https://www.cairn.info/revue-cahiers-jaures-2008-1-page-5.htm
"Les différents articles incitent par ailleurs à se demander, à la suite de Jacques Julliard, si le clivage le plus pertinent n’est pas ici, au lieu de l’opposition classique entre réformistes et révolutionnaires, celui qui sépare les centralisateurs (autant en matière de conception du parti que de révolution) des décentralisateurs. Parmi ces derniers se trouve Jaurès. Il pèse de tout son poids au moment de l’unification pour que ce soient les fédérations qui constituent le socle de l’organisation, un socle qui limite finalement de manière considérable l’impact que peuvent espérer exercer les institutions centrales du Parti. Ce clivage entre centralisateurs et décentralisateurs joue avant 1905 et distingue déjà le Parti socialiste de France (PSdF) et le Parti socialiste français (PSF) ; c’est finalement lui qui, d’une certaine manière, fait éclater la SFIO au congrès de Tours en 1920."
"Jaurès est, de fait, l’un des meilleurs témoins de ces tiraillements, de ces disputes personnelles et/ou théoriques, de ces espoirs comme de ces désillusions, qui fondent la nouvelle expérience que constitue pour les militants la vie à l’intérieur d’un parti. Beaucoup d’articles insistent sur cet aspect, qui a en outre le mérite de rendre moins monolithique et moins lisse la figure du député de Carmaux. Homme du XIXe siècle, il doit affronter une série de nouveaux problèmes, allant de l’attitude à adopter face au flash des photographes à la question de la consommation. Fidèle du socialisme comme espérance suprême, il apparaît aussi comme un stratège pragmatique, parfois brutal, au cours des congrès qui deviennent l’un des nouveaux supports de son charisme. Entre attachement à l’héritage républicain et au socialisme d’avant l’unité et adaptation aux nouvelles conditions de la vie partisane, s’esquisse en tous les cas, à partir de 1905, un Jaurès différent de celui de 1898 par exemple. Ce Jaurès là conserve simultanément des traits permanents. C’est le cas notamment de la conception large qu’il se fait du parti et qu’il exprime déjà en 1900 : « Pour moi, il ne me déplaît pas que dans son mouvement, dans son développement, le parti socialiste et le prolétariat organisé coupent, rencontrent toutes les grandes causes […]. Je veux, nous voulons que le parti socialiste soit le lieu géométrique de toutes les grandes choses, de toutes les grandes idées, et par là, nous ne désertons pas le combat pour la révolution sociale, nous nous armons au contraire de force, de dignité pour hâter cette heure révolutionnaire."
-Marion Fontaine, « La formation du parti socialiste unifié 1905-1914 », Cahiers Jaurès, 2008/1 (N° 187-188), p. 5-13. DOI : 10.3917/cj.187.0005. URL : https://www.cairn-int.info/revue-cahiers-jaures-2008-1-page-5.htm
"Les différents articles incitent par ailleurs à se demander, à la suite de Jacques Julliard, si le clivage le plus pertinent n’est pas ici, au lieu de l’opposition classique entre réformistes et révolutionnaires, celui qui sépare les centralisateurs (autant en matière de conception du parti que de révolution) des décentralisateurs. Parmi ces derniers se trouve Jaurès. Il pèse de tout son poids au moment de l’unification pour que ce soient les fédérations qui constituent le socle de l’organisation, un socle qui limite finalement de manière considérable l’impact que peuvent espérer exercer les institutions centrales du Parti. Ce clivage entre centralisateurs et décentralisateurs joue avant 1905 et distingue déjà le Parti socialiste de France (PSdF) et le Parti socialiste français (PSF) ; c’est finalement lui qui, d’une certaine manière, fait éclater la SFIO au congrès de Tours en 1920."
"Jaurès est, de fait, l’un des meilleurs témoins de ces tiraillements, de ces disputes personnelles et/ou théoriques, de ces espoirs comme de ces désillusions, qui fondent la nouvelle expérience que constitue pour les militants la vie à l’intérieur d’un parti. Beaucoup d’articles insistent sur cet aspect, qui a en outre le mérite de rendre moins monolithique et moins lisse la figure du député de Carmaux. Homme du XIXe siècle, il doit affronter une série de nouveaux problèmes, allant de l’attitude à adopter face au flash des photographes à la question de la consommation. Fidèle du socialisme comme espérance suprême, il apparaît aussi comme un stratège pragmatique, parfois brutal, au cours des congrès qui deviennent l’un des nouveaux supports de son charisme. Entre attachement à l’héritage républicain et au socialisme d’avant l’unité et adaptation aux nouvelles conditions de la vie partisane, s’esquisse en tous les cas, à partir de 1905, un Jaurès différent de celui de 1898 par exemple. Ce Jaurès là conserve simultanément des traits permanents. C’est le cas notamment de la conception large qu’il se fait du parti et qu’il exprime déjà en 1900 : « Pour moi, il ne me déplaît pas que dans son mouvement, dans son développement, le parti socialiste et le prolétariat organisé coupent, rencontrent toutes les grandes causes […]. Je veux, nous voulons que le parti socialiste soit le lieu géométrique de toutes les grandes choses, de toutes les grandes idées, et par là, nous ne désertons pas le combat pour la révolution sociale, nous nous armons au contraire de force, de dignité pour hâter cette heure révolutionnaire."
-Marion Fontaine, « La formation du parti socialiste unifié 1905-1914 », Cahiers Jaurès, 2008/1 (N° 187-188), p. 5-13. DOI : 10.3917/cj.187.0005. URL : https://www.cairn-int.info/revue-cahiers-jaures-2008-1-page-5.htm