« La domination des Mamelouks (littéralement : « chose possédée ») sur l’Égypte pendant plus de cent cinquante ans -que décrit ce livre- est un des plus brillants épisodes de l’époquée turque. Il n’est pas le seul. Bien avant les règnes éblouissants -souvent odieux par leur brutalité- des sultants mamelouks entre le XIIIe et le XVIe siècle en Égypte, des hommes venus de l’est avaient servi, et souvent gouverné, les pays du Proche et du Moyen-Orient. » (p.10)
« Des Turcs encore, les Ikhshidides, gouvernent l’Égypte de 935 à 969. » (p.12)
« La dynastie des descendants de Saladin eût pu probablement garder son trône si un grave danger venant de l’étranger -les Mongols- et une crise intérieure au Caire n’avaient secoué l’Égypte et le Proche-Orient, et porté les Mamelouks au pouvoir. » (p.17)
« Al-Salih chassa le gouverneur de Damas et rétablit l’unité de la Syrie et de l’Égypte, comme son ancêtre Saladin.
Le désordre s’installa aussitôt parmi les ordres religieux, ou ce qui en subsistait, parmi les féodaux aussi. Les chrétiens d’Orient étaient à la merci d’une nouvelle offensive des musulmans. Ce qui subsistait du royaume latin était menacé de disparaître. Le patriarche de Jérusalem appela au secours les rois et les princes de l’Europe. Personne ne bougea. Tous étaient occupés ailleurs. Frédéric II Hohenstaufen, qui venait d’être condamné par le pape, tenait informés les musulmans des projets des chrétiens contre eux. Le roi de Castille était tout à la reconquista, celui d’Aragon combattait Valence. Louis IX seul alla au secours des Etats latins en détresse.
Les préparatifs du roi de France avaient été longs. Après de difficiles discussions avec les grands du royaume, il avait réussi à réunir 25 000 hommes au total, dont 2 800 chevaliers et une dizaine de milliers de fantassins. Le 25 août, tout ce monde s’embarquait dans une quarantaine de navires. Quelques semaines plus tard, la flotte abordait à Chypre où l’attendaient d’énormes approvisionnements que Louis IX avait fait constituer. Mais la mauvaise saison était arrivée et ce fut seulement le 13 mai suivant que la flotte mit de nouveau à la voile pour arriver le 4 juin en vue de Damiette, sur la rive orientale du Nil, « la première expédition coloniale du royaume de France ». Elle ne sauvera pas les Etats latins du Levant mais elle projettera sur le devant de la scène orientale un personnage -Baybars- qui changera, à un point alors impossible à imaginer, le cours des événements dans cette partie du monde. » (p.22-23)
« Le sultan ayyoubide était alors Malik al-Salih, un petit-neveu de Saladin, arrivé au pouvoir à la suite de querelles trop compliquées pour être rapportées ici. L’extrême importance de son règne réside dans le fait que, pour la première fois en Égypte, un souverain appuie son pouvoir sur des esclaves turcs achetés à l’étranger qui constituent le fer de lance de son armée. Le sultan avait pu mesurer la capacité au combat et la fidélité de ces troupes pendant sa longue lutte pour le pouvoir avec son frère Adil, alors que les unités kurdes et le reste de l’armée l’avaient abandonné. Il ne l’avait pas oublié, et c’est désormais aux seuls Mamelouks qu’il fait confiance. Dans la bataille, les autres troupes sont au second rang ; pendant les expéditions militaires, les Mamelouks entourent la tente du sultan la nuit, ils demeurent près de lui à toute heure. Tout au long de son règne, il ne cessera de faire venir, surtout des steppes de la Russie, de jeunes esclaves turcs. » (p.23)
« Lorsque la marche sur le Caire commença, le 20 novembre 1249, al-Salih était mourant. Trois jours plus tard on apprenait sa mort, une chance inespérée pour le roi de France. L’héritier du trône était dans le lointain Diyarbekir, l’anarchie allait s’installer au Caire, pour les croisés tout était possible. Une femme, Chaddar ad-Dour (« Bouche de Perles »), l’esclave favorite de Salih, sauva l’Égypte et l’islam dans cette partie du monde. Dans la crainte que les Français n’accèlèrent leur offensive ou que des unités de sa propre armée ne s’emparent du pouvoir, elle commença par tenir secrète la mort du sultan. Un esclave qui savait imiter la signature de celui-ci signait les pièces officielles, personne n’approchait le souverain qui, disait Chaddar ad dour, était trop malade pour supporter auprès de lui d’autres personnes que son épouse et une poignée d’intimes. Lorsqu’il ne fut plus possible de cacher la mort de Salih, elle organisa une régence avec l’émir Fahreddin Yousouf, puis annonça que Salih avait désigné Touranchah comme son successeur au trône, ce qui était faux. En réalité il avait remis l’empire au calife de Badgad, Moustasim Billah, mais l’ambitieuse Chaddar ad-Dour savait bien que, le pouvoir aux mains du calife, celui-ci le confierait à un homme de son choix et qu’elle-même ne serait plus rien. A son arrivée, Touranchah fut accueilli comme un souverain.
A ce moment-là, en février 1250, les hostilités entre les Francs et les musulmans avaient commencé. Saint Louis voulait à tout prix conquérir Le Caire. Partie de Damiette fin novembre, l’armée était arrivée un mois plus tard en face de Mansourah, à une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau. La mort de Salih aurait pu entraîner l’écroulement de la défense musulmane. Elle ne modifia en rien la détermination des combattants égyptiens dont Baybars avait alors pris le commandement. Ils défendirent pied à terre la route du Caire, infligeant aux Francs de terribles pertes. La bataille finale se déroula à Fariskour et fut d’une extrême violence. Face à un adversaire épuisé et décimé par la peste, la victoire des musulmans fut totale, et c’était Baybars qui l’avait remportée. Sa renommée se répandit dans toute l’Égypte. La victoire de Fariskour avait porté sur le pavois celui qui, dix ans plus tard, s’emparera du pouvoir, créera le régime des Mamelouks et chassera les croisés. Louis IX, malade, fut fait prisonnier. Il dut s’engager à verser une rançon de 500 000 livres tournois pour son armée et à restituer Damiette pour sa propre personne. Ce fut à ce moment-là, alors que s’achevaient les pourparlers entre les Français et Touranchah, que se produisit le drame qui allait mettre fin à la dynastie des Ayyoubides.
Touranchah, par ailleurs un homme cultivé, était un maladroit, à l’esprit probablement dérangé, en tout cas incapable de gouverner un Etat, surtout au moment difficile où se trouvait alors la dynastie ayyoubide. Il commit l’énorme erreur de déposséder de leurs fiefs les Mamelouks. Chaddar ad-dour se sentait menacée elle aussi. Un soir qu’il offrait un repas aux émirs -les officiers de l’armée- pour fêter sa victoire sur les croisés, les Mamelouks, Baybars à leur tête, firent irruption dans la tente l’épée à la main et le tuèrent. Les Mamelouks étaient au pouvoir. Ils portèrent sur le trône Chaddar ad-Dour qui avait fait preuve depuis la mort de Salih d’autant d’esprit politique que de courage. Baybars et les autres avaient-ils bien pesé leur décision ? Ce fut en tout cas un tollé dans le monde musulman. Le calife, aurait écrit au chef des Mamelouks : « S’il n’y a pas d’homme au Caire digne d’être sultan d’Égypte, dites-le moi, nous pouvons vous en envoyer. Ne connaissez-vous pas le hadith qui dit : un peuple qui confie le gouvernement de son Etat à une femme ne trouvera jamais son salut ? ». Chaddar ad dour, avec son habileté coutumière, essaya de tourner la difficulté. Elle nomma atabeg -commandant en chef- l’émir Aybak, puis elle l’épousa, stratagème qui avait des précédents dans le monde musulman où l’on avait vu plusieurs fois des veuves de souverains épouser des atabegs. Et tout continua comme avant. Chaddar ad-Dour prenait les décisions, Aybak les appliquait. Pareille situation, en pays d’islam, ne pouvait durer longtemps. Le premier qui se révolta fut Aybak, mais Chaddar ad-Dour prévint ses intentions homicides. Un jour qu’il était chez elle après une partie de polo, il alla prendra un bain. A peine s’était-il déshabillé qu’un esclave se jeta sur lui et l’étrangla. Trois jours plus tard, elle subissait le même sort et Ali, le fils d’Aybak âgé de onze ans, fut proclamé sultan. Le pouvoir était assuré par Koutouz, un officier mamelouk intelligent et énergique, originaire du Kwarezm. Désordres sanglants et troubles de toute sorte continuèrent. Émirs, chefs mamelouks, chefs kwarezmiens se disputaient entre eux. Ce fut Koutouz, le plus habile et qui avait avec lui le plus de troupes fidèles, qui l’emporta. Il se réconcilia avec Baybars, son rival, qui avait l’appui des Mamelouks bahriyyas, et le 12 novembre 1259 il était proclamé sultan, le premier des quelque quarante-cinq sultans mamelouks qui régneront sur l’Égypte et la Syrie pendant deux cent cinquante-huit ans.
Les réjouissances qui accompagnent l’avènement d’un nouveau sultan furent brèves. Un immense danger se profilait à l’horizon : les Mongols. » (pp.24-27)
« Le 24 mars 1241, Cracovie tombait, les chevaliers allemands et polonais mis en déroute. Quelques mois plus tard, les troupes du roi Bela IV de Hongrie subissaient une effroyable défaite. Plus de soixante mille hommes périrent. Pest fut prise. Peu après, les Mongols étaient à Neustadt, aux portes de Vienne, puis ils occupaient la Croatie et atteignaient l’Adriatique, poursuivant Bela jusqu’à Split, Trogir et Dubrovnik. Tout semblait perdu lorsqu’un événement imprévu, la nouvelle de la mort du Grand Khan Ogeday, le successeur de Gengis Khan, et la tenue d’un Kouroultai (assemblée) pour élire son successeur -à laquelle les chefs Mongols devaient participer -contraignit Batou et ses généraux à se replier vers l’orient. En se retirant, ils dévastèrent la Bulgarie, la Serbie, la Moldavie, la Valachie. L’Europe respira. La croisade que le pape avait fait prêcher fut renvoyée à plus tard, les préparatifs militaires que l’on avait ébauchés aussi, en dépit des avertissements et des appels à l’unité lancés par Frédéric II, le plus clairvoyant des souverains chrétiens.
Le repli des Mongols n’était qu’un répit. L’offensive allait reprendre, au Proche-Orient cette fois, dans cette région qui atoujours été la défense avancée de l’Europe face aux peuples de la steppe. » (p.30)
« L’armée de Hülegü traversait en janvier 1256 l’Amou-Daria où des régiments de Batou, un autre petit-fils de Gengis Khan, la rejoignaient. Hülegü mit d’abord le siège devant la forteresse d’Alamout d’où le Vieux de la Montagne et ses Assassins faisaient régner la terreur. Le quartier général des Ismaéliens et une centaine d’autres châteaux forts furent pris et rasés, leurs défenseurs executés. Il en subsista ailleurs, en Syrie notamment, que les Mamelouks devront réduire. Le Mongol s’attaqua alors au calife de Bagdad […] la plus haute autorité spirituelle de l’Islam, le descendant en ligne directe de l’oncle de Mohammeb. […] Les forces militaires du calife étaient, comme le califat lui-même, une ombre de pouvoir régnant sur une ombre de territoire. Soldats et habitants de Bagdad furent massacrés. Quatre-vingt-dix mille personnes auraient péri. Le 10 février, Moustasim vint lui-même se rendre. Trois jours plus tard, la ville brûlait, les tombeaux des califes étaient détruits, le calife fut contraint sous la menace de livrer ses trésors, puis on le tua. Par égard pour sa personne, on le fit mourir en l’étouffant sous des tapis. La ville qui avait brillé pendant plusieurs siècles d’un éclat sans pareil ne retrouvera jamais son rôle de capitale religieuse et politique de l’Islam. […]
Tout le dar-ul Islam était aux mains des infidèles, l’Égypte et l’Afrique du Nord exceptées. Le monde musulman fut terrifié. » (pp.31-33)
« L’armée de Hülegü quitta l’Azerbaïdjan à l’automne de 1259. Le général Kitbouga -qui était [chrétien] nestorien- commandait l’avant-garde. Successivement Nisibin, Hardan, Édesse tombèrent et le siège d’Alep commença, le 18 janvier 1260. Six jours plus tard, la ville était prise. Le massacre dura une semaine. Les autres villes de Syrie se rendirent sans combat. […] La route de l’Égypte était ouverte à Hülegü qui poursuivrait de là ses conquêtes en Afrique du Nord. » (p.34)
« La rencontre [entre les Mongols et l’armée de Koutouz, que Baybars avait convaincu de ne pas capituler] eut lieu le 3 septembre 1260 […] à Aïn Djalout, non loin de Naplouse, en Palestine. » (p.35)
« Les chrétiens, ceux de Damas notamment, payèrent cher les exactions auxquelles ils s’étaient livrés contre les musulmans lorsque les Mongols étaient là. Les troupes de Koutouz et de Baybars pillèrent leurs maisons et leurs églises puis les incendièrent. Un grand nombre furent massacrés ou réduits en esclavage. Les Juifs subirent le même sort mais leurs synagogues furent épargnées. » (p.36)
« Avant la bataille qui devait décider de son propre sort et de celui de l’empire, Koutouz avait promis à Baybars de lui donner le gouvernement d’Alep et du nord de la Syrie. Espérait-il qu’il serait tué dans le combat, comme l’ont dit des historiens ? Quoi qu’il en fût, il ne tint sa parole et nomma un autre dignitaire à ce poste très important. Baybars décida alors d’agir tout de suite, c’est-à-dire de tuer le sultan avant d’être tué lui-même, ce qui était certainement l’intention de Koutouz. […]
Une opportunité s’offrit le 22 octobre 1260 au cours d’une partie de chasse. Sachant que c’était un des passe-temps favoris du sultan, un des compagnons de Baybars lâcha un lièvre qu’il avait apporté avec lui. Koutouz partit à sa poursuite, suivi de Baybars et de quelques-uns de ses Mamelouks. Au moment opportun, Baybars tira son épée et lui porta le premier coup. Ses compagnons l’achevèrent. Le problème de la sucession au trône fut rapidement réglé. » (p.39)
« [Baybars] prit le titre d’al-Malikal-Zahir. » (p.40)
« Baybars était né vers 1223, dans une tribu turque de la steppe du Kiptchak, au nord de la mer Noire, et avait fui, comme les autres, l’invasion mongole. Un marchand d’esclaves l’acheta, l’emmena en Syrie où un émir de Salih l’acquit à son tour. Au Caire, où il avait accompagné son maître, il attira l’attention du sultan par sa beauté. De taille élevée, les yeux bleus dont l’un était partiellement reouvert d’une taie, la peau mate, d’une endurance physique qu’il accroît encore par des exercices sportifs violents […] il est le type même du soldat de fortune qui forge son destin l’épée à la main. Sans pitié, sans scrupule, tous les moyens lui sont bons pour parvenir à ses fins. Avant même d’accéder au trône, il a tué de sa main deux sultans -Touranchah et Koutouz. D’autres crimes suivront. Menteur, traitre, cruel, un de ses biographes pense que « les fastes glorieux du souverain effaceront devant l’Histoire les perfidies de l’officier », ce qui est exact. Et le monde dans lequel il vivait n’était pas un univers de tisane.
Ses crimes vont de pair avec un grand attachement à la religion musulmane. Sunnite fervent -il déteste les chiites- il fera construire mosquées -dont une grande au Caire- madrasas et autres batîments religieux, et il trouvera le temps, entre deux campagnes militaires, d’accomplir le pèlerinage de La Mecque. Personne contrasté, stratège génial, administrateur hors pairs, nous le verrons tenir à bout de bras un empire grand par l’étendue, aux populations diverses et difficiles, agité de révoltes et de complots jusque dans son entourage le plus proche. » (p.40-41)
« Les Mamelouks, au moins pendant la première partie de leur règne, venaient presque tous de la steppe des Kiptchaks (ou Comans) où leurs tribus, originaires de la Sibérie orientale et d’ethnie turque, s’étaient établies, furent l’invasion mongole. Pauvres et peu aptes à exploiter les rares ressources des vastes plaines du sud de la Russie, « vaste désert, dit Plan Carpin, s’étendant par endroits sur 36 jours de marche et ne contenant ni colline ni pierre mais seulement le meilleur pâturage », ils étaient réduits à vendre leurs enfants pour payer l’impôt à leur souverain. Beaucoup étaient beaux, bien bâtis, loyaux et fidèles. Ils étaient très recherchés, notamment par les derniers Ayyoubides. Les attaques des Mongols, de plus en plus violentes et fréquentes, remplissaient les marchés aux esclaves d’enfants turcs. » (p.43)
« On connait les noms de marchands devenus très riches, ce qui indique évidemment que les bénéfices étaient considérables. Les marchands étaient surtout arabes, turcs et persans, mais aussi chrétiens : vénitiens, génois, français et autres qui vendaient leurs coreligionnaires sans se soucier des foudres pontificales. […]
Les esclaves turcs demeurèrent pendant longtemps les plus nombreux. Les Circassiens les dépasseront en nombre dans la deuxième partie du XIVe siècle, appelée souvent la Période circassienne de l’empire mamelouk.
Des Mongols se mettaient aussi au service des Mamelouks, pour la plupart des émigrés des territoires des Ilkhans, les Wafadiyyas. Sous Baybars, quelque trois mille cavaliers mongols au total rejoignirent ainsi les Mamelouks. » (p.45)
« La langue officielle utilisée dans les conseils des émirs était le turc. Tout fonctionnaire qui voulait faire carrière devait connaître le turc. Connaître l’arabe importait assez peu. […] Les émirs d’origine arabe étaient des exceptions. Les Kurdes aussi. » (p.46)
« Un Mamelouk doit remplir trois conditions, de même importance :
-être d’origine non musulmane (comme les janissaires ottomans),
-être né dans un pays étranger, de préférence dans la steppe des Kiptchaks -au moins jusqu’au XIVème siècle- ou dans un autre pays aux habitants « à la peau claire » (il n’exista jamais de Mamelouk de couleur),
-avoir été acheté enfant ou adolescent, c’est-à-dire jeune esclave. Tout Mamelouk doit être passé par l’esclavage. […]
Le sultan n’échappait pas à la règle. Le régime des Mamelouks est un des très rares à cette époque, dans les pays d’Islam, qui n’ait pas fait de l’hérédité la condition de l’accès au pouvoir suprême. » (p.47)
« Les Mamelouks de la première génération, ceux qui étaient importés, épousaient le plus souvent une fille amenée, elle aussi, des pays de la steppe, mais leurs enfants se mariaient avec des Arabes ou des filles ou fils d’étrangers et se fondaient dans le reste de la population. Au bout de quelques générations, rien ne restait de leur origine mamelouke. » (p.48)
« Si un sultan mourait ou était détrôné avant la date fixée pour l’affranchissemement d’un groupe de ses Mamelouks, il arrivait que ce groupe refusât d’être affranchi par le nouveau sultan, n’ignorant pas que, par ce geste, il se fermait l’accès à une grande carrière. » (p.49)
« Ce système n’a de semblable nulle part ailleurs, y compris dans l’Empire ottoman où l’esclavage d’Etat fonctionnait sur des bases très différentes. Le caractère exclusif de la société mamelouke était marqué aussi par les mariages de ses membres avec des femmes esclaves amenées des mêmes régions qu’eux-mêmes ou des filles de Mamelouks, jamais des Égyptiennes. » (p.50)
« On lui apprenait d’abord les caractères arabes, les principes de la Chariat -la loi musulmane-, les prières, un peu de calcul puis le Coran qu’il devait apprendre par cœur et réciter, les hadiths, enfin l’adab, c’est-à-dire les usages, ce qui fait d’un barbare un civilisé. A de rares exceptions près, les jeunes Mamelouks n’allaient pas très loin parmi eux. Ils étaient recrutés pour être d’abord des soldats, et c’est ce que l’on en faisait. Entre eux, ils parlaient le turc et, du fait qu’ils étaient séparés du reste de la population, leur connaissance de l’arabe était médiocre. » (p.51)
« Dans la formation du futur cavalier entraient aussi la fabrication des armes et des flèches, la connaissance du pedigree des chevaux, le jeu d’échecs, connu depuis longtemps en Orient et considéré comme un jeu noble, les exercices à la lance, ceux aussi qui accompagnent chaque année le défilé du mahmal (palanquin envoyé à La Mecque) dans les rues du Caire. Pareille éducation ne pouvait que produire des combattants redoutables, des Chevaliers de l’Islam auquel ils étaient dévoués corps et âme. » (p.52)
« Ces écoles étaient toutes situées dans les casernes de la Citadelle, les tabaqa, dont une partie leur était réservée. Au nombre de douze environ, les tabaqas pouvaient accueillir chacune un millier de jeunes Mamelouks. Elles étaient toutes établies au Caire, comme les Mamelouks eux-mêmes -aucun n’était caserné en province. Dans l’école, chacun des enfants était confié à un Mamelouk qui était responsable de son éducation. » (p.52)
« Les eunuques tenaient une grande place dans les écoles militaires, comme dans toute la société mamelouke. L’homosexualité était très répandue et les eunuques avaient la tâche particulièrement lourde d’en écarter les jeunes gens qui leur étaient confiés. L’eunuque était totalement responsable de son pupille, et des liens très forts, qui duraient toute la vie, s’établissaient entre eux. Devenus des hommes, souvent importants, ils leur manifestaient leur reconnaissance en favorisant leur ascension dans l’échelle des honneurs.
Cette échelle était considérable. Un eunuque, comme un Mamelouk de haut rang ou un karani intime du sultan […] pouvait accéder à des postes aussi importants que Maître de la Robe, Échanson, Trésorier, Gardien de l’Écurie royale, et d’autres qui le mettaient en contact permanent avec le sultan. L’eunuque qui avait élevé un Mamelouk n’était donc pas un simple précepteur. Il appartenait, lui aussi, à une élite, à une caste […]
Les eunuques étaient importés de l’étranger, contribuant, eux aussi, à faire de l’Égypte un pays dans une large mesure entre les mains d’hommes de toutes les races et de toutes les cultures. Ils venaient en grand nombre d’Abyssinie, d’Inde, d’Afrique occidentale et, plus encore, d’Anatolie, de Grèce et des Balkans (les « Roums »). La plupart étaient castrés avant leur arrivée en Égypte. Comme partout et toujours parmi les hommes de même origine et de mêmes fonctions, les eunuques d’Égypte formaient une caste dont les membres étaient solidaires, sans former jamais un véritable groupe autonome susceptible d’exprimer des revendications communes ou de prétendre au pouvoir. Pendant une brève période, vers 1350, sous le règne d’al-Salih, ils devinrent quasiment les maîtres de l’Etat, avec les femmes-esclaves du Harem, pour la plupart des femmes de couleur. Ce « règne » dura à peine quelques années. » (pp.54-55)
« Entourés de cours fastueuses, le sultan et les grands émirs, guerriers avant tout, confient la gestion des affaires à des fonctionnaires musulmans, chrétiens (coptes) et juifs, recrutés selon leurs compétences et leurs relations avec les puissants. Le gouvernement central est divisé en trois principaux départements : la correspondance et les archives, les impôts, l’administration des troupes. Une autre administration à la charge des revenus des terres destinées au paiement des soldes des officiers de l’armée. A l’opposé du système ottoman qui assigne tel domaine à tel officier -le système du timar-, chez les Mamelouks tous les revenus des terres sont centralisés pour être ensuite remis, selon leurs grades, au personnel de l’armée. » (p.276)
« Quelques grands marchands exceptés, les émirs constituent la classe la plus riche de la société. » (p.276)
« Barsbay interdit les importations de l’étranger et ordonna que les minotiers achètent surtout les céréales de ses propres entrepôts. » (p.277)
« Le commerce du bois est le monopole du sultan et des émirs, de même que celui des métaux, de la pierre de construction, du marbre, qu’ils peuvent se procurer où ils veulent, même en faisant démolir des bâtiments existants. Leur pouvoir discrétionnaire va jusqu’à faire saisir des propriétées privées, et même à obtenir du juge l’autorisation d’acquérir des biens de mainmorte (wakfs), inaliénable selon la loi religieuse. » (p.277)
« L’interdiction faite aux fils de Mamelouks d’occuper des fonctions dans l’Etat les obligeait à choisir d’autres carrières […] ce qui rapprochait aussi les familles de Mamelouks de celles des divers éléments de la population. » (p.278)
« Personne, dans l’Etat, n’occupe une place plus digne de respect que celle des juges. Les cadis des quatre grands rites ont la haute main sur l’administration de la justice, la nomination des juges, qui leur sont subordonnés, l’administration des écoles de leurs rites respectifs, celle des affaires religieuses en général. Des postes administratifs peuvent leur être confiés, suivant leurs compétences, jusque dans l’entourage du sultan. Élite intellectuelle et religieuse de l’empire, les grands juges appartiennent à des familles dans lesquelles les hautes charges religieuses et judiciaires sont de tradition. Les exceptions sont rares. La plus fameuse est celle de l’illustre historie en penseur Ibn Khaldoun, un étranger au surplus, qui fut six fois nommé à la fonction de grand cadi malekite. » (p.280)
« Il arrive aussi que le sultan leur demande de donner une apparence légale à une décision qu’il veut prendre… ou qu’il a déjà prise. S’ils refusent, ils sont demis sur-le-champ, voire emprisonnés ou exécutés. » (p.281)
« De nombreux Oulémas sortis des universités s’adonnent au commerce, activité très estimée par la religion musulmane. » (p.284)
« Les prêts au sultan, qui fait appel aux gros capitalistes dans les circonstances difficiles, sont presque toujours des spoliations, soit que le sultan ne rende pas l’argent emprunté, soit qu’il le rende en monnaie dévaluée. » (p.287)
« A la fin du XVe siècle, un nouvel élément entre en scène, des bandes de jeunes gens bien organisés, les zouars, qui forment avec des petits-bourgeois des bandes pour résister à l’impôts. » (p.289)
« Sous les Mamelouks aussi, la situation faite aux coptes, et aux minorités en général, varia considérablement. Les Mamelouks, des étrangers islamisés, ne savaient rien de la religion et de la langue des coptes. Pour eux, ces hommes travailleurs et douées pour les affaires étaient des sujets aptes à être utilisés, rien de plus. Quant aux Arabes, ils voyaient dans les coptes des infidèles qui s’enrichissaient à leurs dépens. » (p.291)
« On accuse souvent les Mamelouks d’avoir opprimé les paysans pour en tirer le maximum d’impôts au profit du sultan et des émirs, ce qui est certainement exact. Le paysan, toujours et partout jusqu’à une époque récente, fut la première victime des seigneurs et des gouvernements avides d’argent. » (p.294)
« De nombreux esclaves entouraient le sultan, les princes et les princesses. Certaines femmes esclaves agissaient en véritables souveraines, y compris dans la conduite de l’Etat. […] Plusieurs sultans -Barsbay, Nasir, Kouchkadam notamment- épousèrent des esclaves. » (p.297)
« La religion préside à toutes les circonstances de la vie, de la naissance à la mort. » (p.349)
« L’homme choississait rarement son épouse. » (p.351)
« [La femme au temps des Mamelouks [1 page et demie]. »
« La polygamie, autorisée par l’islam sans être conseillée, était répandue dans les classes populaires aussi bien que dans la bourgeoisie et les familles régnantes. Le nombre des épouses légitimes pouvait aller jusqu’à quatre, celui des concubines était illimité. On cite comme exceptionnel le cas du sultan Inal qui n’eut qu’une seule épouse et aucune concubine. » (p.354-355)
« Le cas de la sultane Chaddar ad-dour est unique, mais beaucoup d’autres pesèrent sur les décisions des sultans et des grands émirs. » (p.355)
« Le voyageur italien Frescobaldi raconte qu’« au Caire il y a beaucoup de femmes qui font très activement le commerce. » (p.356)
« Le costume tient une place très importante dans l’Égypte mamelouke. Il identifie le rang social de celui qui le porte. » (p.358)
« Les maisons de l’immense majorité de la population du Caire et des autres villes sont construites en terre ou en brique séchée avec une partie en roseaux. Le sol est recouvert de pierres plus ou moins bien équarries, de marbre si l’occupant en a les moyens. L’intérieur est décoré d’étoffes de soie et de tapis sur le sol, si on le peut. Couvertes d’une terrasse qui permet d’y passer les nuits d’été dans une relative fraîcheur, les pièces sont distribuées de façon telle que l’espace réservé aux femmes -le harem- soit entièrement séparé de celui des hommes. Si le couple n’a pas les moyens d’avoir une maison qui prévoit cette séparation, on tire un simple rideau quand entre un visiteur mâle. » (p.362)
« A l’époque où les Mamelouks commencent leur règne sur l’Égypte et la Syrie, la littérature arabe est sur son déclin. Les coups qui ont frappé l’Islam à l’est et à l’ouest, les invasions mongoles et les croisades, sont tels, ont à tel point détruit la fleur de sa civilisation qu’il ne s’en remettra jamais. » (p.395)
-André Clot, L’Égypte des Mamelouks. L’empire des esclaves (1250-1517), Perrin, 1996, 474 pages.
« Des Turcs encore, les Ikhshidides, gouvernent l’Égypte de 935 à 969. » (p.12)
« La dynastie des descendants de Saladin eût pu probablement garder son trône si un grave danger venant de l’étranger -les Mongols- et une crise intérieure au Caire n’avaient secoué l’Égypte et le Proche-Orient, et porté les Mamelouks au pouvoir. » (p.17)
« Al-Salih chassa le gouverneur de Damas et rétablit l’unité de la Syrie et de l’Égypte, comme son ancêtre Saladin.
Le désordre s’installa aussitôt parmi les ordres religieux, ou ce qui en subsistait, parmi les féodaux aussi. Les chrétiens d’Orient étaient à la merci d’une nouvelle offensive des musulmans. Ce qui subsistait du royaume latin était menacé de disparaître. Le patriarche de Jérusalem appela au secours les rois et les princes de l’Europe. Personne ne bougea. Tous étaient occupés ailleurs. Frédéric II Hohenstaufen, qui venait d’être condamné par le pape, tenait informés les musulmans des projets des chrétiens contre eux. Le roi de Castille était tout à la reconquista, celui d’Aragon combattait Valence. Louis IX seul alla au secours des Etats latins en détresse.
Les préparatifs du roi de France avaient été longs. Après de difficiles discussions avec les grands du royaume, il avait réussi à réunir 25 000 hommes au total, dont 2 800 chevaliers et une dizaine de milliers de fantassins. Le 25 août, tout ce monde s’embarquait dans une quarantaine de navires. Quelques semaines plus tard, la flotte abordait à Chypre où l’attendaient d’énormes approvisionnements que Louis IX avait fait constituer. Mais la mauvaise saison était arrivée et ce fut seulement le 13 mai suivant que la flotte mit de nouveau à la voile pour arriver le 4 juin en vue de Damiette, sur la rive orientale du Nil, « la première expédition coloniale du royaume de France ». Elle ne sauvera pas les Etats latins du Levant mais elle projettera sur le devant de la scène orientale un personnage -Baybars- qui changera, à un point alors impossible à imaginer, le cours des événements dans cette partie du monde. » (p.22-23)
« Le sultan ayyoubide était alors Malik al-Salih, un petit-neveu de Saladin, arrivé au pouvoir à la suite de querelles trop compliquées pour être rapportées ici. L’extrême importance de son règne réside dans le fait que, pour la première fois en Égypte, un souverain appuie son pouvoir sur des esclaves turcs achetés à l’étranger qui constituent le fer de lance de son armée. Le sultan avait pu mesurer la capacité au combat et la fidélité de ces troupes pendant sa longue lutte pour le pouvoir avec son frère Adil, alors que les unités kurdes et le reste de l’armée l’avaient abandonné. Il ne l’avait pas oublié, et c’est désormais aux seuls Mamelouks qu’il fait confiance. Dans la bataille, les autres troupes sont au second rang ; pendant les expéditions militaires, les Mamelouks entourent la tente du sultan la nuit, ils demeurent près de lui à toute heure. Tout au long de son règne, il ne cessera de faire venir, surtout des steppes de la Russie, de jeunes esclaves turcs. » (p.23)
« Lorsque la marche sur le Caire commença, le 20 novembre 1249, al-Salih était mourant. Trois jours plus tard on apprenait sa mort, une chance inespérée pour le roi de France. L’héritier du trône était dans le lointain Diyarbekir, l’anarchie allait s’installer au Caire, pour les croisés tout était possible. Une femme, Chaddar ad-Dour (« Bouche de Perles »), l’esclave favorite de Salih, sauva l’Égypte et l’islam dans cette partie du monde. Dans la crainte que les Français n’accèlèrent leur offensive ou que des unités de sa propre armée ne s’emparent du pouvoir, elle commença par tenir secrète la mort du sultan. Un esclave qui savait imiter la signature de celui-ci signait les pièces officielles, personne n’approchait le souverain qui, disait Chaddar ad dour, était trop malade pour supporter auprès de lui d’autres personnes que son épouse et une poignée d’intimes. Lorsqu’il ne fut plus possible de cacher la mort de Salih, elle organisa une régence avec l’émir Fahreddin Yousouf, puis annonça que Salih avait désigné Touranchah comme son successeur au trône, ce qui était faux. En réalité il avait remis l’empire au calife de Badgad, Moustasim Billah, mais l’ambitieuse Chaddar ad-Dour savait bien que, le pouvoir aux mains du calife, celui-ci le confierait à un homme de son choix et qu’elle-même ne serait plus rien. A son arrivée, Touranchah fut accueilli comme un souverain.
A ce moment-là, en février 1250, les hostilités entre les Francs et les musulmans avaient commencé. Saint Louis voulait à tout prix conquérir Le Caire. Partie de Damiette fin novembre, l’armée était arrivée un mois plus tard en face de Mansourah, à une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau. La mort de Salih aurait pu entraîner l’écroulement de la défense musulmane. Elle ne modifia en rien la détermination des combattants égyptiens dont Baybars avait alors pris le commandement. Ils défendirent pied à terre la route du Caire, infligeant aux Francs de terribles pertes. La bataille finale se déroula à Fariskour et fut d’une extrême violence. Face à un adversaire épuisé et décimé par la peste, la victoire des musulmans fut totale, et c’était Baybars qui l’avait remportée. Sa renommée se répandit dans toute l’Égypte. La victoire de Fariskour avait porté sur le pavois celui qui, dix ans plus tard, s’emparera du pouvoir, créera le régime des Mamelouks et chassera les croisés. Louis IX, malade, fut fait prisonnier. Il dut s’engager à verser une rançon de 500 000 livres tournois pour son armée et à restituer Damiette pour sa propre personne. Ce fut à ce moment-là, alors que s’achevaient les pourparlers entre les Français et Touranchah, que se produisit le drame qui allait mettre fin à la dynastie des Ayyoubides.
Touranchah, par ailleurs un homme cultivé, était un maladroit, à l’esprit probablement dérangé, en tout cas incapable de gouverner un Etat, surtout au moment difficile où se trouvait alors la dynastie ayyoubide. Il commit l’énorme erreur de déposséder de leurs fiefs les Mamelouks. Chaddar ad-dour se sentait menacée elle aussi. Un soir qu’il offrait un repas aux émirs -les officiers de l’armée- pour fêter sa victoire sur les croisés, les Mamelouks, Baybars à leur tête, firent irruption dans la tente l’épée à la main et le tuèrent. Les Mamelouks étaient au pouvoir. Ils portèrent sur le trône Chaddar ad-Dour qui avait fait preuve depuis la mort de Salih d’autant d’esprit politique que de courage. Baybars et les autres avaient-ils bien pesé leur décision ? Ce fut en tout cas un tollé dans le monde musulman. Le calife, aurait écrit au chef des Mamelouks : « S’il n’y a pas d’homme au Caire digne d’être sultan d’Égypte, dites-le moi, nous pouvons vous en envoyer. Ne connaissez-vous pas le hadith qui dit : un peuple qui confie le gouvernement de son Etat à une femme ne trouvera jamais son salut ? ». Chaddar ad dour, avec son habileté coutumière, essaya de tourner la difficulté. Elle nomma atabeg -commandant en chef- l’émir Aybak, puis elle l’épousa, stratagème qui avait des précédents dans le monde musulman où l’on avait vu plusieurs fois des veuves de souverains épouser des atabegs. Et tout continua comme avant. Chaddar ad-Dour prenait les décisions, Aybak les appliquait. Pareille situation, en pays d’islam, ne pouvait durer longtemps. Le premier qui se révolta fut Aybak, mais Chaddar ad-Dour prévint ses intentions homicides. Un jour qu’il était chez elle après une partie de polo, il alla prendra un bain. A peine s’était-il déshabillé qu’un esclave se jeta sur lui et l’étrangla. Trois jours plus tard, elle subissait le même sort et Ali, le fils d’Aybak âgé de onze ans, fut proclamé sultan. Le pouvoir était assuré par Koutouz, un officier mamelouk intelligent et énergique, originaire du Kwarezm. Désordres sanglants et troubles de toute sorte continuèrent. Émirs, chefs mamelouks, chefs kwarezmiens se disputaient entre eux. Ce fut Koutouz, le plus habile et qui avait avec lui le plus de troupes fidèles, qui l’emporta. Il se réconcilia avec Baybars, son rival, qui avait l’appui des Mamelouks bahriyyas, et le 12 novembre 1259 il était proclamé sultan, le premier des quelque quarante-cinq sultans mamelouks qui régneront sur l’Égypte et la Syrie pendant deux cent cinquante-huit ans.
Les réjouissances qui accompagnent l’avènement d’un nouveau sultan furent brèves. Un immense danger se profilait à l’horizon : les Mongols. » (pp.24-27)
« Le 24 mars 1241, Cracovie tombait, les chevaliers allemands et polonais mis en déroute. Quelques mois plus tard, les troupes du roi Bela IV de Hongrie subissaient une effroyable défaite. Plus de soixante mille hommes périrent. Pest fut prise. Peu après, les Mongols étaient à Neustadt, aux portes de Vienne, puis ils occupaient la Croatie et atteignaient l’Adriatique, poursuivant Bela jusqu’à Split, Trogir et Dubrovnik. Tout semblait perdu lorsqu’un événement imprévu, la nouvelle de la mort du Grand Khan Ogeday, le successeur de Gengis Khan, et la tenue d’un Kouroultai (assemblée) pour élire son successeur -à laquelle les chefs Mongols devaient participer -contraignit Batou et ses généraux à se replier vers l’orient. En se retirant, ils dévastèrent la Bulgarie, la Serbie, la Moldavie, la Valachie. L’Europe respira. La croisade que le pape avait fait prêcher fut renvoyée à plus tard, les préparatifs militaires que l’on avait ébauchés aussi, en dépit des avertissements et des appels à l’unité lancés par Frédéric II, le plus clairvoyant des souverains chrétiens.
Le repli des Mongols n’était qu’un répit. L’offensive allait reprendre, au Proche-Orient cette fois, dans cette région qui atoujours été la défense avancée de l’Europe face aux peuples de la steppe. » (p.30)
« L’armée de Hülegü traversait en janvier 1256 l’Amou-Daria où des régiments de Batou, un autre petit-fils de Gengis Khan, la rejoignaient. Hülegü mit d’abord le siège devant la forteresse d’Alamout d’où le Vieux de la Montagne et ses Assassins faisaient régner la terreur. Le quartier général des Ismaéliens et une centaine d’autres châteaux forts furent pris et rasés, leurs défenseurs executés. Il en subsista ailleurs, en Syrie notamment, que les Mamelouks devront réduire. Le Mongol s’attaqua alors au calife de Bagdad […] la plus haute autorité spirituelle de l’Islam, le descendant en ligne directe de l’oncle de Mohammeb. […] Les forces militaires du calife étaient, comme le califat lui-même, une ombre de pouvoir régnant sur une ombre de territoire. Soldats et habitants de Bagdad furent massacrés. Quatre-vingt-dix mille personnes auraient péri. Le 10 février, Moustasim vint lui-même se rendre. Trois jours plus tard, la ville brûlait, les tombeaux des califes étaient détruits, le calife fut contraint sous la menace de livrer ses trésors, puis on le tua. Par égard pour sa personne, on le fit mourir en l’étouffant sous des tapis. La ville qui avait brillé pendant plusieurs siècles d’un éclat sans pareil ne retrouvera jamais son rôle de capitale religieuse et politique de l’Islam. […]
Tout le dar-ul Islam était aux mains des infidèles, l’Égypte et l’Afrique du Nord exceptées. Le monde musulman fut terrifié. » (pp.31-33)
« L’armée de Hülegü quitta l’Azerbaïdjan à l’automne de 1259. Le général Kitbouga -qui était [chrétien] nestorien- commandait l’avant-garde. Successivement Nisibin, Hardan, Édesse tombèrent et le siège d’Alep commença, le 18 janvier 1260. Six jours plus tard, la ville était prise. Le massacre dura une semaine. Les autres villes de Syrie se rendirent sans combat. […] La route de l’Égypte était ouverte à Hülegü qui poursuivrait de là ses conquêtes en Afrique du Nord. » (p.34)
« La rencontre [entre les Mongols et l’armée de Koutouz, que Baybars avait convaincu de ne pas capituler] eut lieu le 3 septembre 1260 […] à Aïn Djalout, non loin de Naplouse, en Palestine. » (p.35)
« Les chrétiens, ceux de Damas notamment, payèrent cher les exactions auxquelles ils s’étaient livrés contre les musulmans lorsque les Mongols étaient là. Les troupes de Koutouz et de Baybars pillèrent leurs maisons et leurs églises puis les incendièrent. Un grand nombre furent massacrés ou réduits en esclavage. Les Juifs subirent le même sort mais leurs synagogues furent épargnées. » (p.36)
« Avant la bataille qui devait décider de son propre sort et de celui de l’empire, Koutouz avait promis à Baybars de lui donner le gouvernement d’Alep et du nord de la Syrie. Espérait-il qu’il serait tué dans le combat, comme l’ont dit des historiens ? Quoi qu’il en fût, il ne tint sa parole et nomma un autre dignitaire à ce poste très important. Baybars décida alors d’agir tout de suite, c’est-à-dire de tuer le sultan avant d’être tué lui-même, ce qui était certainement l’intention de Koutouz. […]
Une opportunité s’offrit le 22 octobre 1260 au cours d’une partie de chasse. Sachant que c’était un des passe-temps favoris du sultan, un des compagnons de Baybars lâcha un lièvre qu’il avait apporté avec lui. Koutouz partit à sa poursuite, suivi de Baybars et de quelques-uns de ses Mamelouks. Au moment opportun, Baybars tira son épée et lui porta le premier coup. Ses compagnons l’achevèrent. Le problème de la sucession au trône fut rapidement réglé. » (p.39)
« [Baybars] prit le titre d’al-Malikal-Zahir. » (p.40)
« Baybars était né vers 1223, dans une tribu turque de la steppe du Kiptchak, au nord de la mer Noire, et avait fui, comme les autres, l’invasion mongole. Un marchand d’esclaves l’acheta, l’emmena en Syrie où un émir de Salih l’acquit à son tour. Au Caire, où il avait accompagné son maître, il attira l’attention du sultan par sa beauté. De taille élevée, les yeux bleus dont l’un était partiellement reouvert d’une taie, la peau mate, d’une endurance physique qu’il accroît encore par des exercices sportifs violents […] il est le type même du soldat de fortune qui forge son destin l’épée à la main. Sans pitié, sans scrupule, tous les moyens lui sont bons pour parvenir à ses fins. Avant même d’accéder au trône, il a tué de sa main deux sultans -Touranchah et Koutouz. D’autres crimes suivront. Menteur, traitre, cruel, un de ses biographes pense que « les fastes glorieux du souverain effaceront devant l’Histoire les perfidies de l’officier », ce qui est exact. Et le monde dans lequel il vivait n’était pas un univers de tisane.
Ses crimes vont de pair avec un grand attachement à la religion musulmane. Sunnite fervent -il déteste les chiites- il fera construire mosquées -dont une grande au Caire- madrasas et autres batîments religieux, et il trouvera le temps, entre deux campagnes militaires, d’accomplir le pèlerinage de La Mecque. Personne contrasté, stratège génial, administrateur hors pairs, nous le verrons tenir à bout de bras un empire grand par l’étendue, aux populations diverses et difficiles, agité de révoltes et de complots jusque dans son entourage le plus proche. » (p.40-41)
« Les Mamelouks, au moins pendant la première partie de leur règne, venaient presque tous de la steppe des Kiptchaks (ou Comans) où leurs tribus, originaires de la Sibérie orientale et d’ethnie turque, s’étaient établies, furent l’invasion mongole. Pauvres et peu aptes à exploiter les rares ressources des vastes plaines du sud de la Russie, « vaste désert, dit Plan Carpin, s’étendant par endroits sur 36 jours de marche et ne contenant ni colline ni pierre mais seulement le meilleur pâturage », ils étaient réduits à vendre leurs enfants pour payer l’impôt à leur souverain. Beaucoup étaient beaux, bien bâtis, loyaux et fidèles. Ils étaient très recherchés, notamment par les derniers Ayyoubides. Les attaques des Mongols, de plus en plus violentes et fréquentes, remplissaient les marchés aux esclaves d’enfants turcs. » (p.43)
« On connait les noms de marchands devenus très riches, ce qui indique évidemment que les bénéfices étaient considérables. Les marchands étaient surtout arabes, turcs et persans, mais aussi chrétiens : vénitiens, génois, français et autres qui vendaient leurs coreligionnaires sans se soucier des foudres pontificales. […]
Les esclaves turcs demeurèrent pendant longtemps les plus nombreux. Les Circassiens les dépasseront en nombre dans la deuxième partie du XIVe siècle, appelée souvent la Période circassienne de l’empire mamelouk.
Des Mongols se mettaient aussi au service des Mamelouks, pour la plupart des émigrés des territoires des Ilkhans, les Wafadiyyas. Sous Baybars, quelque trois mille cavaliers mongols au total rejoignirent ainsi les Mamelouks. » (p.45)
« La langue officielle utilisée dans les conseils des émirs était le turc. Tout fonctionnaire qui voulait faire carrière devait connaître le turc. Connaître l’arabe importait assez peu. […] Les émirs d’origine arabe étaient des exceptions. Les Kurdes aussi. » (p.46)
« Un Mamelouk doit remplir trois conditions, de même importance :
-être d’origine non musulmane (comme les janissaires ottomans),
-être né dans un pays étranger, de préférence dans la steppe des Kiptchaks -au moins jusqu’au XIVème siècle- ou dans un autre pays aux habitants « à la peau claire » (il n’exista jamais de Mamelouk de couleur),
-avoir été acheté enfant ou adolescent, c’est-à-dire jeune esclave. Tout Mamelouk doit être passé par l’esclavage. […]
Le sultan n’échappait pas à la règle. Le régime des Mamelouks est un des très rares à cette époque, dans les pays d’Islam, qui n’ait pas fait de l’hérédité la condition de l’accès au pouvoir suprême. » (p.47)
« Les Mamelouks de la première génération, ceux qui étaient importés, épousaient le plus souvent une fille amenée, elle aussi, des pays de la steppe, mais leurs enfants se mariaient avec des Arabes ou des filles ou fils d’étrangers et se fondaient dans le reste de la population. Au bout de quelques générations, rien ne restait de leur origine mamelouke. » (p.48)
« Si un sultan mourait ou était détrôné avant la date fixée pour l’affranchissemement d’un groupe de ses Mamelouks, il arrivait que ce groupe refusât d’être affranchi par le nouveau sultan, n’ignorant pas que, par ce geste, il se fermait l’accès à une grande carrière. » (p.49)
« Ce système n’a de semblable nulle part ailleurs, y compris dans l’Empire ottoman où l’esclavage d’Etat fonctionnait sur des bases très différentes. Le caractère exclusif de la société mamelouke était marqué aussi par les mariages de ses membres avec des femmes esclaves amenées des mêmes régions qu’eux-mêmes ou des filles de Mamelouks, jamais des Égyptiennes. » (p.50)
« On lui apprenait d’abord les caractères arabes, les principes de la Chariat -la loi musulmane-, les prières, un peu de calcul puis le Coran qu’il devait apprendre par cœur et réciter, les hadiths, enfin l’adab, c’est-à-dire les usages, ce qui fait d’un barbare un civilisé. A de rares exceptions près, les jeunes Mamelouks n’allaient pas très loin parmi eux. Ils étaient recrutés pour être d’abord des soldats, et c’est ce que l’on en faisait. Entre eux, ils parlaient le turc et, du fait qu’ils étaient séparés du reste de la population, leur connaissance de l’arabe était médiocre. » (p.51)
« Dans la formation du futur cavalier entraient aussi la fabrication des armes et des flèches, la connaissance du pedigree des chevaux, le jeu d’échecs, connu depuis longtemps en Orient et considéré comme un jeu noble, les exercices à la lance, ceux aussi qui accompagnent chaque année le défilé du mahmal (palanquin envoyé à La Mecque) dans les rues du Caire. Pareille éducation ne pouvait que produire des combattants redoutables, des Chevaliers de l’Islam auquel ils étaient dévoués corps et âme. » (p.52)
« Ces écoles étaient toutes situées dans les casernes de la Citadelle, les tabaqa, dont une partie leur était réservée. Au nombre de douze environ, les tabaqas pouvaient accueillir chacune un millier de jeunes Mamelouks. Elles étaient toutes établies au Caire, comme les Mamelouks eux-mêmes -aucun n’était caserné en province. Dans l’école, chacun des enfants était confié à un Mamelouk qui était responsable de son éducation. » (p.52)
« Les eunuques tenaient une grande place dans les écoles militaires, comme dans toute la société mamelouke. L’homosexualité était très répandue et les eunuques avaient la tâche particulièrement lourde d’en écarter les jeunes gens qui leur étaient confiés. L’eunuque était totalement responsable de son pupille, et des liens très forts, qui duraient toute la vie, s’établissaient entre eux. Devenus des hommes, souvent importants, ils leur manifestaient leur reconnaissance en favorisant leur ascension dans l’échelle des honneurs.
Cette échelle était considérable. Un eunuque, comme un Mamelouk de haut rang ou un karani intime du sultan […] pouvait accéder à des postes aussi importants que Maître de la Robe, Échanson, Trésorier, Gardien de l’Écurie royale, et d’autres qui le mettaient en contact permanent avec le sultan. L’eunuque qui avait élevé un Mamelouk n’était donc pas un simple précepteur. Il appartenait, lui aussi, à une élite, à une caste […]
Les eunuques étaient importés de l’étranger, contribuant, eux aussi, à faire de l’Égypte un pays dans une large mesure entre les mains d’hommes de toutes les races et de toutes les cultures. Ils venaient en grand nombre d’Abyssinie, d’Inde, d’Afrique occidentale et, plus encore, d’Anatolie, de Grèce et des Balkans (les « Roums »). La plupart étaient castrés avant leur arrivée en Égypte. Comme partout et toujours parmi les hommes de même origine et de mêmes fonctions, les eunuques d’Égypte formaient une caste dont les membres étaient solidaires, sans former jamais un véritable groupe autonome susceptible d’exprimer des revendications communes ou de prétendre au pouvoir. Pendant une brève période, vers 1350, sous le règne d’al-Salih, ils devinrent quasiment les maîtres de l’Etat, avec les femmes-esclaves du Harem, pour la plupart des femmes de couleur. Ce « règne » dura à peine quelques années. » (pp.54-55)
« Entourés de cours fastueuses, le sultan et les grands émirs, guerriers avant tout, confient la gestion des affaires à des fonctionnaires musulmans, chrétiens (coptes) et juifs, recrutés selon leurs compétences et leurs relations avec les puissants. Le gouvernement central est divisé en trois principaux départements : la correspondance et les archives, les impôts, l’administration des troupes. Une autre administration à la charge des revenus des terres destinées au paiement des soldes des officiers de l’armée. A l’opposé du système ottoman qui assigne tel domaine à tel officier -le système du timar-, chez les Mamelouks tous les revenus des terres sont centralisés pour être ensuite remis, selon leurs grades, au personnel de l’armée. » (p.276)
« Quelques grands marchands exceptés, les émirs constituent la classe la plus riche de la société. » (p.276)
« Barsbay interdit les importations de l’étranger et ordonna que les minotiers achètent surtout les céréales de ses propres entrepôts. » (p.277)
« Le commerce du bois est le monopole du sultan et des émirs, de même que celui des métaux, de la pierre de construction, du marbre, qu’ils peuvent se procurer où ils veulent, même en faisant démolir des bâtiments existants. Leur pouvoir discrétionnaire va jusqu’à faire saisir des propriétées privées, et même à obtenir du juge l’autorisation d’acquérir des biens de mainmorte (wakfs), inaliénable selon la loi religieuse. » (p.277)
« L’interdiction faite aux fils de Mamelouks d’occuper des fonctions dans l’Etat les obligeait à choisir d’autres carrières […] ce qui rapprochait aussi les familles de Mamelouks de celles des divers éléments de la population. » (p.278)
« Personne, dans l’Etat, n’occupe une place plus digne de respect que celle des juges. Les cadis des quatre grands rites ont la haute main sur l’administration de la justice, la nomination des juges, qui leur sont subordonnés, l’administration des écoles de leurs rites respectifs, celle des affaires religieuses en général. Des postes administratifs peuvent leur être confiés, suivant leurs compétences, jusque dans l’entourage du sultan. Élite intellectuelle et religieuse de l’empire, les grands juges appartiennent à des familles dans lesquelles les hautes charges religieuses et judiciaires sont de tradition. Les exceptions sont rares. La plus fameuse est celle de l’illustre historie en penseur Ibn Khaldoun, un étranger au surplus, qui fut six fois nommé à la fonction de grand cadi malekite. » (p.280)
« Il arrive aussi que le sultan leur demande de donner une apparence légale à une décision qu’il veut prendre… ou qu’il a déjà prise. S’ils refusent, ils sont demis sur-le-champ, voire emprisonnés ou exécutés. » (p.281)
« De nombreux Oulémas sortis des universités s’adonnent au commerce, activité très estimée par la religion musulmane. » (p.284)
« Les prêts au sultan, qui fait appel aux gros capitalistes dans les circonstances difficiles, sont presque toujours des spoliations, soit que le sultan ne rende pas l’argent emprunté, soit qu’il le rende en monnaie dévaluée. » (p.287)
« A la fin du XVe siècle, un nouvel élément entre en scène, des bandes de jeunes gens bien organisés, les zouars, qui forment avec des petits-bourgeois des bandes pour résister à l’impôts. » (p.289)
« Sous les Mamelouks aussi, la situation faite aux coptes, et aux minorités en général, varia considérablement. Les Mamelouks, des étrangers islamisés, ne savaient rien de la religion et de la langue des coptes. Pour eux, ces hommes travailleurs et douées pour les affaires étaient des sujets aptes à être utilisés, rien de plus. Quant aux Arabes, ils voyaient dans les coptes des infidèles qui s’enrichissaient à leurs dépens. » (p.291)
« On accuse souvent les Mamelouks d’avoir opprimé les paysans pour en tirer le maximum d’impôts au profit du sultan et des émirs, ce qui est certainement exact. Le paysan, toujours et partout jusqu’à une époque récente, fut la première victime des seigneurs et des gouvernements avides d’argent. » (p.294)
« De nombreux esclaves entouraient le sultan, les princes et les princesses. Certaines femmes esclaves agissaient en véritables souveraines, y compris dans la conduite de l’Etat. […] Plusieurs sultans -Barsbay, Nasir, Kouchkadam notamment- épousèrent des esclaves. » (p.297)
« La religion préside à toutes les circonstances de la vie, de la naissance à la mort. » (p.349)
« L’homme choississait rarement son épouse. » (p.351)
« [La femme au temps des Mamelouks [1 page et demie]. »
« La polygamie, autorisée par l’islam sans être conseillée, était répandue dans les classes populaires aussi bien que dans la bourgeoisie et les familles régnantes. Le nombre des épouses légitimes pouvait aller jusqu’à quatre, celui des concubines était illimité. On cite comme exceptionnel le cas du sultan Inal qui n’eut qu’une seule épouse et aucune concubine. » (p.354-355)
« Le cas de la sultane Chaddar ad-dour est unique, mais beaucoup d’autres pesèrent sur les décisions des sultans et des grands émirs. » (p.355)
« Le voyageur italien Frescobaldi raconte qu’« au Caire il y a beaucoup de femmes qui font très activement le commerce. » (p.356)
« Le costume tient une place très importante dans l’Égypte mamelouke. Il identifie le rang social de celui qui le porte. » (p.358)
« Les maisons de l’immense majorité de la population du Caire et des autres villes sont construites en terre ou en brique séchée avec une partie en roseaux. Le sol est recouvert de pierres plus ou moins bien équarries, de marbre si l’occupant en a les moyens. L’intérieur est décoré d’étoffes de soie et de tapis sur le sol, si on le peut. Couvertes d’une terrasse qui permet d’y passer les nuits d’été dans une relative fraîcheur, les pièces sont distribuées de façon telle que l’espace réservé aux femmes -le harem- soit entièrement séparé de celui des hommes. Si le couple n’a pas les moyens d’avoir une maison qui prévoit cette séparation, on tire un simple rideau quand entre un visiteur mâle. » (p.362)
« A l’époque où les Mamelouks commencent leur règne sur l’Égypte et la Syrie, la littérature arabe est sur son déclin. Les coups qui ont frappé l’Islam à l’est et à l’ouest, les invasions mongoles et les croisades, sont tels, ont à tel point détruit la fleur de sa civilisation qu’il ne s’en remettra jamais. » (p.395)
-André Clot, L’Égypte des Mamelouks. L’empire des esclaves (1250-1517), Perrin, 1996, 474 pages.