http://culturalgangbang.blogspot.fr/
Le premier romantisme attaché à l’idée de Révolution est évidemment celui du révolutionnaire exalté : le gars qui a vu juste avant les autres, dont le désir préfigure celui du monde, le type qui a choisi de se lever et qui entraîne à sa suite l’ensemble de la société. Le révolutionnaire exalté porte la voix du peuple, du corps social, c’est un meneur. Il se tient au sommet d’une vague qui raflera tout sur son passage, ouvrant le chemin vers la Liberté – et que crèvent les bourgeois et ceux qui s’entêtent à ne pas comprendre son rêve ! Le profil est bien connu, mille fois représenté et exploité : c’est la figure de Guevara, de Rimbaud, de Robespierre…
Il existe malgré tout un autre romantisme de la Révolution, certainement moins vu à la télé : celui de la figure contre-révolutionnaire, comme on pourrait l’appeler. Non pas le réactionnaire militant, mais celui que la soudaine agitation sociale importune ou menace. Celui qui se trouve sur le passage des excités alors qu’il n’a rien demandé. Celui dont la tranquillité est subitement mise en péril par la Nouvelle Société et ses desiderata. Celui qui est bien où il est et qui n’entend pas bouger.
On en trouve un exemple dans le film Le vieux fusil, où Philippe Noiret fait face à une troupe de soldats allemands qui ont squatté son château, tué sa fille et sa femme, et qui pillent allègrement ses vivres. Si l’on veut bien considérer cette troupe comme « révolutionnaire », elle fait irruption, saccage tout, et le personnage de Noiret lui oppose une curieuse vengeance : une vengeance froide, réactive, méthodique, dépourvue d’idéologie et de passion. Il vient simplement « nettoyer toute cette merde ».
On trouve un peu de cette esthétique également dans l’étonnant Skyfall, où James Bond, dans le dernier acte, semble se réfugier au fond de lui-même, se replier dans sa maison, et, plutôt que d’aller se battre, attendre un simple fusil à la main que la folie du monde, qui gronde dans le lointain, vienne le prendre.
Nous nous ressentons de plus en plus comme ce personnage. La bêtise des révolutions en marche est trop énorme et implacable. Et les « révolutionnaires » du moment, comme ceux d’hier et de toujours, ne sont finalement animés par rien d’autre qu’un vague instinct de détruire ce qui se tient debout. Aussi n’irons-nous pas à leur rencontre. Nous préférons attendre, seul, dans la grange, fusil sur les genoux, qu’ils osent pousser les portes.
Le contre-révolutionnaire est typiquement l’homme que l’on dérange. Figure posée, détachée, apaisée, résignée aussi : le contre-révolutionnaire est celui pour qui la partie est perdue d’avance (c’est sans doute pour cela aussi qu’il a notre sympathie). A l’inverse du révolutionnaire triomphant qui a le sens de l’Histoire avec lui, le contre-révolutionnaire sera battu, balayé, et il le sait un peu. Il est un Cyrano qui ne peut guère compter que sur un succès d’estime, un brin de panache, un bon mot déclamé face à la foule lorsqu’il montera sur l’échafaud. Le « sourire par lequel il s’excuse d’être sublime ».
On peut tout à fait apprécier ces deux esthétiques opposées en même temps, mais peut-être bien aussi, après tout, que le monde se divise en deux catégories, entre les gens qui sont sensibles à l’un de ces deux romantismes plutôt qu’à l’autre.
Le premier romantisme attaché à l’idée de Révolution est évidemment celui du révolutionnaire exalté : le gars qui a vu juste avant les autres, dont le désir préfigure celui du monde, le type qui a choisi de se lever et qui entraîne à sa suite l’ensemble de la société. Le révolutionnaire exalté porte la voix du peuple, du corps social, c’est un meneur. Il se tient au sommet d’une vague qui raflera tout sur son passage, ouvrant le chemin vers la Liberté – et que crèvent les bourgeois et ceux qui s’entêtent à ne pas comprendre son rêve ! Le profil est bien connu, mille fois représenté et exploité : c’est la figure de Guevara, de Rimbaud, de Robespierre…
Il existe malgré tout un autre romantisme de la Révolution, certainement moins vu à la télé : celui de la figure contre-révolutionnaire, comme on pourrait l’appeler. Non pas le réactionnaire militant, mais celui que la soudaine agitation sociale importune ou menace. Celui qui se trouve sur le passage des excités alors qu’il n’a rien demandé. Celui dont la tranquillité est subitement mise en péril par la Nouvelle Société et ses desiderata. Celui qui est bien où il est et qui n’entend pas bouger.
On en trouve un exemple dans le film Le vieux fusil, où Philippe Noiret fait face à une troupe de soldats allemands qui ont squatté son château, tué sa fille et sa femme, et qui pillent allègrement ses vivres. Si l’on veut bien considérer cette troupe comme « révolutionnaire », elle fait irruption, saccage tout, et le personnage de Noiret lui oppose une curieuse vengeance : une vengeance froide, réactive, méthodique, dépourvue d’idéologie et de passion. Il vient simplement « nettoyer toute cette merde ».
On trouve un peu de cette esthétique également dans l’étonnant Skyfall, où James Bond, dans le dernier acte, semble se réfugier au fond de lui-même, se replier dans sa maison, et, plutôt que d’aller se battre, attendre un simple fusil à la main que la folie du monde, qui gronde dans le lointain, vienne le prendre.
Nous nous ressentons de plus en plus comme ce personnage. La bêtise des révolutions en marche est trop énorme et implacable. Et les « révolutionnaires » du moment, comme ceux d’hier et de toujours, ne sont finalement animés par rien d’autre qu’un vague instinct de détruire ce qui se tient debout. Aussi n’irons-nous pas à leur rencontre. Nous préférons attendre, seul, dans la grange, fusil sur les genoux, qu’ils osent pousser les portes.
Le contre-révolutionnaire est typiquement l’homme que l’on dérange. Figure posée, détachée, apaisée, résignée aussi : le contre-révolutionnaire est celui pour qui la partie est perdue d’avance (c’est sans doute pour cela aussi qu’il a notre sympathie). A l’inverse du révolutionnaire triomphant qui a le sens de l’Histoire avec lui, le contre-révolutionnaire sera battu, balayé, et il le sait un peu. Il est un Cyrano qui ne peut guère compter que sur un succès d’estime, un brin de panache, un bon mot déclamé face à la foule lorsqu’il montera sur l’échafaud. Le « sourire par lequel il s’excuse d’être sublime ».
On peut tout à fait apprécier ces deux esthétiques opposées en même temps, mais peut-être bien aussi, après tout, que le monde se divise en deux catégories, entre les gens qui sont sensibles à l’un de ces deux romantismes plutôt qu’à l’autre.