"La France n'aime pas son industrie, déplorait Georges Pompidou. Formule excessive, destinée à donner l'alarme. Il y eut plutôt, selon les époques et les groupes sociaux, fascination, détestation, ignorance. La civilisation agraire, qui a si longtemps fourni l'essentiel de l'emploi, façonné les paysages, déterminé les valeurs, a maintenu le travail manufacturier, au sens large, dans un rôle subordonné. Par ailleurs, la culture des élites n'a jamais été accueillante à l'industrie, même si elle la reconnaissait comme une activité nécessaire. Elle lui a refusé durablement une légitimité plénière, malgré une admiration épisodique pour ses réalisations. On dérogeait toujours un peu à se mêler de marchandise. Parallèlement, l'opinion s'est vite persuadée que les produits nationaux ne supportaient pas la comparaison, en quantité et en qualité, avec l'étranger. [...] Après la "fin des paysans", tardivement intervenue, voici que s'annoncerait déjà la "société postindustrielle", comme si la France sortait d'un monde sans y être vraiment entrée. [...] A mesure qu'elle se retire de régions entières, l'activité fabricante bascule dans la mémoire. Les friches industrielles s'installent, puis s'effacent au profit d'autres occupations." (p.7)
"Que peut l'histoire ? Certainement pas donner des recettes ni des leçons, mais restituer des traces, rétablir des perspectives. Rappeler, par exemple, que la France a été, de longue date, l'une des principales puissances industrielles, et le demeure. Expliquer que l'industrie, avant d'être un secteur, a été une qualité, et l'est restée. "Dextérité, invention, adresse", lit-on dans le Dictionnaire de Trévoux (1743), et l'Encyclopédie de Diderot caractérise l'industrie à la fois par le "simple travail des mains" et par les "inventions de l'esprit en machines utiles aux arts et métiers". Il faut dire que l'esprit d'initiative et d'entreprise est associé à la notion même d'industrie, et qu'elle ne se conçoit que dans la dynamique." (pp.7-8 )
"[En 1852] Cinq départements emploient 52% du total des machines à vapeur. Ce sont dans l'ordre le Nord, la Seine, la Seine-Inférieure, le Rhône, la Loire, qui sont suivis de quatre départements charbonniers. [...]
Sous la Restauration, les machines viennent d'Angleterre ou de Belgique. Mais, à partir de 1841, les premiers constructeurs français résistent bien à la concurrence étrangère, en dépit de l'allègement des droits. Avec des firmes appelées à devenir célèbres -Derosnes et Cail, Farcot, Calla à Paris, Koechlin à Mulhouse-, un nouveau métier, la construction de machines, voit le jour [...] La sidérurgie lourde y trouve également un débouché pour ses tôles." (p.211)
-Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France, du XVIe siècle à nos jours, Seuil, 1998, 681 pages.
"Que peut l'histoire ? Certainement pas donner des recettes ni des leçons, mais restituer des traces, rétablir des perspectives. Rappeler, par exemple, que la France a été, de longue date, l'une des principales puissances industrielles, et le demeure. Expliquer que l'industrie, avant d'être un secteur, a été une qualité, et l'est restée. "Dextérité, invention, adresse", lit-on dans le Dictionnaire de Trévoux (1743), et l'Encyclopédie de Diderot caractérise l'industrie à la fois par le "simple travail des mains" et par les "inventions de l'esprit en machines utiles aux arts et métiers". Il faut dire que l'esprit d'initiative et d'entreprise est associé à la notion même d'industrie, et qu'elle ne se conçoit que dans la dynamique." (pp.7-8 )
"[En 1852] Cinq départements emploient 52% du total des machines à vapeur. Ce sont dans l'ordre le Nord, la Seine, la Seine-Inférieure, le Rhône, la Loire, qui sont suivis de quatre départements charbonniers. [...]
Sous la Restauration, les machines viennent d'Angleterre ou de Belgique. Mais, à partir de 1841, les premiers constructeurs français résistent bien à la concurrence étrangère, en dépit de l'allègement des droits. Avec des firmes appelées à devenir célèbres -Derosnes et Cail, Farcot, Calla à Paris, Koechlin à Mulhouse-, un nouveau métier, la construction de machines, voit le jour [...] La sidérurgie lourde y trouve également un débouché pour ses tôles." (p.211)
-Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France, du XVIe siècle à nos jours, Seuil, 1998, 681 pages.