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    Ruut Veenhoven, Le bonheur du plus grand nombre comme buts des politiques sociales

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Ruut Veenhoven, Le bonheur du plus grand nombre comme buts des politiques sociales Empty Ruut Veenhoven, Le bonheur du plus grand nombre comme buts des politiques sociales

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 14 Fév - 18:13

    https://en.wikipedia.org/wiki/Ruut_Veenhoven

    https://personal.eur.nl/veenhoven/Pub2000s/2007b-fullf.pdf

    "Le bonheur ne serait qu'un concept insaisissable et non mesurable. En conséquence, il ne serait pas possible de prévoir les effets des divers comportements sur le bonheur, donc de vérifier suppositions ou hypothèses. D'autres considèrent le bonheur comme un trait immuable qui ne pourrait être modifié. [...]
    Le bonheur ne serait que plaisir ou illusion et ne vaudrait rien en lui-même ; il ne pourrait donc pas constituer une fin éthique ultime
    ." (pp.2-3)

    "Comment se tiennent ces objections face au test empirique ? Je présenterai d'abord la recherche empirique récente sur le bonheur après quoi je confronterai les objections à la lumière de ces résultats." (p.3)

    "En psychologie, le concept a servi la recherche en santé mentale. Jahoda (1958) considérait le bonheur comme un critère de « santé mentale positive » de sorte que des items relatifs au bonheur firent partie des enquêtes épidémiologiques classiques (Gurin, Veroff et Feld, 1960; Bradburn et Caplovitz, 1965). À cette époque, Cantril (1965) introduisit l'évaluation du bonheur dans sa fameuse étude transnationale (« Human concerns »). Il en fut de même en gérontologie où le bonheur devint un indice de « vieillissement réussi » (Neugarten, Havighurst et Tobin, 1961). Vingt ans plus tard, le concept fit son apparition dans la recherche médicale, le bonheur étant un item courant dans les questionnaires sur « la qualité de vie relative à la santé » (par exemple, le SF-36; Ware, 1996). Plus tardivement, les économistes Oswald (1997) et Frey et Stutzer (2000) se sont intéressés au bonheur." (p.4)

    "À date, 3000 rapports de recherche ont été publiés et le nombre de publications croit de façon exponentielle.
    La recherche sur le bonheur s'est structurée au cours des dernières années. C'est ainsi qu'est née l'
    « International Society for Quality of Life Studies » [...], le Journal of Happiness Studies et que les résultats de recherche sont regroupés dans le World Database of Happiness." (p.4)

    "Qu'est-ce donc que cette « satisfaction » ? Voilà encore un terme à significations multiples que nous allons clarifier à l'aide du schéma du Tableau 2. Il est basé sur deux distinctions: verticalement, on distingue la satisfaction relative aux « domaines » de la vie et celle relative à la « vie-dans-son-ensemble »; horizontalement : on distingue la satisfaction « passagère » et la satisfaction « durable ». Cette double partition donne une taxonomie de quatre catégories.

    Plaisir.
    La satisfaction transitoire relative à un domaine de la vie est appelée « plaisir ». Les plaisirs peuvent être sensoriels, comme un verre de bon vin, ou mentaux, comme lire ce texte! L'approche consistant à vouloir maximiser ces satisfactions a pour nom « hédonisme ».

    Satisfaction relative aux domaines de la vie.
    Pareille satisfaction se rapporte à certains domaines, comme la vie au travail. Le terme bonheur est parfois utilisé en ce sens, en particulier pour la satisfaction dans la carrière.

    Expérience-sommet.
    La satisfaction transitoire relative à la vie-comme-un-tout est appelée « expérience-sommet », en particulier lorsqu'elle est intense et « océanique ». Lorsqu'ils parlent du bonheur, les poètes décrivent une expérience de ce genre. Par ailleurs, les écrits religieux réfèrent au bonheur dans un sens d'extase mystique. Le terme « illumination » décrit parfois ce type de satisfaction.

    Satisfaction de vivre.
    Cette « satisfaction de vivre » correspond à la satisfaction durable relative à sa vie-comme-un-tout et est communément désigné par le terme « bonheur ». C'est cette sorte de satisfaction que Bentham avait en tête quand il définissait le bonheur comme « la somme des plaisirs et des peines ». J'ai expliqué ce concept ailleurs et défini comme « l'appréciation globale de sa vie-comme-untout » (Veenhoven, 1984,2000a).

    À mon sens, c'est cette satisfaction de vivre qui est la plus appropriée comme but des politiques publiques. De toute évidence, la satisfaction durable est plus valable que la satisfaction passagère de même que la satisfaction pour l'ensemble de sa vie par rapport à celle qui se rapporte à un seul domaine. [...]

    En somme, le bonheur peut se définir comme « l'enchantement global de sa vie-comme-un-tout »." (pp.6-7)

    "Même s'il y a un substrat biochimique à l'expérience, on ne peut mesurer le bonheur sur la base d'indicateurs biochimiques, « l'hédomètre » n'existant pas encore. Des états extrêmes de bonheur et de malheur se manifestent dans le comportement non verbal comme le sourire et la posture corporelle, mais ces indices ne sont pas toujours apparents. Restent les évaluations autorapportées (self-reports). Peuvent-elles mesurer adéquatement le bonheur ?

    Il y a plusieurs critiques à propos des mesures autorapportées : les gens peuvent difficilement voir l'ensemble de leur vie, les défenses psychologiques faussent le jugement et la désirabilité sociale enjolive les réponses. En raison de ces biais potentiels, les premiers chercheurs ont eu recours aux méthodes indirectes : entrevue clinique, analyse qualitative des journaux personnels et techniques projectives (comme le test d'aperception thématique). Ces méthodes sont laborieuses et leur validité est parfois problématique. Voilà pourquoi les questions directes ont été fréquemment utilisées. La comparaison attentive des méthodes a démontré que l'approche directe fournit la même information à moindre coût (Wessman et Ricks, 1966).
    " (p.7)

    "Les réponses aux questions sur le bonheur ne seraient pas comparables, un score de 6, par exemple, ne signifiant pas la même chose pour tous. Selon une argumentation philosophique commune, le bonheur dépendrait de la satisfaction des désirs, ceux-ci variant selon les personnes et les cultures (Smart et Williams, 1973). Rien n'est moins sûr, car la théorie stipule plutôt que le bonheur dépend de la gratification des besoins universels et non des désirs idiosyncratiques (Veenhoven, 1991). Je reviendrai sur ce point dans la discussion sur la « fonction de signal » du bonheur.
    On objecte également que le bonheur est un concept typiquement occidental qui ne serait pas reconnu dans les autres cultures. Absolument pas : le bonheur est une émotion universelle qui se reconnaît dans l'expression faciale partout dans le monde (Ekman et Freesen, 1975) et qui s'exprime dans toutes les langues.
    De plus, le bonheur serait une expérience unique qui ne pourrait se traduire sur une même échelle. D'un point de vue évolutionniste, c'est très peu plausible que les humains soient si différents ; il existe plutôt un éventail commun d'expériences, comme c'est le cas pour la douleur, par exemple. [...]
    En somme, le bonheur conçu comme satisfaction de vivre est mesurable par des questions directes et est comparable entre personnes et entre cultures
    ." (pp.9-10)

    "La Figure 1 présente la distribution des réponses à la question portant sur la satisfaction de vivre aux États-Unis. Les réponses les plus fréquentes se situent à 7, 8 et 9 (sur 10); moins de 2 % des scores sont sous le point milieu et la moyenne est de 7,4. Ce résultat signifie que la plupart des gens se sentent heureux la plupart du temps. Il est corroboré par des études annuelles qui se sont prolongées sur plusieurs années (Ehrhardt, Saris et Veenhoven, 2000) et par des études ayant utilisé la technique de l'échantillonnage de l'expérience (Schimmack et Diener, 2003). Le bonheur pour un grand nombre Un haut niveau de bonheur n'est pas unique aux Etats-Unis. Le Tableau 3 fait voir des moyennes semblables dans plusieurs autres pays occidentaux. En général, la moyenne du bonheur a tendance à se maintenir au-dessus du point milieu dans la plupart des pays." (p.9)

    "Le Tableau 3 montre également que la moyenne du bonheur est sous le point milieu dans la Russie de 1995. Des résultats semblables ont été observés dans la majorité des états qui ont connu le régime soviétique. Cela s'expliquerait par les transformations sociopolitiques survenues dans cette région. Des moyennes semblables apparaîtraient également dans les pays en guerre en Afrique (comme l'Ouganda) et au Moyen Orient (comme en Irak)." (p.10)

    " Les conditions sociales du bonheur furent l'objet d'une intense recherche. Dans ce secteur, on distingue le niveau macrosocial — dans quelle sorte de société les gens sont-ils plus heureux? — et le niveau microsocial — quel niveau de bonheur connaissent-ils selon leur statut social? Il y a très peu de recherches au niveau mésosocial, comme pour l'organisation du travail, par exemple.
    [...] Les gens sont plus heureux dans les pays riches que dans les pays pauvres, le bonheur est plus élevé dans les pays caractérisés par un état de droit, la liberté, la citoyenneté participative, la pluralité culturelle et la modernité
    ." (p.10)

    "Ces résultats appuient la théorie selon laquelle le bonheur dépend largement des conditions de vie qui répondent aux besoins humains universaux (théorie de la viabilité). Ils ne conviennent pas à la théorie qui fait dépendre le bonheur des désirs variables selon les cultures (théorie de la comparaison) ou du bonheur accroché aux idées spécifiques que les gens se font à propos de la vie (théorie du folklore)." (p.11)

    "Le bonheur peut être créé et amélioré en favorisant la participation sociale et les réseaux primaires, autrement dit en créant du « capital social »." (p.11)

    "Une bonne santé est importante, mais que la santé mentale l'est encore plus (c'est universel). L'intelligence — du moins « l'intelligence scolaire » telle que mesurée par les tests de QI — n'est pas associée au bonheur." (p.11)

    "Les gens heureux sont plus ouverts au plaisir et plus enclins à adopter des valeurs sociales telles la solidarité, la tolérance et l'amour." (pp.11-12)

    "Des politiques publiques peuvent créer des conditions productrices de bonheur, comme la liberté, tandis que la thérapie et l'éducation peuvent contribuer à améliorer des caractéristiques personnelles favorables au bonheur, comme l'autonomie." (p.12)

    "La théorie selon laquelle le bonheur est relatif est tout simplement fausse." (p.12)

    "Adorno décrivait le bonheur comme une fuite temporaire de la réalité; aussi le rejetait-il pour cette raison (Rath, 2002). Dans ce cas, le bonheur est confondu avec l'expérience-sommet (ou hors réalité). En fait, la satisfaction de vivre n'est justement pas une évasion. La recherche démontre qu'elle est liée à la maîtrise de la réalité.

    Le bonheur a également été identifié au succès social et, sur cette base rejeté comme un comportement conformiste illustré par la course au succès [...] Cette critique peut s'appliquer à la satisfaction dans le domaine de la carrière (quadrant en haut à droite du Tableau 2), mais non à la satisfaction relative à sa vie-comme-un-tout. De fait, les gens heureux tendent à être autonomes et peu matérialistes.
    " (p.13)

    "Le bonheur est fortement associé à l'activité, prédit les comportements sociaux comme l'aide à autrui et favorise les relations intimes en plus de prolonger la vie." (p.15)
    -Ruut Veenhoven, "Le bonheur du plus grand nombre comme buts des politiques sociales", Revue québécoise de psychologie, 2007, vol. 28 (1), 35-60.

    https://personal.eur.nl/veenhoven/Pub2010s/2016o-fullf.pdf



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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