https://www.institutcoppet.org/quest-ce-que-la-liberte-negative-et-la-liberte-positive-en-quoi-est-ce-important-par-aaron-ross-powell/
Aaron Ross Powell est chercheur associé au Cato Institute. Libertarianism.org présente des textes introductifs et les nouvelles recherches liées à la philosophie, la théorie ou l’histoire libérale/libertarienne. Les écrits de Powell sont disponibles dans les revues Liberty et The Cato Journal. Il est titulaire d’un doctorat en droit obtenu à l’université de Denver.
Powell explore les différentes visions de la liberté et cherche à comprendre pourquoi les libertariens préfèrent les libertés négatives aux libertés positives plus intrusives.
Traduit par Kate Lepape, Institut Coppet
De nombreux débats entre les penseurs politiques libertariens et non-libertariens portent sur la distinction entre liberté positive et liberté négative. Dans la philosophie politique, ces deux termes techniques jouent un rôle important aussi bien pour déterminer les limites légitimes de l’action de l’État que pour déterminer la raison d’être de l’État à l’origine.
Cela veut dire que les libertariens et les non-libertariens qui s’intéressent aux idées politiques, et qui souhaitent avoir des conversations sérieuses à ce sujet, vont profiter de la compréhension de ces deux types de liberté.
Pour débuter notre écrit en toute simplicité, tenons-nous en à une définition en deux mots. La liberté négative signifie « la liberté de », alors que la liberté positive signifie « la capacité de ».
Une autre façon de comprendre la différence entre liberté négative et liberté positive, une différence qui n’est pas des moindres, c’est de concevoir la liberté négative en tant qu’absence de limite externe. La liberté positive, elle, implique une absence de limite interne.
Prenons un exemple. Jack vit à New York. Il souhaite aller en Californie et rendre visite à sa famille. Dans la conception de liberté négative, Jack est libre d’aller en Californie à partir du moment où personne ne l’en empêche. Si son voisin l’enferme dans le sous-sol ou si quelqu’un lui vole sa voiture, la liberté négative de Jack est alors enfreinte.
Que se passe t-il dans le cas où Jack est si pauvre qu’il ne peut pas s’acheter de voiture ou de billet d’avion ? Que se passe t-il si Jack tombe malade et se voit contraint d’annuler son voyage ? Dans ces cas, Jack perd sa capacité à remplir son souhait d’aller en Californie. D’un point de vue de liberté positive, Jack n’est donc pas libre.
Dans un contexte de philosophie politique, incluant les autorisations et les devoirs de l’État, le gouvernement est là pour protéger la liberté négative de Jack en empêchant son voisin de l’enfermer dans le sous-sol ou encore en empêchant le voleur de dérober sa voiture. Si l’État ne peut rien faire pour empêcher ces actes précis, les auteurs des délits devront alors être punis, ce qui diminuera la probabilité que d’autres infractions soient commises, comme l’enfreinte de libertés similaires. Au lieu de sanctionner les infractions, l’État forcera la personne commettant le délit à dédommager Jack, de façon à ce que Jack se retrouve dans sa position de départ, comme si aucun délit n’avait été commis.
D’un autre côté, un État qui a pour tâche de promouvoir directement la liberté positive de Jack, est un État qui taxe ses citoyens dans le but d’acheter une voiture à Jack, une voiture qu’il n’aurait pas pu s’acheter lui-même. L’État pourrait même se servir de l’argent du contribuable pour payer les soins médicaux dont Jack a besoin, de façon à le remettre sur pied pour qu’il puisse à nouveau voyager. Une liberté positive axée sur l’État, reviendrait à prendre des mesures actives pour s’assurer que Jack n’est pas seulement libre de réaliser ses souhaits, mais également pour s’assurer qu’il dispose des ressources nécessaires pour les concrétiser.
En principe, les libertariens pensent que l’État doit se préoccuper uniquement de la liberté négative et ne doit surtout pas prendre des mesures pour promouvoir la liberté positive. Car pour l’État, cela revient à aller chercher les ressources chez certains individus et redonner ces ressources à d’autres individus afin qu’ils puissent s’acheter ce qu’ils veulent. L’argent que Jack utilise pour s’acheter une voiture ou pour payer ses soins médicaux, est en fait l’argent de quelqu’un d’autre qui, n’a maintenant plus l’argent nécessaire pour s’acheter sa voiture ou encore pour se payer ses soins médicaux. (Dans un sens, ça équivaut à dire que l’État a volé la voiture de quelqu’un pour la donner à une autre personne, ce qui est une entrave à la liberté négative de la victime). Si l’État décide d’empêcher cela, par exemple en contraignant le médecin à donner gratuitement des soins médicaux à Jack, alors l’État enfreint la liberté négative du médecin, car il empêche au médecin d’utiliser son temps comme il l’entend.
Les libertariens font souvent valoir qu’un État axé sur la liberté positive aboutit non seulement à moins de liberté négative mais également à moins de liberté positive. Par exemple, en autorisant aux personnes à garder les produits de leur propre travail, on permet à l’économie de s’accroître, ce qui signifie d’avantage de ressources pour tous dans le but de satisfaire ses souhaits et ses désirs. Les États qui favorisent la liberté positive au détriment de la liberté négative, appauvrissent leur population. En d’autres termes, nous, les libertariens, pensons que l’État doit principalement protéger la liberté négative afin de se préoccuper au mieux de la liberté positive des pauvres.
Et pourtant, des libertariens utilisent parfois ces arguments pour dire que si la liberté positive existe, elle n’a pas de raison d’être. Je ne partage pas leur avis pour autant. Alors que nous devrions bien distinguer entre liberté positive et liberté négative, dans la mesure où le rôle de l’État est en jeu, nous devrions également reconnaître l’importance de la liberté positive pour nous tous.
Si je choisi d’exercer un métier, c’est parce qu’il compte pour moi et qu’avant tout, j’aime exercer ce métier en particulier. (Même s’il y a bien des fois où je me demande comment j’arrive à me faire payer par Libertarianism.org. alors que tout ce que je fais c’est d’écrire pour eux…). Il est clair qu’il y a bien d’autres raisons qui me poussent à faire mon travail, j’ai la liberté positive d’accomplir des choses qui me sont chères, comme pouvoir acheter de la nourriture, payer mon loyer et offrir un toit à moi et à ma famille, m’acheter une voiture, payer mes soins médicaux et bien sûr m’acheter une multitude de livres que je n’aurai très certainement jamais le temps de lire !
Si la liberté négative était ce qui compte le plus, quel que soit le contexte, nous n’aurions aucune raison de préférer un monde « riche » à un monde pauvre. Si personne ne nous empêchait de faire ce que nous voulons, nous serions peu préoccupés par le monde dans lequel nous vivons.
Parfois, on s’oppose à l’utilisation du mot « liberté » dans la notion de liberté positive. La seule liberté réelle serait la liberté négative. Ce qui pourrait bien être vrai. Car en utilisant les mots négatif et positif pour qualifier la liberté, on rend plus difficile le débat sur un État qui a pour rôle de promouvoir activement la liberté négative au détriment de la liberté positive. Après tout, qui souhaiterait se voir dans la position de débattre contre la « liberté » au sens large du terme ?
En ce cas, il vaut mieux dire que seule la liberté négative est une liberté réelle, et que la liberté positive se doit d’être reconsidérée à l’aide de mots comme « pouvoir » ou « capacité ». Accepter cette révision ne signifie pas pour autant que nous devons ignorer la distinction entre ces deux libertés, distinction utilisée dans la littérature, ou encore que nous ne devons plus prêter attention à ceux qui, aujourd’hui, continuent de débattre sur la liberté positive.
Comme dans chaque sujet abordé d’un point de vue philosophique, je dirais en conclusion, qu’un article aussi court néglige nécessairement les nombreuses facettes du sujet et les nuances entre liberté positive et liberté négative. Mais si vous souhaitez en apprendre d’avantage sur la liberté négative et la liberté positive, ainsi que sur les différentes façons dontles philosophes distinguent (ou associent !) ces deux types de liberté, je vous invite vivement à consulter en ligne l’encyclopédie Stanford Encyclopedia of Philosophy.
Aaron Ross Powell est chercheur associé au Cato Institute. Libertarianism.org présente des textes introductifs et les nouvelles recherches liées à la philosophie, la théorie ou l’histoire libérale/libertarienne. Les écrits de Powell sont disponibles dans les revues Liberty et The Cato Journal. Il est titulaire d’un doctorat en droit obtenu à l’université de Denver.
Powell explore les différentes visions de la liberté et cherche à comprendre pourquoi les libertariens préfèrent les libertés négatives aux libertés positives plus intrusives.
Traduit par Kate Lepape, Institut Coppet
De nombreux débats entre les penseurs politiques libertariens et non-libertariens portent sur la distinction entre liberté positive et liberté négative. Dans la philosophie politique, ces deux termes techniques jouent un rôle important aussi bien pour déterminer les limites légitimes de l’action de l’État que pour déterminer la raison d’être de l’État à l’origine.
Cela veut dire que les libertariens et les non-libertariens qui s’intéressent aux idées politiques, et qui souhaitent avoir des conversations sérieuses à ce sujet, vont profiter de la compréhension de ces deux types de liberté.
Pour débuter notre écrit en toute simplicité, tenons-nous en à une définition en deux mots. La liberté négative signifie « la liberté de », alors que la liberté positive signifie « la capacité de ».
Une autre façon de comprendre la différence entre liberté négative et liberté positive, une différence qui n’est pas des moindres, c’est de concevoir la liberté négative en tant qu’absence de limite externe. La liberté positive, elle, implique une absence de limite interne.
Prenons un exemple. Jack vit à New York. Il souhaite aller en Californie et rendre visite à sa famille. Dans la conception de liberté négative, Jack est libre d’aller en Californie à partir du moment où personne ne l’en empêche. Si son voisin l’enferme dans le sous-sol ou si quelqu’un lui vole sa voiture, la liberté négative de Jack est alors enfreinte.
Que se passe t-il dans le cas où Jack est si pauvre qu’il ne peut pas s’acheter de voiture ou de billet d’avion ? Que se passe t-il si Jack tombe malade et se voit contraint d’annuler son voyage ? Dans ces cas, Jack perd sa capacité à remplir son souhait d’aller en Californie. D’un point de vue de liberté positive, Jack n’est donc pas libre.
Dans un contexte de philosophie politique, incluant les autorisations et les devoirs de l’État, le gouvernement est là pour protéger la liberté négative de Jack en empêchant son voisin de l’enfermer dans le sous-sol ou encore en empêchant le voleur de dérober sa voiture. Si l’État ne peut rien faire pour empêcher ces actes précis, les auteurs des délits devront alors être punis, ce qui diminuera la probabilité que d’autres infractions soient commises, comme l’enfreinte de libertés similaires. Au lieu de sanctionner les infractions, l’État forcera la personne commettant le délit à dédommager Jack, de façon à ce que Jack se retrouve dans sa position de départ, comme si aucun délit n’avait été commis.
D’un autre côté, un État qui a pour tâche de promouvoir directement la liberté positive de Jack, est un État qui taxe ses citoyens dans le but d’acheter une voiture à Jack, une voiture qu’il n’aurait pas pu s’acheter lui-même. L’État pourrait même se servir de l’argent du contribuable pour payer les soins médicaux dont Jack a besoin, de façon à le remettre sur pied pour qu’il puisse à nouveau voyager. Une liberté positive axée sur l’État, reviendrait à prendre des mesures actives pour s’assurer que Jack n’est pas seulement libre de réaliser ses souhaits, mais également pour s’assurer qu’il dispose des ressources nécessaires pour les concrétiser.
En principe, les libertariens pensent que l’État doit se préoccuper uniquement de la liberté négative et ne doit surtout pas prendre des mesures pour promouvoir la liberté positive. Car pour l’État, cela revient à aller chercher les ressources chez certains individus et redonner ces ressources à d’autres individus afin qu’ils puissent s’acheter ce qu’ils veulent. L’argent que Jack utilise pour s’acheter une voiture ou pour payer ses soins médicaux, est en fait l’argent de quelqu’un d’autre qui, n’a maintenant plus l’argent nécessaire pour s’acheter sa voiture ou encore pour se payer ses soins médicaux. (Dans un sens, ça équivaut à dire que l’État a volé la voiture de quelqu’un pour la donner à une autre personne, ce qui est une entrave à la liberté négative de la victime). Si l’État décide d’empêcher cela, par exemple en contraignant le médecin à donner gratuitement des soins médicaux à Jack, alors l’État enfreint la liberté négative du médecin, car il empêche au médecin d’utiliser son temps comme il l’entend.
Les libertariens font souvent valoir qu’un État axé sur la liberté positive aboutit non seulement à moins de liberté négative mais également à moins de liberté positive. Par exemple, en autorisant aux personnes à garder les produits de leur propre travail, on permet à l’économie de s’accroître, ce qui signifie d’avantage de ressources pour tous dans le but de satisfaire ses souhaits et ses désirs. Les États qui favorisent la liberté positive au détriment de la liberté négative, appauvrissent leur population. En d’autres termes, nous, les libertariens, pensons que l’État doit principalement protéger la liberté négative afin de se préoccuper au mieux de la liberté positive des pauvres.
Et pourtant, des libertariens utilisent parfois ces arguments pour dire que si la liberté positive existe, elle n’a pas de raison d’être. Je ne partage pas leur avis pour autant. Alors que nous devrions bien distinguer entre liberté positive et liberté négative, dans la mesure où le rôle de l’État est en jeu, nous devrions également reconnaître l’importance de la liberté positive pour nous tous.
Si je choisi d’exercer un métier, c’est parce qu’il compte pour moi et qu’avant tout, j’aime exercer ce métier en particulier. (Même s’il y a bien des fois où je me demande comment j’arrive à me faire payer par Libertarianism.org. alors que tout ce que je fais c’est d’écrire pour eux…). Il est clair qu’il y a bien d’autres raisons qui me poussent à faire mon travail, j’ai la liberté positive d’accomplir des choses qui me sont chères, comme pouvoir acheter de la nourriture, payer mon loyer et offrir un toit à moi et à ma famille, m’acheter une voiture, payer mes soins médicaux et bien sûr m’acheter une multitude de livres que je n’aurai très certainement jamais le temps de lire !
Si la liberté négative était ce qui compte le plus, quel que soit le contexte, nous n’aurions aucune raison de préférer un monde « riche » à un monde pauvre. Si personne ne nous empêchait de faire ce que nous voulons, nous serions peu préoccupés par le monde dans lequel nous vivons.
Parfois, on s’oppose à l’utilisation du mot « liberté » dans la notion de liberté positive. La seule liberté réelle serait la liberté négative. Ce qui pourrait bien être vrai. Car en utilisant les mots négatif et positif pour qualifier la liberté, on rend plus difficile le débat sur un État qui a pour rôle de promouvoir activement la liberté négative au détriment de la liberté positive. Après tout, qui souhaiterait se voir dans la position de débattre contre la « liberté » au sens large du terme ?
En ce cas, il vaut mieux dire que seule la liberté négative est une liberté réelle, et que la liberté positive se doit d’être reconsidérée à l’aide de mots comme « pouvoir » ou « capacité ». Accepter cette révision ne signifie pas pour autant que nous devons ignorer la distinction entre ces deux libertés, distinction utilisée dans la littérature, ou encore que nous ne devons plus prêter attention à ceux qui, aujourd’hui, continuent de débattre sur la liberté positive.
Comme dans chaque sujet abordé d’un point de vue philosophique, je dirais en conclusion, qu’un article aussi court néglige nécessairement les nombreuses facettes du sujet et les nuances entre liberté positive et liberté négative. Mais si vous souhaitez en apprendre d’avantage sur la liberté négative et la liberté positive, ainsi que sur les différentes façons dontles philosophes distinguent (ou associent !) ces deux types de liberté, je vous invite vivement à consulter en ligne l’encyclopédie Stanford Encyclopedia of Philosophy.