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    Anne-Laure Amilhat Szary, Géopolitique et frontières en Amérique Latine

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Anne-Laure Amilhat Szary, Géopolitique et frontières en Amérique Latine Empty Anne-Laure Amilhat Szary, Géopolitique et frontières en Amérique Latine

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 17 Mai - 10:54

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00252981/document

    "On pense souvent que les frontières latino-américaines sont le legs direct du découpage de l'espace continental réalisé par les empires ibériques. Si les capitales des nouveaux États sont souvent les anciens centres du pouvoir colonial, il n'en va pas de même pour leurs périphéries. Une analyse de détail révèle qu'en fait seulement 30 % des frontières internationales reprennent des tracés antérieurs au 19e siècle, 10 % étant postérieurs à l'ouverture du canal de Panama (1914). Cela implique donc que la grande majorité d'entre elles (60 %) ont été définies entre ces dates : leur négociation est postérieure aux indépendances et résulte d'ajustements menés par les nouveaux États plutôt que de l'héritage colonial." (p.13)

    "Les projets intégrationnistes font partie de l'identité latino-américaine, liés au substrat politico-culturel commun du continent : au cours de l'histoire des deux derniers siècles, ils interagissent constamment avec le processus de construction nationale." (p.15)

    "Le découpage de l'Amérique latine en États a posé beaucoup moins de problèmes que celui d'autres continents dans la mesure où il s'agissait de départager des espaces peu occupés. M. Foucher nous rappelle que le continent ne comptait au début du 19e siècle que 20 millions d'habitants sur 22 millions de km2 : plus de 85 % des frontières ont été
    tracées dans des zones de très faible densité (1 ou 2 hab./km2).

    Trois quarts des frontières du continent prennent appui sur des supports naturels (fleuves surtout et lignes de crête). Les rivières ont cependant constitué les grands axes de pénétration du continent (Uruguay, Rio Grande), ce qui explique que certaines n'aient pu être reléguées dans la position périphérique de support frontalier (telle l'Amazone qui a structuré l'espace portugais). Cette prédisposition à vouloir asseoir l'ordre politique sur l'ordre naturel était loin de garantir des processus de démarcation simple : de nombreux problèmes de talwegs émergèrent, on peina à situer les lignes de crête (par exemple entre les bassins fluviaux de l'Amazonie / Orénoque)." (p.16)

    "La délimitation des États composant le Nouveau Monde établie, les frontières latino-américaines ont fonctionné selon des spécificités propres, les différenciant des modèles européen et nord-américain sur lesquelles elles étaient fondées. Les États naissants possédaient bien peu de moyens pour contrôler effectivement les territoires dont ils étaient dotés et sur lesquels tout était à construire. Les lignes arbitraires tracées entre eux ne furent donc que rarement des obstacles infranchissables. Les zones frontalières constituèrent dans bien des cas des zones-refuges pour les populations indigènes ou pour les activités illicites (ce qui a permis le développement de la culture de la coca dans le Chaparé bolivien par exemple). Dans les Andes, les contacts anciens ont évolué lentement, réactivés localement par des recompositions régionales : les échanges entre l'Argentine ou la Bolivie et le nord du Chili ont été très nombreux pendant toute la phase d'exploitation des nitrates du Norte Grande, lequel fonctionnait comme une enclave mieux reliée aux pays investisseurs qu'à sa capitale Santiago, et qu'il fallait malgré tout nourrir (échanges de bétail, de fruits et légumes, mais aussi de main-d'œuvre). Les autorités fermaient les yeux sur ces flux, au nom de la nécessité économique et malgré des situations politiques tendues comme pouvait l'être celle du Chili et de la Bolivie (qui aujourd'hui encore n'entretiennent pas de relations diplomatiques).

    Ce n'est que de façon récente que ces frontières se sont fermées. La période où toute la région a été dominée par des dictatures (années 1970-80) marque sans doute le moment de plus grande tension géopolitique continentale. Le contexte de guerre froide explique le regain de conflictualité sur un certain nombre de lignes, avec intervention de guérillas basées chez les puissances voisines (Amérique centrale notamment)." (p.18)

    "Les transitions démocratiques et la chute du mur de Berlin ont contribué à la réouverture de ces frontières : les négociations politiques se sont multipliées depuis à toutes les échelles territoriales pour faire vivre localement l'idée d'intégration. De nombreux « comités de frontière » ont vu le jour qui permettent de réunir régulièrement les élites des régions transfrontalières et de construire progressivement un espace politico-économique commun." (p.18)

    "Projets de coopération transfrontalière de grande ampleur. Le plus célèbre et le plus ancien déjà est le projet hydroélectrique d'Itaipu, dont la construction a débuté dans les années 1970, en partenariat entre Brésil et Paraguay. La production d'énergie est partagée entre les deux pays : dans les faits, elle est destinée avant tout au marché brésilien auquel le Paraguay vend le surplus qu'il ne consomme pas. L'impact sur ce pays a été immense, et Itaipu en est devenue la deuxième ville. La frontière avec l'Argentine étant proche, la zone est entrée dans une dynamique tri-frontalière importante.

    De façon remarquable, des « comités de frontières », événements réunissant les acteurs décisionnels de régions limitrophes à échéances régulières, se sont multipliés le long de diverses dyades depuis une dizaine d'années. Ils marquent au niveau régional la volonté de relayer des dynamiques globales ou nationales. Les projets qui en émanent prennent parfois du temps pour se concrétiser. L'exemple de la dynamique insufflée par la perspective de la construction de « corridors biocéaniques » est intéressant à ce titre. Surgie au début des années 1990, cette figure territoriale a servi à structurer les initiatives transfrontalières de façon multiscalaire. Il s'agit de projets d'infrastructures routières et ferroviaires devant permettre de consolider des itinéraires permettant de relier les deux façades océaniques du continent. Certains (Buenos Aires / Valparaiso) fonctionnaient d'ores et déjà ; d'autres étaient à tracer, notamment pour ce qui concernait la traversée des Andes. On a ainsi vu se mobiliser acteurs privés et publics du niveau local au national, dans une logique d'établissement de réseaux transnationaux, pour promouvoir tel ou tel « corridor ». Ces initiatives ont été bien relayées par les pouvoirs centraux et les instances décisionnelles, permettant la construction rapide de nouveaux tronçons (col de Jama entre Nord-Ouest argentin et Grand Nord chilien), et ont donné lieu à la mise en place d'une instance continentale, l'IIRSA (Initiative pour l'intégration de l'infrastructure régionale de l'Amérique du Sud)." (pp.19-20)

    "Les États-Unis sont très peu intervenus dans le processus de traçage des frontières latino-américaines." (p.23)

    "Traité interaméricain d'assistance réciproque en cas d'agression signé en 1947 (soit quelques mois après plan le Marshall, mais deux ans avant l'OTAN). « Seule instance géopolitique continentale à associer Sud et Nord d'un même fuseau géopolitique », son siège fut cependant localisé à Washington, ainsi que ses organes de fonctionnement.

    Dans les faits, pendant cette période l'action états-unienne a pris une forme très interventionniste. Pour arriver à leurs fins, ces derniers furent ainsi amenés à peser directement sur le devenir des régimes politiques latino-américains : financement de mouvements contre-révolutionnaires en Amérique centrale et en Colombie, participation à des coups d'État « préventifs » conduisant à l'installation violente de dictatures à partir de 1961 (dont le renversement de Salvador Allende par Pinochet en 1973 appuyé par Kissinger)." (p.24)

    "La Commission économique pour l'Amérique latine existe depuis 1948 : c'est l'une des agences continentales fondées par les Nations unies, et sans doute celle qui fut la plus active. C'est en effet en son sein que fut définie la théorie de la substitution des importations, qui devait donner lieu à la formalisation dans les années 1970 de l'école de la dépendance. Pour remédier au sous-développement, il faut donc utiliser le protectionnisme mais aussi élargir les marchés domestiques, d'où l'idée d'appliquer une politique d'industrialisation pour la substitution des importations (ISI) à l'échelle continentale, qui allait contre l'insertion dans un système d'échanges mondialisés et promouvait au contraire un recentrage et même une certaine autarcie de la région. L'intégration continentale apparaissait dès lors comme un outil de rationalisation de l'industrialisation des pays latino-américains, la réciprocité devant permettre à chacun une spécialisation bénéfique. Ce processus se structura autour de quatre pôles régionaux traditionnels qui malgré des résultats mitigés se maintinrent jusqu'à la crise de la dette qui isola les pays fragilisés et augmenta les difficultés d'articulation entre eux." (pp.25-26)

    "MERCOSUR (déclaration d'Iguazu). Fondé par le traité d'Asunción (1991), ce dernier Marché commun d'Amérique du Sud entra en vigueur en 1995. Il était constitué de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay. Un certain nombre de pays ont pu acquérir le statut d'« États associés » (le Chili, la Bolivie et le Pérou), auxquels s'est joint maintenant le Venezuela, tandis que le Mexique demeure observateur jusqu'à la signature d'un TLC. Il se donnait comme objectif l'union douanière et la libre circulation des biens et des capitaux (celle des hommes étant à venir). Les échanges y furent multipliés par 4 entre 1991 et 1999, mais l'intégration y est lente. Il pèse aujourd'hui 220 millions d'habitants pour un PIB de 1 000 milliards de dollars." (p.28)

    "Le renforcement de la présence militaire des États-Unis est notoire sur le continent latino-américain, en Colombie bien sûr en appui au « Plan Colombie », mais aussi, de façon plus diffuse sur les frontières du Brésil, dans les pays qui lui sont limitrophes et notamment au Paraguay. La géographie de celle-ci est difficile à établir dans la mesure où l'on doit adjoindre à la carte des bases officielles de l'armée états-unienne celle des implantations de militaires appartenant à des corps privés (mercenaires) dont les derniers gouvernements ont beaucoup usé pour contourner le contrôle du Congrès sur leur action stratégique. Ce déploiement s'accompagne d'un fort mouvement de réarmement : il s'agit certes de rénover des arsenaux acquis en grande partie dans les années 1960-70 sous les gouvernements militaires, mais cela contribue à déstabiliser potentiellement une des régions qui, depuis un quart de siècle, a été parmi les plus calmes du monde." (p.32)
    -Anne-Laure Amilhat Szary. Géopolitique et frontières en Amérique Latine. Hardy, Sébatien et Médina, Lucile. L’Amérique Latine, Editions du Temps, pp.11-33, 2005, Questions de Géographie. ffhalshs-00252981f





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