https://fr.1lib.fr/book/3570648/bc2c52
"Sans doute pourrait-on dire que le Système du savoir hégélien dé-montre qu'aucune philosophie postérieure à la date de sa rédaction ne peut le "dépasser", puisque ce Système montre qu'il intègre lui-même toutes les philosophies "possibles". Mais on ne peut re-produire cette dé-monstration qu'en exposant le Système du Savoir lui-même. Or, il s'agit ici en ce moment non pas de l'exposer, mais de l'introduire, précisément en vue de rendre un tel exposé "possible" (ou tout au moins plus "facile", voire moins malaisé)." (p.13)
"Le Monde chrétien où a vécu incarné le Dieu judaïque est un Cosmos de la science hellène qui a reçu une "fin", c'est-à-dire un but et un terme final, déterminant son propre commencement. Or, la parathèse chrétienne du "telos" qu'est le Dieu "juif" ("libre") incarné dans un corps "grec" ("nécessaire") rejoint naturellement la téléologie parathétique de la philosophie païenne inaugurée par Platon (à la suite de quelques précurseurs) et développée par Aristote (les deux ayant eu toute une série de cc successeurs) où la "nécessité" scientiste est tempérée par un "volontarisme" magique, d'ailleurs résiduel." (p.193)
"Qu'est-ce que la fameuse "Eau" de Thalès, que la tradition nous présente comme premier en date parmi les philosophes ? Est-ce la "matière", ou la "cause matérielle" du Cosmos, comme le supposait Aristote et, après lui, Théophraste ? Mais si l'Essence thalésienne n'est que le Corps du Cosmos (ou, plus exactement, du Monde, puisque Thalès semble avoir parlé explicitement d'un cosmos vivant), quid de son Essence ? Si Thalès n'en parlait pas du tout, il ne serait même pas un "homme de science", ni encore moins un philosophe (on aurait alors affaire à un "mythologue" de la famille des Hésiode). Mais il paraît plus conforme à la réalité historique d'admettre que l'Eau en question est l'Essence du Cosmos, lequel existe-empiriquement en tant qu'ensemble des objets qui incarnent tous une seule et même Essence, définie (discursivement) comme "Eau".
Sans doute, ceci ne serait encore que de la Science, mais non de la Philosophie, si Thalès ne parlait pas de l'Eau, qui est pour lui l'essence du Cosmos, comme de ce qui est aussi le Sens du Discours en tant que tel. Certes, rien ne dit, il est vrai, qu'il en a parlé ainsi. Mais affirmer que "tout est Eau", c'est en fait nier ce que dit le "commun des mortels", et on a tout lieu de supposer que Thalès l'ait fait explicitement. Or, nier explicitement ce que tout le monde affirme [...] n'est-ce pas poser (du moins virtuellement) la question de la "vérité", c'est-à-dire du "sens" de ce que l'on dit, dans son "rapport" avec l'essence qui lui "correspond" ?" (pp.198-199)
"[Démocrite et les prémisses de la Parathèse synthétique]
(pp.295-326)
-Alexandre Kojève, Essai d’une histoire raisonnée de la philosophie païenne. Les Présocratiques, Gallimard, NRF, 1968, 360 pages.
https://fr.1lib.fr/book/5988675/156aec
"Sans doute pourrait-on dire que le Système du savoir hégélien dé-montre qu'aucune philosophie postérieure à la date de sa rédaction ne peut le "dépasser", puisque ce Système montre qu'il intègre lui-même toutes les philosophies "possibles". Mais on ne peut re-produire cette dé-monstration qu'en exposant le Système du Savoir lui-même. Or, il s'agit ici en ce moment non pas de l'exposer, mais de l'introduire, précisément en vue de rendre un tel exposé "possible" (ou tout au moins plus "facile", voire moins malaisé)." (p.13)
"Le Monde chrétien où a vécu incarné le Dieu judaïque est un Cosmos de la science hellène qui a reçu une "fin", c'est-à-dire un but et un terme final, déterminant son propre commencement. Or, la parathèse chrétienne du "telos" qu'est le Dieu "juif" ("libre") incarné dans un corps "grec" ("nécessaire") rejoint naturellement la téléologie parathétique de la philosophie païenne inaugurée par Platon (à la suite de quelques précurseurs) et développée par Aristote (les deux ayant eu toute une série de cc successeurs) où la "nécessité" scientiste est tempérée par un "volontarisme" magique, d'ailleurs résiduel." (p.193)
"Qu'est-ce que la fameuse "Eau" de Thalès, que la tradition nous présente comme premier en date parmi les philosophes ? Est-ce la "matière", ou la "cause matérielle" du Cosmos, comme le supposait Aristote et, après lui, Théophraste ? Mais si l'Essence thalésienne n'est que le Corps du Cosmos (ou, plus exactement, du Monde, puisque Thalès semble avoir parlé explicitement d'un cosmos vivant), quid de son Essence ? Si Thalès n'en parlait pas du tout, il ne serait même pas un "homme de science", ni encore moins un philosophe (on aurait alors affaire à un "mythologue" de la famille des Hésiode). Mais il paraît plus conforme à la réalité historique d'admettre que l'Eau en question est l'Essence du Cosmos, lequel existe-empiriquement en tant qu'ensemble des objets qui incarnent tous une seule et même Essence, définie (discursivement) comme "Eau".
Sans doute, ceci ne serait encore que de la Science, mais non de la Philosophie, si Thalès ne parlait pas de l'Eau, qui est pour lui l'essence du Cosmos, comme de ce qui est aussi le Sens du Discours en tant que tel. Certes, rien ne dit, il est vrai, qu'il en a parlé ainsi. Mais affirmer que "tout est Eau", c'est en fait nier ce que dit le "commun des mortels", et on a tout lieu de supposer que Thalès l'ait fait explicitement. Or, nier explicitement ce que tout le monde affirme [...] n'est-ce pas poser (du moins virtuellement) la question de la "vérité", c'est-à-dire du "sens" de ce que l'on dit, dans son "rapport" avec l'essence qui lui "correspond" ?" (pp.198-199)
"[Démocrite et les prémisses de la Parathèse synthétique]
(pp.295-326)
-Alexandre Kojève, Essai d’une histoire raisonnée de la philosophie païenne. Les Présocratiques, Gallimard, NRF, 1968, 360 pages.
https://fr.1lib.fr/book/5988675/156aec