« L’ensemble s’apparente davantage à une mouvance qu’à un mouvement : la douzaine d’écrivains et de journalistes qui forment le oyau du groupe, Jean de Fabrègues, Jean-Pierre Maxence, Robert Francis, Thierry Maulnier, Robert Brasillach, René Vincent, Maurice Bardèche, Maurice Blanchot, Claude Roy, Louis Salleron, Kléber Haedens, Jean-François Gravier et Jacques Laurent, ne sont unis par aucun lien organique, et ne se reconnaissent d’aucune discipline de parti. Ils se répartissent d’ailleurs en deux équipes bien distinctes -autour de Fabrègues d’une part, de Maulnier et de Maxence de l’autre- qui ne fusionnent qu’en 1936, et conservent même après cette date une relative spécificité. Tous n’en partagent pas moins […] une sensibilité commune qui suffit à délimiter, en marge de la nébuleuse maurrassienne les contours d’un courant original. » (p.15)
« [Mounier] a vraisemblablement emprunté le terme à Drieu La Rochelle, qui avait publié quelques années plus tôt un Manifeste de la Jeune Droite resté sans postérité. Réemployée à plusieurs reprises par Esprit jusqu’en 1939, l’expression va toutefois vite tomber en désuétude […] jusqu’à ce que Jean-Louis Loubet del Bayle achève à la fin des années 60 de mettre en évidence l’unité idéologique de ce micro milieu atypique. » (p.16)
« Les Cahiers et Réaction ne tirent guère qu’à 500 exemplaires ; Combat ou Idées n’auront jamais plus de 2000 lecteurs réguliers. Composé majoritairement d’étudiants ou d’ « ex-étudiants récents », son public reste marginal et son audience confidentielle. » (p.17)
« [Ils] ne craignent pas de « composer » le catéchisme maurrassien avec d’autres influences. » (p.23)
« Fabrègues, Maxence et Francis, pour ne citer qu’eux, se définissent comme des intellectuels catholiques avant de se définir comme des intellectuels nationalistes. » (p.24)
« Entre Maurras et Maritain, entre l’Action française et l’Eglise, c’est longtemps Henri Massis qui fournira le modèle d’un positionnement médian. Compagnon de route de l’Action française et proche collaborateur de Maritain, catholique convaincu et maurrassien impénitent, le directeur de la Revue universelle constitue tout au long des années 30 le plus sûr relais entre les deux réseaux. […] Inlassable trait d’union entre les générations, c’est lui qui familiarise un Maulnier, un Maxence, un Brasillach ou un Fabrègues avec les œuvres déjà lointaines de Bergson et de Barrès, de Péguy et de Claudel, de Blondel et de Psichari. » (p.27)
« Attention toute particulière à ce processus d’hybridation idéologique, et tout particulièrement aux « ouvertures à gauche » qui contribuent largement à l’originalité du groupe. » (p.28)
« C’est le sentiment lancinant de vivre une crise de civilisation -une politique, sociale et spirituelle- qui donne, au moins autant que la saignée de la guerre sa cohérence à l’ « esprit des années 30 ». Désespérément absente des préoccupations des aînés immédiats, cette inquiétude diffuse constitue le défi auquel est confronté l’ensemble des jeunes intellectuels qui arrivent à maturité au seuil de la décennie. » (p.31)
« Grégoire atteint 800 000 exemplaires au cours de la décennie, Candide, 500 000 exemplaires et Je suis partout, 100 000 exemplaires. » (p.204)
« Maulnier définit le progrès humain comme la possibilité donnée à « l’individu d’exception » de se soustraire temporairement au service de la collectivité pour se consacrer aux activités de l’esprit. C’est ce « droit à l’inutilité », apanage du sage et de l’artiste, qui fonde selon lui une civilisation digne de ce nom. » (p.205)
« [L’] antifascisme conservateur constitue l’un des traits les plus inattendus, mais aussi les plus caractéristiques de la Jeune Droite. » (note 5 p.209)
« Le jeune homme [Maulnier] trouve chez Nietzsche une justification à son mépris de l’étatisme et du « règne des masses ». […] Clef de voûte de son conservatisme atypique [« anticlérical »]. » (p.210-211)
« Ravi de cet accueil favorable [de La Crise est dans l’homme], Maulnier ne s’endort pas sur ses lauriers. Rendu à la vie civile à l’automne 1932, il s’attelle sans tarder à la préparation d’un essai sur Nietzsche. L’agrégation est vite oubliée. « Ce qui m’occupe davantage en ce moment, avoue-t-il à sa mère, c’est le Nietzsche dans lequel je suis plongé. J’ai promis le manuscrit pour le 1er novembre, et le 10 octobre il n’était pas commencé » [lettre du 17 octobre 1932]. Habitué depuis ses années de khâgne aux délais impossible, le jeune homme ne recule pas devant l’obstacle, et remet bientôt à son éditeur aux abois un manuscrit « brillant et emphatique » [Claude Roy], qui paraît début 1933. […] Cette double publication couronnée de succès constitue pour Maulnier une véritable consécration. » (pp.212-213)
« Maulnier […] multiplie les emprunts plus ou moins déguisé [à l’Ordre nouveau]. » (p.216)
« La Revue du Siècle […] a une tonalité très littéraire. […] Tout au long de la première année, une bonne moitié du volume de la revue sera consacrée à cet apostolat désintéressé. » (p.236)
« Pour le noyau catholique de la rédaction, orphelin du souffle vigoureux de Bernanos, la figure de Mauriac apparaît à plus d’un titre comme un recours providentiel. […] Sans être directement lié à l’Action française, ce barrésien impénitent s’est en effet distingué en pleine tourmente pontificale par le soutien aussi ferme qu’inattendu qu’il a apporté à Maurras. » (p.238)
« Fidèles au credo traditionaliste et maurrassien, [les collaborateurs de la Revue du siècle] ne doutent pas un instant que la cité personnaliste a existé : au Moyen Age, au cœur de cet univers théocentrique et sacralisé dont leurs inspirateurs leur ont tant vanté les vertus. » (p.245)
« L’année 1934 s’ouvre indéniablement sous de sombres auspices. […] 300 000 chômeurs, une agriculture à l’agonie, des faillites en cascades, une politique d’austérité de plus en plus mal perçue par les classes moyennes, des scandales à répétition, une diplomatie bafouée par l’arrogance allemande : c’est beaucoup pour un régime déjà passablement discrédité. » (p.286)
« Pour la première fois dans l’histoire de la Troisième république, un gouvernement est tombé sous la pression de la rue. » (p.294)
« [Maulnier] collabore également au Rempart, un quotidien d’inspiration conservatrice fondé par Paul Lévy et animé depuis la chute de la Revue française par Maxence et Blanchot. […]
Dévoué à la lutte contre le nazisme et le « bolchevisme intellectuel », pénétré d’une roborative fibre populiste, Le Rempart reprend ainsi clairement à son compte la volonté exprimée à la veille du 6 février par la Revue française de « proposer les actes immédiatement nécessaires au salut public […] Maxence, Maulnier et Blanchot y suivent pas à pas l’évolution du paysage politique français, étrillent rageusement les gouvernements successifs, tournent en dérision la « reconstruction » du parti radical et n’hésitent pas à tendre une main amicale aux « néosocialistes » qui prônent, en marge de la SFIO, un « dépassement » du marxisme. Lecteurs attentifs des thèses d’Henri de Man, témoignant d’une connaissance du marxisme assez rare à droite, les jeunes journalistes saluent ainsi avec enthousiasme les premiers pas de Marcel Déat et d’un « socialisme national » auquel il ne reste plus selon eux qu’à tourner le dos à ses illusions dirigistes. S’il reconnaît le bien fondé de l’anticapitalisme des « néos », c’est à un « refus supérieur » que Blanchot enjoint Déat et ses amis : « Il reste, explique-t-il avec ferveur, des hommes qui ne veulent ni d’un Etat qui les opprime, ni d’un monde qui les asservit. Il reste des hommes pour qui l’ordre véritable doit être l’œuvre d’une révolution et pour qui la révolution est un combat et un rajeunissement. C’est cette révolte faite de sagesse et d’audace que nous préparons aujourd’hui. [Blanchot, « Socialisme bourgeois et nationalisme révolutionnaire », Le Rempart, 4 juin 1933] » (pp.298-300)
« La Revue du XXe Siècle est finalement lancée en décembre 1934. Dirigé d’une main de fer par Fabrègues, ce mensuel de 80 pages, dont la présentation est clairement calquée sur celle de la Revue du Siècle, entend retrouver l’esprit débridé et contestataire de Réaction. » (p.307)
« Maulnier, Maxence et Francis rejoignent officiellement le groupe en janvier 1935, accompagnés de Claude Roy […] La moyenne d’âge de l’équipe n’excède pas la trentaine. » (p.308)
« La demi-douzaine de livraisons qui constituent la collection complète de la Revue du XXème Siècle marque un tournant décisif dans l’histoire de la Jeune Droite. Pour la première fois en effet, ses chefs de file donnent l’impression d’avoir trouvé leur place sur l’échiquier idéologique. » (p.310)
« Automne 1935 […] la rédaction de la Revue du XXème siècle […] s’installe avec armes et bagages dans les locaux du Courrier [royal]. » (p.321)
« Si une « révolution » doit se faire, il est de plus en plus clair que ce sera, soit à l’initiative de la coalition conservatrice, soit, à plus long terme, à l’initiative des communistes. Plus personne ne peut sérieusement croire en 1935 à la possibilité d’une « troisième voie » d’inspiration personnaliste. » (p.331)
« Aboutissement d’une décennie de tâtonnements, Combat voit le jour en janvier 1936. Ce mensuel novateur […] vient d’abord combler un vide : depuis la disparition de la Revue du XXe siècle, la Jeune Droite n’avait plus de tribune propre, et n’existait plus qu’au travers des réunions informelles du Groupe XXème Siècle et de la double page animée par Maulnier et Fabrègues dans le Courrier royal. La crise éthiopienne et la nécessité d’un organe capable de fédérer la coalition antisanctionniste sont vite venues rendre insupportable cet éparpillement. […] [Fabrègues et Maulnier] se partagent équitablement la direction de la revue, René Vincent assurant la rédaction en chef et Jean Le Marchand les fonctions d’administrateur. […] Les quelques noms nouveaux sont pour la plupart des pseudonymes, et la poignée d’invités occasionnels -Drieu La Rochelle et Bertrand de Jouvenel par exemple- est délibérément reléguées au second plan. » (p.339)
« Le nouveau visage présenté par le parti communiste, les craintes suscitées dans les milieux littéraires par le 6 février et la montée du nazisme laissent entrevoir en 1936 des convergences inattendues : Gide et Romain Rolland, Alain et Guéhenno, Paul Nizan et Jean-Richard Bloch, Malraux et André Chamson se côtoient au cœur d’une nébuleuse composite, dont le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, l’Association des écrivains et artisans révolutionnaires et le cercle de la NRF sont les points de ralliement. Malgré leur défiance à l’encontre des communistes et leur hostilité à l’idée d’un front uni de la gauche, les « sanctionnistes » Mounier, Maritain et Mauriac ne sont pas loin. Ils participent d’ailleurs à Vendredi, l’hebdomadaire de Guéhenno et de Chamson, qui réunit les signatures des ténors de l’antifascisme. C’est cette alliance tactique qui provoque la colère des animateurs de la Jeune Droite. » (p.341)
« Irrévérence et violence verbale sont la règle, dans une optique résolument non-conformiste et contestataire. » (p.344)
« D’emblée, [Maulnier] impose son empreinte sur Combat et renforce par là même son hégémonie sur le microcosme néo-maurrassien. […] Les souvenirs laissés par les participants à l’aventure sont unanimes à célébrer son dynamisme et son autorité. » (p.344)
« [La] rapide marginalisation de l’aile catholique du groupe n’est pas sans conséquence sur les prises de position de Combat. » (p.346)
« Sous les pseudonymes d’Hugues Favart et d’Alain Palante, [René Vincent] […] Brasillach […] se découvre une vocation de polémiste. » (p.346)
« Le sentiment de mépris éprouvé par les jeunes maurrassiens face au spectacle d’une nation « avilie » et ridiculisée par la « renaissance de ses voisins orientaux » en est d’autant exacerbé. » (p.350)
« La rancœur des jeunes journalistes est exacerbée par leurs propres difficultés à se faire une place au soleil des belles-lettres. » (p.351)
« C’est la distinction classique établie par Maurras entre « pays légal » et « pays réel » qui se trouve remise en cause. » (p.352)
« Quand aux accords de Matignon, ils suscitent une appréciation globalement positive de Maxence et de Maulnier. » (p.362)
« De la part de Pierre Andreu, de Georges Blond, de Pierre Monnier perce ainsi une tonalité proudhonienne et sorélienne, qui vient sensiblement infléchir la ligne politique de la revue. » (p.365)
« [L]es responsables de l’Action française […] considèrent de plus en plus Combat comme un organe « hérétique ». […] Maulnier apparaît plus que jamais comme l’héritier du Cercle Proudhon et de La Revue critique des idées et des livres -auxquels Combat ne manque pas d’ailleurs de faire des allusions répétées. » (p.366)
« Combat compte 1054 abonnés début 1937 et culminera à 2000 en 1939, pour un tirage total de 5000 exemplaires. » (note 1 p.367)
« « La concentration des pourris » : le tire qui barre en grosses lettres la « Une » du premier numéro de l’Insurgé, le 13 janvier 1937, a le mérite d’annoncer clairement la couleur. Le ton du nouvel hebdomadaire sera provoquant et insolent, à la limite de la grossièreté. » (p.377)
« Pierre Monnier s’attaque dans sa chronique sociale à la « tyrannie capitaliste » et réclame l’abolition du salariat et de la « dictature du crédit ». » (p.378)
« Un anticommunisme proche de l’hystérie caractérise bien souvent les positions de l’Insurgé. Quand Maulnier et ses amis insinuent que l’accident fatal de l’aviateur Mermoz est le résultat d’un « sabotage communiste », que les services secrets soviétiques sont responsables d’une tentative d’empoisonnement à bord d’un sous-marin français ou du « détournement » de « trois camions de documents intéressants la défense nationale », ils s’inscrivent dans le droit fil d’une presse populiste en mal de sensations. De la même façon, la campagne de délation entamée à la mi-février et visant à dénoncer la présence de « caches d’armes » communistes sur le territoire français n’honore guère la jeune équipe. » (p.381)
« L’Insurgé ne craint pas à l’inverse d’applaudir à certaines mesures prises par le gouvernement [Blum]. » (p.382)
« Dans une importante série d’articles [de juin 1937 dans L’Insurgé] intitulée « Qu’est-ce que le fascisme ? », André Monconduit porte pour sa part un jugement étonnement circonstancié sur l’expérience italienne. […] Il exalte les Ballilas, la politique nataliste et les assurances chômage comme autant d’exemples des « réalisations sociales de l’Etat italien ». » (p.390)
« Le signe le plus clair de cette involution autoritaire reste incontestablement la collaboration de la Jeune Droite avec le PPF. » (p.392)
« Choqué par l’alignement idéologique de l’Italie sur l’Allemagne, les jeunes maurrassien dénoncent le tournant antisémite et dirigiste pris par le régime italien. » (p.395)
« La réapparition, au terme de trois années d’effacement, de cette rhétorique « humaniste » et antifasciste dans la production de la Jeune Droite marque en tout cas un tournant important dans l’histoire du « mouvement ». Un tournant d’autant plus significatif qu’il se produit au moment précis où se dessinent, aux confins de la droite et de l’extrême-droite française, les contours d’un « fascisme » authentique qui se nourrit de la trouble fascination suscitée dans les rangs « nationaux » par la « volonté de puissance » allemande et italienne. Cette simultanéité n’est d’ailleurs pas une coïncidence : c’est en partie en réaction à l’attitude à leurs yeux « romantique » et « dangereuse » de certains de leurs collaborateurs de Candide ou de Je suis partout que les animateurs de Combat se sentent obligés de clarifier leurs positions. » (p.396)
« Georges Blond, Ralph Soupault et Pierre Lucius s’y rallient [à Brasillach] sans état d’âme […] La séparation n’a au départ aucun caractère conflictuel : on parle de « divergences » plus que d’opposition et Kléber Haedens, Claude Roy, et surtout Maulnier lui-même, continuent de collaborer aux deux revues. Mais ce sont bien deux logiques inconciliables qui s’affrontent, et dont le temps ne fera qu’exacerber l’antagonisme. » (p.397)
« Brasillach est rédacteur en chef de Je suis partout depuis juin 1937. Il cesse toute collaboration à Combat au printemps 1938. » (p.397)
« La question de l’antisémitisme vient très opportunément cristalliser l’incompatibilité radicales des valeurs prônées par les deux équipes. » (p.398) [l’auteur prend la partie pour le tout]
« La grande spécificité de Civilisation consiste en sa relative neutralité idéologique. » (p.409)
« « Armer, réarmer, combattre comme la peste tout ce qui, de près ou de loin, ressemblerait à une déclaration de guerre ! – Gagner du temps. » [Af, 16 mars 1939] : la ligne de conduite édictée par le maître de l’Action française est adoptée sans l’ombre d’une hésitation par les animateurs de la Jeune Droite. » (p.420)
« Le dilemme restera entier : ou trahir la « réalité même de la nation », ou trahir les idéaux et doctrines dont on est fondé à penser qu’ils conditionnent sa sauvegarde. […] Une révolution n’est plus envisageable dans le nouveau contexte international. » (p.423)
« L’évolution trouve sa consécration dans la remarquable série d’articles que Maulnier publie au premier semestre 1939 dans Combat et dans la Revue universelle. […] Le discours du jeune homme prend une tonalité « républicaine » qui n’échappe à personne…
[…] les rédacteurs de Combat accordent une place toute particulière à la mission coloniale de la France.
[…] Combat se distingue en 1939 par une agressivité de plus en plus marquée en matière de politique étrangère. » (p.427)
« A l’exception de Kléber Haedens, de Jacques Laurent et de François Sentein, tous sont affectés à des unités de première ligne. Et tous prennent leur rôle au sérieux. […] Le service de la patrie passe avant tout. […] Cette sombre discipline, la jeune équipe ne craint pas de l’appliquer au pied de la lettre. » (p.431)
« Renvoyé dans ses foyers en novembre 1939 pour cause de myopie […] chroniqueur militaire à Je suis partout et à l’Action française, [Maulnier] pèse de tout son poids en faveur de l’union nationale et de l’effort de guerre. […] De plus en plus convaincu que la guerre en cours est une guerre de la civilisation contre la barbarie, Maulnier débarrasse son discours des dernières ambiguïtés qui continuaient à l’entacher et retrouve sans peine les accents de cette « propagande patriotique » qu’il fustigeait deux ans plus tôt.
L’évolution n’échappe pas à ses amis de Je suis partout. Agacés, ceux-ci ne manquent pas une occasion de brocarder le « libéralisme » de leur collaborateur. » (p.432)
« Maulnier sera exclu de la rédaction et sera désormais considéré comme un ennemi à part entière. » (p.433)
« Dire que les animateurs de la Jeune Droite subissent la débâcle au plus profond de leur chair n’est pas une clause de style. » (p.434)
« Tout le drame de la défaite est contenu en germe dans ce « faisceau d’appétits sordides qu’on proposait pour idéal aux Français et que ceux-ci acceptaient sans révolte. [Jean de Fabrègues, « Qu’est-ce que la communauté française ? », Idées, novembre 1941] » (p.435)
« Pétain s’inscrit clairement dans la nébuleuse idéologique nationaliste et révolutionnaire d’où est issue la Jeune Droite. […] Les maurrassiens notamment sont omniprésents : Massis, Raphaël Alibert, Dumoulin de Labarthète jouent les éminences grises dans l’entourage du Maréchal. Plus proches encore de Combat, Pierre Lucius, Firmin Bacconnier et Louis Salleron tiennt solidement l’Institut d’études sociales, qui s’impose comme l’un des piliers intellectuels du régime. » (p.437)
« Maulnier au Comité de Rassemblement pour la Révolution nationale, Vincent à la direction de la censure et de la presse, Gravier au département de formation et de direction politique des propagandistes, Fabrègues et Maxence au Commissariat général aux prisonniers, Mauban et Le Marchand au secrétariat à la Jeunesse et Sentein aux Chantiers. De toute évidence, la Jeune Droite constitue un vivier de choix pour l’équipe au pouvoir. » (p.442)
« Parmi les collaborateurs les plus réguliers d’Idées de novembre 1941 à novembre 1942 ; Vincent (55 articles), Laurent (20 articles sous le pseudonyme de Jacques Bostan), Gravier (12), Sentein (11), Haedens (10) et Fabrègues (7). » (note 3 p.448)
« Enquête [dans Idées] sur « le rôle de l’intelligence dans la cité » […] à laquelle répondirent, entre février et juillet, Emmanuel Berl, Jean Paulhan, Jacques Charbonne, Henri Massis, Jean-Pierre Maxence, Daniels-Rops et Pierre Gaxotte. » (p.449)
« Idées se considère comme une courroie de transmission fidèle entre le Maréchal et la jeunesse. » (p.450)
« Le retour au pouvoir de Laval en avril n’est évidemment pas de nature à arranger les choses. Il sonne au contraire le glas des illusions « révolutionnaires » de la Jeune Droite, et préfigure un alignement de la France sur l’Allemagne que ses animateurs ne sont pas disposés à cautionner. Maulnier est le premier à réagir : déjà très en retrait des positions d’Idées, il achève en 1942 de prendre ses distances avec le régime et adopte progressivement une attitude discrète d’opposition. […] Maulnier tourne dès lors résolument le dos à la politique. » (p.455)
« Quant à La Table Ronde, le lien est à peine moins évident. Emanation du Centre communautaire mis sur pied par Roger Mouton en 1941 avec le concours de Maxence et de Maulnier, les Cahiers puis la maison d’édition s’appuient largement sur les réseaux mis en place à la veille de la guerre et développés sous l’Occupation. Maulnier y conservera jusqu’en 1954 un rôle de premier plan aux côtés de François Mauriac et de Jean Le Marchand […] Or on observe [comme avec La France catholique] la même hostilité à la « culture dirigée » et à la politisation des intellectuels […] Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir ainsi l’un des mouvements les plus dogmatiques de l’entre-deux-guerres donner naissance à deux des bastions conservateurs du désengagement et de la « démilitantisation ».
En l’espace de quelques années, c’est la quasi-totalité des dogmes et principes défendus avant-guerre par la Jeune Droite qui se voit ainsi battue en brèche. […] Maulnier a beau réitérer en 1954 son souci d’ « unir le national au social », ses chroniques du Figaro et de La Table Ronde tiennent plus du libéralisme que du « socialisme national ». » (p.462)
« Plus question en 1950 de parler de nationalisme et de corporatisme, de royalisme ou même de décentralisation. « Contrecoup de leur passage plus ou moins avoué à Vichy », la plupart des thèmes de prédilection de l’intelligentsia de droite sont frappés d’un ostracisme durable. » (p.469)
« Le « front de refus » opposé par les animateurs de la Jeune Droite présente d’évidentes similitudes avec le « mal du siècle » des « jeunes conservateurs » allemands des années 20 Ernst Jünger, Ernst Niekisch, Arthur Moeller van den Brück ou Ernest von Salomon : même rejet global de la modernité, même mépris des faux semblants de la « civilisation bourgeoise » […] Maulnier n’a-t-il pas préfacé en 1933 l’édition française du Troisième Reich d’ Arthur Moeller van den Brück ? […] Crise globale, non pas seulement hexagonale, mais internationale de la pensée conservatrice. » (p.473)
-Nicolas Kessler, Histoire politique de la Jeune Droite (1929-1942). Une révolution conservatrice à la française, L’Harmattan, 2001, 494 pages.
Nietzsche n’est cité que 5 fois dans l’ensemble du livre.
« [Mounier] a vraisemblablement emprunté le terme à Drieu La Rochelle, qui avait publié quelques années plus tôt un Manifeste de la Jeune Droite resté sans postérité. Réemployée à plusieurs reprises par Esprit jusqu’en 1939, l’expression va toutefois vite tomber en désuétude […] jusqu’à ce que Jean-Louis Loubet del Bayle achève à la fin des années 60 de mettre en évidence l’unité idéologique de ce micro milieu atypique. » (p.16)
« Les Cahiers et Réaction ne tirent guère qu’à 500 exemplaires ; Combat ou Idées n’auront jamais plus de 2000 lecteurs réguliers. Composé majoritairement d’étudiants ou d’ « ex-étudiants récents », son public reste marginal et son audience confidentielle. » (p.17)
« [Ils] ne craignent pas de « composer » le catéchisme maurrassien avec d’autres influences. » (p.23)
« Fabrègues, Maxence et Francis, pour ne citer qu’eux, se définissent comme des intellectuels catholiques avant de se définir comme des intellectuels nationalistes. » (p.24)
« Entre Maurras et Maritain, entre l’Action française et l’Eglise, c’est longtemps Henri Massis qui fournira le modèle d’un positionnement médian. Compagnon de route de l’Action française et proche collaborateur de Maritain, catholique convaincu et maurrassien impénitent, le directeur de la Revue universelle constitue tout au long des années 30 le plus sûr relais entre les deux réseaux. […] Inlassable trait d’union entre les générations, c’est lui qui familiarise un Maulnier, un Maxence, un Brasillach ou un Fabrègues avec les œuvres déjà lointaines de Bergson et de Barrès, de Péguy et de Claudel, de Blondel et de Psichari. » (p.27)
« Attention toute particulière à ce processus d’hybridation idéologique, et tout particulièrement aux « ouvertures à gauche » qui contribuent largement à l’originalité du groupe. » (p.28)
« C’est le sentiment lancinant de vivre une crise de civilisation -une politique, sociale et spirituelle- qui donne, au moins autant que la saignée de la guerre sa cohérence à l’ « esprit des années 30 ». Désespérément absente des préoccupations des aînés immédiats, cette inquiétude diffuse constitue le défi auquel est confronté l’ensemble des jeunes intellectuels qui arrivent à maturité au seuil de la décennie. » (p.31)
« Grégoire atteint 800 000 exemplaires au cours de la décennie, Candide, 500 000 exemplaires et Je suis partout, 100 000 exemplaires. » (p.204)
« Maulnier définit le progrès humain comme la possibilité donnée à « l’individu d’exception » de se soustraire temporairement au service de la collectivité pour se consacrer aux activités de l’esprit. C’est ce « droit à l’inutilité », apanage du sage et de l’artiste, qui fonde selon lui une civilisation digne de ce nom. » (p.205)
« [L’] antifascisme conservateur constitue l’un des traits les plus inattendus, mais aussi les plus caractéristiques de la Jeune Droite. » (note 5 p.209)
« Le jeune homme [Maulnier] trouve chez Nietzsche une justification à son mépris de l’étatisme et du « règne des masses ». […] Clef de voûte de son conservatisme atypique [« anticlérical »]. » (p.210-211)
« Ravi de cet accueil favorable [de La Crise est dans l’homme], Maulnier ne s’endort pas sur ses lauriers. Rendu à la vie civile à l’automne 1932, il s’attelle sans tarder à la préparation d’un essai sur Nietzsche. L’agrégation est vite oubliée. « Ce qui m’occupe davantage en ce moment, avoue-t-il à sa mère, c’est le Nietzsche dans lequel je suis plongé. J’ai promis le manuscrit pour le 1er novembre, et le 10 octobre il n’était pas commencé » [lettre du 17 octobre 1932]. Habitué depuis ses années de khâgne aux délais impossible, le jeune homme ne recule pas devant l’obstacle, et remet bientôt à son éditeur aux abois un manuscrit « brillant et emphatique » [Claude Roy], qui paraît début 1933. […] Cette double publication couronnée de succès constitue pour Maulnier une véritable consécration. » (pp.212-213)
« Maulnier […] multiplie les emprunts plus ou moins déguisé [à l’Ordre nouveau]. » (p.216)
« La Revue du Siècle […] a une tonalité très littéraire. […] Tout au long de la première année, une bonne moitié du volume de la revue sera consacrée à cet apostolat désintéressé. » (p.236)
« Pour le noyau catholique de la rédaction, orphelin du souffle vigoureux de Bernanos, la figure de Mauriac apparaît à plus d’un titre comme un recours providentiel. […] Sans être directement lié à l’Action française, ce barrésien impénitent s’est en effet distingué en pleine tourmente pontificale par le soutien aussi ferme qu’inattendu qu’il a apporté à Maurras. » (p.238)
« Fidèles au credo traditionaliste et maurrassien, [les collaborateurs de la Revue du siècle] ne doutent pas un instant que la cité personnaliste a existé : au Moyen Age, au cœur de cet univers théocentrique et sacralisé dont leurs inspirateurs leur ont tant vanté les vertus. » (p.245)
« L’année 1934 s’ouvre indéniablement sous de sombres auspices. […] 300 000 chômeurs, une agriculture à l’agonie, des faillites en cascades, une politique d’austérité de plus en plus mal perçue par les classes moyennes, des scandales à répétition, une diplomatie bafouée par l’arrogance allemande : c’est beaucoup pour un régime déjà passablement discrédité. » (p.286)
« Pour la première fois dans l’histoire de la Troisième république, un gouvernement est tombé sous la pression de la rue. » (p.294)
« [Maulnier] collabore également au Rempart, un quotidien d’inspiration conservatrice fondé par Paul Lévy et animé depuis la chute de la Revue française par Maxence et Blanchot. […]
Dévoué à la lutte contre le nazisme et le « bolchevisme intellectuel », pénétré d’une roborative fibre populiste, Le Rempart reprend ainsi clairement à son compte la volonté exprimée à la veille du 6 février par la Revue française de « proposer les actes immédiatement nécessaires au salut public […] Maxence, Maulnier et Blanchot y suivent pas à pas l’évolution du paysage politique français, étrillent rageusement les gouvernements successifs, tournent en dérision la « reconstruction » du parti radical et n’hésitent pas à tendre une main amicale aux « néosocialistes » qui prônent, en marge de la SFIO, un « dépassement » du marxisme. Lecteurs attentifs des thèses d’Henri de Man, témoignant d’une connaissance du marxisme assez rare à droite, les jeunes journalistes saluent ainsi avec enthousiasme les premiers pas de Marcel Déat et d’un « socialisme national » auquel il ne reste plus selon eux qu’à tourner le dos à ses illusions dirigistes. S’il reconnaît le bien fondé de l’anticapitalisme des « néos », c’est à un « refus supérieur » que Blanchot enjoint Déat et ses amis : « Il reste, explique-t-il avec ferveur, des hommes qui ne veulent ni d’un Etat qui les opprime, ni d’un monde qui les asservit. Il reste des hommes pour qui l’ordre véritable doit être l’œuvre d’une révolution et pour qui la révolution est un combat et un rajeunissement. C’est cette révolte faite de sagesse et d’audace que nous préparons aujourd’hui. [Blanchot, « Socialisme bourgeois et nationalisme révolutionnaire », Le Rempart, 4 juin 1933] » (pp.298-300)
« La Revue du XXe Siècle est finalement lancée en décembre 1934. Dirigé d’une main de fer par Fabrègues, ce mensuel de 80 pages, dont la présentation est clairement calquée sur celle de la Revue du Siècle, entend retrouver l’esprit débridé et contestataire de Réaction. » (p.307)
« Maulnier, Maxence et Francis rejoignent officiellement le groupe en janvier 1935, accompagnés de Claude Roy […] La moyenne d’âge de l’équipe n’excède pas la trentaine. » (p.308)
« La demi-douzaine de livraisons qui constituent la collection complète de la Revue du XXème Siècle marque un tournant décisif dans l’histoire de la Jeune Droite. Pour la première fois en effet, ses chefs de file donnent l’impression d’avoir trouvé leur place sur l’échiquier idéologique. » (p.310)
« Automne 1935 […] la rédaction de la Revue du XXème siècle […] s’installe avec armes et bagages dans les locaux du Courrier [royal]. » (p.321)
« Si une « révolution » doit se faire, il est de plus en plus clair que ce sera, soit à l’initiative de la coalition conservatrice, soit, à plus long terme, à l’initiative des communistes. Plus personne ne peut sérieusement croire en 1935 à la possibilité d’une « troisième voie » d’inspiration personnaliste. » (p.331)
« Aboutissement d’une décennie de tâtonnements, Combat voit le jour en janvier 1936. Ce mensuel novateur […] vient d’abord combler un vide : depuis la disparition de la Revue du XXe siècle, la Jeune Droite n’avait plus de tribune propre, et n’existait plus qu’au travers des réunions informelles du Groupe XXème Siècle et de la double page animée par Maulnier et Fabrègues dans le Courrier royal. La crise éthiopienne et la nécessité d’un organe capable de fédérer la coalition antisanctionniste sont vite venues rendre insupportable cet éparpillement. […] [Fabrègues et Maulnier] se partagent équitablement la direction de la revue, René Vincent assurant la rédaction en chef et Jean Le Marchand les fonctions d’administrateur. […] Les quelques noms nouveaux sont pour la plupart des pseudonymes, et la poignée d’invités occasionnels -Drieu La Rochelle et Bertrand de Jouvenel par exemple- est délibérément reléguées au second plan. » (p.339)
« Le nouveau visage présenté par le parti communiste, les craintes suscitées dans les milieux littéraires par le 6 février et la montée du nazisme laissent entrevoir en 1936 des convergences inattendues : Gide et Romain Rolland, Alain et Guéhenno, Paul Nizan et Jean-Richard Bloch, Malraux et André Chamson se côtoient au cœur d’une nébuleuse composite, dont le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, l’Association des écrivains et artisans révolutionnaires et le cercle de la NRF sont les points de ralliement. Malgré leur défiance à l’encontre des communistes et leur hostilité à l’idée d’un front uni de la gauche, les « sanctionnistes » Mounier, Maritain et Mauriac ne sont pas loin. Ils participent d’ailleurs à Vendredi, l’hebdomadaire de Guéhenno et de Chamson, qui réunit les signatures des ténors de l’antifascisme. C’est cette alliance tactique qui provoque la colère des animateurs de la Jeune Droite. » (p.341)
« Irrévérence et violence verbale sont la règle, dans une optique résolument non-conformiste et contestataire. » (p.344)
« D’emblée, [Maulnier] impose son empreinte sur Combat et renforce par là même son hégémonie sur le microcosme néo-maurrassien. […] Les souvenirs laissés par les participants à l’aventure sont unanimes à célébrer son dynamisme et son autorité. » (p.344)
« [La] rapide marginalisation de l’aile catholique du groupe n’est pas sans conséquence sur les prises de position de Combat. » (p.346)
« Sous les pseudonymes d’Hugues Favart et d’Alain Palante, [René Vincent] […] Brasillach […] se découvre une vocation de polémiste. » (p.346)
« Le sentiment de mépris éprouvé par les jeunes maurrassiens face au spectacle d’une nation « avilie » et ridiculisée par la « renaissance de ses voisins orientaux » en est d’autant exacerbé. » (p.350)
« La rancœur des jeunes journalistes est exacerbée par leurs propres difficultés à se faire une place au soleil des belles-lettres. » (p.351)
« C’est la distinction classique établie par Maurras entre « pays légal » et « pays réel » qui se trouve remise en cause. » (p.352)
« Quand aux accords de Matignon, ils suscitent une appréciation globalement positive de Maxence et de Maulnier. » (p.362)
« De la part de Pierre Andreu, de Georges Blond, de Pierre Monnier perce ainsi une tonalité proudhonienne et sorélienne, qui vient sensiblement infléchir la ligne politique de la revue. » (p.365)
« [L]es responsables de l’Action française […] considèrent de plus en plus Combat comme un organe « hérétique ». […] Maulnier apparaît plus que jamais comme l’héritier du Cercle Proudhon et de La Revue critique des idées et des livres -auxquels Combat ne manque pas d’ailleurs de faire des allusions répétées. » (p.366)
« Combat compte 1054 abonnés début 1937 et culminera à 2000 en 1939, pour un tirage total de 5000 exemplaires. » (note 1 p.367)
« « La concentration des pourris » : le tire qui barre en grosses lettres la « Une » du premier numéro de l’Insurgé, le 13 janvier 1937, a le mérite d’annoncer clairement la couleur. Le ton du nouvel hebdomadaire sera provoquant et insolent, à la limite de la grossièreté. » (p.377)
« Pierre Monnier s’attaque dans sa chronique sociale à la « tyrannie capitaliste » et réclame l’abolition du salariat et de la « dictature du crédit ». » (p.378)
« Un anticommunisme proche de l’hystérie caractérise bien souvent les positions de l’Insurgé. Quand Maulnier et ses amis insinuent que l’accident fatal de l’aviateur Mermoz est le résultat d’un « sabotage communiste », que les services secrets soviétiques sont responsables d’une tentative d’empoisonnement à bord d’un sous-marin français ou du « détournement » de « trois camions de documents intéressants la défense nationale », ils s’inscrivent dans le droit fil d’une presse populiste en mal de sensations. De la même façon, la campagne de délation entamée à la mi-février et visant à dénoncer la présence de « caches d’armes » communistes sur le territoire français n’honore guère la jeune équipe. » (p.381)
« L’Insurgé ne craint pas à l’inverse d’applaudir à certaines mesures prises par le gouvernement [Blum]. » (p.382)
« Dans une importante série d’articles [de juin 1937 dans L’Insurgé] intitulée « Qu’est-ce que le fascisme ? », André Monconduit porte pour sa part un jugement étonnement circonstancié sur l’expérience italienne. […] Il exalte les Ballilas, la politique nataliste et les assurances chômage comme autant d’exemples des « réalisations sociales de l’Etat italien ». » (p.390)
« Le signe le plus clair de cette involution autoritaire reste incontestablement la collaboration de la Jeune Droite avec le PPF. » (p.392)
« Choqué par l’alignement idéologique de l’Italie sur l’Allemagne, les jeunes maurrassien dénoncent le tournant antisémite et dirigiste pris par le régime italien. » (p.395)
« La réapparition, au terme de trois années d’effacement, de cette rhétorique « humaniste » et antifasciste dans la production de la Jeune Droite marque en tout cas un tournant important dans l’histoire du « mouvement ». Un tournant d’autant plus significatif qu’il se produit au moment précis où se dessinent, aux confins de la droite et de l’extrême-droite française, les contours d’un « fascisme » authentique qui se nourrit de la trouble fascination suscitée dans les rangs « nationaux » par la « volonté de puissance » allemande et italienne. Cette simultanéité n’est d’ailleurs pas une coïncidence : c’est en partie en réaction à l’attitude à leurs yeux « romantique » et « dangereuse » de certains de leurs collaborateurs de Candide ou de Je suis partout que les animateurs de Combat se sentent obligés de clarifier leurs positions. » (p.396)
« Georges Blond, Ralph Soupault et Pierre Lucius s’y rallient [à Brasillach] sans état d’âme […] La séparation n’a au départ aucun caractère conflictuel : on parle de « divergences » plus que d’opposition et Kléber Haedens, Claude Roy, et surtout Maulnier lui-même, continuent de collaborer aux deux revues. Mais ce sont bien deux logiques inconciliables qui s’affrontent, et dont le temps ne fera qu’exacerber l’antagonisme. » (p.397)
« Brasillach est rédacteur en chef de Je suis partout depuis juin 1937. Il cesse toute collaboration à Combat au printemps 1938. » (p.397)
« La question de l’antisémitisme vient très opportunément cristalliser l’incompatibilité radicales des valeurs prônées par les deux équipes. » (p.398) [l’auteur prend la partie pour le tout]
« La grande spécificité de Civilisation consiste en sa relative neutralité idéologique. » (p.409)
« « Armer, réarmer, combattre comme la peste tout ce qui, de près ou de loin, ressemblerait à une déclaration de guerre ! – Gagner du temps. » [Af, 16 mars 1939] : la ligne de conduite édictée par le maître de l’Action française est adoptée sans l’ombre d’une hésitation par les animateurs de la Jeune Droite. » (p.420)
« Le dilemme restera entier : ou trahir la « réalité même de la nation », ou trahir les idéaux et doctrines dont on est fondé à penser qu’ils conditionnent sa sauvegarde. […] Une révolution n’est plus envisageable dans le nouveau contexte international. » (p.423)
« L’évolution trouve sa consécration dans la remarquable série d’articles que Maulnier publie au premier semestre 1939 dans Combat et dans la Revue universelle. […] Le discours du jeune homme prend une tonalité « républicaine » qui n’échappe à personne…
[…] les rédacteurs de Combat accordent une place toute particulière à la mission coloniale de la France.
[…] Combat se distingue en 1939 par une agressivité de plus en plus marquée en matière de politique étrangère. » (p.427)
« A l’exception de Kléber Haedens, de Jacques Laurent et de François Sentein, tous sont affectés à des unités de première ligne. Et tous prennent leur rôle au sérieux. […] Le service de la patrie passe avant tout. […] Cette sombre discipline, la jeune équipe ne craint pas de l’appliquer au pied de la lettre. » (p.431)
« Renvoyé dans ses foyers en novembre 1939 pour cause de myopie […] chroniqueur militaire à Je suis partout et à l’Action française, [Maulnier] pèse de tout son poids en faveur de l’union nationale et de l’effort de guerre. […] De plus en plus convaincu que la guerre en cours est une guerre de la civilisation contre la barbarie, Maulnier débarrasse son discours des dernières ambiguïtés qui continuaient à l’entacher et retrouve sans peine les accents de cette « propagande patriotique » qu’il fustigeait deux ans plus tôt.
L’évolution n’échappe pas à ses amis de Je suis partout. Agacés, ceux-ci ne manquent pas une occasion de brocarder le « libéralisme » de leur collaborateur. » (p.432)
« Maulnier sera exclu de la rédaction et sera désormais considéré comme un ennemi à part entière. » (p.433)
« Dire que les animateurs de la Jeune Droite subissent la débâcle au plus profond de leur chair n’est pas une clause de style. » (p.434)
« Tout le drame de la défaite est contenu en germe dans ce « faisceau d’appétits sordides qu’on proposait pour idéal aux Français et que ceux-ci acceptaient sans révolte. [Jean de Fabrègues, « Qu’est-ce que la communauté française ? », Idées, novembre 1941] » (p.435)
« Pétain s’inscrit clairement dans la nébuleuse idéologique nationaliste et révolutionnaire d’où est issue la Jeune Droite. […] Les maurrassiens notamment sont omniprésents : Massis, Raphaël Alibert, Dumoulin de Labarthète jouent les éminences grises dans l’entourage du Maréchal. Plus proches encore de Combat, Pierre Lucius, Firmin Bacconnier et Louis Salleron tiennt solidement l’Institut d’études sociales, qui s’impose comme l’un des piliers intellectuels du régime. » (p.437)
« Maulnier au Comité de Rassemblement pour la Révolution nationale, Vincent à la direction de la censure et de la presse, Gravier au département de formation et de direction politique des propagandistes, Fabrègues et Maxence au Commissariat général aux prisonniers, Mauban et Le Marchand au secrétariat à la Jeunesse et Sentein aux Chantiers. De toute évidence, la Jeune Droite constitue un vivier de choix pour l’équipe au pouvoir. » (p.442)
« Parmi les collaborateurs les plus réguliers d’Idées de novembre 1941 à novembre 1942 ; Vincent (55 articles), Laurent (20 articles sous le pseudonyme de Jacques Bostan), Gravier (12), Sentein (11), Haedens (10) et Fabrègues (7). » (note 3 p.448)
« Enquête [dans Idées] sur « le rôle de l’intelligence dans la cité » […] à laquelle répondirent, entre février et juillet, Emmanuel Berl, Jean Paulhan, Jacques Charbonne, Henri Massis, Jean-Pierre Maxence, Daniels-Rops et Pierre Gaxotte. » (p.449)
« Idées se considère comme une courroie de transmission fidèle entre le Maréchal et la jeunesse. » (p.450)
« Le retour au pouvoir de Laval en avril n’est évidemment pas de nature à arranger les choses. Il sonne au contraire le glas des illusions « révolutionnaires » de la Jeune Droite, et préfigure un alignement de la France sur l’Allemagne que ses animateurs ne sont pas disposés à cautionner. Maulnier est le premier à réagir : déjà très en retrait des positions d’Idées, il achève en 1942 de prendre ses distances avec le régime et adopte progressivement une attitude discrète d’opposition. […] Maulnier tourne dès lors résolument le dos à la politique. » (p.455)
« Quant à La Table Ronde, le lien est à peine moins évident. Emanation du Centre communautaire mis sur pied par Roger Mouton en 1941 avec le concours de Maxence et de Maulnier, les Cahiers puis la maison d’édition s’appuient largement sur les réseaux mis en place à la veille de la guerre et développés sous l’Occupation. Maulnier y conservera jusqu’en 1954 un rôle de premier plan aux côtés de François Mauriac et de Jean Le Marchand […] Or on observe [comme avec La France catholique] la même hostilité à la « culture dirigée » et à la politisation des intellectuels […] Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir ainsi l’un des mouvements les plus dogmatiques de l’entre-deux-guerres donner naissance à deux des bastions conservateurs du désengagement et de la « démilitantisation ».
En l’espace de quelques années, c’est la quasi-totalité des dogmes et principes défendus avant-guerre par la Jeune Droite qui se voit ainsi battue en brèche. […] Maulnier a beau réitérer en 1954 son souci d’ « unir le national au social », ses chroniques du Figaro et de La Table Ronde tiennent plus du libéralisme que du « socialisme national ». » (p.462)
« Plus question en 1950 de parler de nationalisme et de corporatisme, de royalisme ou même de décentralisation. « Contrecoup de leur passage plus ou moins avoué à Vichy », la plupart des thèmes de prédilection de l’intelligentsia de droite sont frappés d’un ostracisme durable. » (p.469)
« Le « front de refus » opposé par les animateurs de la Jeune Droite présente d’évidentes similitudes avec le « mal du siècle » des « jeunes conservateurs » allemands des années 20 Ernst Jünger, Ernst Niekisch, Arthur Moeller van den Brück ou Ernest von Salomon : même rejet global de la modernité, même mépris des faux semblants de la « civilisation bourgeoise » […] Maulnier n’a-t-il pas préfacé en 1933 l’édition française du Troisième Reich d’ Arthur Moeller van den Brück ? […] Crise globale, non pas seulement hexagonale, mais internationale de la pensée conservatrice. » (p.473)
-Nicolas Kessler, Histoire politique de la Jeune Droite (1929-1942). Une révolution conservatrice à la française, L’Harmattan, 2001, 494 pages.
Nietzsche n’est cité que 5 fois dans l’ensemble du livre.