https://cv.archives-ouvertes.fr/jocelyne-streiff-fenart
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00961819/document
"La sociologie de l’immigration est une science des métaphores, métaphore marine des vagues, des flux, des courants, métaphore agricole de la transplantation, de la greffe, de l’enracinement, métaphore biologique de l’assimilation et de l’absorption. Parmi toutes ces images et analogies qui figurent le rapport entre le migrant et la société réceptrice, celle de l’assimilation qui représente la société comme un corps vivant humain et l’immigré comme un corps étranger à digérer, est sans nul doute la mieux partagée.
Enracinée dans la tradition sociologique de l’organicisme, la métaphore de l’assimilation doit aussi beaucoup à une vision « progressiste » du changement et de la diversité humaine: le même chemin parcouru par l’humanité sur une échelle temporelle du
progrès peut être parcouru en accéléré par la rencontre entre des groupes humains
situés à des stades différents d’évolution. Cette conception évolutionniste qui vise à
intégrer les autres en les faisant accéder à l’universel est présente dans l’espace
intellectuel français depuis la révolution française où elle a constitué l’arrière plan de la
notion de régénération des peuples soumis. Une autre métaphore, de source américaine,
a accentué à travers l’image du creuset le sens du mélange et de la fusion plutôt que
celui de l’absorption, ces deux faces de l’assimilation se trouvant représentées dans
l’histoire des Etats‐Unis par les idéologies fusionnelles ou exclusivistes du melting‐pot et de l’anglo‐conformity." (p.1)
"Alors même que l’assimilation est indissociable d’une conception individuelle et contractuelle de la citoyenneté, l’acte juridique qui fait de l’étranger un national (la naturalisation) consacre la subordination des catégories juridiques (national/étranger) aux catégories culturelles. Le droit français fait en effet de l’assimilation culturelle de l’immigré (attestée par son adhésion aux valeurs et sa connaissance de l’histoire et de la culture françaises) une condition de la naturalisation (loi de 1927 sur la nationalité, ordonnance de 1945 portant Code de la Nationalité)." (p.2)
"La distinction entre assimilables et non assimilables est mise en œuvre dans l’entre deux guerre pour trier les populations relevant d’une immigration de peuplement (Italiens, Belges, Suisses) et celles (Africains, Levantins et Asiatiques) relevant d’une immigration de travail ayant vocation à repartir (Schor, 1996). L’idée de prédispositions plus ou moins grandes à l’assimilation selon les « cultures d’origine » des groupes a été relayée et confortée par les instances scientifiques. Elle constitue l’arrière plan des grandes enquêtes sur l’assimilation des immigrés menées depuis les années cinquante jusqu’à nos jours. Commentant les résultats de l’enquête menée en Belgique par l’équipe de René Clémens, Alain Girard (1954) souligne que « la capacité d’assimilation des Polonais apparaît moins vive que celles des Italiens parce que la « distance culturelle » qui les sépare des Belges est beaucoup plus grande » (p. 148). L’enquête MGIS (Mobilité Géographique et Insertion Sociale) menée par l’INED et l’INSEE dans les années 1990 s’attache à mesurer le maintien ou la déperdition de comportements culturels
spécifiques (notamment matrimoniaux et religieux) attribués à des populations
construites comme des catégories ethniques (« arabes algériens », « berbères » ou
« kabyles », « turcs », « kurdes », « mandés d'Afrique noire », etc.). Cette enquête sur
laquelle on reviendra illustre de façon exemplaire la façon dont la contradiction propre à
l’assimilation peut être exposée sans être aperçue puisque on peut lire sous la plume du
Président du HCI qui préface l’ouvrage qui en est tiré (Tribalat 1995) que « ces
recherches (fondées donc sur la comparaison de groupes ethniques) renforcent notre
attachement à l’exemple français quelquefois mis en doute et notre conviction en sa valeur
de modèle » (sous entendu assimilationniste contre l’exemple anglo‐saxon multi‐
culturaliste)." (p.3)
"Dans la France de l’entre deux-guerres, tout un corps de hauts fonctionnaires et de spécialistes (juristes, géographes, médecins) va s’atteler à faire le tri entre les populations indésirables et celles prédisposées à s’assimiler (Paon 1926, Mauco 1932)."
"Quel contenu donner à la catégorie de Français, quels sont les critères qui permettent de reconnaître ceux qui font partie du Nous national, quelles étiquettes sont acceptables ou non pour désigner les majoritaires et les minoritaires ? Lorsque les minoritaires s‘emparent de ces questions, ils explicitent le changement de leur condition qui n’est plus celle d’étranger/immigré mais celle d’une composante de la société française existant de fait et revendiquant d’y exister de plein droit." (p.11)
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02085453/document
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01312992/document
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01110456/document
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00961819/document
"La sociologie de l’immigration est une science des métaphores, métaphore marine des vagues, des flux, des courants, métaphore agricole de la transplantation, de la greffe, de l’enracinement, métaphore biologique de l’assimilation et de l’absorption. Parmi toutes ces images et analogies qui figurent le rapport entre le migrant et la société réceptrice, celle de l’assimilation qui représente la société comme un corps vivant humain et l’immigré comme un corps étranger à digérer, est sans nul doute la mieux partagée.
Enracinée dans la tradition sociologique de l’organicisme, la métaphore de l’assimilation doit aussi beaucoup à une vision « progressiste » du changement et de la diversité humaine: le même chemin parcouru par l’humanité sur une échelle temporelle du
progrès peut être parcouru en accéléré par la rencontre entre des groupes humains
situés à des stades différents d’évolution. Cette conception évolutionniste qui vise à
intégrer les autres en les faisant accéder à l’universel est présente dans l’espace
intellectuel français depuis la révolution française où elle a constitué l’arrière plan de la
notion de régénération des peuples soumis. Une autre métaphore, de source américaine,
a accentué à travers l’image du creuset le sens du mélange et de la fusion plutôt que
celui de l’absorption, ces deux faces de l’assimilation se trouvant représentées dans
l’histoire des Etats‐Unis par les idéologies fusionnelles ou exclusivistes du melting‐pot et de l’anglo‐conformity." (p.1)
"Alors même que l’assimilation est indissociable d’une conception individuelle et contractuelle de la citoyenneté, l’acte juridique qui fait de l’étranger un national (la naturalisation) consacre la subordination des catégories juridiques (national/étranger) aux catégories culturelles. Le droit français fait en effet de l’assimilation culturelle de l’immigré (attestée par son adhésion aux valeurs et sa connaissance de l’histoire et de la culture françaises) une condition de la naturalisation (loi de 1927 sur la nationalité, ordonnance de 1945 portant Code de la Nationalité)." (p.2)
"La distinction entre assimilables et non assimilables est mise en œuvre dans l’entre deux guerre pour trier les populations relevant d’une immigration de peuplement (Italiens, Belges, Suisses) et celles (Africains, Levantins et Asiatiques) relevant d’une immigration de travail ayant vocation à repartir (Schor, 1996). L’idée de prédispositions plus ou moins grandes à l’assimilation selon les « cultures d’origine » des groupes a été relayée et confortée par les instances scientifiques. Elle constitue l’arrière plan des grandes enquêtes sur l’assimilation des immigrés menées depuis les années cinquante jusqu’à nos jours. Commentant les résultats de l’enquête menée en Belgique par l’équipe de René Clémens, Alain Girard (1954) souligne que « la capacité d’assimilation des Polonais apparaît moins vive que celles des Italiens parce que la « distance culturelle » qui les sépare des Belges est beaucoup plus grande » (p. 148). L’enquête MGIS (Mobilité Géographique et Insertion Sociale) menée par l’INED et l’INSEE dans les années 1990 s’attache à mesurer le maintien ou la déperdition de comportements culturels
spécifiques (notamment matrimoniaux et religieux) attribués à des populations
construites comme des catégories ethniques (« arabes algériens », « berbères » ou
« kabyles », « turcs », « kurdes », « mandés d'Afrique noire », etc.). Cette enquête sur
laquelle on reviendra illustre de façon exemplaire la façon dont la contradiction propre à
l’assimilation peut être exposée sans être aperçue puisque on peut lire sous la plume du
Président du HCI qui préface l’ouvrage qui en est tiré (Tribalat 1995) que « ces
recherches (fondées donc sur la comparaison de groupes ethniques) renforcent notre
attachement à l’exemple français quelquefois mis en doute et notre conviction en sa valeur
de modèle » (sous entendu assimilationniste contre l’exemple anglo‐saxon multi‐
culturaliste)." (p.3)
"Dans la France de l’entre deux-guerres, tout un corps de hauts fonctionnaires et de spécialistes (juristes, géographes, médecins) va s’atteler à faire le tri entre les populations indésirables et celles prédisposées à s’assimiler (Paon 1926, Mauco 1932)."
"Quel contenu donner à la catégorie de Français, quels sont les critères qui permettent de reconnaître ceux qui font partie du Nous national, quelles étiquettes sont acceptables ou non pour désigner les majoritaires et les minoritaires ? Lorsque les minoritaires s‘emparent de ces questions, ils explicitent le changement de leur condition qui n’est plus celle d’étranger/immigré mais celle d’une composante de la société française existant de fait et revendiquant d’y exister de plein droit." (p.11)
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02085453/document
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01312992/document
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01110456/document