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    Maruyama Masao, Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Maruyama Masao, Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon Empty Maruyama Masao, Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 7 Juin - 12:35

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Masao_Maruyama_(politologue)

    https://fr.book4you.org/book/12072685/b21a68

    "Les deux premiers essais et une grande partie du troisième portent sur la période dite des Tokugawa -dite aussi époque d'Edo- qui va du début des années 1600 jusqu'à 1868, et qui correspond, dans l'histoire du Japon, à la dernière grande période de régime féodal, om, "sous" le shôgun -qui est le véritable chef, l'Empereur étant relégué à des fonctions symboliques -existe toute une organisation hiérarchique, fondée sur des fiefs seigneuriaux.
    La Restauration de Meiji, à partir de 1868, y mettre fin, réinstallent désormais l'Empereur à la tête du pays et cassant le système féodal. Aussi l'ère Meiji est-elle unanimement qualifiée de "moderne", traversée au début par des poussées démocratiques, mais vite neutralisées, et donnant finalement naissance à un pouvoir autoritaire, dans une atmosphère intensément nationaliste. Même si c'est encore plus tard, avec l'ultra-nationalisme militariste des années 1930, que se déploiera un authentique fascisme japonais. [...]
    Le problème qu'analyse Maruyama est celui de la naissance, dans la période antérieure, à maints égards "pré-moderne", qu'est l'époque des Tokugawa, d'un "principe de subjectivité", pour parler comme Hegel, c'est-à-dire d'une certaine pensée de l'individu, et en cela déjà d'une percée moderne, dont l'avenir sera certes très compromis. En effet, Maruyama est persuadé [...] que beaucoup de choses se sont jouées, dans la "modernité" japonaise, bien avant l'ère Meiji. Tous les problèmes, en fait, se sont tissés avant. Dans cette période d'Edo si cruciale est née, sous la forme la plus paradoxale et étonnante qui soit, une certaine idée de l'individu et de ses inventions propres -c'est ce qu'il appelle la "logique de l'invention". Celle-ci a fini par advenir et bousculer les traditions, c'est-à-dire certaines bases du cadre de pensée confucéen, alors même que ce cadre de pensée non seulement avait été le nid de cette percée, mais pouvait sembler travailler à empêcher une telle percée.
    Maruyama décrypte donc ici quelque chose de très complexe et subtil: le néo-confucianisme japonais qui s'est élaboré pendant cette période féodale a distendu, en réalité, les liens avec le confucianisme primitif ; et, ce faisant, il a préparé en même temps sa propre décomposition finale ; comme si le principe de subjectivité avait "joué" par en dessous, à travers l'avènement d'un mouvement d'idées, le néo-confucianisme, qui pourtant n'avait guère cet objectif (c'est le moins qu'on puisse dire, le néoconfucianisme reste une pensée de la soumission individuelle), mais qui lui donnera naissance malgré lui.
    Le point d'orgue de cette lente évolution est, d'après Maruyama, l'œuvre d'Ogyû Sorai (1666-1728) et de son "école", appelée le "Jardin des hémérocalles". Sorai est une figure étonnante et passionnante. D'une part, il "casse" une certaine conception harmonieuse de la normativité telle que la concevaient le confucianisme primitif, mais aussi, en principe, le néo-confucianisme. En effet, Sorai définit des domaines relativement autonomes, le privé et le public, aux normes discontinues l'un par rapport à l'autre. Ainsi ouvre-t-il, dit Maruyama, la possibilité d'une pensée du politique comme domaine spécifique par rapport au domaine privée et à sa morale à lui (domaine privé que Sorai ouvre d'ailleurs aussi, par exemple en débarrassant la poésie de la fonction moralisante qui la muselait). Mais d'autre part, pour ce qui est de sa pensée politique, Sorai est sans conteste un théoricien du pouvoir absolu: il veut concentrer le pouvoir sur le shôgun -et prépare en fait ce qui, plus tard, à l'ère Meiji, se passera en faveur de l'Empereur.
    Bref, sous la plume de Maruyama, Ogyû Sorai, c'est l'aboutissement d'une évolution intellectuelle à l'époque des Togugawa, à savoir le triomphe enfin net et inédit d'une "logique de l'invention" qui laisse une marge d'appréciation à la pensée des individus pour adapter les normes de la Nature selon les "domaines". Mais tout cela, sur fond d'autoritarisme politique puissant. Il fait penser, dans la pensée occidentale, à Thomas Hobbes, auquel Maruyama le compare explicitement. Et tout comme certains le disent de Hobbes, l'oeuvre de Sorai concentre en elle des chemins très divers d'évolution de cette "logique de l'invention" (d'autant que ses disciples se disputeront copieusement entre eux).
    Pour Maruyama, Sorai annonce en effet toutes les lignes qui se déploieront à la fin de l'époque des Tokugawa et, plus tard, à l'ère Meiji. Parmi elles: les poussées romantiques qui creuseront l'intérêt de Sorai pour le "privé" -et qui montrent que le principe de subjectivité n'est pas que rationalité, il est aussi intérêt pour la vie émotionnelle. Mais aussi, bien sûr, les pensées absolutistes qui plus tard se cristalliseront sur la figure de l'Empereur. Face à elles, certaines idées politiques plus libérales qui se construiront par rapport aux premières, donc lui demeureront conceptuellement en partie redevables. Et surtout: les pensées de la "nation" japonaise, qui vont dominer peu à peu devenir obsédant, aura beau viser à encadrer voire à emprisonner le principe de subjectivité (préparant les versions les plus gourmandes, totalitaires, du nationalisme japonais au XXe siècle), il aura beau, aussi, partir compulsivement en quête des "traditions primitives", ce thème de la nation n'en sera pas moins, sous toutes ses formes, une construction moderne, qui est à ranger encore dans la "logique de l'invention" dont les racines datent de l'époque d'Edo et passent par Sorai. Voilà pourquoi Maruyama jette un pont, paradoxal en apparence seulement, entre les théories de Sorai et celles de l'école dite "nativiste" qui, à la fin de l'époque des Tokugawa, poseront les jalons des "études nationales", et dont la figure intellectuelle majeure sera Motoori Norinaga.
    Ainsi, à peine né, le principe de subjectivité a-t-il été mangé par des courants de pensées qui ont tenté de le neutraliser. Ce qui montre, à n'en pas douter, la force de certaines obsessions du Japon moderne [...] Maruyama décrypte ces processus de pensée qui ont conduit à enfouir le principe de subjectivité "moderne", en le mettant sur le compte d'une influence néfaste de "l'étranger". Mais ce qu'il montre aussi, c'est qu'en réalité l'enfouissement n'était encore qu'un sillage.
    " (pp.9-11)

    "Maruyama était, comme les penseurs de Francfort, attaché à proposer des analyses à l'aune de paradigmes marxistes -ainsi lorsque, dans ces essais, Maruyama prend en compte l'organisation de la société féodale, ses contradictions, et observe comment tout cela a pesé sur l'histoire des "idées" à l'époque d'Edo- mais en les articulant de manière non mécanique aux évolutions des "idées"." (p.13)

    "Maruyama montre à quel point l'arrivée du marxisme au Japon, très tôt, dès le début du XXe siècle, a été, d'abord, pour la pensée, quelque chose de profondément libérateur -avant de tendre vers le dogme simplificateur." (p.14)
    -Préface de Géraldine Muhlmann à Maruyama Masao, Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon, Les Belles Lettres, 2018 (publiés au Japon entre 1940 et 1944, 1983 pour l'édition japonaise définitive), 530 pages.

    "Durant ses études supérieures, Maruyama [maintenait] envers les auteurs à la mode, comme Hüsserl (introduit au début des années 1930) ou Heidegger (Etre et Temps sera traduit en 1939), et qui étaient ceux que lisaient ses professeurs, la même réservé qu'il observa par rapport au marxisme. [...] Il se plongea -et directement dans leur version originale- dans les écrits néo-kantiens, notamment ceux de l'école de Bade, de Wilhelm Windelband (1848-1915) [...] et de Heinrich Rickert (1863-1936) dont nous reparlerons car sa philosophie informe la conception que s'est faite Maruyama de la modernité comme idéal [...] Il lira très tôt Borkenau dont il s'inspirera énormément de la méthode de pensée, ce qui situera notre auteur dans la pure veine de l'Ecole de Francfort." (p.21)

    "Il fut l'élève du spécialiste de pensée politique Nanbara Shigeru (1889-1974) dont l'influence fut bien loin de se limiter à lui faire connaître Fichte et Hegel." (p.22)

    "Apport fondamental que constitua la lecture de Fukuzawa Yukichi." (p.23)

    "On ne peut considérer "la pensée moderne comme un équivalent de la pensée occidentale" ; la première doit être comprise en termes d'idéaux et normes universels dont les premiers bourgeons peuvent aussi être trouvés dans la pensée à l'époque des Tokugawa [...] Aussi, la différence entre le Japon et l'Occident ne consistera qu'en un progrès inégal par rapport à cet idéal et ne sera pas suite que relative." (p.27)

    "Lecture [...] de Carl Schmitt (1888-1985) introduit au Japon au début des années 1930 et dont Murayama avait dévoré Der Begriff des Politischen." (p.29)

    "C'est à Michel Foucault qu'il revint d'avoir le premier attiré l'attention du monde intellectuel français vers notre philosophe, qu'il rencontra en avril 1978. [...] Quant à la présente traduction, c'est à Claude Lévi-Strauss, dont l'intérêt envers le Japon n'est plus à démontrer, qu'il revint d'en proposer le projet après une rencontre avec l'auteur." (p.33)
    -Jacques Joly, Avant-propos à Maruyama Masao, Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon, Les Belles Lettres, 2018 (publiés au Japon entre 1940 et 1944, 1983 pour l'édition japonaise définitive), 530 pages.

    "Au temps du Grand Empire du Japon, c'était une faute inexcusable que de laisser passer une simple coquille typographique ou de commettre une faute d'orthographe, s'agissant du nom de n'importe quel empereur, si ancien fût-il." (p.43)

    "Dans la seconde moitié des années 1920, arriva le marxisme qui, entraînant dans son sillage les milieux académiques, s'abattit tel un typhon sur l'intelligentsia japonaise. [...] Dans les milieux académiques japonais, [le marxisme joua] un rôle comparable à celui que joua en Europe la théorie subjectiviste de la connaissance de Descartes à Kant. Ce n'est pas un hasard si, dans le monde intellectuel propre au Japon, les oeuvres philosophiques de Marx furent très tôt traduites et si, vers le début des années 1930, les ouvrages épistémologiques d'écrivains marxistes fortement influencés par l'idéalisme allemand, tels Georg Lukacs ou Karl Korsch, furent lus par une grande partie de l'intelligentsia japonaise." (pp.48-49)

    "Auteurs [marxistes] comme Nagata Hiroshi (1904-1947), Torii Hiroo (1911-1953), Saegusa Hiroto (1892-1963) ou Hani Gorô (1901-1983)." (p.49)

    "Notre planche de salut fut la sociologie de la connaissance de Karl Mannheim." (p.52)

    "Tout au long de ces deux siècles et demi, on n'y trouvait pas même trace d'une thèse revendiquant un ius resistendum comme dans l'Occident médiéval et, naturellement, encore moins celle d'une théorie du contrat social ou d'une conception de la souveraineté populaire. Mis à part ce "Penseur oublié" que fut Andô Shôeki, il n'existait, jusqu'à à la fin de l'époque des Tokugawa, aucune idéologie rejetant radicalement le fait même de cette structure de classes que s'était donnée la société de ce temps." (p.53)

    "Titre donné, en 1912 par Osugi Sakae (1885-1923) à sa revue anarchiste révolutionnaire La pensée moderne (Kindai Shisô)." (p.54)

    "Les libéraux comme les marxistes qui, tous deux, allaient à contre-courant des idées dominantes de leur époque, formèrent-ils un front commun de défense de la "modernité"." (p.55)

    "
    (p.58)

    "
    (p.59)
    -Maruyama Masao, préface à l'édition anglaise des Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon, Les Belles Lettres, 2018 (publiés au Japon entre 1940 et 1944, 1983 pour l'édition japonaise définitive), 530 pages.

    "
    -Maruyama Masao, Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon, Les Belles Lettres, 2018 (publiés au Japon entre 1940 et 1944, 1983 pour l'édition japonaise définitive), 530 pages.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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