"Une définition du libéralisme paraîtrait s'imposer avant tout développement ou toute analyse directe." (p.10)
"C'est donc à l'histoire d'un phénomène et non au commentaire d'une doctrine que nous invitons." (p.10)
"C'est l'histoire des institutions, des gouvernements et des expériences de "la" liberté depuis 1789 qui fonde non le libéralisme mais le courant libéral." (p.15-16)
"Courant politique qui a d'abord pour caractéristique de se situer à la fois contre le despotisme napoléonien, contre le jacobinisme perçu comme un absolutisme démocratique et contre le retour, d'ailleurs jugé impossible, à la monarchie absolue, c'est-à-dire contre des régimes tous les trois fondés sur une conception unitaire de la souveraineté politique." (p.17)
"Seul Etat allemand demeuré souverain dans l'Europe sous hégémonie française, la Prusse de l'après-Iéna (1806) est entrée dans l' "ère des réformes" (1807-1815). L'abolition du servage et le droit d'accession à la propriété pour tous (1807), l'égalité devant l'impôt et la suppression des corporations (1810), l'élection de municipalités comme celle d'une Assemblée de notables en 1811-1812, permettent aux deux réformateurs qui alternent à la chancellerie constituée en cette occasion, Stein et Hardenberg, de fonder le libéralisme prussien." (p.20)
"A mesure que la diplomatie prussienne repassait sous l'influence de Metternich et de l'Autriche, les projets constitutionnels s'amenuisaient ou dépérissaient, Humboldt qui avait comme charge les "affaires constitutionnelles et communales" était renvoyé en décembre 1819." (p.24)
"Le libéralisme est un constitutionnalisme." (p.31)
"Si [...] question libérale et question nationale se confondent presque dans cette période à l'image des concepts de nationalité et de citoyenneté, cette première "alliance" révèle aussi que le constitutionnalisme libéral, à lui seul, n'a pas suscité un mouvement d'opinion." (p.32)
"Le romantisme français avec Hugo et sa Préface de Cromwell (1827) se convertit à la liberté de l'individu et à la liberté des nations." (p.33)
"La critique des inégalités de représentation forment la base de la Westminster Review fondée à Londres en 1823 par James Mill contre le census whig-tory sur le sujet." (p.34)
"Par l'Histoire de la Révolution de Thiers publiée en 1827, ils acceptent à l'encontre des libéraux modérés l'héritage de toute la Révolution, celui du "patriotisme" de 1793 comme celui des idéaux de 1789 et, par la création du National début 1830 de Thiers, Mignet et Armand Carrel, ils contestent la prééminence du Globe (1824: Résumat, Jouffroy, Duvergier de Hauranne, Saint-Beuve) au sein de la presse libérale en plein développement (43 000 exemplaires pour l'opposition libérale toutes tendances confondues contre 14 000 aux journaux gouvernementaux et 6000 à la presse d'opposition royaliste)." (p.35)
"Le 9 mai 1831, De Coux, Lacordaire et Montalembert décident d'ouvrir, rue des Beaux-Arts à Paris, une "école gratuite d'externes" pour les jeunes enfants qui apprendraient "catéchisme, français, grec, latin, écriture et arithmétique". Or, en réagissant par la fermeture de l'école puis la condamnation -même symbolique, 100F d'amende chacun- des trois responsables en septembre 1831, le gouvernement de Casimir Perier le fait d'une part au nom de la loi sur l'Université de 1806 qui avait instauré le monopole de l'Etat et qui, par ce biais, avait permis, à ce moment, l'exaltation de l'Empire et de l'Empereur, et le fait, d'autre part, contre la Charte qui proclamait la liberté de l'enseignement." (p.48)
"En avril 1834, retour au régime de censure préalable et fermeture des journaux républicains dans le cadre des lois de septembre 1835 préparées et assumées par deux des chefs libéraux issus de la courte période de conjonction révolutionnaire en 1830: de Broglie et Thiers." (p.53)
"Le succès de l'Ecole de Manchester entraîne une recomposition de la vie parlementaire et politique dès 1846 lorsque le premier ministre Robert Peel forme une nouvelle majorité autour du vote du libre-échange: non seulement le courant libéral s'identifie pour la première fois avec un programme plus large que le seul constitutionnalisme fondateur, avec le libéralisme économique, le pacifisme, l'émancipation religieuse, mais surtout la conquête du whiggisme par les libéraux ou par les conservateurs convertis (Peel, Gladstone) permet au courant libéral de constituer, face au courant conservateur issu du torysme, l'un des deux axes du two-party system naissant." (p.58)
"A Vienne, le 15 mars, l'empereur Ferdinand, après la chute du chancelier Metternich, octroie la liberté de la presse, la création d'une garde nationale et annonce une Constitution." (p.66-67)
"Quelle que soit la forme de transition vers la démocratie du suffrage qu'empruntent ou qu'aménagent les libéraux, celle-ci ne peut se concevoir sans un ensemble de réformes d'accompagnement du suffrage universel. Il s'agit même plus, dans le cas du réformisme scolaire et laïciste, d'un simple accompagnement: dans la mesure ou l'exercice de la participation politique doit rester lié à une compétence en dépit ou plutôt en raison même de son extension, dans la mesure où le constitutionnalisme de la représentation libérale ne peut revenir à une théorie de la souveraineté populaire assimilée pendant tout le XIXe siècle par les libéraux, au retour des passions et du désordre révolutionnaire, mais doit demeurer, en se transposant de l'échelle du cercle censitaire à l'échelle de la nation tout entière, une représentation des opinions raisonnables, rendues raisonnables et aptes à la représentation par la délibération et la souveraineté de la raison, pour toutes ces raisons, l'universalisme du savoir -ou de ses "rudiments"- est bien l'enjeu et le synonyme de l'universalisation de l'exercice politique [...]
Aussi, dans plusieurs cas, le courant libéral réussit à la fois à s'identifier au programme de réformes scolaires et laïques, s'organise et recrute mieux par là même, tout en se rapprochant de anticléricalisme. Ainsi en Belgique, la naissance et l'organisation véritable du parti libéral accompagne précisément la radicalisation de la la tradition laïque: l'idéal des libéraux "doctrinaires" (Lebeau, Rogier) d'un Etat neutre, d'un Etat-cadre qui en faisant reconnaître le principe de l'instruction généralisée laissait à chaque commune le libre choix de la laïcité ou de la confessionnalité de son école (loi de 1842 sur l'instruction primaire), est passé par le nouveau courant radical qui impose l'ouverture obligatoire d'une école publique dans toutes les communes lors du grand ministère de Frère-Orban formé en 1878." (p.89)
"Libéral et modérément républicain à l'origine, proche du nouvel orléanisme, proche de Duvergier de Hauranne, d'Emile Boutmy, le fondateur de l'Ecole libre des sciences politiques, et d'Edouard Laboulaye, il se place dans le double sillage de Thiers, jusqu'à sa chute en 1873, et d'Armand Dufaure, exemple même du "modéré", puisqu'il devient dans le cabinet de celui-ci secrétaire général du ministère de la Justice puis conseiller d'Etat (1876). Dans la bataille de l'article 7, il s'oppose à J. Ferry en considérant que l'interdiction des congrégations non autorisées est triplement antilibérale parce qu'elle porte atteinte au droit individuel d'enseigner prenant prétexte d'une interdiction collective d'ordre public, parce que la liberté de choix des parents est niée et que là aussi le combat laïque n'a pas su faire le départ libéral entre sphère publique et espace privé, parce que cette interdiction législative et solennelle est la marque d'une visée volontariste et dirigiste à l'égard de l'enseignement (croire que l'on peut extirper les idées antirépublicaines en interdisant les jésuites) là où l'Etat, dans la conception traditionnelle que partage encore Ribot, devrait seulement favoriser le développement de l'école laïque dans un cadre de libre concurrence avec l'école privée. A cette date, Ribot reprend l'héritage de Guizot et veut fonder, face au radicalisme mais aussi face aux républicains "opportunistes", un "parti de la résistance" (lettre du 14 avril 1878 à Eugène Boucher) et pour cela, à défaut d'avoir pu racheter Le Temps, il crée un journal, le Parlement, qui se fixe pour devise et pour projet de réconcilier "les droits de l'Etat et ceux de la liberté", formule qui résume, en le trahissant au plus juste, le dilemme de la transition libérale vers la démocratie moderne mais qui n'évitera pas l'échec de l'entreprise obligée de fusionner avec le Journal des débats de Léon Say en 1884.
Pourtant, la séparation entre libéraux républicains et républicains "opportunistes" n'est pas si nette ou si exclusive. A la lumière des grands débats de démocratisation, de laïcisation et de scolarisation, Ribot, comme Gladstone ou Ferry, évolue du libéralisme censitaire vers le libéralisme démocratique: reconnaissant le rôle directeur de l'Etat comme la réussite démocratique du jeune régime républicain accepté par les campagnes et plus seulement par les villes, il se rapproche des opportunistes après 1880, s'éloigne de Dufaure et rompt avec ses amis libéraux du Journaux des débats lorsqu'il refuse d'aller combattre au nom des centristes un républicain lors des élections de 1885 en Seine-et-Oise. Du coup, il est battu deux fois la même année, dans le Pas-de-Calais puis lors d'une élection partielle à Paris malgré ou à cause de son choix d'une "liste de conciliation" comprenant libéraux et républicains opportunistes, soutenue par Adrien Hébrard et son journal Le Temps, mais son intégration progressive dans la majorité du gouvernement, dans son intégration progressive dans la majorité du gouvernement, dans le "parti" républicain, est définitivement acquise après 1887 lorsque, réélu, il est l'un des premiers à s'opposer comme Jules Ferry au boulangisme. Certes, en raison même de son intégration républicaine, il n'a pas pu fonder le parti libéral et conservateur dont il rêvait au début des années 1870, mais il deviendra avec Jules Méline l'une des figures libérales si ce n'est le chef du courant libéral, qui dominera les gouvernements républicains des années 1890." (p.94-96)
"Dès le gouvernement libéral de 1892-1894, le dernier dirigé par Gladstone, les libéraux "expansionnistes", Rosebery, Asquith et Grey, s'opposent aux libéraux gladstoniens, Harcourt et Morley, sur la question ougandaise mais un tel débat sur l'impérialisme ne prend toute sa valeur et sa gravité qu'à la lumière de la question irlandaise qui n'a pas menacé simplement la cohésion des gouvernements libéraux, des derniers "grands ministères" de Gladstone, mais l'existence même du parti libéral. C'est au nom même de la cohésion du nouveau modèle impérial que Joseph Chamberlain, l' "espoir" du parti, le promoteur de sa rénovation par un certain radicalisme social, avait condamné le projet de Home Rule défendu par Gladstone en 1886: pour lui, l'autonomie de l'Irlande ne pouvait que se limiter au domaine administratif et économique, à une simple gestion interne des "affaires qui n'impliquent aucun intérêt impérial". C'est sur cette thématique impériale qu'il avait entraîné avec lui 45 députés radicaux, dont John Bright, pour voter contre le gouvernement en avril 1886, le faire chuter, consommer la scission au sein du parti libéral et lui faire perdre les élections consécutives avec 316 sièges pour les conservateurs et seulement 196 pour les libéraux. Certes, après la rupture de 1886, le parti, refondé sur un nouveau programme, celui de Newcastle en 1891, de nouveau victorieux en 1892 (345 sièges contre 315 conservateurs et 47 unionistes de Chamberlain), pourrait apparaître plus homogène et plus uni, libéré de son aile radicale et impérialiste mais aussi de la fraction traditionnelle des "whigs" (Hartington) elle aussi hostile à l'autonomie irlandaise, pourtant l'hypothèque de l'impérialisme est loin d'être levée et prouve par là même sa force d'attraction comme moyen d'encadrement national des nouvelles couches d'électeurs auprès des libéraux, surtout des jeunes libéraux. En effet, le paroxysme des divisions fut atteint lors de la guerre des Boers, le parti se divisant au sommet entre libéraux impérialistes (Rosebery, Asquith, Grey), modérés (Campbell-Bannerman) et pacifistes "pro-Boer" (Little Englander) mais surtout découvrant le clivage, déjà lourd de menaces, entre le sommet parlementaire du parti (la majorité des députés étant plutôt "impérialistes") et la base militante représentée par la Fédération nationale à majorité acquise au pacifisme compte tenu du poids des églises non conformistes. Certes, après la victoire conservatrice et unioniste des élections "khaki" d'octobre 1900, le parti retrouve en partie sa cohésion et le chemin de l'opinion lorsqu'il dénonce avec Campbell-Bannerman les "méthodes barbares" des camps d'internement civil mis en place en Afrique du Sud, ou lorsqu'il s'appuie sur la critique théorique, économique et morale de l'impérialisme faite par J. A. Hobson dès 1902: l'impérialisme, phénomène de déperdition extérieure du capital national, révèle la sous-consommation de la métropole, trahit la pauvreté entretenue des salariés nationaux en même temps qu'il contredit tout effort de reformes et de dépenses sociales. Mais la division initiale, celle de 1886, comme les tensions postérieures ont marqué le parti en profondeur." (p.109-110)
"En Angleterre, le néo-libéralisme de T. H. Green puis celui de J. A. Hobson se fonde encore sur les principes individualistes initiaux mais accorde à l'Etat un rôle propre, une sorte de personnalité théorique qui en fait le garant de l'égalité des chances et le promoteur de la lutte contre les inégalités économiques et sociales: dès le ministère libéral de 1892-1895, l'introduction d'un impôt sur les successions montrait que la fiscalité n'était plus seulement conçue comme le bilan comptable -équilibré par définition- de l'administration publique mais comme un instrument autonome de redistribution des revenus et de répartition des richesses par l'intervention sociale de l'Etat." (p.118-119)
"Issu des milieux de l'intelligentsia et des professions libérales, directement influencé par les modèles démocratiques occidentaux, l'Union pour la libération (1903) ayant été créée en exil en Suisse par Struve, Milioukov et Lvov avant la transformation de 1905, le mouvement libéral-démocrate réussit non seulement à rallier en 1905 la majorité des zemstva et des mouvements professionnels réunis dans l'Union des unions mais surtout à obtenir la majorité relative des sièges à la première Douma (environ 184 sur 497 sièges) en 1906. A cette date, comme en 1904 pour les libéraux conservateurs, les libéraux-démocrates paraissent en mesure d'imposer la transformation du régime mais, comme leurs prédécesseurs, et aussi contre eux, ils vont échouer: s'étant alliés pour les élections avec la gauche socialiste, ils se sont coupés des modérés et des Octobristes au sein de la Douma et ne peuvent former une majorité de gouvernement ; refusant leur participation à un gouvernement non responsable, ils ne réussissent pas plus à former un gouvernement de majorité (cadets et travaillistes) ; restant divisés entre monarchistes et républicains, modérés, tel Maklakov, et radicaux, leur programme de réformes paraît plus ambigu, notamment sur la propriété agricole, que celui des extrêmes, droite conservatrice et gauche socialiste, qui toutes les deux progressent aux élections de la deuxième Douma. L'échec de la première Douma, sa dissolution au bout de deux mois par Nicolas II marquaient déjà en fait l'échec de la voie libérale et démocratique: le nombre de sièges du parti K. D. était divisé par deux après les nouvelles élections (99 députés), rendant plus difficile encore la formation d'une majorité responsable et le parti, resté fidèle à l'alliance à gauche, rejetait une nouvelle fois les propositions (individuelles) du gouvernement Stolypine (1907-1911), risquant encore plus de perdre son électorat au profit des travaillistes, des socialistes-révolutionnaires et des sociaux-démocrates. Le mouvement libéral et démocrate ne retrouvera pas cette situation de prépondérance, même pas après la Révolution de février 1917 et le gouvernement de Georges Lvov, de Milioukov et de Goutchkov comme le prouvait la prise du pouvoir par les bolcheviks." (p.126-127)
p.143
-Nicolas Roussellier, L'Europe des libéraux, Éditions Complexe, 1991, 225 pages.
on n'aurait pas de mal à trouver jusque dans la sémantique les signes de l'extension mal délimitée de la notion ("libéralisme d'opposition", "libéralisme d'Etat", "libéraux modérés"...).
la séparation des pouvoirs n'est pas l'essence mais un moyen du libéralisme. Le libéralisme est une doctrine politique, donc un ensemble de normes définissant les fins de la politique. On ne peut par conséquent pas le définir par ces moyens.
On aurait pas l'idée d'écrire une histoire du communisme moderne en ignorant les textes de Marx ou de Bakounine, mais on trouve acceptable (dans certaines histoires) de traiter du libéralisme sans traiter d’œuvres fondatrices ou de synthèse doctrinale (Mises, Salin).
Citer le Lalande.
"C'est donc à l'histoire d'un phénomène et non au commentaire d'une doctrine que nous invitons." (p.10)
"C'est l'histoire des institutions, des gouvernements et des expériences de "la" liberté depuis 1789 qui fonde non le libéralisme mais le courant libéral." (p.15-16)
"Courant politique qui a d'abord pour caractéristique de se situer à la fois contre le despotisme napoléonien, contre le jacobinisme perçu comme un absolutisme démocratique et contre le retour, d'ailleurs jugé impossible, à la monarchie absolue, c'est-à-dire contre des régimes tous les trois fondés sur une conception unitaire de la souveraineté politique." (p.17)
"Seul Etat allemand demeuré souverain dans l'Europe sous hégémonie française, la Prusse de l'après-Iéna (1806) est entrée dans l' "ère des réformes" (1807-1815). L'abolition du servage et le droit d'accession à la propriété pour tous (1807), l'égalité devant l'impôt et la suppression des corporations (1810), l'élection de municipalités comme celle d'une Assemblée de notables en 1811-1812, permettent aux deux réformateurs qui alternent à la chancellerie constituée en cette occasion, Stein et Hardenberg, de fonder le libéralisme prussien." (p.20)
"A mesure que la diplomatie prussienne repassait sous l'influence de Metternich et de l'Autriche, les projets constitutionnels s'amenuisaient ou dépérissaient, Humboldt qui avait comme charge les "affaires constitutionnelles et communales" était renvoyé en décembre 1819." (p.24)
"Le libéralisme est un constitutionnalisme." (p.31)
"Si [...] question libérale et question nationale se confondent presque dans cette période à l'image des concepts de nationalité et de citoyenneté, cette première "alliance" révèle aussi que le constitutionnalisme libéral, à lui seul, n'a pas suscité un mouvement d'opinion." (p.32)
"Le romantisme français avec Hugo et sa Préface de Cromwell (1827) se convertit à la liberté de l'individu et à la liberté des nations." (p.33)
"La critique des inégalités de représentation forment la base de la Westminster Review fondée à Londres en 1823 par James Mill contre le census whig-tory sur le sujet." (p.34)
"Par l'Histoire de la Révolution de Thiers publiée en 1827, ils acceptent à l'encontre des libéraux modérés l'héritage de toute la Révolution, celui du "patriotisme" de 1793 comme celui des idéaux de 1789 et, par la création du National début 1830 de Thiers, Mignet et Armand Carrel, ils contestent la prééminence du Globe (1824: Résumat, Jouffroy, Duvergier de Hauranne, Saint-Beuve) au sein de la presse libérale en plein développement (43 000 exemplaires pour l'opposition libérale toutes tendances confondues contre 14 000 aux journaux gouvernementaux et 6000 à la presse d'opposition royaliste)." (p.35)
"Le 9 mai 1831, De Coux, Lacordaire et Montalembert décident d'ouvrir, rue des Beaux-Arts à Paris, une "école gratuite d'externes" pour les jeunes enfants qui apprendraient "catéchisme, français, grec, latin, écriture et arithmétique". Or, en réagissant par la fermeture de l'école puis la condamnation -même symbolique, 100F d'amende chacun- des trois responsables en septembre 1831, le gouvernement de Casimir Perier le fait d'une part au nom de la loi sur l'Université de 1806 qui avait instauré le monopole de l'Etat et qui, par ce biais, avait permis, à ce moment, l'exaltation de l'Empire et de l'Empereur, et le fait, d'autre part, contre la Charte qui proclamait la liberté de l'enseignement." (p.48)
"En avril 1834, retour au régime de censure préalable et fermeture des journaux républicains dans le cadre des lois de septembre 1835 préparées et assumées par deux des chefs libéraux issus de la courte période de conjonction révolutionnaire en 1830: de Broglie et Thiers." (p.53)
"Le succès de l'Ecole de Manchester entraîne une recomposition de la vie parlementaire et politique dès 1846 lorsque le premier ministre Robert Peel forme une nouvelle majorité autour du vote du libre-échange: non seulement le courant libéral s'identifie pour la première fois avec un programme plus large que le seul constitutionnalisme fondateur, avec le libéralisme économique, le pacifisme, l'émancipation religieuse, mais surtout la conquête du whiggisme par les libéraux ou par les conservateurs convertis (Peel, Gladstone) permet au courant libéral de constituer, face au courant conservateur issu du torysme, l'un des deux axes du two-party system naissant." (p.58)
"A Vienne, le 15 mars, l'empereur Ferdinand, après la chute du chancelier Metternich, octroie la liberté de la presse, la création d'une garde nationale et annonce une Constitution." (p.66-67)
"Quelle que soit la forme de transition vers la démocratie du suffrage qu'empruntent ou qu'aménagent les libéraux, celle-ci ne peut se concevoir sans un ensemble de réformes d'accompagnement du suffrage universel. Il s'agit même plus, dans le cas du réformisme scolaire et laïciste, d'un simple accompagnement: dans la mesure ou l'exercice de la participation politique doit rester lié à une compétence en dépit ou plutôt en raison même de son extension, dans la mesure où le constitutionnalisme de la représentation libérale ne peut revenir à une théorie de la souveraineté populaire assimilée pendant tout le XIXe siècle par les libéraux, au retour des passions et du désordre révolutionnaire, mais doit demeurer, en se transposant de l'échelle du cercle censitaire à l'échelle de la nation tout entière, une représentation des opinions raisonnables, rendues raisonnables et aptes à la représentation par la délibération et la souveraineté de la raison, pour toutes ces raisons, l'universalisme du savoir -ou de ses "rudiments"- est bien l'enjeu et le synonyme de l'universalisation de l'exercice politique [...]
Aussi, dans plusieurs cas, le courant libéral réussit à la fois à s'identifier au programme de réformes scolaires et laïques, s'organise et recrute mieux par là même, tout en se rapprochant de anticléricalisme. Ainsi en Belgique, la naissance et l'organisation véritable du parti libéral accompagne précisément la radicalisation de la la tradition laïque: l'idéal des libéraux "doctrinaires" (Lebeau, Rogier) d'un Etat neutre, d'un Etat-cadre qui en faisant reconnaître le principe de l'instruction généralisée laissait à chaque commune le libre choix de la laïcité ou de la confessionnalité de son école (loi de 1842 sur l'instruction primaire), est passé par le nouveau courant radical qui impose l'ouverture obligatoire d'une école publique dans toutes les communes lors du grand ministère de Frère-Orban formé en 1878." (p.89)
"Libéral et modérément républicain à l'origine, proche du nouvel orléanisme, proche de Duvergier de Hauranne, d'Emile Boutmy, le fondateur de l'Ecole libre des sciences politiques, et d'Edouard Laboulaye, il se place dans le double sillage de Thiers, jusqu'à sa chute en 1873, et d'Armand Dufaure, exemple même du "modéré", puisqu'il devient dans le cabinet de celui-ci secrétaire général du ministère de la Justice puis conseiller d'Etat (1876). Dans la bataille de l'article 7, il s'oppose à J. Ferry en considérant que l'interdiction des congrégations non autorisées est triplement antilibérale parce qu'elle porte atteinte au droit individuel d'enseigner prenant prétexte d'une interdiction collective d'ordre public, parce que la liberté de choix des parents est niée et que là aussi le combat laïque n'a pas su faire le départ libéral entre sphère publique et espace privé, parce que cette interdiction législative et solennelle est la marque d'une visée volontariste et dirigiste à l'égard de l'enseignement (croire que l'on peut extirper les idées antirépublicaines en interdisant les jésuites) là où l'Etat, dans la conception traditionnelle que partage encore Ribot, devrait seulement favoriser le développement de l'école laïque dans un cadre de libre concurrence avec l'école privée. A cette date, Ribot reprend l'héritage de Guizot et veut fonder, face au radicalisme mais aussi face aux républicains "opportunistes", un "parti de la résistance" (lettre du 14 avril 1878 à Eugène Boucher) et pour cela, à défaut d'avoir pu racheter Le Temps, il crée un journal, le Parlement, qui se fixe pour devise et pour projet de réconcilier "les droits de l'Etat et ceux de la liberté", formule qui résume, en le trahissant au plus juste, le dilemme de la transition libérale vers la démocratie moderne mais qui n'évitera pas l'échec de l'entreprise obligée de fusionner avec le Journal des débats de Léon Say en 1884.
Pourtant, la séparation entre libéraux républicains et républicains "opportunistes" n'est pas si nette ou si exclusive. A la lumière des grands débats de démocratisation, de laïcisation et de scolarisation, Ribot, comme Gladstone ou Ferry, évolue du libéralisme censitaire vers le libéralisme démocratique: reconnaissant le rôle directeur de l'Etat comme la réussite démocratique du jeune régime républicain accepté par les campagnes et plus seulement par les villes, il se rapproche des opportunistes après 1880, s'éloigne de Dufaure et rompt avec ses amis libéraux du Journaux des débats lorsqu'il refuse d'aller combattre au nom des centristes un républicain lors des élections de 1885 en Seine-et-Oise. Du coup, il est battu deux fois la même année, dans le Pas-de-Calais puis lors d'une élection partielle à Paris malgré ou à cause de son choix d'une "liste de conciliation" comprenant libéraux et républicains opportunistes, soutenue par Adrien Hébrard et son journal Le Temps, mais son intégration progressive dans la majorité du gouvernement, dans son intégration progressive dans la majorité du gouvernement, dans le "parti" républicain, est définitivement acquise après 1887 lorsque, réélu, il est l'un des premiers à s'opposer comme Jules Ferry au boulangisme. Certes, en raison même de son intégration républicaine, il n'a pas pu fonder le parti libéral et conservateur dont il rêvait au début des années 1870, mais il deviendra avec Jules Méline l'une des figures libérales si ce n'est le chef du courant libéral, qui dominera les gouvernements républicains des années 1890." (p.94-96)
"Dès le gouvernement libéral de 1892-1894, le dernier dirigé par Gladstone, les libéraux "expansionnistes", Rosebery, Asquith et Grey, s'opposent aux libéraux gladstoniens, Harcourt et Morley, sur la question ougandaise mais un tel débat sur l'impérialisme ne prend toute sa valeur et sa gravité qu'à la lumière de la question irlandaise qui n'a pas menacé simplement la cohésion des gouvernements libéraux, des derniers "grands ministères" de Gladstone, mais l'existence même du parti libéral. C'est au nom même de la cohésion du nouveau modèle impérial que Joseph Chamberlain, l' "espoir" du parti, le promoteur de sa rénovation par un certain radicalisme social, avait condamné le projet de Home Rule défendu par Gladstone en 1886: pour lui, l'autonomie de l'Irlande ne pouvait que se limiter au domaine administratif et économique, à une simple gestion interne des "affaires qui n'impliquent aucun intérêt impérial". C'est sur cette thématique impériale qu'il avait entraîné avec lui 45 députés radicaux, dont John Bright, pour voter contre le gouvernement en avril 1886, le faire chuter, consommer la scission au sein du parti libéral et lui faire perdre les élections consécutives avec 316 sièges pour les conservateurs et seulement 196 pour les libéraux. Certes, après la rupture de 1886, le parti, refondé sur un nouveau programme, celui de Newcastle en 1891, de nouveau victorieux en 1892 (345 sièges contre 315 conservateurs et 47 unionistes de Chamberlain), pourrait apparaître plus homogène et plus uni, libéré de son aile radicale et impérialiste mais aussi de la fraction traditionnelle des "whigs" (Hartington) elle aussi hostile à l'autonomie irlandaise, pourtant l'hypothèque de l'impérialisme est loin d'être levée et prouve par là même sa force d'attraction comme moyen d'encadrement national des nouvelles couches d'électeurs auprès des libéraux, surtout des jeunes libéraux. En effet, le paroxysme des divisions fut atteint lors de la guerre des Boers, le parti se divisant au sommet entre libéraux impérialistes (Rosebery, Asquith, Grey), modérés (Campbell-Bannerman) et pacifistes "pro-Boer" (Little Englander) mais surtout découvrant le clivage, déjà lourd de menaces, entre le sommet parlementaire du parti (la majorité des députés étant plutôt "impérialistes") et la base militante représentée par la Fédération nationale à majorité acquise au pacifisme compte tenu du poids des églises non conformistes. Certes, après la victoire conservatrice et unioniste des élections "khaki" d'octobre 1900, le parti retrouve en partie sa cohésion et le chemin de l'opinion lorsqu'il dénonce avec Campbell-Bannerman les "méthodes barbares" des camps d'internement civil mis en place en Afrique du Sud, ou lorsqu'il s'appuie sur la critique théorique, économique et morale de l'impérialisme faite par J. A. Hobson dès 1902: l'impérialisme, phénomène de déperdition extérieure du capital national, révèle la sous-consommation de la métropole, trahit la pauvreté entretenue des salariés nationaux en même temps qu'il contredit tout effort de reformes et de dépenses sociales. Mais la division initiale, celle de 1886, comme les tensions postérieures ont marqué le parti en profondeur." (p.109-110)
"En Angleterre, le néo-libéralisme de T. H. Green puis celui de J. A. Hobson se fonde encore sur les principes individualistes initiaux mais accorde à l'Etat un rôle propre, une sorte de personnalité théorique qui en fait le garant de l'égalité des chances et le promoteur de la lutte contre les inégalités économiques et sociales: dès le ministère libéral de 1892-1895, l'introduction d'un impôt sur les successions montrait que la fiscalité n'était plus seulement conçue comme le bilan comptable -équilibré par définition- de l'administration publique mais comme un instrument autonome de redistribution des revenus et de répartition des richesses par l'intervention sociale de l'Etat." (p.118-119)
"Issu des milieux de l'intelligentsia et des professions libérales, directement influencé par les modèles démocratiques occidentaux, l'Union pour la libération (1903) ayant été créée en exil en Suisse par Struve, Milioukov et Lvov avant la transformation de 1905, le mouvement libéral-démocrate réussit non seulement à rallier en 1905 la majorité des zemstva et des mouvements professionnels réunis dans l'Union des unions mais surtout à obtenir la majorité relative des sièges à la première Douma (environ 184 sur 497 sièges) en 1906. A cette date, comme en 1904 pour les libéraux conservateurs, les libéraux-démocrates paraissent en mesure d'imposer la transformation du régime mais, comme leurs prédécesseurs, et aussi contre eux, ils vont échouer: s'étant alliés pour les élections avec la gauche socialiste, ils se sont coupés des modérés et des Octobristes au sein de la Douma et ne peuvent former une majorité de gouvernement ; refusant leur participation à un gouvernement non responsable, ils ne réussissent pas plus à former un gouvernement de majorité (cadets et travaillistes) ; restant divisés entre monarchistes et républicains, modérés, tel Maklakov, et radicaux, leur programme de réformes paraît plus ambigu, notamment sur la propriété agricole, que celui des extrêmes, droite conservatrice et gauche socialiste, qui toutes les deux progressent aux élections de la deuxième Douma. L'échec de la première Douma, sa dissolution au bout de deux mois par Nicolas II marquaient déjà en fait l'échec de la voie libérale et démocratique: le nombre de sièges du parti K. D. était divisé par deux après les nouvelles élections (99 députés), rendant plus difficile encore la formation d'une majorité responsable et le parti, resté fidèle à l'alliance à gauche, rejetait une nouvelle fois les propositions (individuelles) du gouvernement Stolypine (1907-1911), risquant encore plus de perdre son électorat au profit des travaillistes, des socialistes-révolutionnaires et des sociaux-démocrates. Le mouvement libéral et démocrate ne retrouvera pas cette situation de prépondérance, même pas après la Révolution de février 1917 et le gouvernement de Georges Lvov, de Milioukov et de Goutchkov comme le prouvait la prise du pouvoir par les bolcheviks." (p.126-127)
p.143
-Nicolas Roussellier, L'Europe des libéraux, Éditions Complexe, 1991, 225 pages.
on n'aurait pas de mal à trouver jusque dans la sémantique les signes de l'extension mal délimitée de la notion ("libéralisme d'opposition", "libéralisme d'Etat", "libéraux modérés"...).
la séparation des pouvoirs n'est pas l'essence mais un moyen du libéralisme. Le libéralisme est une doctrine politique, donc un ensemble de normes définissant les fins de la politique. On ne peut par conséquent pas le définir par ces moyens.
On aurait pas l'idée d'écrire une histoire du communisme moderne en ignorant les textes de Marx ou de Bakounine, mais on trouve acceptable (dans certaines histoires) de traiter du libéralisme sans traiter d’œuvres fondatrices ou de synthèse doctrinale (Mises, Salin).
Citer le Lalande.