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    Suzanne Paquet, Le paysage façonné : Les territoires postindustriels, l'art et l'usage

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Suzanne Paquet, Le paysage façonné : Les territoires postindustriels, l'art et l'usage Empty Suzanne Paquet, Le paysage façonné : Les territoires postindustriels, l'art et l'usage

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 12 Mai - 18:49

    https://fr.1lib.fr/book/2474384/19ebe4

    « L’art contribue toujours à la création de paysages nouveaux, mais cette contribution s’avère fort différente de ce qu’elle a pu être avant le XIXe siècle.
    Apparemment détaché de son origine artistique le paysage, au XXe siècle, est converti en (une des formes du) spectacle, en une marchandise qui peut être fabriquée et consommée, et ce, en grande partie à cause de l’emprise d’une industrie dont la croissance est prodigieuse, le tourisme. La photographie, indissociable sous ses formes commerciale et populaire du phénomène touristique, est au fondement de cette transformation ; son rôle historique, son essor et son ubiquité, tout particulièrement en relation au paysage, à sa consommation et à la mobilité conséquente, sont déterminants
    . » (p.1)

    "D’abord création artistique, comme le démontre Anne Cauquelin dans L’invention du paysage, le paysage est le fait de peintres qui traduisent les connaissances relatives aux lois de l’optique en une série de règles et de procédés de réduction perspective, système qui permet d’introduire dans les tableaux la vue par la fenêtre. À partir de la Renaissance, dans certaines toiles, la description de l’espace entourant les « scènes » prend de plus en plus d’importance, de sorte que le paysage sera finalement consacré genre artistique à part entière. Éventuellement ces compositions picturales, ces paysages, induisent les déplacements de quelques connaisseurs vers les lieux dépeints. On veut constater de visu, recomposer sur les lieux mêmes, et par soi-même, les perspectives saisies par les artistes, reproduire in situ leur point de vue. C’est ainsi que le paysage devient, particulièrement au XVIIIe siècle, objet de quête pour le voyageur. Ce phénomène de déplacement en re-connaissance vers les lieux représentés par les artistes est de toute première importance eu égard au développement de la notion de paysage. De même, grâce à l’universalité de son usage en peinture le dispositif perspectif est, à la longue, si bien assimilé que la façon d’appréhender l’espace en est à tout jamais modifiée. Ce système artificiel agit comme un filtre qui s’introduit systématiquement entre l’observateur et le site observé, faisant de ce dernier aussi, un paysage.

    Simon Schama, dans son ouvrage
    Landscape and Memory, soutient que les paysages peu à peu se transforment en lieux de mémoire ou en symboles d’identités régionales et nationales, la mémoire et les mythes paysagers étant de l’ordre de l’héritage transmis. Selon Schama, le regard que l’on porte sur le paysage en fait un donné culturel essentiel, intégré par tous. Et avant que d’être un enchantement pour les sens, le paysage est une fabrication de l’esprit; il s’élabore aussi bien à partir des strates de la mémoire que des strates de roc, dit Schama (1996: 6-7).

    C’est sans doute parce que l’on en vient à confondre la représentation et son objet et parce qu’en lui se matérialisent pour ainsi dire mémoires et identités, que le paysage est aussi considéré comme le résultat physique de l’action des humains sur leur milieu. Le paysage est alors compris comme un palimpseste où les modifications se recouvrent les unes les autres, les territoires étant différemment adaptés selon les époques et les modes de vie. C’est ce qu’ont voulu démontrer, dans la mouvance de tout un champ d’études paysagères
    actif en France depuis une trentaine d’années, les auteurs Augustin Berque et Alain Roger, entre autres. Pour eux, le milieu est modelé par ses occupants, mais il faut également y poser un regard particulier pour qu’existe le paysage. Double construction, donc. Berque propose le néologisme de « médiance » pour décrire une réciprocité, action sur le milieu et sens ou valeur symbolique donnés par le regard (Berque, 1990).
    " (pp.3-4)

    "Dès le XIXe siècle, en partie à cause de ces pratiques photographiques particulières, le paysage commence à se détacher de son a priori artistique. S’amorce alors un important processus, le glissement du paysage vers son nouvel état de produit façonné ; « évolution » graduelle qui trouvera son aboutissement en Occident, après la Deuxième Guerre mondiale." (p.6)
    -Suzanne Paquet, Le paysage façonné. Les territoires postindustriels, l'art et l'usage, Presses de l’Université de Laval, 2009, 235 pages.




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