y eut aussi, en moindre nombre, des Malgaches et des Africains noirs.
Au total donc pour sa guerre, le pouvoir français préleva sans doute de 800 000 à 900 000 hommes tirailleurs et travailleurs confondus. » (p.78-79)
« Pendant quatre ans, tout racisme manifeste est suspendu dans les journaux.
La France se donne pour la meilleure amie de l’Islam : elle flatte l’Islam aux Comores pour réaliser les recrutements ; le gouverneur Clozel s’attire les bonnes grâces des chefs musulmans d’AOF. La France organise jusqu’en 1917 à La Mecque des pèlerinages officiels de notables, encadrés et dorlotés. » (p.79)
« Les réformes ne touchèrent rien au fond […] destinées à monnayer l’impôt du sang, [elles] avaient souvent suscité des espoirs démesurés chez les colonisés. L’action prochaine d’un émir Khaled en Algérie ou d’un Taalbi en Tunisie s’inscrivit dans la protestation générale des déçus de la « guerre du droit ». […]
Le pouvoir colonial avait dû tenter de se mettre au registre du paternalisme généralisé quand il lui était requis par le colonisé d’aller au-delà, ce qu’il ne pouvait faire, sauf à renier sa nature. » (p.84)
« A la veille de 1914, les colonies étaient un enjeu entre puissances. Dans les buts de guerre respectifs de la France et de l’Allemagne, chacun des deux Etats entend bien mettre la main sur les colonies de l’autre. L’idéologie pangermaniste, la Deutsche Kolonialgesellschaft, le Bonner Kolonialinstitut, le Flottenverein, des personnalités comme Heinrich Class, Aloys Sprenger, Maximilien Harden ou Gerhard Hildebrand et Paul Rohrbach représentaient que l’Allemagne, arrivée trop tard au partage du gâteau colonial, y fut mal servie : laissée pour compte de l’Histoire, elle se devait de revendiquer un espace colonial à la mesure de son importance et de ses talents. Dans un livre d’anticipation paru à Leipzig en 1906 et signé du pseudonyme de Seestern, l’auteur entrevoit une guerre européenne provoquée par le contentieux colonial et terminée par une paix de compromis autorisant une redistribution. Après 1918, dans la République de Weimar, les propagandistes coloniaux restent nombreux et actifs. […]
L’Allemagne impériale s’est construite de longue date une image d’amie de l’Islam. Pour les Maghrébins, le Kayser est « Haj Guillaume ». Le couronnement de cette politique fut l’alliance avec le régime jeune-turc, surtout après le coup d’Etat de 1913 qui installe Enver Pacha et élimine l’essentiel de la vieille garde saloniquienne francophile des Jeunes Turcs. Le général Liman von Sanders, nommé général d’une importante division anatolienne, est chargé de réorganiser l’armée impériale ottomane. La revue Der Islam trace les grandes lignes d’une politique islamophile antifrançaise. Dans le Livre jaune allemand, est dite l’utilité qu’il y aura à « susciter des troubles dans le nord de l’Afrique et en Russie ». […]
Et de fait pendant toute la guerre, et tout particulièrement au Maghreb et sur les franges sahariennes, la propagande allemande ne cessa pas. » (p.85-86)
« Les colonies allemandes furent englobées dans les livraisons exigées par le diktat de Versailles et partagées principalement entre Anglais et Français, théoriquement chargés par la SDN de leur tutelle, sous réserve que les puissances mandataires aient à rendre compte de leur administration à la SDN et qu’elles les conduisent à l’indépendance. Dans ce partage des dépouilles, la France reçut la plus grande partie du Togo et du Cameroun. » (p.87)
« Fait sans précédent, les conversations décisives entre Clemenceau et Wilson se passent en anglais. » (p.88)
« Plus nettement qu’avant guerre, c’est la droite nationaliste qui dénonce les menées subversives contre l’empire : L’Action française, dans la presse, Marcel Habert, l’ancien bras droit de Déroulède, au Parlement… […] les colonies, plus après 1918 qu’avant 1914, ont des vertus robaratives et rédemptrices nationales. » (p.89)
« En chiffre, de 1914 à 1918, la diminution de l’encadrement français en Algérie atteint 26% pour les administrateurs de communes fixes, 27% pour les médecins de colonisation, 34% pour les officiers, 48% pour les agents des eaux et forêts, 51% pour les troupes françaises, 57% pour les instituteurs français, 68% pour la distribution gratuite de quinine, 80% pour les constructions scolaires. Les Français quadrillent moins le pays. » (p.93)
« Dans le cas de Viet-Nam, apparaît donc un quatrième type de résistance armée : la lutte de l’élite tente de s’y articuler avec les soulèvements populaires. En janvier 1916, des bandes armées s’opposent aux opérations de recrutement et, renforcées de mutins évadés de la prison de Bien Hoa, multiplient les coups de main, dont le fameux débarquement de trois cents d’entre eux à l’embouchure de l’arroyo chinois et de la rivière de Saigon, puis la tentative manquée d’assaut de la prison centrale et les batailles rangées avec la police et les gendarmes en pleine ville, à Saigon et Cholon. Dans le courant de l’hier, d’autres tentatives sont faites dans le Sud. Mais la répression est rapide et sévère, les actions restent isolées, leur base populaire étroite. » (p.98)
-Gilbert Meynier, « Guerre et pouvoir colonial : continuités et adaptations », chapitre 5 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.73-100.
« Pour Élie Halévy, le XXe siècle doit être celui des empires ; pour Octave Homberg, la France doit être La France des cinq parties du monde (Paris, 1927). […]
Dans l’enseignement, les programmes d’histoire sont révisés en 1925. Ils accordent aux colonies une place désormais importante. […] Tout annonce l’apothéose des fêtes du centenaire de l’Algérie française et la grande exposition coloniale de Vincennes de 1931. » (p.134)
« Les fêtes du Centenaire de l’Algérie française ont beau attirer 80 000 visiteurs français, les milieux cultivés et les enseignants continuent à être indifférents aux colonies, voire à être, au moins, réservés à l’égard de la plus grande France […] globalement, l’Empire n’est pas encore aimé, pas même désiré ; il concourt à un vague sentiment de fierté mais le grand large reste lointain, s’il ne fait pas peur. » (p.136)
« En 1913, dans le commerce extérieur de la France, l’empire venait au troisième rang après la Grande-Bretagne et l’union belgo-luxembourgeoise, à égalité avec l’Allemagne. En 1924, il conquiert la deuxième place ; en 1928, la première. La part des exportations destinées aux colonies passe du 1/10 du total dans l’avant-guerre à un peu plus du 1/6 en 1928. La part des importations provenant des colonies représente le 1/8 du total en 1928 contre le 1/11 en 1913. » (p.139)
« L’Empire devient un débouché majeur pour les productions anciennes (textiles, sucre, peausseries, papier, boissons alcoolisées, corps gras alimentaire…), mais un débouché médiocre pour les biens d’équipement –sauf le ciment- et la plupart des productions vedettes, sauf l’automobile. De 1918 à 1928, la part des biens d’équipement dans les exportations passe de 3.3% à 13.2% ; ils régressent, dans les exportations vers les colonies, de 50% à 30.4%. » (p.140)
« A un moment décisif pour le capitalisme français, les colonies l’ancrent au XIXe siècle. Rente de situation pour le patronat de France le plus rétrograde, elles lui permettent de se maintenir à flot face aux concurrences étrangères et de se passer d’une augmentation du pouvoir d’achat du marché intérieur. » (p.141)
« L’endettement de l’Algérie, dont les ressources n’ont jamais payé que le tiers des dépenses, reste relativement modestes (974 millions courants en 1927), comparé au milliard de l’endettement tunisien et au milliard, également, emprunté depuis peu par le Maroc. » (p.147)
« Les années 20 voient le développement des lignes aériennes entre France et Maghreb […]
Les réalisations portuaires sont poussées, particulièrement à Dakar à partir de 1924. […]
Extensions, décidées en 1921 et 1924, des ports d’Alger et d’Oran […] création fébrile du port de Casablanca […] De même, au Viêt-nam, agrandissements et approfondissements en cours modifient les installations portuaires de Saigon et de Haiphong. » (p.148)
« C’est au Viet-nam du Nord que la croissance du secteur minier est la plus spectaculaire. Rien qu’en 1928 et 1929, près de 50 millions de francs or sont investis dans des sociétés minières du Nord-Viêt-nam. En valeur, la production de minerais augmente de 300% de 1920 à 1930 ; celle de zinc est multipliée par 8 de 1920 à 1926, celle d’étain, qui était passée de 44 tonnes en 1913 à 438 tonnes en 1920, s’élève à 1900 tonnes en 1930. La production de houille du bassin de Quand Yên, qui était de l’ordre du demi-million de tonnes en 1913, atteint en 1930 1.89 million de tonnes en 1930.
D’autres régions de l’empire sont encore à peine exploitées : en 1929, les 5000 tonnes de nickel extraites en Nouvelle-Calédonie ne représente encore que le 1/10 de la production canadienne. » (p.152)
« En aucun cas les années 20 ne voient la création d’une véritable industrie intégrée dans l’empire colonial français. Même l’Indochine, qui connut, avec l’Algérie, l’industrialisation la plus notable, continue à payer une dîme de plusieurs millions de piastres au maintien du pacte colonial, en important des produits français à prix élevés. Tout au plus, l’industrie française concède-t-elle aux colonies la création de fabrications complémentaires ; en aucun cas d’industries rivales. » (p.153)
« Le travail remarquable de l’institut Pasteur d’Alger et le dévouement des médecins de colonisation ne sont pas complétés en aval par une infrastructure suffisante. Les quelques hôpitaux indigènes sont rarissimes et équipés de manière rudimentaire. Le nombre des lits disponibles n’augmente que faiblement. La majorité des infirmeries indigènes sont des gourbis délabrés. Seules les séances de vaccination collectives et de quiquinisation préventive, multipliées, les visites d’infirmières visiteuses, instaurées par le gouvernement de Viollette en 1926, et la création d’équipes sanitaires mobiles en 1929 représentent un progrès. La mortalité régresse lentement. […]
Par comparaison avec l’Algérie, l’œuvre sanitaire réalisée dans le Maroc de Lyautey est plus rapide et plus large : il y a, dans les années 20, davantage de médecins de colonisation après une décennie de protectorat qu’il n’y en a en Algérie après un siècle de présence française, autant d’infirmeries indigènes, davantage de dispensaires. Dans le mandat syrien, pour une population nettement inférieure à la population musulmane de l’Algérie, les crédits alloués à l’assistance médicale représentent le quintuple des chiffres algériens. » (p.156)
« L’ « enseignement indigène » représente, comme dans l’avant-guerre, entre 19 et 22% du budget total de l’instruction publique ; mais la part relative des crédits consacrés aux indigènes par rapport aux Européens a plutôt tendance à légèrement régresser. […]
Dans l’enseignement secondaire, l’effectif algérien passa de 386 élèves en 1914 à 776 en 1930. » (p.159)
« 17 000 élèves à la veille de la guerre, en AOF, 25 000 en 1922, 37 000 en 1930, dont environ 10% de filles, sans compter la dizaine de milliers d’élèves des écoles de missions, installées dans quelques bastions, comme le cercle de Toma en pays samo, en Haute-Volta, ou en AEF. En AEF à la fin des années 20, l’école touche moins de 10 000 enfants, dont les 2/3 dans des écoles de missions, dans une atmosphère à la Congo belge. […] Au total, un taux de scolarisation bas mais variable selon les colonies […]
En 1930 [à Madagascar], 185 000 élèves –dont un tiers de filles- fréquentaient l’école primaire (le 1er degré) : un taux de scolarisation de 20%, absolument unique dans les annales de la France coloniale à cette époque. Les instituteurs, pasteurs, membres d’une petite intelligentsia, seront, et sont déjà, les cadres désignés du mouvement national. […]
La scolarisation progresse sensiblement [en Indochine] : 70 000 élèves en 1924, 378 000 en 1930. » (p.161)
« Si les années 20 furent moins qu’on ne l’a dit les années d’un new deal colonial en matière économique, la France coloniale travailla, sans doute, plus à l’investissement, en bien ou en mal, dans le sanitaire et le culturel. » (p.162)
« Ce n’est pas une souscription populaire, mais une entreprise très officielle qui permet la construction de la mosquée de Paris, inaugurée en 1926 –tout près du quartier Latin, pas à Ménilmontant. Les apports d’outre-mer ne sont pas encore pour toutes les bourses, et surtout, pour tous les goûts. » (p.166)
« Le réflexe impérial naît au moment précis des prodromes de la décolonisation. » (p.167)
« En Afrique noire, le plus petit échelon administratif civil est l’arrondissement, qui est laissé à la chefferie indigène devenue un organe d’autorité subordonné. » (p.170)
« Panacée théorique dans la bouche des idéologues coloniaux, l’ « association » est d’abord, sur le terrain, un procès-verbal de semi-carence de l’encadrement civil. » (p.171)
-Gilbert Meynier, « Les années 20 : un new deal colonial ? », chapitre 7 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.133-179.
« Phénomènes de refuge dans l’imaginaire. » (p.182)
« La Première Guerre a fait surgir ou révélé des forces de contestation du fait colonial ou fait entendre des voix sur lesquelles les colonisés s’appuient pour revendiquer la liberté. Parmi celles-ci, les thèmes wilsoniens, qui eurent leur heure de gloire au lendemain immédiat du conflit, font ensuite long feu. […]
Dans une certaine mesure, la SDN prit le relais du wilsonisme […]
Il en va autrement de l’influence soviétique : il n’est pas, dans les années 20, un seul mouvement d’émancipation qui se tourne, d’une manière ou d’une autre, vers la grande lumière russe. Non que la révolution anticoloniale ait été, d’emblée, un des mots d’ordre prioritaires de la nouvelle internationale communiste. Les questions nationale et coloniale sont évoquées, mais sans insistance, au deuxième congrès de l’IC, en juillet 1920, où André Julien et le dirigeant indien Roy ne peuvent intervenir que rapidement. […] Avec la stalinisation progressive du Komintern, contre les thèses de Roy, la coopération avec les bourgeoisies nationales devient la tactique de base.
Sous les auspices de l’IC, se tient en 1927 au palais d’Egmont, à Bruxelles, le « Congrès anti-impérialiste contre l’oppression coloniale et pour la libération des peuples opprimés ». Ce fut dans le contexte du reflux mondial révolutionnaire que se firent connaître sur la scène internationale des hommes comme le Sénégalais Lamine Senghor, l’Indonésien Mohammes Hatta, et, plus encore, l’Indien Jawaharlal Nehru et l’Algérien Messali Hadj. Les frictions constatées à Bruxelles entre dirigeants natinaux et appareil communiste accélèrent la prise de distance des mouvements d’émancipation par rapport au mentor communiste.
Mais, au sein de l’IC, des militants anticolonialistes de pays colonisés continuèrent à faire fond sur le communisme et à y tenir leur rôle. Le plus important d’entre eux fut Ho Chi Minh. » (p.186-187)
« Par rapport à l’avant-guerre, les années 20 sont marquées par une poussée anticoloniale en « métropole » même. Les critiques vis-à-vis des colonies n’émanent pratiquement plus de la droite : une figure d’avant guerre comme celle du député nationaliste Lucien Millevoye, accoutumé à briser des lances avec les députés colons, n’est plus de saison. La droite nationaliste est désormais uniment et ardemment colonialiste.
L’anticolonialisme est donc le fait de la gauche. En mineur de la vieille maison SFIO. […] Les dénonciations ne sont jamais condamnation essentielle du fait colonial ; elles sont appels à la mission d’une France civilisatrice, reconnaissantes d’une possible bonne colonisation idéale. La majorité, celle de Blum et de Renaudel, suit à peu près les mêmes penchants. […]
L’anticolonialisme dans les années 20 est surtout représenté par le parti communiste. Marginalisé pour l’ensemble de son action, il l’est en particulier pour son combat anticolonial qui fait de lui la cible désignée des contempteurs de l’antipatriotisme. » (p.190)
« C’est dans le foyer de l’Union intercoloniale et du journal le Paria, en grande partie rédigé par Hô Chi Minh, que prennent leur essor respectivement le parti annamite de l’indépendance, l’Étoile nord-africaine et le Comité de défense de la race nègre (CDRN) dominé par la personnalité de Lamine Senghor, ancien combattant gazé et militant communiste autodidacte, désireux comme le jeune Messali de secouer la tutelle communiste : c’est patronné par des personnalités françaises de gauche ou humanistes fort diverses qu’il fonde en 1927 le journal la Voix des Nègres qui milite pour des revendications immédiates, et non pour une indépendance jugée encore impensable.
Fort de près de 500 militants, le CDRN éclate en mars 1927 en deux groupes, l’un assimilationniste, l’autre plus révolutionnaire. C’est sur cette ligne plus dure, et avec à nouveau un soutien communiste, que Senghor fonde, en mars 1927, la Ligue de défense de la race nègre, dont l’organe deviendra La race nègre. La LDRN se replace, après sa mort, en novembre, sous la direction du jeune instituteur soudanais Tiemoko Garan Kouyaté, dans l’orbite communiste. Poursuivant des tentatives déjà faites par Senghor d’implantations dans les milieux de marins africains des grands ports français, Kouyaté déborde une CGTU insuffisamment anticolonialisye en promouvant la création de syndicats autonomes africains ; il lance l’idée d’un institut nègre à Paris ; il prépare une exposition anticoloniale en réponse à la préparation de l’exposition de Vincennes. Les thèmes ont déjà évolué : se plaçant en dehors du système colonial, Kouyaté entend militer pour l’unité et l’indépendance de l’Afrique… […] Le « mouvement nègre » trouve peu d’échos en Afrique : il est le fait de gens coupés du milieu africain d’origine. » (p.193)
« Déjà, le remplacement dès 1926 de Hadjali par Messali, moins profondément impliqué dans l’appareil communiste, avait signifié la prise de distance. […] Le grand meeting du 20 janvier 1929 de la rue Grande-aux-belles scanda fortement « l’indépendance totale » : l’indépendance de l’Algérie, mais aussi l’indépendance par rapport au mentor communiste, qui coupa les vivres. En novembre de la même année, l’Étoile fut dissoute pour propagande portant atteinte à l’intégrité du territoire national. A ce moment, elle comptait quelques milliers d’adhérents, peut-être 4 à 5% des Algériens vivant en France. » (p.194)
« A Madagascar, Jean Ralaimongo, rentré en 1924, organise l’action contre l’expropriation des Malgaches au profit des grandes concessions, il dénonce les abus de l’Administration et des colons, proteste contre l’envoi de troupes malgaches pour réprimer la révolte syrienne. Avec une pléida d’amis socialisants ou communisants, il tente, malgré les condamnations, de faire vivre son journal, l’Opinion. La répression se déclenche au printemps 1929 : la plupart des dirigeants du groupe contestataires sont arrêtés ou assignés à résidence. Pourtant, l’Opinion ne demendait pas autre chose que la constitution de Madagascar en département français. » (p.195)
« A Canton depuis 1924, Hô Chi Minh fonda, l’année suivante, une organisation de jeunesse du Tam Tam Xa, le Thanh Nien Cach Mang Dong Chi Hoi, la Ligue de la jeunesse révolutionnaire dont il entreprit de faire l’éducation dans un journal didactique portant le même nom, le Thanh Nien. Il est dit, dans ses statuts, que la ligue doit promouvoir la révolution nationale et la révolution mondiale. La répression sanglante contre les communistes chinois de 1927 eut pour spectacteurs attérés les militants vietnamiens émigrés en Chine. Hô Chi Minh leur représenta les risques d’une coupures entre des chefs communistes et leur base paysanne ou ouvrière. Pour beaucoup, c’en fut fini des espoirs placés dans une révolution confiée à une bourgeoisie asiatique.
A partir de 1927, un grand mouvement de grèves, organisé par les syndicalistes du Thanh Nien, s’étend dans plusieurs usines du Tonkin. Les tracts du Thanh Nien appellent à « renverser les colonialistes et les féodaux pour que les usines reviennent aux ouvriers ». »
(p197-198)
-Gilbert Meynier, « Les années 20 : Revendication anticoloniale et glaciations coloniales », chapitre 8 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première édition), 654 pages, pp.181-209.