https://www.cairn.info/revue-cites-2001-4-page-241.htm
"Michael Oakeshott (1901-1990), après des études à Cambridge (1920-1923) et à Tübingen (1926-1929), enseigna l’histoire à Cambridge (1929-1950) puis à Oxford (1950-1951), si l’on décompte trois années passées dans l’armée, de 1942 à 1945. Il fut ensuite professeur de science politique à la London School of Economics (1951-1967) et donna des conférences à Harvard en 1958 (Morality and Politics in Modern Europe, posthume, 1993). Ce sont probablement ses travaux sur Hobbes (notamment une édition du Leviathan en 1946), dont l’essentiel a été recueilli dans Rationalism in Politics and Other Essays (1962 ; édition augmentée, 1991) qui ont fait le plus, au début, pour sa notoriété auprès des spécialistes français des idées politiques. Mais Oakeshott, avec The Voice of Liberal Learning (1989), a aussi témoigné en faveur des sciences humaines."
"Opposition à Hayek en qui il ne voit guère qu’un rationaliste déguisé dont le refus affiché de toute planification ne fait, en définitive, que la réintroduire subrepticement. L’intransigeance de telles positions s’explique par le conservatisme particulier d’Oakeshott qui se caractérise, en première analyse, par la familiarité avec ce que l’on connaît : à cet égard Hayek ne ferait que proposer une variété à peine moins évidente de pensée révolutionnaire."
"Le problème majeur tient au refus hobbesien de toute tradition et de tout ancrage surnaturel, avec sa conséquence, le rejet oakeshottien des « inepties » du droit naturel classique. Comment concilier cela avec le conservatisme ? Oakeshott, on l’a vu, fonde ce dernier dans le cadre formel de la societas qui permet à chacun de se livrer en paix aux occupations qui lui sont chères et qui ne peuvent s’épanouir que s’il y a stabilité, cette dernière étant indissociable d’une ingérence étatique minimale. Ce qui compte est alors une vie dans le présent comme seule immortalité possible, et ce christianisme bien particulier du jeune Oakeshott explique sa lecture augustinienne de Hobbes qui réécrirait le péché originel et le Salut dans les métaphores de l’état de nature et du pacte. La supériorité, en dernière analyse, de l’individu sur la société se fonde dans cette dimension métaphysique en vertu de laquelle la spécificité humaine réside dans des choix moraux, par définition personnels, qui expliquent le refus oakeshottien de toute téléocratie. C’est là fonder un conservatisme hostile, certes comme ses autres variantes, aux dérives vers quelque sociolâtrie que ce soit, mais un conservatisme dont la marque exclusive est que ses fondements, sinon ses applications, rompent avec le droit naturel classique illustré par Leo Strauss."
-Norbert Col, « Michael Oakeshott, ou comment repenser le conservatisme ? Profil biobibliographique », Cités, 2001/4 (n° , p. 241-245. DOI : 10.3917/cite.008.0239. URL : https://www.cairn.info/revue-cites-2001-4-page-241.htm
"Michael Oakeshott (1901-1990), après des études à Cambridge (1920-1923) et à Tübingen (1926-1929), enseigna l’histoire à Cambridge (1929-1950) puis à Oxford (1950-1951), si l’on décompte trois années passées dans l’armée, de 1942 à 1945. Il fut ensuite professeur de science politique à la London School of Economics (1951-1967) et donna des conférences à Harvard en 1958 (Morality and Politics in Modern Europe, posthume, 1993). Ce sont probablement ses travaux sur Hobbes (notamment une édition du Leviathan en 1946), dont l’essentiel a été recueilli dans Rationalism in Politics and Other Essays (1962 ; édition augmentée, 1991) qui ont fait le plus, au début, pour sa notoriété auprès des spécialistes français des idées politiques. Mais Oakeshott, avec The Voice of Liberal Learning (1989), a aussi témoigné en faveur des sciences humaines."
"Opposition à Hayek en qui il ne voit guère qu’un rationaliste déguisé dont le refus affiché de toute planification ne fait, en définitive, que la réintroduire subrepticement. L’intransigeance de telles positions s’explique par le conservatisme particulier d’Oakeshott qui se caractérise, en première analyse, par la familiarité avec ce que l’on connaît : à cet égard Hayek ne ferait que proposer une variété à peine moins évidente de pensée révolutionnaire."
"Le problème majeur tient au refus hobbesien de toute tradition et de tout ancrage surnaturel, avec sa conséquence, le rejet oakeshottien des « inepties » du droit naturel classique. Comment concilier cela avec le conservatisme ? Oakeshott, on l’a vu, fonde ce dernier dans le cadre formel de la societas qui permet à chacun de se livrer en paix aux occupations qui lui sont chères et qui ne peuvent s’épanouir que s’il y a stabilité, cette dernière étant indissociable d’une ingérence étatique minimale. Ce qui compte est alors une vie dans le présent comme seule immortalité possible, et ce christianisme bien particulier du jeune Oakeshott explique sa lecture augustinienne de Hobbes qui réécrirait le péché originel et le Salut dans les métaphores de l’état de nature et du pacte. La supériorité, en dernière analyse, de l’individu sur la société se fonde dans cette dimension métaphysique en vertu de laquelle la spécificité humaine réside dans des choix moraux, par définition personnels, qui expliquent le refus oakeshottien de toute téléocratie. C’est là fonder un conservatisme hostile, certes comme ses autres variantes, aux dérives vers quelque sociolâtrie que ce soit, mais un conservatisme dont la marque exclusive est que ses fondements, sinon ses applications, rompent avec le droit naturel classique illustré par Leo Strauss."
-Norbert Col, « Michael Oakeshott, ou comment repenser le conservatisme ? Profil biobibliographique », Cités, 2001/4 (n° , p. 241-245. DOI : 10.3917/cite.008.0239. URL : https://www.cairn.info/revue-cites-2001-4-page-241.htm