"Le monopole naturel est une structure de marché dans laquelle les économies d’échelle sont telles que seule une entreprise en monopole a le potentiel pour produire efficacement (par exemple, réseau ferré). Les effets externes (ou externalités) recouvrent les répercussions de l’activité d’agents économiques sur d’autres agents ne donnant pas lieu à une compensation monétaire. Les biens publics sont des biens dont l’accès ne peut être interdit aux consommateurs et dont la consommation par un agent n’affecte pas la quantité disponible pour les autres (par exemple, air pur). Les biens tutélaires sont quant à eux les biens dont la consommation est sciemment encouragée ou découragée par l’État (par exemple, biens addictifs)."
"Depuis les années quatre-vingt, l’action publique s’est progressivement déplacée de la production directe à la réglementation des secteurs ; parallèlement, les secteurs précédemment caractérisés par des monopoles publics ont été ouverts à la concurrence. Bien que réduit, l’État actionnaire a dû, pour éviter les conflits d’intérêts, confier la régulation à des autorités plus ou moins indépendantes : Autorité de régulation des télécommunications (ART), créée en 1997, devenue Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en 2005, lors de l’ouverture du secteur postal ; Autorité de régulation des activités ferroviaires créée en 2009, devenue Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) en 2015, suite à l’ouverture du transport routier de voyageurs à la concurrence ; Commission de régulation de l’énergie (CRE), créée en 2010 lors de l’ouverture du marché de l’énergie ; Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), créée en 2010 pour accompagner la libéralisation des jeux en ligne."
"S’il a diminué de 45 % entre 1998 et 2013, l’indice de réglementation ETCR (Regulation in Energy, Transport and Communications) reste très supérieur aux niveaux observés en Allemagne et au Royaume-Uni qui ont également diminué."
"Les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API) ont en commun d’agir au nom de l’État sans être subordonnées au gouvernement et de bénéficier, pour le bon exercice de leurs missions, de garanties pour agir en pleine autonomie, sans que leur action puisse être orientée ni censurée, si ce n’est par le Juge. Elles disposent de pouvoirs plus ou moins étendus qui, dans certains cas, combinent un pouvoir de réglementation, d’autorisation individuelle, de contrôle, d’injonction, de sanction, voire de nomination, et se limitent, dans d’autres cas, à un simple pouvoir d’influence.
Les AAI sont apparues en France dès les années soixante-dix, avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en 1978, puis la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA) en 1982, premières AAI qualifiées ainsi par le Conseil constitutionnel en 1984. Les AAI interviennent généralement dans deux grands domaines :
la protection des citoyens : par exemple, la CNIL, le Défenseur des droits, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ;
la régulation d’une activité économique : par exemple, l’Autorité de la concurrence, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Les AAI sont une exception au regard de la séparation stricte des pouvoirs au sens où elles appartiennent au pouvoir exécutif, ont un pouvoir réglementaire et également un pouvoir de sanction donc de nature judiciaire. L’indépendance des AAI par rapport à la hiérarchie du pouvoir exécutif est une spécificité au regard des autres administrations et de l’article 20 de la Constitution (lequel désigne le gouvernement comme ayant l’autorité sur les administrations). Le Conseil constitutionnel a limité en France le pouvoir réglementaire de chaque AAI en le restreignant à un domaine précis."
"Quel est le périmètre optimal d’une autorité de régulation et, par conséquent, son degré de spécialisation ? En 2014, le rapport du sénateur Patrice Gélard note que, malgré les efforts de regroupement accomplis, les autorités demeurent nombreuses et hétérogènes. Si la loi de 2017 vient clarifier le statut juridique des AAI (voir encadré 1), elle ne tranche pas la question du bon niveau de transversalité, lequel est intimement lié à l’indépendance du régulateur vis-à-vis des acteurs régulés. Une autorité transversale qui régule de nombreux secteurs a, en effet, moins de chances d’être capturée par des intérêts particuliers.
Un régulateur très spécialisé a accès à une information…. Par ailleurs, la régulation dans un secteur particulier peut affecter les prix ou les conditions de concurrence sur un autre marché : un périmètre relativement large permet de mieux prendre en compte ces externalités. La convergence économique et technique entre les secteurs, du fait notamment de la révolution numérique, rend de plus en plus obsolète une régulation sectorielle trop limitée. Enfin, la multiplication des agences de régulation intervenant dans un même secteur engendre des coûts de coordination et peut aboutir à des décisions contradictoires.
Cependant, une spécialisation sectorielle relativement étroite permet au régulateur de bien connaître le secteur qu’il régule. Un exemple éclairant est le secteur électrique en Californie – régulé par une Public Utilities Commission dont la compétence couvre aussi les télécommunications, le gaz, l’eau et les transports. En 2001, la Californie a dû affronter une coupure générale d’électricité ; cette crise était due à un sous-investissement des entreprises du secteur et à une erreur du régulateur qui avait limité la signature de contrats de fourniture de long terme. Le développement des transactions sur des marchés au comptant a exposé le secteur à une hausse soudaine des prix de gros. Le triplement des cours de l’électricité pendant l’hiver 2000-2001 a alors induit de nombreuses faillites chez les distributeurs. Cet exemple montre les conséquences désastreuses d’une mauvaise régulation et la nécessité d’une connaissance fine du secteur par le régulateur, ce qui plaide en faveur des régulateurs sectoriels spécialisés."
"Les membres du collège d’une AAI ne peuvent avoir de mandats électoraux ni financer une campagne électorale. Dans la plupart des pays, et c’est le cas en France, les règles de déontologie interdisent aux membres de bénéficier d’aides ou gratifications de la part des entreprises régulées et les personnels des AAI ne peuvent prendre un emploi dans les entreprises régulées immédiatement après leur emploi chez le régulateur."
"L’existence d’un monopole naturel nécessite une régulation a priori. Lorsqu’en outre, le monopole amont (par exemple, le réseau ferré) exerce une activité en aval (le transport de voyageurs), le risque qu’il mette en œuvre une tarification évinçant les concurrents (« ciseau tarifaire ») exige une intervention a priori du régulateur."
"Les gains d’efficacité futurs viendront avant tout des infrastructures et du déploiement des réseaux intelligents (smart grids), voire de la technologie blockchain, car l’enjeu est surtout de surmonter les pics de consommation, extrêmement coûteux pour les gestionnaires de réseaux. C’est d’ailleurs dans cette direction que la Commission européenne semble vouloir aller avec son quatrième paquet énergie (novembre 2016), qui élargit les compétences de l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) (responsabilité accrue en ce qui concerne les codes de réseau, par exemple) et lui confie des missions nouvelles (comme, par exemple, la coordination de certaines fonctions liées aux futurs centres opérationnels régionaux ou la surveillance des opérateurs désignés du marché de l’électricité, Nominated Electricity Market Operator, NEMO)."
-Maya Bacache-Beauvallet, Anne Perrot , « Régulation économique : quels secteurs réguler et comment ? », Notes du conseil d’analyse économique, 2017/8 (n° 44), p. 1-12. DOI : 10.3917/ncae.044.0001. URL : https://www.cairn.info/revue-notes-du-conseil-d-analyse-economique-2017-8-page-1.htm
"Depuis les années quatre-vingt, l’action publique s’est progressivement déplacée de la production directe à la réglementation des secteurs ; parallèlement, les secteurs précédemment caractérisés par des monopoles publics ont été ouverts à la concurrence. Bien que réduit, l’État actionnaire a dû, pour éviter les conflits d’intérêts, confier la régulation à des autorités plus ou moins indépendantes : Autorité de régulation des télécommunications (ART), créée en 1997, devenue Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en 2005, lors de l’ouverture du secteur postal ; Autorité de régulation des activités ferroviaires créée en 2009, devenue Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) en 2015, suite à l’ouverture du transport routier de voyageurs à la concurrence ; Commission de régulation de l’énergie (CRE), créée en 2010 lors de l’ouverture du marché de l’énergie ; Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), créée en 2010 pour accompagner la libéralisation des jeux en ligne."
"S’il a diminué de 45 % entre 1998 et 2013, l’indice de réglementation ETCR (Regulation in Energy, Transport and Communications) reste très supérieur aux niveaux observés en Allemagne et au Royaume-Uni qui ont également diminué."
"Les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API) ont en commun d’agir au nom de l’État sans être subordonnées au gouvernement et de bénéficier, pour le bon exercice de leurs missions, de garanties pour agir en pleine autonomie, sans que leur action puisse être orientée ni censurée, si ce n’est par le Juge. Elles disposent de pouvoirs plus ou moins étendus qui, dans certains cas, combinent un pouvoir de réglementation, d’autorisation individuelle, de contrôle, d’injonction, de sanction, voire de nomination, et se limitent, dans d’autres cas, à un simple pouvoir d’influence.
Les AAI sont apparues en France dès les années soixante-dix, avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en 1978, puis la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA) en 1982, premières AAI qualifiées ainsi par le Conseil constitutionnel en 1984. Les AAI interviennent généralement dans deux grands domaines :
la protection des citoyens : par exemple, la CNIL, le Défenseur des droits, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ;
la régulation d’une activité économique : par exemple, l’Autorité de la concurrence, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Les AAI sont une exception au regard de la séparation stricte des pouvoirs au sens où elles appartiennent au pouvoir exécutif, ont un pouvoir réglementaire et également un pouvoir de sanction donc de nature judiciaire. L’indépendance des AAI par rapport à la hiérarchie du pouvoir exécutif est une spécificité au regard des autres administrations et de l’article 20 de la Constitution (lequel désigne le gouvernement comme ayant l’autorité sur les administrations). Le Conseil constitutionnel a limité en France le pouvoir réglementaire de chaque AAI en le restreignant à un domaine précis."
"Quel est le périmètre optimal d’une autorité de régulation et, par conséquent, son degré de spécialisation ? En 2014, le rapport du sénateur Patrice Gélard note que, malgré les efforts de regroupement accomplis, les autorités demeurent nombreuses et hétérogènes. Si la loi de 2017 vient clarifier le statut juridique des AAI (voir encadré 1), elle ne tranche pas la question du bon niveau de transversalité, lequel est intimement lié à l’indépendance du régulateur vis-à-vis des acteurs régulés. Une autorité transversale qui régule de nombreux secteurs a, en effet, moins de chances d’être capturée par des intérêts particuliers.
Un régulateur très spécialisé a accès à une information…. Par ailleurs, la régulation dans un secteur particulier peut affecter les prix ou les conditions de concurrence sur un autre marché : un périmètre relativement large permet de mieux prendre en compte ces externalités. La convergence économique et technique entre les secteurs, du fait notamment de la révolution numérique, rend de plus en plus obsolète une régulation sectorielle trop limitée. Enfin, la multiplication des agences de régulation intervenant dans un même secteur engendre des coûts de coordination et peut aboutir à des décisions contradictoires.
Cependant, une spécialisation sectorielle relativement étroite permet au régulateur de bien connaître le secteur qu’il régule. Un exemple éclairant est le secteur électrique en Californie – régulé par une Public Utilities Commission dont la compétence couvre aussi les télécommunications, le gaz, l’eau et les transports. En 2001, la Californie a dû affronter une coupure générale d’électricité ; cette crise était due à un sous-investissement des entreprises du secteur et à une erreur du régulateur qui avait limité la signature de contrats de fourniture de long terme. Le développement des transactions sur des marchés au comptant a exposé le secteur à une hausse soudaine des prix de gros. Le triplement des cours de l’électricité pendant l’hiver 2000-2001 a alors induit de nombreuses faillites chez les distributeurs. Cet exemple montre les conséquences désastreuses d’une mauvaise régulation et la nécessité d’une connaissance fine du secteur par le régulateur, ce qui plaide en faveur des régulateurs sectoriels spécialisés."
"Les membres du collège d’une AAI ne peuvent avoir de mandats électoraux ni financer une campagne électorale. Dans la plupart des pays, et c’est le cas en France, les règles de déontologie interdisent aux membres de bénéficier d’aides ou gratifications de la part des entreprises régulées et les personnels des AAI ne peuvent prendre un emploi dans les entreprises régulées immédiatement après leur emploi chez le régulateur."
"L’existence d’un monopole naturel nécessite une régulation a priori. Lorsqu’en outre, le monopole amont (par exemple, le réseau ferré) exerce une activité en aval (le transport de voyageurs), le risque qu’il mette en œuvre une tarification évinçant les concurrents (« ciseau tarifaire ») exige une intervention a priori du régulateur."
"Les gains d’efficacité futurs viendront avant tout des infrastructures et du déploiement des réseaux intelligents (smart grids), voire de la technologie blockchain, car l’enjeu est surtout de surmonter les pics de consommation, extrêmement coûteux pour les gestionnaires de réseaux. C’est d’ailleurs dans cette direction que la Commission européenne semble vouloir aller avec son quatrième paquet énergie (novembre 2016), qui élargit les compétences de l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) (responsabilité accrue en ce qui concerne les codes de réseau, par exemple) et lui confie des missions nouvelles (comme, par exemple, la coordination de certaines fonctions liées aux futurs centres opérationnels régionaux ou la surveillance des opérateurs désignés du marché de l’électricité, Nominated Electricity Market Operator, NEMO)."
-Maya Bacache-Beauvallet, Anne Perrot , « Régulation économique : quels secteurs réguler et comment ? », Notes du conseil d’analyse économique, 2017/8 (n° 44), p. 1-12. DOI : 10.3917/ncae.044.0001. URL : https://www.cairn.info/revue-notes-du-conseil-d-analyse-economique-2017-8-page-1.htm