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    Jean-Marie Guyau, Oeuvres

    Johnathan R. Razorback
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    Jean - Jean-Marie Guyau, Oeuvres Empty Jean-Marie Guyau, Oeuvres

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 28 Sep - 13:40



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 9 Sep - 16:33

    https://fr.wikisource.org/wiki/Esquisse_d%E2%80%99une_morale_sans_obligation_ni_sanction

    "D’une part, la morale naturaliste et positive ne fournit pas de principes invariables, soit en fait d’obligation, soit en fait de sanction ; d’autre part, si la morale idéaliste peut en fournir, c’est à titre purement hypothétique et non assertorique. En d’autres termes, ce qui est de l’ordre des faits n’est point universel, et ce qui est universel est une hypothèse spéculative. Il en résulte que l’impératif, en tant qu’absolu et catégorique, disparaît des deux côtés. Nous acceptons pour notre propre compte cette disparition, et au lieu de regretter la variabilité morale qui en résulte dans de certaines limites, nous la considérons au contraire comme la caractéristique de la morale future." (pp.5-6)

    "Nous admettons avec Spencer que la conduite a pour mobile la vie la plus intense, la plus large, la plus variée." (p.6)

    "Quant à la sanction morale proprement dite, distincte des sanctions sociales, on verra que nous la supprimons purement et simplement, parce que, comme « expiation », elle est au fond immorale. Notre livre peut donc être considéré comme un essai pour déterminer la portée, l’étendue, et aussi les limites d’une morale exclusivement scientifique. Sa valeur, par conséquent, peut subsister indépendamment des opinions qu’on se fait sur le fond absolu et métaphysique de la moralité." (p.7)

    "La morale de la métaphysique réaliste admet un bien en soi, un bien naturel distinct du plaisir et du bonheur, une hiérarchie possible des biens dans la nature et, par cela même, une hiérarchie des différents êtres. Elle revient à la maxime antique : « se conformer à la nature ». — N’est-il point illusoire de chercher ainsi dans la nature un type du bien à réaliser par nous et qui nous oblige ?" (p.9)

    "Cette nature, nous ne savons pas ce qu’elle est. Kant a donc eu raison de dire qu’il ne faut pas demander à la métaphysique dogmatique une loi certaine de conduite." (p.52)

    "Si l’acte est pratiquement nuisible, l’intention a pu être moralement désintéressée, et c’est tout ce que demande la morale de Kant. Seulement un nouveau problème se pose : à l’intention bonne s’attache-t-il un sentiment d’obligation vraiment supra-sensible et supra-intellectuel, comme le veut Kant ?

    Le sentiment d’obligation, si on le considère exclusivement au point de vue de la dynamique mentale, se ramène au sentiment d’une résistance que l’être éprouve toutes les fois qu’il veut prendre telle ou telle direction. Cette résistance, qui est de nature sensible, ne peut provenir de notre rapport à une loi morale qui, par hypothèse, serait tout intelligible et intemporelle ; elle provient de notre rapport aux lois naturelles et empiriques. Le sentiment d’obligation n’est donc pas proprement moral, il est sensible. Kant lui-même est bien obligé de convenir que le sentiment moral est, comme tout autre, pathologique ; seulement il croit que ce sentiment est excité par la seule forme de la loi morale, abstraction faite de sa matière ; de là résulte à ses yeux ce mystère qu’il avoue : une loi intelligible et supra-naturelle, qui produit cependant un sentiment pathologique et naturel, le respect. « Il est absolument impossible de comprendre a priori comment une pure idée, qui ne contient elle-même rien de sensible, produit un sentiment de plaisir ou de peine ;... il nous est absolument impossible, à nous autres hommes, d’expliquer pourquoi et comment l’universalité d’une maxime comme telle, par conséquent la moralité, nous intéresse. » Il y aurait donc bien ici mystère ; la projection de la moralité dans le domaine de la sensibilité sous forme de sentiment moral serait sans pourquoi possible, et Kant affirme cependant qu’elle est évidente a priori. Nous sommes forcés, dit-il, « de nous contenter de pouvoir encore si bien voir a priori que ce sentiment (produit par une pure idée) est inséparablement lié à la représentation de la loi morale en tout être raisonnable fini. » La vérité, croyons-nous, est que nous n’apercevons réellement point a priori de raison pour joindre un plaisir ou une peine sensibles à une loi qui, par hypothèse, serait supra-sensible et hétérogène à la nature. Le sentiment moral ne peut s’expliquer rationnellement et a priori. Il est d’ailleurs impossible de prendre sur le fait, dans la conscience humaine, le respect pour une pure forme. D’abord, un devoir indéterminé et purement formel n’existe pas : nous ne pouvons, évidemment, voir apparaître le sentiment de l’obligation que quand il y a une matière donnée au devoir, et les Kantiens eux-mêmes sont forcés de le reconnaître. Le devoir n’est donc jamais saisi dans la conscience que comme s’appliquant à un contenu, dont on ne peut le détacher ; il n’y a pas de devoir indépendamment de la chose due, de la représentation de l’action. Bien plus, il n’y a pas de devoir, sinon envers quelqu’un ; les théologiens n’avaient qu’à moitié tort de représenter le devoir comme s’adressant à la volonté divine : au moins on sentait quelqu’un par derrière. Maintenant, dans cette synthèse réellement indissoluble de la matière et de la forme, le sentiment d’obligation ne s’attache-t-il cependant qu’à la forme ? — Nous croyons, d’après l’expérience, que le sentiment d’obligation n’est pas lié à la représentation de la loi comme loi formelle, mais de la loi en raison de sa matière sensible et de sa fin. La loi comme loi n’a de saisissable à la pensée que son universalité ; mais à ce précepte « agis de telle sorte que ta maxime puisse devenir une loi universelle, » ne s’attachera aucun sentiment d’obligation tant qu’il ne sera pas question de la vie sociale et des penchants profonds qu’elle réveille en nous, tant que nous ne concevrons pas l’universalité de quelque chose, de quelque fin, de quelque bien qui soit l’objet d’un sentiment. L’universel pour l’universel ne peut produire qu’une satisfaction logique, qui elle-même est encore une satisfaction de l’instinct logique chez l’homme, et cet instinct logique est une tendance naturelle, une expression de la vie sous son mode supérieur, qui est l’intelligence, amie de l’ordre, de la symétrie, de la similitude, de l’unité dans la variété, de la loi, conséquemment de l’universalité." (pp.56-59)

    "Le devoir, au point de vue des faits et abstraction faite des notions métaphysiques, est une surabondance de vie qui demande à s’exercer, à se donner ; on l’a trop interprété, jusqu’ici, comme le sentiment d’une nécessité ou d’une contrainte ; c’est avant tout celui d’une puissance. Toute force qui s’accumule crée une pression sur les obstacles placés devant elle ; tout pouvoir, considéré isolément, produit une sorte d’obligation qui lui est proportionnée : pouvoir agir, c’est devoir agir. Chez les êtres inférieurs, où la vie intellectuelle est entravée et étouffée, il y a peu de devoirs ; mais c’est qu’il y a peu de pouvoirs. L’homme civilisé a des devoirs innombrables : c’est qu’il a une activité très riche à dépenser de mille manières. À ce point de vue, qui n’a rien de mystique, l’obligation morale se ramène à cette grande loi de la nature : la vie ne peut se maintenir qu'à condition de se répandre ; il est impossible d’atteindre sûrement un but quand on n’a pas le pouvoir de le dépasser, et, si on soutient que le moi est à lui-même son propre but, c’est encore une raison pour qu’il ne puisse se suffire à lui-même. La plante ne peut pas s’empêcher de fleurir ; quelquefois, fleurir, pour elle, c’est mourir ; n’importe, la sève monte toujours. La nature ne regarde pas en arrière pour voir ce qu’elle abandonne ; elle va son chemin, toujours en avant, toujours plus haut." (pp.106-107)

    "Lorsqu’on descend dans l’échelle des êtres, on voit que la sphère où chacun d’eux se meut est étroite et presque fermée ; lorsqu’au contraire on monte vers les êtres supérieurs, on voit leur sphère d’action s’ouvrir, s’étendre, se confondre avec la sphère d’action des autres êtres. Le moi se distingue de moins en moins des autres moi, ou plutôt il a de plus en plus besoin d’eux pour se constituer et pour subsister. Or, cette espèce d’échelle que parcourt la pensée, l’espèce humaine l’a déjà parcourue en partie dans son évolution. Son point de départ fut bien l’égoïsme ; mais l’égoïsme, en vertu de la fécondité même de toute vie, a été porté à s’élargir, à créer en dehors de lui des centres nouveaux pour sa propre action. En même temps des sentiments corrélatifs à cette tendance centrifuge sont nés peu à peu et ont comme recouvert les sentiments égoïstes qui leur servaient de principe. Nous marchons vers une époque où l’égoïsme primitif sera de plus en plus reculé en nous et refoulé, de plus en plus méconnaissable. À cette époque idéale l’être ne pourra plus, pour ainsi dire, jouir solitairement ; son plaisir sera comme un concert où le plaisir des autres entrera à titre d’élément nécessaire ; et dès maintenant, dans la généralité des cas, n’en est-il pas déjà ainsi ?" (p.114)
    -Jean-Marie Guyau, Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, Paris, F. Alcan, 1903 (6ème édition, 1885 pour la première édition), 254 pages.


    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75193q




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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