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    Thomas Hobbes, Oeuvre

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Mar 9 Sep - 19:10

    http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan.html

    http://www.philo-online.com/TEXTES/HOBBES%20Thomas%20De%20la%20nature%20humaine.pdf

    "Pour se faire une idée claire des éléments du droit naturel et de la politique, il est important de connaître la nature de l'homme, de savoir ce que c'est qu'un corps politique et ce que nous entendons par loi."

    "Le pis-aller serait de laisser les hommes au point où ils en sont, je veux dire dans le doute et la dispute."

    "La nature de l'homme est la somme de ses facultés naturelles, telles que la nutrition, le mouvement, la génération, la sensibilité, la raison, etc. Nous nous accordons tous à nommer ces facultés naturelles ; elles sont renfermées dans la notion de l'homme que l'on définit un animal raisonnable."

    "Quoiqu'un homme ait vu constamment jusqu'ici le jour et la nuit se succéder, cependant il n'est pas pour cela en droit de conclure qu'ils se succéderont toujours de même, ou qu'ils se sont ainsi succédé de toute éternité. L'expérience ne fournit aucune conclusion universelle."

    "Si nous considérons combien les hommes sont sujets à faire des paralogismes ou de faux raisonnements, nous serons forcés de conclure qu'il est impossible de rectifier un si grand nombre d'erreurs sans tout refondre et sans reprendre les premiers fondements des connaissances humaines et des sens."

    "Chaque homme appelle bon ce qui est agréable pour lui-même et appelle mal ce qui lui déplaît. Ainsi chaque homme différant d'un autre par
    son tempérament ou sa façon d'être, il en diffère sur la distinction du bien et du mal ; et il n'existe point une bonté absolue considérée sans relation,
    car la bonté que nous attribuons à Dieu même n'est que la bonté relativement à nous
    ."

    "Tant que nous vivons nous avons des désirs."

    "C'est avec raison que les hommes éprouvent du chagrin quand ils ne savent que faire. Ainsi la félicité, par laquelle nous entendons le plaisir continuel, ne consiste point à avoir réussi mais à réussir."

    "Il y a peu d'objets dans ce monde qui ne soient mélangés de bien et de mal ; ils sont si intimement et si nécessairement liés que l'on ne peut obtenir l'un sans l'autre. C'est ainsi que le plaisir qui résulte d'une faute est joint à l'amertume du châtiment ; c'est ainsi que l'honneur est joint communément
    avec le travail et la peine. Lorsque dans la somme totale de la chaîne le bien fait la plus grande partie, le tout est appelé
    bon ; mais quand le mal fait pencher la balance, le tout est appelé mauvais."

    "L'on appelle honneur l'aveu du pouvoir ; honorer un homme intérieurement c'est concevoir ou reconnaître que cet homme a un excédent de pouvoir sur un autre homme avec qui il lutte ou auquel il se compare. L'on appelle honorables les signes pour lesquels un homme reconnaît le pouvoir ou l'excédent du pouvoir qu'un autre a sur son concurrent. [...] Il est honorable d'enseigner ou de persuader les autres parce que ce sont des signes de nos talents et de notre savoir. Les richesses sont honorables comme étant des signes du pouvoir qu'il a fallu pour les acquérir. [...] La noblesse est honorable par réflexion comme étant un signe du pouvoir qu'ont eu les ancêtres. L'autorité est honorable parce qu'elle est un signe de force, de sagesse, de faveur ou des richesses par lesquelles on y est parvenu. La bonne fortune ou la prospérité accidentelle est honorable parce qu'elle est regardée comme un signe de la faveur divine à laquelle on attribue tout ce qui nous vient par hasard et tout ce que nous obtenons par notre industrie. Les contraires ou les défauts de ces signes sont réputés déshonorants, et c'est d'après les signes de l'honneur ou du déshonneur que nous estimons et apprécions la valeur d'un homme."

    "Le courage [...] c'est le mépris de la douleur et de la mort lorsqu'elles s'opposent à un homme dans la voie qu'il prend pour parvenir à une fin."

    « La vie humaine peut être comparée à une course [...] Mais nous devons supposer que dans cette course on n'a pas d'autre but et d'autre récompense que de devancer ses concurrents. »

    "Voir tomber un autre, c'est disposition à rire. [...] Abandonner la course, c'est mourir."

    "Nous qui sommes des chrétiens nous admettons l'existence des anges bons et mauvais, et des esprits."

    "Le parti le plus sûr pour tout homme est de s'en rapporter plutôt à l'interprétation de l’Église qu'à son propre raisonnement ou à son propre esprit."

    "Honorer Dieu dans le fond de notre cœur est la même chose que ce que nous appelons honorer parmi les hommes ; ce n'est que reconnaître son pouvoir."
    -Thomas Hobbes, De la Nature humaine, 1640.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/behemoth/hobbes_behemoth.pdf

    http://www.catallaxia.free.fr/Hobbes%20-%20Le%20citoyen.pdf


    -Thomas Hobbes,Le Citoyen ou les fondements de la politique.
    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 12 Mai - 18:03

    http://philotra.pagesperso-orange.fr/levtabl.htm

    "Feu Monseigneur l’Évêque 1 de Derry a publié un livre intitulé La Capture du Léviathan, dans lequel il a réuni diverses phrases qu’il a choisies dans mon Léviathan où elles étaient clairement et solidement prouvées et où il les a présentées sans leurs preuves et sans l’ordre qui faisait qu’elles dépendaient les unes des autres. Il les a appelées athéisme, blasphème, impiété, subversion de la religion et a utilisé d’autres termes de ce genre."
    -Thomas Hobbes, Réponse à un livre publié par le Docteur Bramhall, feu l’Évêque de Derry intitulé La capture du Léviathan (1658).

    "La nature (l'art par lequel Dieu a fait le monde et le gouverne) est si bien imitée par l’art de l'homme, en ceci comme en de nombreuses autres choses, que cet art peut fabriquer un animal artificiel. Car, étant donné que la vie n'est rien d'autre qu'un mouvement de membres, dont le commencement est en quelque partie principale intérieure, pourquoi ne pourrions-nous pas dire que tous les automates (des engins qui se meuvent eux-mêmes, par des ressorts et des roues, comme une montre) ont une vie artificielle? Car qu'est-ce que le cœur, sinon un ressort, les nerfs, sinon de nombreux fils, et les jointures, sinon autant de nombreuses roues qui donnent du mouvement au corps entier, comme cela a été voulu par l'artisan. L'art va encore plus loin, imitant cet ouvrage raisonnable et le plus excellent de la Nature, l'homme. Car par l'art est créé ce grand LEVIATHAN appelé RÉPUBLIQUE, ou ÉTAT (en latin, CIVITAS), qui n'est rien d'autre qu'un homme artificiel, quoique d'une stature et d'une force supérieures à celles de l'homme naturel, pour la protection et la défense duquel il a été destiné, et en lequel la souveraineté est une âme artificielle, en tant qu'elle donne vie et mouvement au corps entier, où les magistrats et les autres officiers affectés au jugement et à l'exécution sont des jointures artificielles, la récompense et la punition (qui, attachées au siège de la souveraineté, meuvent donne vie et mouvement au corps entier, où les magistrats et les autres officiers affectés au jugement et à l'exécution sont des jointures artificielles, la récompense et la punition (qui, attachées au siège de la souveraineté, meuvent chaque jointure, chaque membre pour qu'il accomplisse son devoir) sont les nerfs, et [tout] cela s'accomplit comme dans le corps naturel : la prospérité et la richesse de tous les membres particuliers sont la force, le salus populi (la protection du peuple) est sa fonction, les conseillers, qui lui proposent toutes les choses qu'il doit connaître, sont la mémoire, l'équité et les lois sont une raison et une volonté artificielles, la concorde est la santé, la sédition est la maladie, et la guerre civile est la mort. En dernier, les pactes et les conventions, par lesquels les parties de ce corps politique ont en premier lieu étaient faites, réunies et unifiées, ressemblent à ce Fiat ou au Faisons l'homme prononcé par Dieu lors de la création."

    "Quiconque regarde en soi-même et considère ce qu'il fait quand il pense, opine, raisonne, espère, craint et sur quels principes, lira de cette façon et saura quelles sont les pensées et les passions de tous les autres hommes dans des situations semblables."

    "Celui qui doit gouverner une nation entière doit lire en lui-même, non un tel ou un tel, mais l'humanité, quoique ce soit difficile à faire, plus difficile que d'apprendre une langue ou une science."

    "Il n'est nulle conception dans l'esprit humain qui n'ait été d'abord, totalement ou par parties, causée au niveau des organes de la sensation). Les autres dérivent de cette origine."

    "Voyant que les rêves sont causés par l'agitation de certaines des parties intérieures du corps, des agitations différentes doivent nécessairement causer
    des rêves différents. Et de là, avoir froid quand on est couché fait naître des rêves de peur, et produit la pensée et l'image de quelque objet effrayant
    ."

    "Nous n'avons pas d'imagination dont nous n'avons pas antérieurement eu la sensation."

    "Le présent seul a une existence dans la réalité, les choses passées n'ont une existence que dans la mémoire, mais les choses à venir n'existent pas du tout, l'existence future n'étant qu'une fiction de l'esprit."

    "La prévision des choses à venir, qui est la prévoyance, n'appartient qu'à celui par la volonté duquel elles doivent arriver."

    "Qui, le premier, trouva l'usage de l'écriture, nous ne le savons pas. Celui qui, le premier, la fit entrer en Grèce fut Cadmus, le fils d'Agénor, roi de Phénicie. Une invention qui procure l'avantage de perpétuer la mémoire du temps passé, et de relier les hommes dispersés dans tant de régions
    éloignées de la terre
    ."

    "Tous les hommes ne sont pas affectés de la même façon par les mêmes choses, ni le même homme à des moments différents."

    "Un homme appelle sagesse ce que l'autre appelle crainte, et l'un appelle cruauté ce que l'autre appelle justice, l'un appelle prodigalité ce que l'autre appelle magnificence, l'un appelle gravité ce que l'autre appelle stupidité"

    "Tous les hommes, par nature, raisonnent de façon semblable, et ils raisonnent bien quand ils ont de bons principes."

    "Alors que la sensation et le souvenir ne sont qu'une connaissance d'un fait, qui est une chose passée et irrévocable, la science est la connaissance des consécutions, et de la dépendance d'un fait par rapport à un autre."

    "L'ignorance des causes et des règles ne mène pas les hommes si loin de leur chemin, que le fait de se fonder sur de fausses règles et de prendre pour causes de ce dont ils aspirent."

    "La lumière de l'esprit humain, ce sont des mots clairs, mais d'abord débarrassés des impuretés et purgés de toute ambiguïté, par d'exactes
    définitions.
    La raison est la marche, le développement de la science est le chemin, et l'avantage pour l'humanité est le but
    ."

    "Parce que la constitution du corps de l'homme est en continuelle mutation, il est impossible que toutes les mêmes choses causent toujours en lui les mêmes appétits et les mêmes aversions. Encore moins les hommes peuvent-ils s'accorder sur le désir d'un seul et même objet."

    "Parmi les plaisirs, les voluptés, certains naissent de la sensation d'un objet présent, et on peut les nommer plaisirs de la sensation [...] D'autres naissent de l'attente qui procède de la prévision de la fin ou des conséquences des choses, que ces choses plaisent ou qu'elles déplaisent dans la sensation, et ce sont, pour celui qui tire ces conséquences, des plaisirs de l'esprit."

    "Quelle que soit la chose à laquelle nous croyons [...] nous ne faisons qu'avoir foi en des hommes."

    "Si toutes les choses étaient au même niveau chez tous les hommes, rien n'aurait de prix."

    "Dans un bon écrit historique, le jugement doit être prédominant parce que la qualité repose sur un choix de méthode, sur la vérité, et sur le choix des actions qu'il est le plus utile de connaître. L'imagination n'a pas sa place, sinon pour orner le style."

    "En n'importe quel discours, si le défaut de discernement est apparent, quelque débridée 6 que soit l'imagination, le discours entier sera considéré comme le signe d'un manque d'esprit."

    "Ne pas avoir de désir, c'est être mort."

    "Existe-t-il une preuve plus grande de folie que de conspuer nos amis, les frapper et leur jeter des pierres. Pourtant, c'est là quelque chose de moindre que ce que fera une telle multitude. Car elle conspuera, se battra, et tuera ceux par qui, toute sa vie durant, elle a été protégée et mise à l'abri des dommages."

    "Le vin n'a pas d'autre effet que de supprimer la dissimulation."

    "Le registre de la connaissance des faits est appelée histoire."

    "La réputation d'avoir du pouvoir est un pouvoir."

    "Il en est des hommes comme des autres choses, ce n'est pas le vendeur, mais l'acheteur, qui détermine le prix. En effet, qu'un homme, comme la plupart des hommes, s'attribue la plus haute valeur possible, pourtant, sa vraie valeur n'est rien de plus que ce qui est estimé par autrui."

    "Prendre comme modèle quelqu'un, c'est l'honorer, car c'est l'approuver très vivement. Prendre comme modèle son ennemi, c'est attenter à son honneur."

    "Nous devons considérer que la félicité de cette vie ne consiste pas dans le repos d'un esprit satisfait, car ce finis ultimus (fin dernière) et ce summum bonum (souverain bien) dont on parle dans les livres des anciens moralistes n'existent pas. Celui dont les désirs arrivent à leur terme 4 ne peut pas
    plus vivre que celui dont les sensations et les imaginations sont arrêtées. La félicité est une continuelle marche en avant du désir d'un objet à un autre,
    l'obtention du premier n'étant toujours rien d'autre que le moyen d'atteindre le second. La cause en est que l'objet du désir humain n'est pas de jouir une seule fois, et pour un instant, mais d'assurer pour toujours le moyen de son futur désir
    ."

    "Le désir de bien-être et de plaisir sensuel dispose les hommes à obéir à un pouvoir commun, parce que de tels désirs leur font renoncer à la protection qu'ils pourraient espérer de leurs propres efforts et de leur propre peine. La crainte de la mort et des blessures les met dans les mêmes dispositions, et pour la même raison. Au contraire, des hommes ambitieux, téméraires et non satisfaits de leur condition présente, tout comme ceux qui aspirent à des postes de commandement militaire, sont inclinés à entretenir les causes de guerre et fomenter des troubles et des séditions, car il n'est d'honneur militaire que par la guerre, et d'espoir d'améliorer un mauvais jeu qu'en battant à nouveau les cartes."

    "Le désir de louange dispose les hommes aux actions louables, en tant que ces dernières plaisent à ceux dont ils estiment le jugement car, des hommes que nous méprisons, nous méprisons aussi le jugement."

    "Les bienfaits obligent, et une obligation est un esclavage."

    "Les hommes vaniteux, tels que ceux qui ont conscience qu'ils n'ont pas de grandes capacités, et qui se plaisent à s'imaginer qu'ils sont vaillants, sont
    seulement inclinés à l'ostentation, et ils ne tentent rien, parce que, quand apparaît le danger ou la difficulté, ils ne s'attendent qu'à une chose : qu'on découvre leur incapacité
    ."

    "La doctrine du juste et de l'injuste est perpétuellement un objet de débat [...] tant par la plume que par l'épée."

    "L'homme qui regarde trop loin devant lui par souci du temps futur a tout le jour le cœur rongé par la crainte de la mort, de la pauvreté, ou d'une autre infortune, et son angoisse ne connaît aucun repos, aucun répit sinon dans le sommeil."

    "Les Romains, qui avaient conquis la plus grande partie du monde connu, ne se firent aucun scrupule de tolérer n'importe quelle religion dans la cité même de Rome, à moins que quelque chose en elle ne pût s'accorder avec le gouvernement civil."

    "Il n'est pas possible que les deux termes d'une contradiction soient vrais."

    "Je peux attribuer tous les changements de religion dans le monde à une seule et même cause, et c'est le mécontentement à l'égard des prêtres"

    "La Nature a fait les hommes si égaux pour ce qui est des facultés du corps et de l'esprit que, quoiqu'on puisse trouver parfois un homme manifestement plus fort corporellement, ou d'un esprit plus vif, cependant, tout compte fait, globalement, la différence entre un homme et un homme n'est pas si considérable qu'un homme particulier puisse de là revendiquer pour lui-même un avantage auquel un autre ne puisse prétendre aussi bien que lui. Car, pour ce qui est de la force du corps, le plus faible a assez de force pour tuer le plus fort, soit par une machination secrète, soit en s'unissant à d'autres qui sont menacés du même danger que lui-même. Et encore, pour ce qui est des facultés de l'esprit, sans compter les arts fondés sur des mots, et surtout cette compétence qui consiste à procéder selon des règles générales et infaillibles, appelée science, que très peu possèdent, et seulement sur peu de choses, qui n'est ni une faculté innée née avec nous, ni une faculté acquise en s'occupant de quelque chose d'autre, comme la prudence, je trouve une plus
    grande égalité entre les hommes que l'égalité de force. Car la prudence n'est que de l'expérience qui, en des temps égaux, est également donnée à tous les hommes sur les choses auxquelles ils s'appliquent également. Ce qui, peut-être, fait que les hommes ne croient pas à une telle égalité, ce n'est que la conception vaniteuse que chacun a de sa propre sagesse, [sagesse] que presque tous les hommes se figurent posséder à un degré plus élevé que le vulgaire, c'est-à-dire tous [les autres] sauf eux-mêmes, et une minorité d'autres qu'ils approuvent, soit à cause de leur renommée, soit parce qu'ils partagent leur opinion. Car telle est la nature des hommes que, quoiqu'ils reconnaissent que nombreux sont ceux qui ont plus d'esprit [qu'eux-mêmes], qui sont plus éloquents ou plus savants, pourtant ils ne croiront guère que nombreux sont ceux qui sont aussi sages qu'eux-mêmes; car ils voient leur propre esprit de près, et celui des autres hommes de loin. Mais cela prouve que les hommes sont plutôt égaux qu'inégaux sur ce point. Car, ordinairement, il n'existe pas un plus grand signe de la distribution égale de quelque chose que le fait que chaque homme soit satisfait de son lot.

    De cette égalité de capacité résulte une égalité d'espoir d'atteindre nos fins. Et c'est pourquoi si deux hommes désirent la même chose, dont ils ne peuvent cependant jouir tous les deux, ils deviennent ennemis; et, pour atteindre leur but (principalement leur propre conservation, et quelquefois le seul plaisir qu'ils savourent), ils s'efforcent de se détruire ou de subjuguer l'un l'autre. Et de là vient que, là où un envahisseur n'a plus à craindre que la puissance individuelle d'un autre homme, si quelqu'un plante, sème, construit, ou possède un endroit commode, on peut s'attendre à ce que d'autres, probablement, arrivent, s'étant préparés en unissant leurs forces, pour le déposséder et le priver, non seulement du fruit de son travail, mais aussi de sa vie ou de sa liberté. Et l'envahisseur, à son tour, est exposé au même danger venant d'un autre
    ."

    "Pendant le temps où les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les maintienne tous dans la peur, ils sont dans cette condition qu'on appelle guerre, et cette guerre est telle qu'elle est celle de tout homme contre homme. [...]Dans un tel état, il n'y a aucune place pour un activité laborieuse, parce que son fruit est incertain; et par conséquent aucune culture de la terre, aucune navigation, aucun usage de marchandises importées par mer, aucune construction convenable, aucun engin pour déplacer ou soulever des choses telles qu'elles requièrent beaucoup de force; aucune connaissance de la surface de la terre, aucune mesure du temps; pas d'arts, pas de lettres, pas de société, et, ce qui le pire de tout, la crainte permanente, et le danger de mort violente; et la vie de l'homme est solitaire, indigente, dégoûtante, animale et brève."

    "Les désirs et les autres passions de l'homme ne sont pas en eux-mêmes des péchés. Pas plus que ne le sont les actions qui procèdent de ces passions, jusqu'à ce qu'ils connaissent une loi qui les interdise, et ils ne peuvent pas connaître les lois tant qu'elles ne sont pas faites, et aucune loi ne peut être faite tant que les hommes ne se sont pas mis d'accord sur la personne qui la fera."

    "Peut-être peut-on penser qu'il n'y a jamais eu une telle période, un état de guerre tel que celui-ci; et je crois aussi que, de manière générale, il n'en a jamais été ainsi dans le monde entier. [...] Mais, bien qu'il n'y ait jamais eu un temps où les particuliers fussent en un état de guerre de chacun contre chacun, cependant, à tout moment, les rois et les personnes qui possèdent l'autorité souveraine, à cause de leur indépendance, se jalousent de façon permanente 8, et sont dans l'état et la position des gladiateurs, ayant leurs armes pointées, les yeux de chacun fixés sur l'autre, c'est-à-dire avec leurs forts, leurs garnisons, leurs canons aux frontières de leurs royaumes et leurs espions à demeure chez les voisins, ce qui est [là] une attitude de guerre 9. Mais, parce que, par là, ils protègent l'activité laborieuse de leurs sujets, il n'en découle pas cette misère qui accompagne la liberté des particuliers."

    "Là où n'existe pas de loi, il n'y a aucune injustice."

    "Toutes les fois qu'un homme transmet son droit, ou qu'il y renonce, c'est soit en considération d'un droit qu'on lui transmet par réciprocité, soit pour quelque autre bien qu'il espère [obtenir] par ce moyen. [...] Le motif, la fin pour lesquels un homme accepte ce renoncement au droit et sa transmission n'est rien d'autre que la sécurité de sa personne."

    "Que celui qui est torturé se délivre par une accusation vraie ou fausse, il ne le fait que par le droit qu'il a de conserver sa propre vie."

    "La force des mots étant (comme je l'ai précédemment noté) trop faible pour contraindre les hommes à exécuter leurs conventions, il n'y a, dans la nature de l'homme, que deux remèdes imaginables pour leur donner de la force. Ce sont, soit une crainte de la conséquence du manquement à sa parole, soit la fierté, la l'orgueil de ne pas paraître avoir besoin de ce manquement. Cette deuxième [passion] est une grandeur d'âme qu'on trouve trop rarement pour qu'on puisse la présumer [chez les hommes], surtout [chez ceux] qui poursuivent la richesse, l'autorité, ou le plaisir sensuel, qui forment la plus grande partie du genre humain. La passion sur laquelle on doit compter est la crainte."

    "De cette loi de nature par laquelle nous sommes obligés de transmettre à autrui des droits qui, s'ils sont conservés, empêchent la paix du genre humain, il s'ensuit une troisième, qui est celle-ci : que les hommes exécutent les conventions qu'ils ont faites; sans quoi, les conventions sont [faites] en vain et ne sont que des paroles vides; et le droit de tous les hommes sur toutes choses demeurant, nous sommes toujours dans l'état de guerre. Et c'est en cette loi de nature que consiste la source et l'origine de la JUSTICE. Car là où aucune convention n'a précédé, aucun droit n'a été transmis, et tout homme a droit sur toute chose et, par conséquent, aucune action ne peut être injuste. Mais quand une convention est faite, alors la rompre est injuste, et la définition de l'INJUSTICE n'est rien d'autre que la non-exécution de convention. Et tout ce qui n'est pas injuste est juste."

    "La justice est une volonté constante de donner à chaque homme ce qui est sien."

    "Un homme juste (righteous) ne perd pas ce titre par une ou quelques actions injustes (unjust) qui procèdent d'une passion soudaine, ou d'une erreur sur les choses ou les personnes, pas plus qu'un homme injuste (unrighteous) ne perd son caractère par des actions qu'il fait, ou dont il s'abstient, par crainte; parce que sa volonté n'est pas réglée par la justice, mais par l'avantage manifeste de ce qu'il doit faire. Ce qui donne aux actions humaines la saveur de la justice est une certaine noblesse, un courage chevaleresque, qu'on trouve rarement, par lequel un homme dédaigne de devoir la satisfaction de son existence au vol et au non respect des promesses."

    "La justice distributive dans la distribution d'avantages égaux à des hommes de mérite égal."

    "De même qu'il est nécessaire que tous les hommes qui recherchent la paix sacrifient certains droits de nature, c'est-à-dire qu'ils n'aient pas la liberté de
    faire tout ce qui leur plaît, aussi il est nécessaire, pour la vie de l'homme, d'en conserver certains : comme le droit de gouverner son propres corps, de jouir de l'air, de l'eau, du mouvement, d'aller d'un endroit à un autre, et toutes les autres choses sans lesquelles un homme ne peut vivre, ou [du moins] ne peut vivre bien
    ."

    "Les hommes sont continuellement en rivalité pour l'honneur et la dignité."

    "Nombreux sont ceux qui se croient plus sages et plus capables que les autres de gouverner de meilleure façon la chose publique, qui tâchent de réformer et d'innover, l'un en ce sens, un autre en cet autre sens, et qui, de cette façon, la mènent au désordre et à la guerre civile."

    "La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, qui puisse être capable de défendre les hommes de l'invasion des étrangers, et des torts qu'ils peuvent se faire les uns aux autres, et par là assurer leur sécurité de telle sorte que, par leur propre industrie et par les fruits de la terre, ils puissent se nourrir et vivre satisfaits, est de rassembler tout leur pouvoir et toute leur force sur un seul homme, ou sur une seule assemblée d'hommes, qui puisse réduire toutes leurs volontés, à la majorité des voix, à une seule volonté; autant dire, désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour tenir le rôle de leur personne; et que chacun reconnaisse comme sien (qu'il reconnaisse être l'auteur de) tout ce que celui qui ainsi tient le rôle de sa personne fera, ou fera faire, dans ces choses qui concernent la paix et la sécurité communes; que tous, en cela, soumettent leurs volontés d'individu à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C'est plus que consentir ou s'accorder : c'est une unité réelle de tous en une seule et même personne, réalisée par une convention de chacun avec chacun, de telle manière que c'est comme si chacun devait dire à chacun : J'autorise cet homme, ou cette assemblée d'hommes, j'abandonne mon droit de me gouverner à cet homme, ou à cette assemblée, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit, et autorise toutes ses actions de la même manière. Cela fait, la multitude ainsi unie en une seule personne est appelée une RÉPUBLIQUE, en latin CIVITAS. C'est là la génération de ce grand LÉVIATHAN, ou plutôt, pour parler avec plus de déférence, de ce dieu mortel à qui nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection. [...] Et celui qui a cette personne en dépôt est appelé SOUVERAIN, et est dit avoir le pouvoir souverain. Tout autre individu est son SUJET."

    "Puisque le droit de tenir le rôle de la personne de tous est donné à celui qu'ils ont fait souverain, par une convention de l'un à l'autre seulement, et non du souverain à chacun d'eux, il ne peut survenir aucune rupture de convention de la part du souverain, et par conséquent, aucun de ses sujets ne peut être libéré de sa sujétion, en prétextant une quelconque forfaiture."

    "Par cette institution d'une République, chaque homme particulier est auteur de tout ce que le souverain fait et, par conséquent celui qui se plaint de ce qui lui est fait par son souverain se plaint de ce dont il est lui-même l'auteur, et il ne doit accuser personne, sinon lui-même. Non ! pas lui-même non plus, parce que se faire tort à soi-même est impossible."

    "Il appartient de droit à tout homme ou assemblée qui a la souveraineté d'être à la fois juge des moyens de la paix et de la protection, et aussi de ce qui les empêche et les trouble, et de faire tout ce qu'il jugera nécessaire de faire, autant par avance, pour préserver la paix et la sécurité, en prévenant la discorde à l'intérieur, et l'hostilité à l'extérieur, que, quand la paix et la sécurité sont perdues, pour les recouvrer. Et donc, sixièmement, il appartient à la souveraineté de juger des opinions et des doctrines qui détournent de la paix ou qui [au contraire] la favorisent, et, par conséquent, de juger aussi en quels hommes (et en quelles occasions, dans quelles limites) on doit placer sa confiance pour parler aux gens des multitudes et pour examiner les doctrines de tous les livres avant qu'ils ne soient publiés. Car les actions des hommes procèdent de leurs opinions, et c'est dans le bon gouvernement des opinions que consiste le bon gouvernement des actions des hommes en vue de leur paix et de leur concorde. Et quoiqu'en matière de doctrines, on ne doit considérer rien d'autre que la vérité, cependant il n'est pas contraire à la vérité de l'ajuster à la paix ; car les doctrines qui sont contraires à la paix ne peuvent pas plus être vraies que la paix et la concorde ne sont contraires à la loi de nature."

    "Si n'avait pas d'abord été acceptée par la plupart en Angleterre l'opinion que ces pouvoirs [ceux de la souveraineté] étaient divisés entre le roi, les lords, et la Chambre des Communes, le peuple n'aurait jamais été divisé et ne serait jamais tombé dans la guerre civile."

    "Dans la souveraineté se trouve la source de l'honneur. Les dignités de lord, comte, duc, prince sont ses créatures. De même que les serviteurs, en présence du maître, sont égaux, et sans aucun honneur, de même sont les sujets en présence du souverain."

    "Les plus grandes incommodités, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, que le peuple en général puisse connaître, ne sont guère sensibles par rapport aux misères et aux horribles calamités qui accompagnent une guerre civile."

    « Ceux qui sont mécontents sous la monarchie l'appellent tyrannie, et ceux à qui l'aristocratie déplaît l'appellent oligarchie. De même, ceux que la démocratie chagrine l'appellent anarchie (ce qui signifie absence de gouvernement); et pourtant, je pense que personne ne croit qu'une absence de gouvernement soit une nouvelle espèce de gouvernement. Pour la même raison, on ne doit pas non plus croire que le gouvernement est d'une espèce, quand on l'aime, et d'une autre quand on ne l'aime pas ou qu'on est opprimé par les gouvernants. »

    « L’entendement n'est jamais éclairé par la flamme des passions, il est aveuglé. »

    « Accuser requiert moins d'éloquence (telle est la nature de l'homme) qu'excuser, et la condamnation ressemble plus à la justice que l'absolution. »

    « Tout homme, par nature, recherche son propre profit et sa propre promotion »

    « Custodes libertatis [signfie : gardiens de la liberté.] »

    « Les hommes communément appelés esclaves n'ont aucune obligation et peuvent briser leurs fers et détruire leur prison, tuer ou emmener captif leur maître justement. »

    « La condition de l'homme dans cette vie ne sera jamais sans inconvénients. »

    « La liberté et la nécessité sont compatibles, comme dans le cas de l'eau qui n'a pas seulement la liberté, mais qui se trouve [aussi] dans la nécessité de s'écouler en pente en suivant le lit [du fleuve]. Il en est de même pour les actions que les hommes font volontairement, qui, parce qu'elles procèdent de leur volonté, procèdent de la liberté; et cependant, parce que chaque acte de la volonté de l'homme et chaque désir et chaque inclination procèdent de quelque cause, et cette cause d'une autre cause, dans une chaîne continue. »

    « Si le souverain ordonne à un homme, même justement condamné, de se tuer, de se blesser, ou de se mutiler, ou de ne pas résister à ceux qui l'attaquent, ou de s'abstenir d'user de nourriture, d'air, de médicaments, ou de quelque autre chose sans laquelle il ne peut vivre, cet homme a cependant la liberté de désobéir.
    Si un homme est interrogé par le souverain, ou par quelqu'un à qui il a conféré cette autorité, sur un crime qu'il a commis, il n'est pas tenu (sans l'assurance du pardon) d'avouer, parce que personne[…] ne peut être obligé par convention de s'accuser
    . »

    « Le travail d'un homme est aussi une marchandise qu'on peut échanger contre un gain, tout comme une quelconque autre chose. »

    « Et quand une colonie est établie, soit les hommes eux-mêmes se constituent en République, déchargée de la sujétion au souverain qui les a envoyés (comme il a été fait par de nombreuses Républiques de l'antiquité), auquel cas la République d'où ils viennent est appelée leur métropole, leur mère, et elle n'exige d'eux rien de plus que ce qu'un père exige de ses enfants qu'il émancipe et affranchit de son gouvernement domestique, c'est-à-dire l'honneur et l'amitié, soit, autrement, ils demeurent unis à la métropole, comme l'étaient les colonies du peuple de Rome, et ils ne constituent pas par eux-mêmes une République, mais une province, une partie de la République qui les a envoyés. »

    « Il appartient aussi à la nature du conseil que, quel qu'il soit, celui qui le demande ne peut pas en équité accuser ou punir celui qui a donné le conseil. »

    « En supposant un nombre égal de conseillers, on est mieux conseillé en les écoutant séparément que dans une assemblée. »

    « Un homme qui fait ses affaires en étant aidé par des conseillers nombreux et sages, en consultant chacun séparément, et dans son domaine de compétence, agit au mieux. »

    « La loi ne fut mise au monde pour aucune autre chose que de limiter la liberté naturelle des individus de telle manière qu'ils puissent, au lieu de se nuire, s'assister les uns les autres et s'unir contre un ennemi commun. »

    « Comme si une République pouvait subsister quand la force se trouve entre des mains que la justice n'a pas l'autorité de commander et de gouverner. »

    « Nous voyons tant de volumes publiés, tant de contradictions entre ces volumes, et au sein d'un même volume. »

    « Il est contraire à la loi de nature de punir l'innocent. »

    « Une loi fondamentale, dans toute République, est celle dont la disparition provoque la ruine et la dissolution complète de la République, comme un immeuble dont les fondations sont détruites. »

    « L'ambition et la convoitise sont aussi des passions qui pèsent 923 et pressent de façon permanente, tandis que la raison n'est pas perpétuellement présente pour leur résister. Toutes les fois donc que l'espoir de l'impunité se manifeste, leurs effets se produisent. »

    « Un homme est attaqué, il craint la mort immédiate, à laquelle il ne voit pas d'échappatoire, sinon en blessant celui qui l'attaque: s'il le blesse mortellement, ce n'est pas une infraction à la loi, parce que personne n'est censé, lors de l'institution de la République, avoir renoncé à la défense de sa vie ou de ses membres quand la loi n'intervient pas à temps pour lui porter secours. »

    « Une infraction qui naît d'une soudaine passion n'est pas aussi grave que la même infraction naissant d'une longue méditation. »

    « Un CHÂTIMENT est un mal infligé par l'autorité publique à celui qui a fait ou omis ce qui est jugé par cette autorité être une transgression de la loi, afin que la volonté des hommes soit par-là mieux disposée à l'obéissance. […]
    De cette définition du châtiment, j'infère, premièrement, que ni les vengeances privées ni les torts causés par les particuliers ne peuvent être appelés châtiments, parce qu'ils ne procèdent pas de l'autorité publique
    . »

    « On ne punit que quand la loi est transgressée. »

    « Jusqu'ici, j'ai montré la nature de l'homme, que l'orgueil et les autres passions ont contraint à se soumettre au gouvernement, ainsi que le grand pouvoir de son gouvernant, que j'ai comparé au Léviathan, tirant cette comparaison des deux derniers versets du chapitre 41 du livre de Job, où Dieu, après avoir montré le grand pouvoir du Léviathan, l'appelle le roi des orgueilleux : Il n'existe rien sur terre, dit-il, qui peut lui être comparé. Il est fait tel que rien ne l'effraie. Il considère toute chose élevée comme inférieure à lui, et il est le roi de tous les enfants de l'orgueil. Mais parce qu'il est mortel, et sujet à la corruption, comme toutes les créatures terrestres le sont, et parce qu'il y a au ciel, mais pas sur terre, ce qu'il doit craindre, et aux lois de qui il doit obéir, je parlerai dans les prochains chapitres de ses maladies et des causes de sa mort. »

    « Bien que rien de ce que fabriquent les mortels ne puisse être immortel, cependant, si les hommes avaient l'usage de la raison qu'ils prétendent avoir, leurs Républiques pourraient au moins être assurées de ne pas périr de maladies internes. »

    « Tout homme a certes une propriété qui exclut le droit de tout autre sujet, mais il ne la tient que du pouvoir souverain, sans la protection duquel tout autre homme aurait un droit sur elle. »

    « Il existe une sixième doctrine, qui est manifestement et directement contraire à l'essence de la République, qui est celle-ci : que le pouvoir souverain peut être divisé. »

    « Soit le pouvoir civil, qui est le pouvoir de la République, doit être subordonné au pouvoir spirituel, et alors n'existe qu'une souveraineté, la souveraineté spirituelle, soit le pouvoir spirituel doit être subordonné au pouvoir temporel, et alors il n'y a qu'une suprématie, la suprématie temporelle. Quand donc ces deux pouvoirs s'opposent l'un à l'autre, la République ne peut qu'être en grand danger de guerre civile et de dissolution. »

    « La sécurité du peuple requiert, de celui ou de ceux qui détiennent le pouvoir souverain, que la justice soit rendue avec égalité, quel que soit le rang des sujets, c'est-à-dire que les riches et puissants, aussi bien que les pauvres et obscurs puissent obtenir justice pour les torts qui leur sont faits, de sorte que les premiers ne puissent avoir de plus grand espoir d'impunité quand ils font violence aux seconds, les déshonorent, ou leur causent un tort que l'un de ces derniers quand il fait la même chose à l'égard de l'un d'eux; car c'est en cela que consiste l'équité, à laquelle, en tant qu'elle est un précepte de la loi de nature, un souverain est aussi assujetti que le plus petit sujet de son peuple. »

    « L’honneur des grands doit être évalué en fonction de leur bienfaisance. »

    « Attendu que beaucoup d'hommes, à la suite d'accidents inévitables, deviennent incapables de subvenir à leurs besoins par leur travail, ils ne doivent pas être abandonnés à la charité des particuliers, mais les lois de la République doivent pourvoir à leurs besoins, dans les limites que requièrent les nécessités naturelles. En effet, tout comme c'est un manque de charité de la part d'un homme de ne prendre aucun soin des invalides, c'en est aussi un de la part du souverain de la République que de les exposer au hasard d'une charité aussi incertaine. »

    « Quand le monde entier est surpeuplé, alors le dernier recours est la guerre, qui pourvoit au sort de chacun, par la victoire ou par la mort. »

    « Cette affection des soldats, si la fidélité du commandant n'est pas garantie, est une chose dangereuse pour le pouvoir souverain, surtout quand ce dernier est entre les mains d'une assemblée impopulaire. »

    « Ces philosophes qui disaient que le monde, ou l'âme du monde, était Dieu, en parlaient d'une manière indigne, et niaient son existence, car, par Dieu, il faut entendre la cause du monde, et dire que le monde est Dieu est dire qu'il n'a pas de cause, c'est-à-dire qu'il n'existe aucun Dieu. […] Dire que le monde n'a pas été créé, mais est éternel, c'est nier qu'il y ait un Dieu, vu que ce qui est éternel n'a pas de cause. »

    « Je retrouve quelque espoir qu'un jour ou l'autre, cet écrit, mon écrit, puisse tomber entre les mains d'un souverain qui l'étudiera par lui-même (car il est court, et, je pense, clair), sans l'aide de quelque interprète intéressé ou envieux, et qui, par l'exercice de l'entière souveraineté, en protégeant l'enseignement public de cet écrit, convertira cette vérité spéculative en utilité pratique. »
    -Thomas Hobbes, Léviathan. Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile (1651).


    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Mer 3 Mai - 20:55, édité 1 fois


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    Message par Johnathan R. Razorback Mar 1 Nov - 12:13

    « Je présente […] quatre courts dialogues concernant la mémorable guerre civile qui eut lieu sur le territoire de sa Majesté de 1640 à 1660. […] Il ne peut rien y avoir de plus instructif pour la loyauté et la justice que le souvenir de cette guerre, tant qu’il durera. » (p.5-6)

    « Si, dans le temps comme dans l’espace, il y avait des degrés du haut et du bas, je crois vraiment que le sommet du temps serait ce qui s’est passé entre 1640 et 1660. En effet, celui qui, de ce sommet comme de la Montagne du Diable, considérerait le monde et observerait les actions des hommes, surtout en Angleterre, pourrait avoir une vue de toutes les sortes d’injustice et de toutes les sortes de folie que le monde pût [alors] offrir. » (p.6)

    « En l’an 1640, le gouvernement d’Angleterre était monarchique et le roi régnant, Charles, premier du nom, tenait la souveraineté du droit d’une lignée ininterrompue de six cent ans, était [aussi] roi d’Ecosse par une lignée plus longue et était roi d’Irlande depuis l’époque de son ancêtre Henri II. C’était un homme qui ne manquait pas de vertu, tant pour le corps que pour l’esprit, et qui s’efforçait surtout de remplir ses devoirs envers Dieu en gouvernant bien ses sujets. » (p.7)

    « Mais le peuple était, dans l’ensemble, corrompu et les personnes désobéissantes étaient jugées les meilleurs patriotes. » (p.7)

    « Le trésor du Roi était très bas et ses ennemis, qui prétendaient soulager le peuple des impôts et d’autres choses illusoires, avaient le commandement de la bourse de la cité de Londres, de la plupart des cités et des villes incorporées [c.a.d dotées d’une chartre d’auto-administration] d’Angleterre et, en plus, de nombreux particuliers. » (p.Cool

    « Les séducteurs étaient de plusieurs sortes. Il y avait d’abord des ministres ou, comme ils s’appelaient, des ministres de Dieu et, parfois, dans leurs sermons, ils se nommaient ambassadeurs de Dieu, prétendant tenir de Dieu le droit de gouverner tout le monde dans leur paroisse et d’avoir leur assemblée qui gouverne la nation entière.
    Deuxièmement, il y en avait un grand nombre, quoique non comparable à l’autre, qui, bien que le pouvoir du Pape, aussi bien temporel qu’ecclésiastique, ait été aboli par un Acte du Parlement, continuait à croire que nous devions être
    gouvernés par le Pape qui, prétendaient-ils, était le vicaire du Christ et qui devait, par le droit du Christ, gouverner tous les Chrétiens. Et ceux-là étaient connus sous le nom de Papistes alors que les ministres que j’ai mentionnés auparavant, étaient généralement appelés Presbytériens. 10
    Troisièmement, il y en avait – et ils n’étaient pas une minorité – qui ne se découvrirent pas au début des troubles mais se déclarèrent peu après pour la liberté religieuse ; et ils avaient des opinions différentes les uns des autres. Certains d’entre eux, parce qu’ils voulaient que toutes les assemblées de fidèles soient libres et indépendantes les unes des autres, étaient appelés Indépendants ; et il y avait différentes autres sectes, comme les Quakers, les Adamites, etc., dont je ne me rappelle pas bien les noms et les doctrines particulières. C’étaient là les ennemis qui s’élevèrent contre sa Majesté à partir de l’interprétation privée de l’Ecriture exposée à l’examen de tout homme dans sa langue maternelle. D’autres, qui soutenaient que baptiser des enfants ou ceux qui ne comprennent pas en quoi ils entrent par le baptême est sans effet, étaient pour cela appelés anabaptistes. D’autres, qui soutenaient que le royaume du Christ devait commencer sur la terre maintenant étaient appelés les hommes de la cinquième monarchie.
    Quatrièmement, il y avait un très grand nombre d’hommes du meilleur genre qui avaient été éduqués d’une façon telle qu’ils avaient lu dans leur jeunesse les livres des hommes célèbres des anciennes républiques grecque et romaine concernant leur organisation politique et leurs grandes actions et, comme ces livres faisaient l’éloge du gouvernement populaire en lui donnant le nom glorieux de liberté et couvraient de honte la monarchie en l’appelant tyrannie, ces hommes, à cause de cela, tombèrent amoureux de leurs formes de gouvernement. Et c’est parmi ces hommes que fut choisie la majorité des membres de la Chambre des Communes et, quand ils ne formaient pas la majorité, ils étaient toujours capables, grâce à leur éloquence, d’influencer les autres.
    Cinquièmement, la ville de Londres et d’autres grandes villes commerciales, admirant la grande prospérité des Pays-Bas après leur révolte contre leur monarque, le Roi d’Espagne, inclinaient à croire que le même changement de gouvernement ici leur donnerait une prospérité identique.
    Sixièmement, il y en avait un très grand nombre qui, soit avaient gaspillé leur fortune, soit la jugeaient trop mince par rapport aux talents qu’ils croyaient avoir en eux ; et il y en avait encore davantage qui étaient physiquement robustes mais qui ne voyaient pas de moyens honnêtes de gagner leur pain. Ils attendaient impatiemment la guerre et espéraient vivre ensuite d’un choix heureux de ralliement à un parti, et c’est pour cela qu’ils servirent la plupart sous ceux qui avaient le plus d’argent.
    Enfin, le peuple, dans son ensemble, ignorait tant son devoir que, peut-être, pas un sur dix mille ne savait quel droit avait quelqu’un de le commander ou en quoi il était nécessaire qu’il y eût un Roi ou une République en faveur de qui il devait se séparer de son argent contre sa volonté, et la plupart croyaient être à tel point maîtres de ce qu’ils possédaient qu’il était impossible de leur prendre leurs possessions sous prétexte de sécurité commune sans leur propre consentement. Roi, pensaient-ils, n’était que le titre d’honneur le plus élevé dont gentilhomme, chevalier, baron, comte, duc, n’étaient que des degrés pour s’élever à l’aide des richesses
    . » (p.8-12)

    « A. Par pouvoir spirituel, [les Papistes] entendent le pouvoir de déterminer des points de foi, d’être juges, au tribunal intérieur de la conscience, des devoirs moraux, et le pouvoir de punir les hommes qui n’obéissent pas à leurs préceptes par la censure ecclésiastique, c’est-à-dire par l’excommunication. Et ce pouvoir, disent-ils, le Pape le tient directement du Christ sans dépendre du roi ou de l’assemblée souveraine dont sont sujets ceux qui se trouvent excommuniés. Quant au pouvoir temporel, qui consiste à juger et à punir les actions qui vont contre les lois civiles, ils disent qu’ils n’y prétendent pas directement mais seulement indirectement, c’est-à-dire pour autant que de telles actions tendent à empêcher ou à favoriser la religion et les bonnes mœurs, ce qu’ils entendent quand ils disent in ordine ad spiri-tualia.
    B. Quel pouvoir reste-t-il alors aux rois et aux autres souverains civils que le Pape ne puisse pas prétendre détenir in ordine ad spiritualia ?
    A. Aucun ou très peu. [Et ce pouvoir, non seulement le Pape y prétend dans toute la Chrétienté mais la plupart des évêques aussi, dans leurs diocèses respectifs, jure divino, c’est-à-dire directement du Christ sans qu’il dérive du Pape.]
    B. Mais que se passe-t-il si un homme refuse d’obéir à ce prétendu pouvoir du Pape et de ses évêques ? Quel mal l’excommunication peut-elle lui faire, surtout s’il est sujet d’un autre souverain ?
    A. Un très grand mal car, si le Pape ou les évêques signifient cette excommunication au pouvoir civil, il sera bel et bien puni. » (p.15)
    « B. Le pouvoir de délier les sujets de leur obéissance, comme aussi cet autre pouvoir d’être juge des mœurs et de la doctrine, est une souveraineté aussi absolue qu’il est possible, et la conséquence est qu’il y a nécessairement deux royaumes en une seule et même nation et que personne ne sait auquel des deux maîtres il faut obéir
    . » (p.17)

    « A. Hérésie est un mot qui, quand on l’utilise sans passion, signifie une opinion privée. Ainsi, les différentes sectes des anciens philosophes, académiciens, péripatéticiens, épicuriens, stoïciens, etc., étaient appelées hérésies. Mais, dans l’Eglise chrétienne, la signification du mot englobait le péché d’opposition à celui qui était le juge suprême des doctrines concernant le salut de l’âme humaine ; et, par conséquent, l’hérésie peut être dite avoir avec le pouvoir spirituel la même relation que la rébellion a avec le pouvoir temporel, et il convient qu’elle soit persécutée par celui qui veut conserver le pouvoir spirituel et l’empire sur les consciences des hommes. » (p.18-19)

    « A. Après que l’inondation du peuple du Nord eut submergé les parties occidentales de l’empire et eut pris possession de l’Italie, le peuple de la cité de Rome se soumit, aussi bien dans le domaine temporel que spirituel, à son évêque et, pour la première fois, le Pape fut un prince temporel ; et il n’eut plus cette grande peur des Empereurs qui vivaient loin de là, à Constantinople. C’est à cette époque que le Pape commença, en prétextant son pouvoir spirituel, à empiéter sur les droits temporels de tous les autres princes d’occident ; et il continua ainsi à gagner sur eux jusqu’à ce que son pouvoir fût à son apogée, pendant à peu près les trois siècles qui s’écoulèrent entre le huitième et le onzième siècles, c’est-à-dire entre le Pape Léon III et le Pape Innocent III. En effet, à cette époque, le Pape Zacharie Ier déposa Chilpéric, alors Roi de France et donna le royaume à l’un de ses sujets, Pépin. » (p.22)

    « Le pouvoir des puissants ne se fonde que sur l’opinion et la croyance du peuple. » (p.28)

    « Il en est peu dont la conscience soit si tendre qu’ils refusent de l’argent quand ils en manquent. » (p.30)

    « Sous le règne du Roi Edouard VI, la doctrine de Luther avait tant pris racine en Angleterre qu’ils rejetèrent un grand nombre de nouveaux articles de foi du Pape, que la Reine Marie, qui lui succéda, rétablit avec tout ce qui avait été aboli par Henri VIII, sauf les maisons religieuses (qui ne pouvaient pas être rétablies) ; et les évêques et le clergé du Roi Edouard furent brûlés comme hérétiques ou s’enfuirent ou se rétractèrent. Et ceux qui s’enfuirent s’en allèrent vers des lieux où la religion réformée était soit protégée, soit non persécutée et, après le décès de la Reine Marie, ils revinrent et trouvèrent faveurs et charges pendant le règne de la Reine Elisabeth qui restaura la religion de son frère, le Roi Edouard. Et cela continua jusqu’à ce jour, sauf pendant l’interruption dont fut responsable la récente rébellion des presbytériens et autres démocrates. Mais, bien que la religion romaine fût désormais bannie par la loi, il y avait pourtant abondance de gens – et ils étaient nombreux à être nobles – qui conservèrent la religion de leurs ancêtres et qui, n’étant pas tracassés sur des points de conscience, n’avaient pas d’inclinations personnelles gênantes pour le gouvernement civil. Mais, par les pratiques secrètes des Jésuites et d’autres émissaires de l’Eglise romaine, on les rendit moins calmes qu’ils n’auraient dû l’être et certains d’entre eux se risquèrent au plus horrible acte dont on ait entendu parler, je veux parler de la Conspiration des poudres. C’est pour cette raison que les Papistes d’Angleterre ont été considérés comme des hommes qui ne se désoleraient pas des désordres qui, ici, pourraient permettre de restaurer l’autorité du Pape ; et je pense qu’ils constituent l’un des maux dont a souffert l’Etat d’Angleterre à l’époque de notre défunt Roi Charles. » (p.31-32)
    -Thomas Hobbes, Béhémoth ou le Parlement, 1679. Pagination d’après l’édition des Classiques des sciences sociales.


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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 26 Sep - 14:47

    "On ne saurait accéder à sa signification philosophique en en faisant l'expression d'un parti politique (même si l'auteur prend parti), d'une classe sociale (même si l'auteur se définit lui-même comme domestique), ni d'une école (même si Hobbes, pour qui Dieu même est corps, est matérialiste), ni d'une église (même si le dieu hobbesien est plus un mot du vocabulaire que l'être révélé et révéré). Ce sont là, en somme, les contextes de l'œuvre, ou plutôt quelques-uns de ses contextes. Aussi, si cette œuvre, tout de même étrange avec ses centaines de pages d'exégèse biblique, où l'on trouve des affirmations pour le moins goguenardes sur les « sortilèges » à l'œuvre dans la transsubstantiation, où l'on dit que l'image de la Vierge Marie a probablement pour origine quelque image bien païenne de Vénus, cependant que celle de l'Enfant Jésus doit probablement être une sorte de réplique de Cupidon, où l'on dit encore que l'église catholique et romaine est le royaume des fées, et mille autres choses de même gravité, si cette œuvre, donc, doit être comprise comme œuvre philosophique, il importe certainement non pas d'aller au-delà de ces affirmations scandaleuses, mais au contraire de s'y installer et de voir en quoi elles sont au cœur du sérieux philosophique."

    "Hobbes, en ce domaine éthique, juridique et politique, n'est pas un moderne, il est le moderne."

    "Hobbes exprime explicitement l'ambition de voir son œuvre former la base de l'enseignement universitaire de son temps."

    "Puisque, dit Hobbes, substance signifie la corporéité, on ne voit pas ce que peut bien vouloir dire l'expression « substance incorporelle », autrement dit corps incorporel. Autant parler de cercle carré. Pourtant, on parle gravement et subtilement de « substance incorporelle » à l'université d'Oxford et ailleurs, on emploie aussi des mots tels que « péché », « loi », « liberté » et « justice » ; on dispute aussi de la signification des mots « anges », « esprits », « vie éternelle », des « prophètes » (les vrais et les faux), et de ce mot « dieu » dont justement il importe de savoir qu'il est incompréhensible, c'est-à-dire que la chose à quoi le mot renvoie ne saurait être appréhendée par un esprit fini, tant elle est infinie. Si donc, comme je le disais plus haut, Léviathan est le livre d'une fondation, c'est d'abord parce qu'il est le livre des définitions d'un monde qui est encore le nôtre, non dans le sens où il réformerait le vocabulaire de nos conversations, mais parce qu'il réforme le vocabulaire de la philosophie, c'est-à-dire du concept de monde. Le monde tel que Léviathan le conçoit est le monde historique dans lequel nous sommes, ce n'est plus le monde divin, immobile et plat, c'est le monde profane de l'action historique, le monde de la volonté et du calcul, c'est le monde des forces et de la force. C'est un monde qui n'est pas exactement sans dieu, mais où dieu est un mot."

    "Leviathan, or The Matter, Forme, & Power of a Common-wealth Ecclesiasticall and Civill, by Thomas Hobbes of Malmesbury sort des presses à Londres au printemps 1651, dans un contexte à la fois despotique et chaotique de lendemain de guerre civile et de révolution. La Chambre des Lords est dissoute, la monarchie est abolie. Cromwell défait militairement les royalistes (et s'imagine déjà ce qu'il va bientôt être : Lord Protector) non pas ceux du parti de Charles Ier qui a été exécuté dans les formes deux ans plus tôt, mais de Charles II exilé en France, là même où Hobbes séjourne depuis plus de dix ans et où, depuis 1648, la fronde parlementaire met ce pays, lui aussi, au bord de la guerre civile. Le destin de l'État moderne est en jeu dans l'histoire anglaise du XVIIe siècle et dans l'histoire française au temps de celui qui, pour être Louis XIV depuis 1643, n'est pas encore Roi Soleil, mais le devient. Il y a un monde qui se dessine fermement au travers des guerres civiles et des révolutions, succédant au tournant prodigieux du siècle précédent, celui de la Renaissance, de l'Humanisme et de la Réforme. Or, précisément, le vent de la Réforme souffle encore violemment en Angleterre : le catholicisme n'est pas vaincu, l'anglicanisme n'est pas assuré, et le calvinisme qui a pris pied en Écosse est plein d'ambition. L'Angleterre est au carrefour théologico-politique du monde nouveau – celui du recul des églises au profit de l'affirmation toute profane de la puissance civile, l'État en personne."

    "Les solutions politiques sont les effets d'une ontologie de l'humain où, comme on va le voir, les hommes étant voués à la finitude sont, par cette cause même, voués à l'obéissance. Pour autant, il n'y a là aucune concession faite a la tradition chrétienne d'une créature pécheresse quoique baptisable soumise au vouloir divin par église interposée puisque, tout au contraire, la prise en compte de la finitude humaine ouvre chez Hobbes le champ libre à la volonté des hommes. Dieu est un mot. Du coup, la position de Hobbes est intenable : tout le monde (ou presque) est anti-hobbesien : les églises, les rois, les universités. Il est hérétique et athée et l'on brûlera bientôt Léviathan (en y joignant aussi De cive) puisqu'il ressort de ce texte infernal, non seulement que « dieu » est un mot, mais encore qu'il y est établi que ce mot renvoie à un corps – matière spatio-temporelle."

    "Il y a en effet un « ennemi » qui fausse les définitions, triche avec les règles, obscurcit l'entendement, trompe les gens et manipule les consciences ; c'est cet ennemi qui forme la première cible de l'œuvre. Il s'agit du soi-disant droit auquel prétend telle ou telle église de s'arroger la puissance civile ou, si l'on veut, pour employer un vocable que Hobbes précisément disqualifie comme étant fictif et trompeur, l'ennemi c'est le pouvoir ecclésiastique, se présentant comme « pouvoir spirituel » revendiquant l'autorité sur le pouvoir temporel. L'ennemi est la prétention ecclésiastique à la souveraineté. [...] Tel est le monde des « ténèbres » que Hobbes entreprend d'écarter en faisant la lumière. « Nous sommes donc encore dans les ténèbres, écrit-il. L'ennemi s'est installé dans la nuit de notre ignorance naturelle, et il a semé l'ivraie des erreurs spirituelles : car premièrement nous errons en faussant les Écritures et en en cachant la clarté ; deuxièmement, en introduisant la démonologie des poètes païens, c'est-à-dire leurs fables au sujet des démons qui ne sont que des idoles ou des fantaisies du cerveau, sans réalité propre distincte de l'imagination, comme sont les esprits des morts, les elfes et autres matières des récits de vieilles femmes ; troisièmement, en mélangeant avec l'Écriture les restes divers de la religion et plus encore de la vaine et fausse philosophie des Grecs, en particulier celle d'Aristote, quatrièmement, en combinant avec celles-ci des traditions fausses et douteuses ainsi que de l'histoire frelatée et incertaine » (chapitre 44). Comme on le voit, il y a un ennemi tapi dans la cité."

    "Derrière la critique des ténèbres que sont les mots dépourvus de signification, il y a le souci d'éclairer les gens sur eux-mêmes, de les amener à penser librement pourvu qu'ils respectent leur promesse d'obéir."

    "Depuis Adam, les humains sont immergés dans l'opinion. Et l'opinion, c'est fondamentalement l'aristotelity, fausse science païenne s'énonçant en des mots qui ne veulent rien dire, reprise et développée par l'église romaine et relayée, enseignée dans les universités, par exemple à Oxford où le jeune Hobbes fit ses classes en découvrant avec horreur l'inanité d'un vocabulaire d'où démonstration et preuve étaient absentes. Fausse science et « vaine philosophie » (deux choses identiques) sont donc pour ainsi dire les effets, dans l'ordre de la connaissance, de ce mal fondamental. En effet puisque, comme on l'a dit, le Christ a laissé aux humains le soin de rechercher les causes, alors qu'il aurait pu les libérer de l'ignorance, il faut sans doute penser que l'ignorance est en somme l'autre versant du mal et une figure de la finitude. Dans le chapitre 12 sur la religion, Hobbes explique d'ailleurs que l'origine de la religion vient du désir naturel humain de rechercher les causes. On peut donc penser que la vaine philosophie et ses relais institutionnels sont des obstacles à la constitution de la moralité. En ce sens, l'entreprise morale de Hobbes passe nécessairement par la mise en question radicale des connaissances enseignées, par un recommencement premier de la science du monde."

    "La critique est formulée la clé capable de libérer les humains des ténèbres et de l'ignorance : c'est la géométrie. Le monde est un ensemble de lignes et de figures en sorte que le discours sur le monde doit être lui aussi géométrique. Et la moralité sera elle aussi exposée géométriquement. C'est-à-dire qu'elle consistera – et Léviathan en est l'exposé le plus systématique (i.e. complet) – à construire la méthode de la paix civile, si l'on peut dire, à partir de définitions. Qu'est-ce donc que la définition, c'est-à-dire la détermination des significations des mots ? Répondre à cette question c'est proprement définir la science elle-même ou philosophie."

    "Hobbes, à la suite de Descartes, fait sien l'argument sceptique selon lequel je ne saurais faire l'expérience vraie du monde extérieur, la seule chose dont je puisse être certain étant l'activité de ma pensée ou plutôt de mon cerveau. Dans son Discours de la Méthode (1637) que Hobbes reçoit à Londres, Descartes recourt à l'idée d'un doute universel, tel que rien ne m'assure absolument que je ne rêve pas de ce dont je fais l'expérience et que je tiens pour réel. Hobbes, quant à lui, en vient à concevoir une expérience identique suggérant que la philosophie (science) doit avoir son origine dans l'hypothèse de l'annihilation totale du monde, à l'exception d'un seul cerveau, de sorte que la philosophie aurait alors à établir ce qu'un tel cerveau serait capable de se représenter. La différence d'avec Descartes est notamment que ce cerveau serait certain de l'existence des corps en dehors de lui et de leur mouvement sans avoir besoin de recourir à l'idée de Dieu pour s'en assurer. Il n'est rien dans la nature ou monde (universalité de ce qui est) qui ne soit corporel. L'universelle corporéité est dès lors susceptible de mesure, calcul et géométrie. La science est donc axiomatique, partant de définitions elle produit les propriétés de ses objets et figures en les engendrant."

    "Là où Descartes cherchait à fonder pareille certitude dans la subjectivité du cogito en en trouvant la garantie en Dieu, Hobbes trouve radicalement le fondement de ce qui est certain dans le langage, c'est-à-dire dans la définition non contradictoire des mots et appellations, dans le contrôle rigoureux des enchaînements de raisonnement, bref dans la géométrisation du discours."

    "Il n'est pas douteux que Hobbes qui ne cite jamais Bodin dans son maître livre connaît évidemment l'ouvrage."

    "Hobbes, tout en acceptant l'idée bodinienne d'une fondation des États par la force, c'est-à-dire par la conquête ou acquisition, s'en sépare néanmoins pour fonder dans le contrat et la promesse d'obéissance la toute-puissance de la loi souveraine. Une telle fondation de l'État – souveraineté absolue de la loi – est, paradoxalement, plus certaine et assurée si elle repose sur le consentement des sujets que si elle repose seulement sur la domination de la force. En effet, à la force peut répondre la force et, par conséquent, la domination par la force seule n'est d'une certaine manière qu'une figure de l'état de nature. La différence essentielle existant entre les Six Livres et Léviathan est que ce dernier ouvrage élabore un modèle théorique qui démontre que la force est plus faible que le consentement pour instituer la souveraineté absolue."

    "Parce que le peuple trouve en dehors de lui (dans le souverain) le centre de son être, il n'existe que comme fiction du langage, sans réalité car sa corporéité est tout entière incarnée dans le souverain. Du coup, la promesse que les individus font, ils se la font à eux-mêmes, car ils se l'adressent les uns aux autres, ils n'adressent pas la parole au souverain. S'il y a une promesse d'obéir sur laquelle Hobbes fait reposer la soumission des sujets, cette promesse ne lui a pas été faite à lui, car elle a seulement été faite entre eux, en sa faveur. De plus, quand les individus se font mutuellement cette promesse – que le souverain recueille pour lui-même – ils la font à un moment où ils sont encore des individus de la multitude, de sorte que la ruse hobbesienne consiste ici à faire comme si elle valait pour leur condition de sujet – entendons de citoyen. Le je de la multitude se soumet donc pour l'avenir en tant que je d'un peuple qui n'est déjà plus."

    "Alors que Bodin faisait du peuple un souverain possible, au même titre que le roi ou une aristocratie, Hobbes retire au peuple la souveraineté au moment même où il fait reposer sur lui toute souveraineté possible. La figure est subtile et délicate, mais parfaite comme un cercle. Et de ce serment originaire, d'où le peuple vient juste de disparaître, se déduisent quelques définitions claires et distinctes."

    "Le Christ ne nous a pas éclairés surnaturellement sur la causalité des choses et sur ce qui distingue le juste de l'injuste. Cette affirmation est grosse de conséquences : le christianisme n'est pas la religion qui, d'elle-même, éclaire les humains sur le juste et l'injuste. Pour cela, il faut qu'elle soit transformée en religion civile par le souverain qui en énoncera les dogmes."

    "C'est en 1636 que Hobbes rencontra Galilée."
    -Gérard Mairet, "Hobbes, matérialisme et finitude", Introduction à Thomas Hobbes, Léviathan, ou, matière, forme et puissance de l'État chrétien et civil, Gallimard, Folio, 6e édition, 2009.

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    -Thomas Hobbes, Léviathan, ou, matière, forme et puissance de l'État chrétien et civil, Gallimard, Folio, 6e édition, 2009.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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