https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Bonheur
https://www.cairn.info/tous-republicains--9782200272821-page-125.htm
Dans son savoureux recueil Qui a cassé le vase de Soissons ?, Gaston Bonheur (1913-1980) évoque, en 1963, chez Robert Laffont, avec beaucoup de finesse, ses souvenirs scolaires marqués par l’influence d’Ernest Lavisse :
Certes, c’est à coups de règle sur la tête que les dates sont entrées dans nos mémoires et que nous pouvons répondre par un chiffre, comme une machine électronique, aux excitations de la guerre et de la paix. Nous savons « les Champs catalauniques », « Poitiers », « l’empereur Charlemagne » (un chiffre rond, 800, c’est rare), « Bouvines », « Brûlée à Rouen », « Marignan » (1515, la date la plus sue de toute l’histoire), « Ravaillac », « Rocroi », etc. Et les noms plus difficiles des paix, « Westphalie », « Nimègue », « Campo Formio ».
Et l’adjectif « désastreux », réservé, au masculin, au traité de Cateau-Cambrésis, et, au féminin, à la retraite de Russie. Et le début des temps modernes, qui coïncide avec la chute de Constantinople.
Mais cette partie automatique, arithmétique [...], n’entre pas dans notre jeu. Ce que nous cherchons, sous les strates de la mémoire ou de la connaissance, ce sont les images enfouies, les phrases terrifiantes, qui résonnent comme au fond d’une conque. Non pas l’histoire, mais un passé, celui de la France et la nôtre confondues, un passé plein de bruit et de fureur.
https://www.cairn.info/tous-republicains--9782200272821-page-125.htm
Dans son savoureux recueil Qui a cassé le vase de Soissons ?, Gaston Bonheur (1913-1980) évoque, en 1963, chez Robert Laffont, avec beaucoup de finesse, ses souvenirs scolaires marqués par l’influence d’Ernest Lavisse :
Certes, c’est à coups de règle sur la tête que les dates sont entrées dans nos mémoires et que nous pouvons répondre par un chiffre, comme une machine électronique, aux excitations de la guerre et de la paix. Nous savons « les Champs catalauniques », « Poitiers », « l’empereur Charlemagne » (un chiffre rond, 800, c’est rare), « Bouvines », « Brûlée à Rouen », « Marignan » (1515, la date la plus sue de toute l’histoire), « Ravaillac », « Rocroi », etc. Et les noms plus difficiles des paix, « Westphalie », « Nimègue », « Campo Formio ».
Et l’adjectif « désastreux », réservé, au masculin, au traité de Cateau-Cambrésis, et, au féminin, à la retraite de Russie. Et le début des temps modernes, qui coïncide avec la chute de Constantinople.
Mais cette partie automatique, arithmétique [...], n’entre pas dans notre jeu. Ce que nous cherchons, sous les strates de la mémoire ou de la connaissance, ce sont les images enfouies, les phrases terrifiantes, qui résonnent comme au fond d’une conque. Non pas l’histoire, mais un passé, celui de la France et la nôtre confondues, un passé plein de bruit et de fureur.