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    Rémi Lefebvre, Les socialistes, la question communale et l'institution municipale Le cas de Roubaix à la fin du xixe siècle + Le socialisme français et la « classe ouvrière » + Réinventer les partis politiques ?

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Rémi Lefebvre, Les socialistes, la question communale et l'institution municipale Le cas de Roubaix à la fin du xixe siècle + Le socialisme français et la « classe ouvrière » + Réinventer les partis politiques ? Empty Rémi Lefebvre, Les socialistes, la question communale et l'institution municipale Le cas de Roubaix à la fin du xixe siècle + Le socialisme français et la « classe ouvrière » + Réinventer les partis politiques ?

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 14 Déc - 17:54

    https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9mi_Lefebvre

    https://www.cairn.info/revue-cahiers-jaures-2005-3-page-67.htm

    https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-1-page-64.htm

    "La faiblesse historique du score de Lionel Jospin au sein des classes populaires (selon les sondages 12 % des ouvriers ont voté Jospin, contre 14 % Chirac et 26 % Le Pen) et son maintien chez les cadres (24 % contre 13 % pour Chirac et 8 % pour Le Pen) ont maintes fois été rappelés, de même que le succès corrélatif sans précédent des candidats trotskistes. Cette lumière portée sur le décrochage électoral des catégories populaires a conduit à laisser dans l’ombre d’autres érosions tout aussi significatives (chez les enseignants ou les salariés du public notamment. [...] Chez les salariés du public, le candidat Jospin perd 14 points par rapport à 1995 (18 % contre 32 %), contre 7 points parmi les salariés du privé."

    "Certes les ouvriers constituent encore 28 % de la population active et « la classe populaire a connu depuis les années 60 une parfaite stabilité autour de 60 % de la population active » (Louis Chauvel). Mais l’identité ouvrière s’est érodée, chacun en convient sous les effets conjugués du chômage de masse et de la précarisation."

    "Les « catégories populaires » renvoient par ailleurs aujourd’hui à des réalités sociales plus hétérogènes que jamais. Ce retour du populaire conduit à des formes d’idéalisation…. Les ouvriers ne sont plus majoritaires dans les usines. Ils se sont tertiarisés et se sont dispersés dans des unités de production de petite taille et souvent dans la sous-traitance."

    "Aux législatives de 1978, le Parti socialiste recueille 27 % chez les ouvriers. En 1981, aux présidentielles, le candidat socialiste rassemble plus d’ouvriers que le candidat communiste (30 % contre 28 %). Aux législatives qui suivent, 44 % des ouvriers votent socialiste (24 % pour le PC). Aux législatives de 1986, 36 % des ouvriers votent encore pour le Parti socialiste et 42 % pour le candidat Mitterrand au premier tour de la présidentielle en 1988."

    "Le Congrès de la salle du Globe en avril 1905 réalise l’unité des socialistes et crée la section française de l’Internationale ouvrière. Une Commission d’unification avait préalablement préparé l’organisation politique de ce congrès et avait, en décembre 1904, adopté un texte qui devient en 1905 la première déclaration de principes du Parti socialiste. Elle porte la marque des thèses « guesdistes » alors dominantes qui relèvent d’un marxisme appauvri. Il y est affirmé que le Parti socialiste est un « parti de classe » (le terme « prolétariat » est utilisé). Il a pour but de « transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste » par « l’organisation économique et politique du prolétariat ». La vocation révolutionnaire de la classe ouvrière est affirmée : « Par son but, par son idéal, par les moyens qu’il emploie, le Parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n’est pas un parti de réforme mais un parti de lutte de classe et de révolution. » Quelques années plus tard, l’unité réalisée, dans les premiers volumes de l’Encyclopédie socialiste, Paul Louis chargé du volume sur le Parti socialiste en France prolonge cette conception : « En disant qu’il est un parti de classe, le Parti socialiste (…) se sépare de tous les autres partis. Ceux-ci, en effet, font appel à toutes les catégories sociales dont ils prétendent pouvoir concilier, harmoniser, défendre conjointement les intérêts. (…) À l’encontre des conservateurs, des radicaux, des progressistes, qui s’attachent à enrôler simultanément les grands capitalistes et les ouvriers les plus mal payés, pour mieux nier l’opposition des classes, le Parti socialiste s’affirme représentant de la classe ouvrière, ou plus exactement il est le prolétariat organisé sur le plan politique, pour conquérir son affranchissement, pour détruire le mécanisme de l’État capitaliste, pour transformer toute la structure de la propriété. » Le Parti socialiste n’est donc pas un parti interclassiste comme la plupart des autres organisations (un catch all party ou « parti attrape-tout » dirait aujourd’hui la science politique). Il a pour but de rassembler en vue d’un objectif politique déterminé (la prise du pouvoir) une catégorie particulière de salariés, les ouvriers qui constitue son référent sociologique central."

    "Après 1920 et la création de la section française de l’Internationale communiste, la SFIO conserve la déclaration de principes de 1905, ce qui est une manière de montrer, face au futur rival communiste, l’attachement de la « vieille maison » aux principes traditionnels du socialisme. Il faut en fait attendre la Libération pour que le Parti socialiste redéfinisse et reformule ses principes et donc sa sociologie. Léon Blum tente « une rénovation idéologique » et un virage vers le travaillisme en cherchant à substituer l’intérêt général à l’intérêt de classe. Il propose un projet de déclaration de principes et de statuts (dans la lignée de son ouvrage À l’échelle humaine) au congrès d’août 1945. Ce texte abandonne toute référence à « la dictature du prolétariat » et au « prolétariat » (il lui substitue « les travailleurs »). Le texte définit le parti non comme « de classe » mais comme « un parti essentiellement démocratique ». Le texte finalement adopté en 1946 qui conforte une certaine orthodoxie marxiste portée par Guy Mollet introduit des changements notables. Le Parti socialiste a « pour action propre de grouper sans distinction de croyances philosophiques ou religieuses la masse des travailleurs en tout genre - travailleurs intellectuels ou manuels -sur le terrain politique, économique et doctrinal, en vue de la conquête des pouvoirs publics, condition non suffisante mais nécessaire de la transformation sociale ». La déclaration poursuit : « le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire : il a pour but de réaliser la substitution au régime de la propriété capitaliste d’un régime où les richesses naturelles comme les moyens de production et d’échange deviendront la propriété de la collectivité et, où, par conséquent les classes seront abolies ». L’objectif est « de libérer la personne humaine de toutes les servitudes qui l’oppriment », c’est-à-dire « d’assurer à l’homme, à la femme, à l’enfant, dans une société fondée sur l’égalité et la fraternité, le libre exercice de leurs droits et de leurs facultés naturelles »."

    "Des années 60 aux années 90 : la progressive désouvriérisation. La déclaration de principes de 1969 (création du PS, fin de la SFIO) accuse l’orientation prise en 1946 : la vocation du Parti socialiste est de regrouper « travailleurs manuels et intellectuels » mais aussi ruraux et citadins. Cette déclaration marque surtout une étape intéressante par la volonté d’aller au-delà de la formule de « l’appropriation collective des moyens de production et d’échange » pour tenter de définir les modalités de la « démocratie économique » qui distingue, selon la déclaration de principes de 1969, le socialisme des autres familles idéologiques et politiques (la démocratie économique est considérée comme « le caractère distinctif du socialisme »). L’objectif des luttes est donc de parvenir à s’emparer et à instaurer « des pouvoirs démocratiques de gestion, de contrôle et de décision ». Il s’agit de concilier démocratie politique et démocratie économique. « Le Parti socialiste propose aux travailleurs de s’organiser pour l’action car l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Dans sa présentation du programme de gouvernement du Parti socialiste (1972), l’autogestion est définie comme « la finalité de la société socialiste dans la mesure où cette finalité signifie la disparition des classes antagonistes, l’abolition du salariat, l’instauration plénière de la démocratie ». Le programme de « nationalisations », analyse Maurice Braud, veut avancer concrètement dans la voie de l’abolition du salariat par un programme de collectivisation multiforme, « avec à la fois la défense dans certains secteurs de l’emploi salarié, dans d’autres le passage de l’état de salarié à celui de coopérateur, enfin pour une autre part de maintenir un statut de salarié tout en ouvrant la voie par l’extension de droits collectifs, en particulier par la représentation dans les instances de direction stratégique (CA) ou par l’élection - partielle ou non - de l’encadrement, à la transformation profonde de cet état de salarié ».

    Avec le
    Projet socialiste pour la France des années 80, l’idée d’abolition du salariat, naguère systématiquement évoquée avec l’autogestion, disparaît. Le travailleur est principalement un salarié, et le nouveau statut qui devient le sien par les réformes de structure proposées n’est pas explicité. Plus présente qu’hier, la figure du cadre est renvoyée à celle d’un salarié comme les autres, et donc susceptible lui aussi de rejoindre les rangs socialistes. Dans les 110 propositions du candidat François Mitterrand, la perspective autogestionnaire n’est plus citée sans être formellement abandonnée et le statut du travailleur (salarié, indépendant, …) n’est jamais précisé. Avec l’exercice du pouvoir dans les années 80, les références à l’autogestion, à « la rupture avec le capitalisme » et à l’abolition du salariat disparaissent complètement. Les termes de « démocratie économique » ou de « démocratie sociale » sont peu à peu abandonnés."

    "Appareil peu étoffé, bureaucratie partisane quasi inexistante, forte décentralisation, faible pouvoir du centre sur la périphérie et surtout inexistence d’un militantisme puissant et intégré, dit de « masses » spécifient le parti comme organisation et le différencient de ses homologues allemand, anglais ou scandinaves. Hugues Portelli s’appuie sur cette structuration lâche pour considérer que le Parti socialiste a toujours été un parti de notables et de comités locaux reproduisant le modèle organisationnel du parti radical (dont il tendrait d’ailleurs à supplanter la place dans le système politique)."

    "La prédilection pour l’idéologie et la constance de l’intransigeance doctrinale fonctionnent ainsi, par exemple, comme un moyen de conjurer sa faible représentativité ouvrière et sa fragilité organisationnelle. Dans cette perspective, ce qui relie les membres du parti et fonde leur lien et leur engagement est moins une appartenance sociale commune que l’adhésion partagée à un discours revendiquant une transformation profonde de l’ordre social. La rigidité doctrinale constitue en somme le principal support de l’identité partisane qu’elle réassure en permanence."

    "Plus qu’on le prétend, dans les villes du Nord mais aussi ailleurs, les socialistes ont établi des liens avec les populations ouvrières en prenant en charge leurs intérêts. Grâce aux municipalités, leurs besoins ont pu accéder à une forme de représentation. Le socialisme ne s’est pas attaché le soutien des communautés ouvrières, lorsque ce fut le cas, uniquement sur la base d’un projet de transformation sociétale à long terme et d’une téléologie mais sur la foi d’un socialisme « possibiliste » prenant en charge ses intérêts sociaux et incarné dans des réalisations tangibles. On peut faire l’hypothèse que « les liens générateurs » d’adhésion socialiste sont municipaux."

    "Dans ce modèle général du socialisme français, la fédération du Nord (et celle du Pas-de-Calais) fait exception. C’est historiquement une fédération ouvrière dans un parti qui ne l’est pas (de manière globale). D’où sa valorisation, voire sa dimension mythique dans le parti. Si la fédération du Nord a toujours été un modèle pour le parti, une caution ouvrière, cette fédération est en fait une figure inversée du parti. Dans le Nord, pour aller vite, le socialisme est historiquement puissant, militant, fortement connecté au monde ouvrier et au syndicalisme, dans une région, qui, rappelons-le, est très industrielle et ouvrière. Les socialistes du Nord entretiennent un rapport identitaire avec le monde ouvrier dès la fin du XIXe. Le mouvement ouvrier se structure dans le Nord dans les années 1870 et surtout 1880. Ces premiers leaders socialistes sont connus : Gustave Delory à Lille, Henri Carrette à Roubaix, ouvriers ou anciens ouvriers, souvent licenciés pour activisme politique et obligés d’ouvrir des estaminets pour vivre et continuer leur œuvre de propagande. Les trois quarts des élus du conseil municipal élus à Roubaix en 1892 sont cabaretiers mais sont issus du monde ouvrier. Le guesdisme, marque organisationnelle du socialisme septentrional, tire sa force des liens que ses leaders entretiennent avec le monde ouvrier. Il se manifeste par un souci de l’organisation et un fétichisme du parti qui confine à un certain formalisme. Les socialistes du Nord ont ainsi tout particulièrement « l’esprit de parti ». Mais c’est surtout à partir des années 1920 que les socialistes vont développer un mode d’implantation qui assure de forts liens avec le monde ouvrier. On retrouve ce modèle dans les villes ouvrières du Nord qui deviennent de véritables bastions (Roubaix, Lille, Dunkerque…)."

    "Roubaix est socialiste dès 1892, Lille en 1896. Le nombre de mairies ne cesse de progresser à partir des années 1910 : 40 mairies en 1908,107 en 1919 (le chiffre reste à peu près stable par la suite). La gestion municipale se veut une gestion de classe au service de la classe ouvrière. On peut parler d’une véritable commune providence. À travers l’œuvre municipale, il s’agit d’améliorer la condition ouvrière mais aussi de préparer la classe ouvrière à jouer son rôle historique, à œuvrer à son émancipation. Le socialisme municipal est une propédeutique à l’action révolutionnaire. La première municipalité tente de mettre en œuvre à partir de 1892 à Roubaix le programme municipal dont s’est doté un an plus tôt le parti ouvrier. Les cantines, les crèches et le sanatorium constituent les innovations ayant l’écho le plus important. Plusieurs articles du programme se heurtent aux veto préfectoraux ou à la mauvaise volonté du pouvoir central qui veille scrupuleusement au respect de la tutelle pour éviter que l’expérience roubaisienne ne fasse tâche d’huile. L’interventionnisme municipal s’approfondit et se systématise dans l’entre-deux-guerres avec la municipalité Lebas. Roubaix incarne le modèle de la municipalité socialiste. Le contrôle de la vie quotidienne ouvrière devient un enjeu central de la concurrence entre la municipalité et les industriels. Si le niveau municipal est toujours présenté comme « un terrain limité », un principe de quasi-universalité des compétences municipales s’impose de fait. Le municipalisme maladroit des mandats de Henri Carrette (premier maire socialiste de Roubaix) devient scientifique, méthodique et rationnel. La continuité et la longévité de l’expérience municipale permettent la constitution d’une véritable œuvre municipale, consacrée par la presse nationale socialiste comme un modèle de socialisme municipal. Construction d’écoles, consultation des nourrissons, sanatorium, école de plein air, colonies, sport ouvrier, hygiènisme, piscine à eau chaude… : Roubaix-socialiste n’usurpe pas son titre de « cité radieuse » ou de « ville sainte » du socialisme. En toute matière, les socialistes cherchent l’exemplarité. À Roubaix, l’initiative locale devance très souvent l’obligation légale. La vie quotidienne fait l’objet d’une prise en charge de plus en plus systématique. La ville socialiste devient ainsi une grande entreprise de services collectifs et l’institution prend corps dans une figure bienfaitrice. Elle devient l’instance protectrice, du berceau à la tombe, à tous les âges de la vie, de la population ouvrière, celle qui l’assiste face à la pauvreté et la préserve des « malheurs du temps » qui l’accablent (le chômage, la maladie, la misère…)."

    "Le discours socialiste n’offre plus une base de politisation des identités et de l’expérience sociales des catégories les plus modestes."

    "Les élites socialistes par leur recrutement sociologique se révèlent imperméables aux attentes d’un monde social qu’elles ignorent dans une large mesure d’abord parce qu’elles n’en sont pas issues. Si les suites du congrès de Dijon ou la composition des listes aux élections régionales ont été marquées par la promotion de militants d’origine étrangère et tout particulièrement maghrébine, aucune promotion de militants d’extraction modeste ou d’origine populaire n’a été mise en œuvre. Tout se passe comme si le Parti socialiste avait renoncé à toute politique volontariste en la matière."
    -Rémi Lefebvre, « Le socialisme français et la « classe ouvrière » », Nouvelles FondationS, 2006/1 (n° 1), p. 64-75. DOI : 10.3917/nf.001.0064. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-1-page-64.htm

    https://www.cairn.info/revue-mouvements-2007-2-page-24.htm

    "En octobre 2004, lors du colloque organisé par le PS sur l’avenir de la France pour contribuer à la préparation de son projet 2007-2012, une table ronde rassemble Nathalie Heinich, Marcel Gauchet et de nouveau François de Singly, pour débattre de « l’individualisme contemporain ». L’usage que les socialistes font de ces références et analyses les conduits à fataliser l’inappétence des individus et plus particulièrement des catégories dominées pour la conscience et l’action collectives. Tout se passe comme si « l’individualisme », souvent peu défini, constituait un horizon indépassable et un facteur exogène sur lequel les socialistes n’auraient plus prise. Les socialistes ne doivent plus « craindre l’individualisation de la société », titre L’Hebdo des socialistes parce que « les Français n’ont jamais été aussi libres de leurs choix ». « Chaque catégorie, et à la limite chaque individu, a désormais ses problèmes, ses attentes, ses revendications singulières et spécifiques » note un responsable. « Chacun se sent différent, singulier, potentiellement porteur d’une identité multiple et complexe. Les individus seraient les « entrepreneurs de leur propre vie » : cette expression d’Alain Ehrenberg est récurrente dans de nombreux écrits socialistes. Ces orientations et la cécité sociologique qu’elles révèlent méconnaissent les inégalités sociales devant le processus d’individuation et l’aspiration de nombreuses catégories populaires à plus de protection, alors que la stabilité des statuts professionnels et les structures d’encadrement traditionnelles s’affaiblissent. Il est difficile de ne pas faire le lien entre cette perception individualiste de la société et l’individualisme forcené qui caractérise les groupes sociaux dont sont très majoritairement issus les élites et les militants socialistes."

    "Le « peuple » ou « les catégories dominées » tendent à n’être appréhendés par les dirigeants socialistes que sous le registre de leur incompétence, de leur immaturité voire de leur aliénation. Les élites socialistes partagent ainsi des représentations des catégories populaires relativement homogènes : le peuple est jugé « rétif » aux changements, à la « modernisation », à l’adaptation à la mondialisation, inapte à la compréhension de la « complexité » du monde. Il convient donc d’adopter une « pédagogie » de la réforme à destination de ces groupes… [...]
    Les interprétations produites par la plupart des dirigeants socialistes après la victoire du non lors du référendum sur le TCE sont édifiantes de ce point de vue. Les tenants du oui y ont vu surtout le résultat, chez les catégories populaires, de l’agrégation de peurs (« peur de l’avenir, peur de l’autre, peur du monde »). Le non serait surtout porteur de méconnaissances, d’ignorance et de visions fantasmatiques, le peuple ayant réagi par rapport au contexte (le rejet de la politique de droite) plus que sur le texte. Au fond, c’est le peuple qu’il faudrait changer et non le discours que ce dernier rejette.
    "

    "Les pratiques militantes traditionnelles (collectage de timbres, distribution de tracts, collage d’affiches, organisation de manifestations de rue et de fêtes…) fondées sur l’immersion dans l’expérience vécue des catégories populaires apparaissent ainsi dépréciées, voire stigmatisées. Si « le terrain » est valorisé, il est peu pratiqué. Les activités de terrain se fonctionnalisent et perdent leur dimension collective et identitaire."
    -Rémi Lefebvre & Frédéric Sawicki, « Pourquoi le PS ne parle-t-il plus aux catégories populaires ? », Mouvements, 2007/2 (n° 50), p. 24-32. DOI : 10.3917/mouv.050.0024. URL : https://www.cairn.info/revue-mouvements-2007-2-page-24.htm

    https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2007-1-page-23.htm

    "Incapacité des forces politiques de gauche à proposer et diffuser un discours alternatif en mesure de résister aux idées simples véhiculées par la droite. L’inclination d’au moins un tiers des classes populaires en faveur de politiques très répressives à l’égard des délinquants et des immigrés manifeste depuis longtemps cet échec. Mais la séduction croissante des catégories populaires vis-à-vis de solutions économiques libérales aurait dû alerter les dirigeants de gauche. Une enquête du Cevipof réalisée début 2006 établissait ainsi que 61 % des ouvriers et 68 % des employés étaient tout à fait ou plutôt d’accord avec l’idée qu’« il faudrait donner plus de liberté aux entreprises » et que 64 % des premiers et 66 % des seconds estimaient que « les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient »."
    -Rémi Lefebvre & Frédéric Sawicki, « Défaite de la gauche : le 21 avril 2002 n'était pas un accident », Savoir/Agir, 2007/1 (n° 1), p. 23-28. DOI : 10.3917/sava.001.0023. URL : https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2007-1-page-23.htm


    https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2015-2-page-9.htm





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    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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