« Première guerre totale du XXe siècle, 14-18 installe l’information dans un rôle central, entre propagande et censure […] La censure n’a pas simplement embrassé les domaines militaire ou diplomatique, mais tous les pans d’activités des sociétés entrées puis sorties progressivement de la guerre. » (p.9)
« Dès le 3 août 1914, les pouvoirs publics et l’armée contrôlent, en France, la diffusion de l’information. La censure qui se met en place à l’été 1914 ne doit durer que quelques mois, jusqu’à la fin -espérée prochaine- des combats. Partant, les dispositions de censure sont transitoires ; elles répondent aux nécessités de l’heure, c’est-à-dire au temps de l’invasion du territoire national, aux premières défaites militaires masquées à l’opinion, avant qu’elle n’en comprenne la réalité par des informations contradictoires que laisse perler une censure militaire et diplomatique systématique à l’été 1914. Avec le départ du gouvernement pour Bordeaux, deux systèmes de censure parallèle cohabitent à Paris et à Bordeaux. Au tournant d’un incident de presse fin septembre 1914 entre le gouvernement et Georges Clemenceau, directeur de L’Homme libre, la censure revêt un caractère politique. Lorsque ce journal critique le 29 septembre les désatreuses conditions de transport de blessés rapatriés du front dans des wagons à bestiaux, le gouvernement étend l’application de la censure à la protection des actions du gouvernement, à la parole des hommes publics comme aux décisions des chefs militaires. Une censure d’essence politique qui ne veut pas dire son nom s’installe subrepticement. […] Et si l’épisode ouvre un débat national qui ne fut jamais refermé pendant la guerre, jusqu’à la levée de l’état de siège en France en octobre 1919, il fut rarement public, échappant pour l’essentiel aux Français. » (p.10)
« Cette censure est préventive, déclenchée a priori, en amont de la publication, pour éviter la saisie et la suspension d’un journal, trop frappantes pour l’opinion. Elle est globale, élargie à l’ensemble des informations télégraphiques, de l’écrit et de l’image. […] Elle a reposé sur l’application des lois de l’état de siège du 9 août 1849 et de celle sur les indiscrétions de presse en temps de guerre du 5 août 1914, essentiellement militaires et diplomatiques. Pourtant, une grande part de son activité échappe à toute base légale. En dépit de contestations croissantes, y compris au sein de certaines formations politiques et de syndicats qui étaient entrés dans l’ « union sacrée », tous les gouvernements de guerre l’ont maintenue. Comment un dispositif administratif et politique, en contradiction flagrante avec l’inspiration libérale et les principes du droit public de la Troisième République, a-t-il pu être appliqué presque cinq ans en France ? » (p.11)
« Il y a ceux relevant stricto sensu d’une action de censure, soit le bureau de la presse ainsi que le petit groupe de censeurs de la préfecture de Police de Paris pour contrôler le contenu des spectacles et revues de théâtre, organisation remontant au XIXe siècle. S’y ajoutent ensuite les organismes civils ou militaires servant la propagande, arrangeant les faits de guerre (propagande du Grand Quartier Général [GQG] dès 1914, Maison de la presse du Quai d’Orsay en 1916-1917). Entre les deux émerge fin 1915 le contrôle postal pour surveiller le « moral » des combattants et censurer leur correspondance (9 commissions en 1916 de 15 à 25 membres, ouvrant 180 000 lettres par semaines à la fin de la guerre).
Retenons le seul organisme ayant compétence sur le territoire et existant de 1914 à 1919, soit le « bureau de la presse », nom administratif de la censure, fondé en août 1914, centralisé au ministère de la Guerre, avec une compétence nationale et statuant en dernier ressort pour l’information. Il fonctionne sur toute la période grâce à 400 censeurs, qui se distinguent de ceux des commissions locales de contrôle de presse, couvrant l’information régionale dans le maillage administratif des vingt et une régions militaires et ayant compté 5000 censeurs (2 à 5 selon l’importance locale de la commission). » (pp.11-12)
« Le souvenir de la désastreuse entrée en guerre de septembre 1870 marque les premières décisions des dirigeants et des chefs militaires. Les plus anciens se rappellent les graves conséquences stratégiques des indiscrétions de la presse française, dont celles du Temps, qui avaient dévoilé les plans de concentration des armées françaises. » (p.17)
« La loi sur l’état de siège investit l’autorité militaire de tous les pouvoirs dévolus en temps normal à l’autorité civile en matière de police et de maintien de l’ordre. […] En outre, l’autorité militaire a le droit d’exercer des pouvoirs de police exceptionnels et spéciaux en vertu de l’article 9 de la loi du 9 août 1849. Jour et nuit, elle peut faire des perquisitions chez les citoyens, interdire les publications et les réunions, y compris les attroupements séditieux, de nature à exciter ou entretenir le désordre. […] L’état de siège établit, en définitive, un régime préventif et prohibitif que seul le président de la République a le pouvoir de lever par décret. » (p.18-19)
« La publication d’une information militaire, même exacte, et de toute appréciation publique « de nature à exercer une influence fâcheuse sur l’esprit de l’armée et des populations » est punie de un à 5 ans de prison et de 1000 à 5000 francs d’amende. Ces peines sont lourdes afin d’être dissuasives. » (p.21-22)
« Le gouvernement a bien pour objectif de rallier la presse française, pilier du régime républicain, à un régime de contrôle préventif de l’information qui ne va pas de soi. Plusieurs réunions avec les représentants de la presse se tiennent ainsi dans les premiers jours d’août à l’Élysée, puis au ministère de l’Intérieur, dans la soirée du 3 août 1914. En présence d’Adolphe Messimy et de Louis Malvy, ministre de l’Intérieur, les directeurs des journaux parisiens sont priés d’accepter leurs nouvelles obligations, dans une atmosphère d’union patriotique. » (p.26)
« Charles Maurras justifie rétrospectivement [Af, 20 janvier 1915] une censure qui gêne la presse depuis septembre 1914. » (p.32)
« Le 3 septembre 1914, le départ du gouvernement pour Bourdeaux renforce de fait les pouvoirs du gouverneur militaire de Paris en matière de surveillance de la presse avant et pendant la bataille de la Marne, le fonctionnement de la censure s’adaptant à la situation de crise. A Bordeaux, il relève bientôt du ministère de la Guerre. Dans la capitale, il est attaché au 2e bureau du gouvernement militaire de Paris. » (p.35)
« L’absence de correspondants de guerre permanents au front conduisit plus tard le bureau de la presse, en accord avec la section d’information du GQG, à organiser à la fin de l’année 1915 des voyages spéciaux de journalistes au front, préludes aux missions de presse de 1916. » (p.36)
« Dans L’Homme libre du 8 septembre 1914, Clemenceau accuse [le génaral] Gallieni [gouverneur militaire de Paris] de vouloir créer un nouveau gouvernement à Paris. Il vise le cabinet civil constitué par ce dernier et qui compte un ami personnel, le sénateur Paul Doumer, ancien président de la Chambre. Clemenceau dénonce le projet de Gallieni de conduire « une Commune de Paris ». » (p.37)
« La censure de l’écrit, à savoir les livres, brochures et revues littéraires, est nouvelle. » (p.285)
« En 1914, la censure des lettres est l’héritière, en ligne directe, de la censure théâtrale, abolie en 1906 par suppression du budget de la censure dramatique. […] La production littéraire des éditeurs passe de 11 460 ouvrages en 1913 à 4 484 en 1918, notamment, mais pas seulement, en raison de la crise du papier depuis 1917. » (p.286)
« Éditeurs, revues et presse ne publient plus que de rares ouvrages, à l’instar du Mercure de France qui a cessé ses livraisons mensuelles pour ne reparaître qu’en avril 1915. » (p.288)
« En septembre 1915, le seuil d’une trentaine de livres visés est franchi. Au printemps 1916, de plus en plus de manuscrits sont examinés. Une cinquantaine de manuscrits est désormais lue chaque mois […] A partir de décembre 1915, 30 à 50% des manuscrits sont progressivement échoppés ou interdits. » (p.289)
« A l’heure des batailles de Verdun, puis de la Somme, la censure frappe les récits militaires réalistes ou par trop précis, les analyses diplomatiques pouvant heurter des neutres que la France cherche à attirer dans son alliance comme des alliés susceptibles qu’elle ménage. […] En mars 1916, c’est la propagande antiallemande qui est surveillée. Sont interdits les manuscrits La Kultur déchaînée de l’éditeteur Edward Sansot. » (p.290)
« Il y a un maximum de 120 à 130 livres visés en septembre 1917, puis avril 1919. » (p.291)
« 17 ouvrages sur l’Allemagne connaissent des suppressions de passages, cinq sont interdits. […] La question des atrocités est méticuleusement censurée, pas tant pour atténuer l’image brutale et barbare des Allemands, que pour entrer dans la logique propagandiste française. […] Le thème de l’affrontement culturel de civilisations antagonistes et concurrentes émerge à l’été 1915. […] France et Kultur, sans nom de l’auteur, est échoppé en juillet 1915. » (p.296-297)
« Les manuscrits déposés par les tenants de L’Action française sont assez exceptionnellement censurés. » (p.297)
« Une centaine de livres a été interdite pour la durée de la guerre. » (p.299)
« Chez Léon Bloy, les notations imprécatoires sur le déclin de la civilisation française [et sur Guillaume II, empereur pacifique] ont retenu l’attention du censeur. » (p.303)
« L’activité pétitionnaire cesserait pendant la guerre. Si le procédé n’a pas disparu, elle a singulièrement perdu de sa force dans un contexte socio-politique qui relativise sa gravité comme sa symbolique. » (p.313)
« La lettre d’Anatole France [septembre 1914, dans La Guerre sociale de Gustave Hervé] soutient qu’après la victoire française, avec ses alliés et la Civilisation, elle devrait admettre dans son amitié le peuple vaincu. En suivant L’Action française, qui donne le ton de la campagne contre Anatole France, une presse encombrée de patriotes intransigeants appelle alors au conseil de guerre pour crime de trahison. » (p.313)
« Sa tâche d’ « excitateur patriotique » ne préserve pas Maurice Barrès des caprices d’une censure politique identifiée à Louis-Lucien Klotz. « 14 septembre 1914. – Klotz me montre le numéro d’aujourd’hui et y fait deux ratures : pas d’enfants brûlés. Pas de fonctionnaires indignes ». Maurice Barrès, après la disparition d’Albert de Mun à l’automne 1914, s’en tient à cette doctrine dans L’Écho de Paris. » (p.316)
« La multiplication des consignes atteste de l’imperfection d’un contrôle absolu, sinon de son impuissance. » (p.357)
« 1940 et la censure sous Vichy marchent dans les pas de la censure républicaine de 14-18. » (p.360)
-Olivier Forcade, La censure en France pendant la Grande Guerre, Fayard, 2016, 473 pages.
« Dès le 3 août 1914, les pouvoirs publics et l’armée contrôlent, en France, la diffusion de l’information. La censure qui se met en place à l’été 1914 ne doit durer que quelques mois, jusqu’à la fin -espérée prochaine- des combats. Partant, les dispositions de censure sont transitoires ; elles répondent aux nécessités de l’heure, c’est-à-dire au temps de l’invasion du territoire national, aux premières défaites militaires masquées à l’opinion, avant qu’elle n’en comprenne la réalité par des informations contradictoires que laisse perler une censure militaire et diplomatique systématique à l’été 1914. Avec le départ du gouvernement pour Bordeaux, deux systèmes de censure parallèle cohabitent à Paris et à Bordeaux. Au tournant d’un incident de presse fin septembre 1914 entre le gouvernement et Georges Clemenceau, directeur de L’Homme libre, la censure revêt un caractère politique. Lorsque ce journal critique le 29 septembre les désatreuses conditions de transport de blessés rapatriés du front dans des wagons à bestiaux, le gouvernement étend l’application de la censure à la protection des actions du gouvernement, à la parole des hommes publics comme aux décisions des chefs militaires. Une censure d’essence politique qui ne veut pas dire son nom s’installe subrepticement. […] Et si l’épisode ouvre un débat national qui ne fut jamais refermé pendant la guerre, jusqu’à la levée de l’état de siège en France en octobre 1919, il fut rarement public, échappant pour l’essentiel aux Français. » (p.10)
« Cette censure est préventive, déclenchée a priori, en amont de la publication, pour éviter la saisie et la suspension d’un journal, trop frappantes pour l’opinion. Elle est globale, élargie à l’ensemble des informations télégraphiques, de l’écrit et de l’image. […] Elle a reposé sur l’application des lois de l’état de siège du 9 août 1849 et de celle sur les indiscrétions de presse en temps de guerre du 5 août 1914, essentiellement militaires et diplomatiques. Pourtant, une grande part de son activité échappe à toute base légale. En dépit de contestations croissantes, y compris au sein de certaines formations politiques et de syndicats qui étaient entrés dans l’ « union sacrée », tous les gouvernements de guerre l’ont maintenue. Comment un dispositif administratif et politique, en contradiction flagrante avec l’inspiration libérale et les principes du droit public de la Troisième République, a-t-il pu être appliqué presque cinq ans en France ? » (p.11)
« Il y a ceux relevant stricto sensu d’une action de censure, soit le bureau de la presse ainsi que le petit groupe de censeurs de la préfecture de Police de Paris pour contrôler le contenu des spectacles et revues de théâtre, organisation remontant au XIXe siècle. S’y ajoutent ensuite les organismes civils ou militaires servant la propagande, arrangeant les faits de guerre (propagande du Grand Quartier Général [GQG] dès 1914, Maison de la presse du Quai d’Orsay en 1916-1917). Entre les deux émerge fin 1915 le contrôle postal pour surveiller le « moral » des combattants et censurer leur correspondance (9 commissions en 1916 de 15 à 25 membres, ouvrant 180 000 lettres par semaines à la fin de la guerre).
Retenons le seul organisme ayant compétence sur le territoire et existant de 1914 à 1919, soit le « bureau de la presse », nom administratif de la censure, fondé en août 1914, centralisé au ministère de la Guerre, avec une compétence nationale et statuant en dernier ressort pour l’information. Il fonctionne sur toute la période grâce à 400 censeurs, qui se distinguent de ceux des commissions locales de contrôle de presse, couvrant l’information régionale dans le maillage administratif des vingt et une régions militaires et ayant compté 5000 censeurs (2 à 5 selon l’importance locale de la commission). » (pp.11-12)
« Le souvenir de la désastreuse entrée en guerre de septembre 1870 marque les premières décisions des dirigeants et des chefs militaires. Les plus anciens se rappellent les graves conséquences stratégiques des indiscrétions de la presse française, dont celles du Temps, qui avaient dévoilé les plans de concentration des armées françaises. » (p.17)
« La loi sur l’état de siège investit l’autorité militaire de tous les pouvoirs dévolus en temps normal à l’autorité civile en matière de police et de maintien de l’ordre. […] En outre, l’autorité militaire a le droit d’exercer des pouvoirs de police exceptionnels et spéciaux en vertu de l’article 9 de la loi du 9 août 1849. Jour et nuit, elle peut faire des perquisitions chez les citoyens, interdire les publications et les réunions, y compris les attroupements séditieux, de nature à exciter ou entretenir le désordre. […] L’état de siège établit, en définitive, un régime préventif et prohibitif que seul le président de la République a le pouvoir de lever par décret. » (p.18-19)
« La publication d’une information militaire, même exacte, et de toute appréciation publique « de nature à exercer une influence fâcheuse sur l’esprit de l’armée et des populations » est punie de un à 5 ans de prison et de 1000 à 5000 francs d’amende. Ces peines sont lourdes afin d’être dissuasives. » (p.21-22)
« Le gouvernement a bien pour objectif de rallier la presse française, pilier du régime républicain, à un régime de contrôle préventif de l’information qui ne va pas de soi. Plusieurs réunions avec les représentants de la presse se tiennent ainsi dans les premiers jours d’août à l’Élysée, puis au ministère de l’Intérieur, dans la soirée du 3 août 1914. En présence d’Adolphe Messimy et de Louis Malvy, ministre de l’Intérieur, les directeurs des journaux parisiens sont priés d’accepter leurs nouvelles obligations, dans une atmosphère d’union patriotique. » (p.26)
« Charles Maurras justifie rétrospectivement [Af, 20 janvier 1915] une censure qui gêne la presse depuis septembre 1914. » (p.32)
« Le 3 septembre 1914, le départ du gouvernement pour Bourdeaux renforce de fait les pouvoirs du gouverneur militaire de Paris en matière de surveillance de la presse avant et pendant la bataille de la Marne, le fonctionnement de la censure s’adaptant à la situation de crise. A Bordeaux, il relève bientôt du ministère de la Guerre. Dans la capitale, il est attaché au 2e bureau du gouvernement militaire de Paris. » (p.35)
« L’absence de correspondants de guerre permanents au front conduisit plus tard le bureau de la presse, en accord avec la section d’information du GQG, à organiser à la fin de l’année 1915 des voyages spéciaux de journalistes au front, préludes aux missions de presse de 1916. » (p.36)
« Dans L’Homme libre du 8 septembre 1914, Clemenceau accuse [le génaral] Gallieni [gouverneur militaire de Paris] de vouloir créer un nouveau gouvernement à Paris. Il vise le cabinet civil constitué par ce dernier et qui compte un ami personnel, le sénateur Paul Doumer, ancien président de la Chambre. Clemenceau dénonce le projet de Gallieni de conduire « une Commune de Paris ». » (p.37)
« La censure de l’écrit, à savoir les livres, brochures et revues littéraires, est nouvelle. » (p.285)
« En 1914, la censure des lettres est l’héritière, en ligne directe, de la censure théâtrale, abolie en 1906 par suppression du budget de la censure dramatique. […] La production littéraire des éditeurs passe de 11 460 ouvrages en 1913 à 4 484 en 1918, notamment, mais pas seulement, en raison de la crise du papier depuis 1917. » (p.286)
« Éditeurs, revues et presse ne publient plus que de rares ouvrages, à l’instar du Mercure de France qui a cessé ses livraisons mensuelles pour ne reparaître qu’en avril 1915. » (p.288)
« En septembre 1915, le seuil d’une trentaine de livres visés est franchi. Au printemps 1916, de plus en plus de manuscrits sont examinés. Une cinquantaine de manuscrits est désormais lue chaque mois […] A partir de décembre 1915, 30 à 50% des manuscrits sont progressivement échoppés ou interdits. » (p.289)
« A l’heure des batailles de Verdun, puis de la Somme, la censure frappe les récits militaires réalistes ou par trop précis, les analyses diplomatiques pouvant heurter des neutres que la France cherche à attirer dans son alliance comme des alliés susceptibles qu’elle ménage. […] En mars 1916, c’est la propagande antiallemande qui est surveillée. Sont interdits les manuscrits La Kultur déchaînée de l’éditeteur Edward Sansot. » (p.290)
« Il y a un maximum de 120 à 130 livres visés en septembre 1917, puis avril 1919. » (p.291)
« 17 ouvrages sur l’Allemagne connaissent des suppressions de passages, cinq sont interdits. […] La question des atrocités est méticuleusement censurée, pas tant pour atténuer l’image brutale et barbare des Allemands, que pour entrer dans la logique propagandiste française. […] Le thème de l’affrontement culturel de civilisations antagonistes et concurrentes émerge à l’été 1915. […] France et Kultur, sans nom de l’auteur, est échoppé en juillet 1915. » (p.296-297)
« Les manuscrits déposés par les tenants de L’Action française sont assez exceptionnellement censurés. » (p.297)
« Une centaine de livres a été interdite pour la durée de la guerre. » (p.299)
« Chez Léon Bloy, les notations imprécatoires sur le déclin de la civilisation française [et sur Guillaume II, empereur pacifique] ont retenu l’attention du censeur. » (p.303)
« L’activité pétitionnaire cesserait pendant la guerre. Si le procédé n’a pas disparu, elle a singulièrement perdu de sa force dans un contexte socio-politique qui relativise sa gravité comme sa symbolique. » (p.313)
« La lettre d’Anatole France [septembre 1914, dans La Guerre sociale de Gustave Hervé] soutient qu’après la victoire française, avec ses alliés et la Civilisation, elle devrait admettre dans son amitié le peuple vaincu. En suivant L’Action française, qui donne le ton de la campagne contre Anatole France, une presse encombrée de patriotes intransigeants appelle alors au conseil de guerre pour crime de trahison. » (p.313)
« Sa tâche d’ « excitateur patriotique » ne préserve pas Maurice Barrès des caprices d’une censure politique identifiée à Louis-Lucien Klotz. « 14 septembre 1914. – Klotz me montre le numéro d’aujourd’hui et y fait deux ratures : pas d’enfants brûlés. Pas de fonctionnaires indignes ». Maurice Barrès, après la disparition d’Albert de Mun à l’automne 1914, s’en tient à cette doctrine dans L’Écho de Paris. » (p.316)
« La multiplication des consignes atteste de l’imperfection d’un contrôle absolu, sinon de son impuissance. » (p.357)
« 1940 et la censure sous Vichy marchent dans les pas de la censure républicaine de 14-18. » (p.360)
-Olivier Forcade, La censure en France pendant la Grande Guerre, Fayard, 2016, 473 pages.