https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Andler
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77059r
"On a voulu dans ce livre décrire les causes qui ont amené en Allemagne ce fait très important de l'histoire contemporaine: l'établissement de la monarchie sociale. Parmi toutes les transformations récentes de l'Allemagne, il n'en est pas de plus curieuse, car elle tient à des causes intellectuelles." (p.1)
"Rodbertus occupa, entre 1868 et 1872, une situation intellectuelle unique. Ce qu'il avait médité vingt-cinq années, il venait alors de le fixer en une série de formules pratiques. Il apportait à la fois une solution à la crise agraire et le moyen de résister à l' "irruption" du socialisme marxiste. Par là il fut indispensable.
Le point auquel il nous faut arrêter cette étude est donc ce Congrès des socialistes universitaires réuni à Eisenach en 1872, où les disciples de Rodbertus subirent pour la première fois l'assaut des adversaires. Les Rodbertiens succombèrent ce jour-là. M. de Bismarck, représenté dans l'assemblée par des délégués plus ou moins occultes, avait mené la campagne. Mais de ce jour, date en Allemagne la crise des opinions sociales. Depuis on étudia, on enseigna Rodbertus. Aujourd'hui il n'y a guère d'économiste allemand qui ne lui doive tout le fond de sa culture. Les plus autorisés et les plus âgés durent d'abord se remettre à son école. La législation contemporaine est pleine de ses dogmes. M. de Bismarck, quand il eut abjuré la doctrine manchestérienne, vint à Rodbertus." (p.4)
-Charles Andler, Les Origines du socialisme d'État en Allemagne, Paris, Félix Alcan Éditeur, 1897, 495 pages.
https://fr.wikisource.org/wiki/Nietzsche,_sa_vie_et_sa_pens%C3%A9e
"Le premier, Pascal lui suggère sa méthode d’exposition et de composition : « J’écrirai mes pensées sans ordre et non pas peut-être dans une confusion sans dessein : c’est le véritable ordre. » Nietzsche partira de là pour justifier sa méthode de l’aphorisme, des brusques coups de sondes, qui font jaillir la pensée fraîche et vive mieux que les longues et savantes canalisations où l’enferment les systèmes. Ce serait, disait Pascal, « une manière d’écrire toute composée de pensées nées sur les entretiens ordinaires de la vie ». Ainsi Nietzsche voulait appuyer ses déductions sur les sujets de la plus extrême banalité, par mépris de l’érudition, et parce qu’une philosophie créatrice doit renouveler l’appréciation même des choses quotidiennes." (p.172)
"Ce n’est pas dans des antinomies que sa pensée se meut, comme celle de Kant, ni en synthèses qui construisent les idées en les délimitant, comme Hegel. Sa critique destructive, comme celle de Pascal, cherche la raison d’être profonde des idéals. Pour cela, il les met à l’épreuve du doute. Il n’en est pas un qu’il n’ait détaché des racines illusoires qui le retiennent dans la croyance établie. Puis, la discussion en met à nu les racines réelles. Pas un idéal, même parmi ceux qu’il hait le plus, le christianisme, l’ascétisme, la moralité altruiste, qu’il n’ait « réhabilité » pour les services qu’il peut rendre encore à la cause de la civilisation supérieure, bien que ces services ne soient jamais ceux qui le justifient au regard de ses croyants." (p.173)
"Notre première pensée, c’est l’épouvante, disait Pascal, et Nietzsche a donné souvent aussi l’impression du même effroi métaphysique, dont il était secoué jusque dans ses os. Notre seconde pensée est la fierté légitime qui nous redresse dans cette tragique solitude où nous vivons en présence des mondes. C’est l’attitude que Nietzsche a le plus admirée en Pascal." (p.174)
"La relativité de la connaissance ne se démontre pas tant par les erreurs des sens que par l’incertitude du point de vue où nous sommes placés pour observer. [...] Tout change par l’écoulement constant des choses et par notre propre mobilité. « Notre raison est toujours déçue par l’inconstance des apparences. » Le monde est comme un mouvant paysage, devant lequel nous sommes nous-mêmes en mouvement. Comment l’apercevoir dans sa structure vraie ? Il faudrait arriver à « ne pas juger de la nature selon nous, mais selon elle » [Pensées, I, 1] [...] Le problème de Pascal est de découvrir les lois de la perspective dans l’art de penser et dans la morale. Ainsi dans Nietzsche, tout le savoir de l’homme n’est que notre « pouvoir poétique et logique de fixer sur les choses des perspectives par lesquelles nous réussissons à nous conserver vivants »." (pp.175-176)
"Pascal lui ait appris à se représenter toute la vie sociale comme assise sur ce besoin de dominer, matériellement ou en imagination. Les différences sociales ne viennent que de la part d’imagination mêlée à ce vouloir tyrannique. L’orgueil « contrepèse toutes les misères », et « la douceur de la gloire est si grande qu’à quelque action qu’on l’attache, même à la mort, on l’aime ». Or, la gloire n’est pas autre chose que dominer dans l’opinion des hommes." (pp.179-180)
"Le peuple tient ainsi « pour justice ce qui est établi », et « il prendra l’antiquité des lois pour preuve de leur vérité ». « Les lois anciennes et les anciennes opinions ne sont pas plus saines, mais elles sont uniques et elles nous ôtent la racine de la diversité. » C’est un avantage que la raison approuve ; et elle approuve ainsi l’existence de la coutume, sans pouvoir toujours en approuver la teneur." (pp.183-184)
"Burckhardt était le plus ancien de beaucoup, quinquagénaire déjà quand Nietzsche avait vingt-cinq ans. La déférence de Nietzsche pour son aîné ne se démentit jamais. Mais la sympathie effaçait la distance de l’âge. Nietzsche, de bonne heure, eut une prédilection pour les hommes âgés, ne se sentait à l’aise qu’avec eux et ne trouvait que chez eux la maturité qu’il fallait pour entendre et juger sa pensée nouvelle." (p.265)
-Charles Andler, Nietzsche, sa vie et sa pensée, I. Les Précurseurs de Nietzsche, Bossard, 1920, 379 pages, pages 265-339.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77059r
"On a voulu dans ce livre décrire les causes qui ont amené en Allemagne ce fait très important de l'histoire contemporaine: l'établissement de la monarchie sociale. Parmi toutes les transformations récentes de l'Allemagne, il n'en est pas de plus curieuse, car elle tient à des causes intellectuelles." (p.1)
"Rodbertus occupa, entre 1868 et 1872, une situation intellectuelle unique. Ce qu'il avait médité vingt-cinq années, il venait alors de le fixer en une série de formules pratiques. Il apportait à la fois une solution à la crise agraire et le moyen de résister à l' "irruption" du socialisme marxiste. Par là il fut indispensable.
Le point auquel il nous faut arrêter cette étude est donc ce Congrès des socialistes universitaires réuni à Eisenach en 1872, où les disciples de Rodbertus subirent pour la première fois l'assaut des adversaires. Les Rodbertiens succombèrent ce jour-là. M. de Bismarck, représenté dans l'assemblée par des délégués plus ou moins occultes, avait mené la campagne. Mais de ce jour, date en Allemagne la crise des opinions sociales. Depuis on étudia, on enseigna Rodbertus. Aujourd'hui il n'y a guère d'économiste allemand qui ne lui doive tout le fond de sa culture. Les plus autorisés et les plus âgés durent d'abord se remettre à son école. La législation contemporaine est pleine de ses dogmes. M. de Bismarck, quand il eut abjuré la doctrine manchestérienne, vint à Rodbertus." (p.4)
-Charles Andler, Les Origines du socialisme d'État en Allemagne, Paris, Félix Alcan Éditeur, 1897, 495 pages.
https://fr.wikisource.org/wiki/Nietzsche,_sa_vie_et_sa_pens%C3%A9e
"Le premier, Pascal lui suggère sa méthode d’exposition et de composition : « J’écrirai mes pensées sans ordre et non pas peut-être dans une confusion sans dessein : c’est le véritable ordre. » Nietzsche partira de là pour justifier sa méthode de l’aphorisme, des brusques coups de sondes, qui font jaillir la pensée fraîche et vive mieux que les longues et savantes canalisations où l’enferment les systèmes. Ce serait, disait Pascal, « une manière d’écrire toute composée de pensées nées sur les entretiens ordinaires de la vie ». Ainsi Nietzsche voulait appuyer ses déductions sur les sujets de la plus extrême banalité, par mépris de l’érudition, et parce qu’une philosophie créatrice doit renouveler l’appréciation même des choses quotidiennes." (p.172)
"Ce n’est pas dans des antinomies que sa pensée se meut, comme celle de Kant, ni en synthèses qui construisent les idées en les délimitant, comme Hegel. Sa critique destructive, comme celle de Pascal, cherche la raison d’être profonde des idéals. Pour cela, il les met à l’épreuve du doute. Il n’en est pas un qu’il n’ait détaché des racines illusoires qui le retiennent dans la croyance établie. Puis, la discussion en met à nu les racines réelles. Pas un idéal, même parmi ceux qu’il hait le plus, le christianisme, l’ascétisme, la moralité altruiste, qu’il n’ait « réhabilité » pour les services qu’il peut rendre encore à la cause de la civilisation supérieure, bien que ces services ne soient jamais ceux qui le justifient au regard de ses croyants." (p.173)
"Notre première pensée, c’est l’épouvante, disait Pascal, et Nietzsche a donné souvent aussi l’impression du même effroi métaphysique, dont il était secoué jusque dans ses os. Notre seconde pensée est la fierté légitime qui nous redresse dans cette tragique solitude où nous vivons en présence des mondes. C’est l’attitude que Nietzsche a le plus admirée en Pascal." (p.174)
"La relativité de la connaissance ne se démontre pas tant par les erreurs des sens que par l’incertitude du point de vue où nous sommes placés pour observer. [...] Tout change par l’écoulement constant des choses et par notre propre mobilité. « Notre raison est toujours déçue par l’inconstance des apparences. » Le monde est comme un mouvant paysage, devant lequel nous sommes nous-mêmes en mouvement. Comment l’apercevoir dans sa structure vraie ? Il faudrait arriver à « ne pas juger de la nature selon nous, mais selon elle » [Pensées, I, 1] [...] Le problème de Pascal est de découvrir les lois de la perspective dans l’art de penser et dans la morale. Ainsi dans Nietzsche, tout le savoir de l’homme n’est que notre « pouvoir poétique et logique de fixer sur les choses des perspectives par lesquelles nous réussissons à nous conserver vivants »." (pp.175-176)
"Pascal lui ait appris à se représenter toute la vie sociale comme assise sur ce besoin de dominer, matériellement ou en imagination. Les différences sociales ne viennent que de la part d’imagination mêlée à ce vouloir tyrannique. L’orgueil « contrepèse toutes les misères », et « la douceur de la gloire est si grande qu’à quelque action qu’on l’attache, même à la mort, on l’aime ». Or, la gloire n’est pas autre chose que dominer dans l’opinion des hommes." (pp.179-180)
"Le peuple tient ainsi « pour justice ce qui est établi », et « il prendra l’antiquité des lois pour preuve de leur vérité ». « Les lois anciennes et les anciennes opinions ne sont pas plus saines, mais elles sont uniques et elles nous ôtent la racine de la diversité. » C’est un avantage que la raison approuve ; et elle approuve ainsi l’existence de la coutume, sans pouvoir toujours en approuver la teneur." (pp.183-184)
"Burckhardt était le plus ancien de beaucoup, quinquagénaire déjà quand Nietzsche avait vingt-cinq ans. La déférence de Nietzsche pour son aîné ne se démentit jamais. Mais la sympathie effaçait la distance de l’âge. Nietzsche, de bonne heure, eut une prédilection pour les hommes âgés, ne se sentait à l’aise qu’avec eux et ne trouvait que chez eux la maturité qu’il fallait pour entendre et juger sa pensée nouvelle." (p.265)
-Charles Andler, Nietzsche, sa vie et sa pensée, I. Les Précurseurs de Nietzsche, Bossard, 1920, 379 pages, pages 265-339.
Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Mar 29 Oct - 11:31, édité 5 fois