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    Nicolas Machiavel, Œuvre

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Nicolas Machiavel, Œuvre Empty Nicolas Machiavel, Œuvre

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 13 Nov - 8:04

    « Tentation compréhensible [de rapprocher Machiavel du marxisme] parce que Machiavel nous montre effectivement deux classes en lutte, et parce que le monisme de Machiavel semble préfigurer le monisme hégéliano-marxiste. Il faut cependant se garder de cette tentation, car l’expression « lutte des classes » est liée, de notre temps, à une idéologie qui prétend, en réduisant les classes à l’unité, supprimer cette lutte. C’est-à-dire supprimer le monde politique que décrit Machiavel, où il vit, et d’où il n’imagine pas que l’on puisse sortir, car il n’imagine pas qu’il y en ait un autre. Machiavel ne voit pas l’humanité s’avancer vers l’âge d’or. Pour lui, les sociétés humaines cheminent dans l’indéfinie monotonie de l’histoire, avec le rythme alterné des périodes sombres où l’unité masque mal l’esclavage, et des périodes heureuses où de la tension politique naît cette fleur rare : la liberté. […]
    Il y a toujours une lutte à mener : dans les époques sombres, en cherchant le chemin tortueux qui mènera à la liberté ; dans les époques lumineuses, en éliminant les déséquilibres, en remédiant aux dégénérescences que ne cesse de sécréter la vie sociale. C’est par un combat sans fin que se conquiert et se maintient la liberté
    . » (p.20)

    « Dans sa bibliothèque, Spinoza possède deux éditions de Machiavel : un exemplaire de la Testina, qui comprend, dans la langue originale, les œuvres complètes du secrétaire florentin, et une édition du Prince dans la traduction latine de Tegli. Sans doute prend-il très tôt contact avec l’œuvre de Machiavel, et la ferveur qu’il met à la lire ne le cède vraisemblablement guère à celle qu’il apporte à la lecture de Descartes.
    Le
    Traité théologico-politique, l’Éthique, portent des traces non douteuses de l’influence du Florentin. Quant au Traité politique, c’est là que l’influence de Machiavel est le plus directement sensible, et c’est là aussi que le philosophe hollandais parle à deux reprises, assez longuement, et avec éloges, de son prédecesseur florentin.
    Est-ce à dire que Spinoza avait parfaitement compris la pensée politique de ce dernier ? Non, et lui-même en fait l’aveu […] Si Spinoza ne comprend pas
    Le Prince, c’est d’abord parce qu’il ignore la vie de Machiavel, alors que Le Prince ne peut être bien compris que comme l’œuvre d’un homme d’action (et l’on discerne alors que le dernier chapitre oriente tout le livre), et non comme écrit d’un théoricien. » (p.39)

    « Un Richelieu, un Mazarin apprenaient du Florentin à abaisser les grands, à lutter contre l’anarchie, à assurer l’ordre, la grandeur, la prospérité matérielle du pays. Spinoza y lisait que le meilleur ordre se fonde sur la liberté. Harrington et Sidney y discernaient que la vraie liberté est celle des républiques. Et tout cela est dans Machiavel. » (p.42)

    « Montesquieu et Rousseau ont nommé Machiavel, et l’un et l’autre a accompagné son nom des plus grands éloges. » (p.46)

    « Tandis que Machiavel ne demande rien aux hommes et les prend tels qu’ils sont, avec leurs passions et leurs intérêts, le citoyen de Genève exige d’eux qu’ils triomphent de leurs passions, qu’ils sacrifient leurs intérêts, et son projet convient si peu au monde où nous vivons qu’il est amené à dire que le législateur « doit se sentir en état de changer, pour ainsi dire, la nature humaine ». » (p.52)

    « Machiavel lui aussi pense et dit [que les Anciens] étaient des humains comme nous, mais il fait reposer cette admirable cohésion nationale sur une structure sociale favorable –une relative égalité des fortunes- et sur d’heureuses institutions politiques. Ce sont les institutions qui doivent orienter vers le bien commun les passions, les intérêts des citoyens, leur donner cette vertu, c’est-à-dire cette énergie, ce courage pour la défense de la patrie et de ses institutions qui sont monnaie courante chez les libres citoyens d’une république, et qui durent aussi longtemps que la liberté se maintient. Faute d’avoir compris ces mécanismes […] il faut, comme Rousseau, considérer que dans le monde corrompu où nous vivons, aucune démocratie véritable ne peut se concevoir, ou bien, comme les premiers disciples de Rousseau, instaurer par la Terreur le règne de la vertu, purifier la société en pourchassant sans trêve la corruption, en éliminant tous les fripons. » (p.53)

    « Quelque théoricien trouvera-t-il la formule qui réunira les deux rameaux de l’héritage machiavélien, comme semble l’avoir souhaité Tocqueville ? » (p.59)
    -Yves Lévy, introduction à Nicolas Machiavel, Le Prince, GF-Flammarion, trad. Yves Lévy, Paris, 1992, 220 pages.

    « Je n’ai trouvé dans mon bagage chose dont je fasse plus de cas et d’estime que la connaissance des actions des grands hommes, connaissance que m’ont enseignée une longue expérience des choses modernes et une lecture continuelle des anciennes. » (p.67)

    « Tous les Etats, toutes les puissances qui ont eu et ont autorité sur les hommes, ont été et sont ou républiques ou monarchies. » (p.69)

    « Je me dispenserai de traiter des républiques, car j’en ai ailleurs traité longuement. » (p.71)

    « C’est dans la monarchie nouvelle que se trouvent les difficultés. » (p.74)

    « Mais quand on acquiert des Etats dans un pays différent de langue, de coutumes et d’institutions, c’est là qu’il y a des difficultés et c’est là qu’il faut, pour les garder, avoir grand bonheur et grande habileté. » (p.75)

    « Mais si au lieu de colonies, le prince y met des troupes, il dépense beaucoup plus et, pour garder cette province, il en consume tous les revenus, de sorte que l’acquisition se tourne en perte ; et il fait tort à beaucoup plus de gens, car en déplaçant son armée, il nuit à tout le pays par les réquisitions de logements. De ces désagréments tout le monde se ressent, et chacun lui devient ennemi : et ce sont des ennemis qui lui peuvent nuire. » (p.76)

    « Ce que tous les princes sages doivent faire […] [ne] pas seulement considérer les désordres présents, mais ceux du futur, et ces derniers, mettre toute leur industrie à les écarter ; car en les prévoyant de longue main on y peut facilement remédier, mais si l’on attend qu’ils s’approchent, la médecine arrive trop tard, car la maladie est devenue incurable. » (p.77)

    « On n’évite pas une guerre […] on l’a diffère à l’avantage d’autrui. » (p.77)

    « Le temps chasse devant lui toutes choses, et peut amener avec lui le bien comme le mal, le mal comme le bien. » (p.78)

    « Celui qui est cause qu’un autre devienne puissant va à la ruine. » (p.80)

    « Les monarchies dont on a connaissance se trouvent gouvernées de deux façons différentes : ou par un prince, et tous les autres sont des serviteurs qui comme ministres, par sa faveur et son agrément, l’aident à gouverner le royaume ; ou par un prince et par des barons, lesquels tiennent ce rang non par la faveur du maître, mais par l’antiquité de leur sang. » (p.81)

    « Lorsque les pays qu’on acquiert, comme on dit, sont accoutumés à vivre selon leurs lois et en liberté, pour les tenir il y a trois procédés : le premier, les détruire ; le deuxième, y aller habiter en personne ; le troisième, les laisser vivre selon leurs lois, en en tirant un tribut et en y créant un gouvernement oligarchique qui te conserve leur amitié. Car créé par ce prince, ce gouvernement sait qu’il ne peut durer sans son amitié et sa puissance, et doit tout faire pour le maintenir. » (p.85)

    « Et qui devient maître d’une cité accoutumée à vivre libre et ne la détruit pas, qu’il s’attende à être détruit par elle ; toujours, en effet, elle a pour refuge, dans la rébellion, le nom de la liberté et ses anciennes institutions ; et c’est ce que ni la longueur du temps ni les bienfaits ne font jamais oublier. Quoi qu’on fasse, quelques précautions qu’on prenne, si l’on ne sépare ou disperse les habitants, ils n’oublient ni ce nom ni ces institutions et aussitôt, en toute occasion, ils y ont recours ; comme fit Pise après cent années qu’elle avait été mise en servitude par les Florentins. » (p.85-86)

    « L’homme sage doit toujours s’engager dans les voies frayées par des grands hommes et imiter ceux qui ont été tout à fait excellents. » (p.87)

    « Et il faut prendre garde qu’il n’y a chose plus difficile à entreprendre, ni à réussir plus douteuse, ni à conduire plus périlleuse que de s’aventurer à introduire de nouvelles institutions ; car celui qui les introduit a pour ennemis tous ceux à qui les institutions anciennes sont profitables, et il trouve de tièdes défenseurs en tout ceux que les institutions nouvelles avantageraient. Tiédeur qui naît, partie de la peur des adversaires, qui ont les lois pour eux, partie de l’incrédulité des hommes, qui ne font pas véritablement crédit aux nouveautés, avant d’en avoir vu paraître une ferme expérience. D’où s’ensuit que chaque fois que ceux qui sont ennemis ont occasion d’attaquer, ils le font en partisans, et que les autres sont tièdes à résister ; de sorte qu’avec eux on se trouve en danger. » (p.89)

    « Ceux qui, d’abord hommes privés doivent à leur seule bonne fortune de devenir princes, n’ont pas grand-peine à le devenir, mais en ont beaucoup à le demeurer. Ils n’ont nulle difficulté sur le chemin, car ils y volent ; mais toutes les difficultés naissent quand ils sont en place. » (p.91)

    « Et qui croit que chez les grands personnages les bienfaits nouveaux fassent oublier les vieilles injures, il s’abuse. » (p.97)

    « On ne peut pas non plus dire que ce soit mérite que de tuer ses concitoyens, trahir ses amis, être sans foi, sans pitié, sans religion ; de tels procédés peuvent conduire au pouvoir, non à la gloire. » (p.100)

    « Du bon et du mauvais usage des cruautés. On peut parler de bon usage (si du mal il est licite de dire bien) pour celles qui se font d’un seul coup, pour la nécessité de sa sûreté, et puis on ne s’y enfonce point, mais on les fait tourner au profit des sujets le plus qu’on peut. Il y a mauvais usage pour celles qui, encore qu’elles soient d’abord peu nombreuses, vont avec le temps plutôt croissant que s’apaisant. Ceux qui suivent le premier modèle peuvent avec Dieu et avec les hommes avoir à leur état quelque remède, comme eut Agathocle ; les autres, il est impossible qu’ils se maintiennent.
    D’où il faut noter qu’en prenant un pays, celui qui s’en empare doit songer à toutes les vexations qu’il lui est nécessaire de faire ; et les faire toutes d’un seul coup, pour n’avoir pas à les renouveler chaque jour et pour pouvoir, en ne les renouvelant pas, rassurer les hommes et se les gagner par des bienfaits. Qui fait autrement, ou par timidité ou par mauvais calcul, est sans cesse contraint de se tenir le couteau à la main ; et jamais il ne peut faire fond sur ses sujets, ceux-ci ne pouvant, par suite des violences fraîches et continuelles, avoir confiance en lui. Car les violences se doivent faire toutes ensemble afin que, le goût en persistant moins longtemps, elles offensent moins ; les bienfaits se doivent faire peu à peu, afin qu’on les savoure mieux
    . » (p.102-103)

    « En toute cité on trouve ces deux humeurs opposées [le peuple et les grands] ; et cela vient de ce que le peuple désire de n’être pas commandé ni opprimé par les grands, et que les grands désirent commander et opprimer le peuple ; et de ces deux appétits opposés naît dans les cités un de ces trois effets : ou monarchie, ou liberté, ou licence.
    La monarchie est suscitée soit par le peuple soit par les grands, selon que l’un ou l’autre de ces partis en a l’occasion. Car lorsque les grands voient qu’ils ne peuvent résister au peuple, ils commencent à donner réputation à l’un d’entre eux, ils commencent à donner réputation à l’un d’entre eux, et ils le font prince pour pouvoir, à son ombre, assouvir leurs appétits. Le peuple, lui aussi, voyant qu’il ne peut résister aux grands, donne réputation à un homme, et le fait prince, afin que son autorité le protège. Celui qui parvient à la monarchie avec l’aide des grands se maintient avec plus de difficulté que celui qui le devient avec l’aide du peuple ; car il se trouve prince au milieu de force gens qui lui paraissent être ses égaux, et par là il ne les peut ni commander ni manœuvrer à sa guise. Mais celui qui arrive à la monarchie par la faveur populaire, il s’y trouve seul et n’a autour de lui personne, ou peu s’en faut, qui ne soit prêt à lui obéir. En outre, on ne peut honnêtement et sans faire tort à autrui contenter les grands, mais oui certes le peuple : car le vœu du peuple est plus honnête que celui des grands, ceux-ci voulant opprimer et celui-là ne pas être opprimé. Et puis, avec un peuple hostile, un prince ne peut jamais être en sûreté, parce qu’ils sont trop ; contre les grands il peut s’assurer, pour être peu. Le pis que puisse attendre un prince d’un peuple hostile est d’être abandonné par lui, mais des grands, s’ils sont hostiles, il ne doit pas seulement craindre d’être abandonnés, mais aussi qu’ils marchent contre lui ; car, comme ils voient plus loin et sont plus adroits, ils ne sont jamais tardifs à veiller à leur salut et cherchent la faveur de celui qu’ils s’attendent qui vaincra. Il faut encore que le prince vive toujours avec ce même peuple ; mais il peut bien le faire sans les mêmes grands, pouvant en faire et en défaire chaque jour, et leur ôter ou donner, à son gré, leur prestige
    . » (p.106)

    « Les armes avec lesquelles un prince défend son Etat, ou lui sont propres, ou sont mercenaires, ou auxiliaires, ou mixtes. Les mercenaires et auxiliaires sont inutiles et dangereuses : et qui tient son Etat fondé sur les troupes mercenaires n’aura jamais stabilité ni sécurité ; car elles sont sans unité, ambitieuses, indisciplinées, infidèles ; vaillantes avec les ennemis ; avec les ennemis, lâches ; point de crainte de Dieu, point de foi avec les hommes ; et l’on ne diffère la défaite qu’autant qu’on diffère l’assaut ; dans la paix on est dépouillé par eux, dans la guerre par les ennemis. La raison en est qu’ils n’ont d’autre amour ni d’autre raison qui les retienne au camp qu’un peu de solde, ce qui n’est pas suffisant à faire qu’ils veuillent mourir pour toi. Ils veulent bien être tes soldats tant que tu ne fais pas la guerre, mais la guerre venue, ou s’enfuir ou s’en aller. C’est de quoi je ne devrais pas avoir grand-peine à persuader, car à présent la ruine de l’Italie n’est causée par rien d’autre que pour s’être pendant nombre d’années reposée sur les armes mercenaires. Lesquelles procurèrent autrefois à tel ou tel quelque accroissement, et elles paraissent vaillantes entre elles ; mais lorsque vint l’étranger, elles montrèrent ce qu’elles étaient ; de là qu’à Charles roi de France, il fut possible de prendre l’Italie […] Et qui disait qu’en étaient cause nos péchés, il [Savonarole] disait vrai ; mais ce n’était certes pas ceux qu’il croyait, mais ceux que j’ai contés : et comme c’était péchés des princes, ce sont eux aussi qui en ont porté la peine. » (p.117-118)

    « Le prince doit aller à l’armée en personne, et faire lui-même office de capitaine ; la république doit envoyer ses citoyens, et quand elle en envoie un qui n’apparaisse pas habile homme, elle doit le changer ; et quand il l’est, le tenir en bride par les lois, pour qu’il ne s’écarte pas du droit chemin. » (p.118)

    « Et si l’on considérait la première cause de la ruine de l’Empire romain, on trouvera que ç’a été seulement de commencer à soudoyer les Goths ; parce que dès ce premier moment commencèrent à s’énerver les forces de l’Empire romain, et toute cette vaillance qui se retirait de lui passait chez eux. » (p.126)

    « Un prince […] ne doit avoir autre objet ni autre pensée, ni prendre aucune chose pour son art, hormis la guerre et les institutions et science de la guerre ; car elle est le seul art qui convienne à qui commande. » (p.127)

    « Mon intention étant d’écrire chose utile à qui l’entend, il m’a paru plus pertinent de me conformer à la vérité effective de la chose qu’aux imaginations qu’on s’en fait. Et beaucoup se sont imaginés des républiques et monarchies qui n’ont jamais été vues ni connues pour vraies. En effet, il y a si loin de la façon dont on vit à celle dont on devrait vivre, que celui qui laisse ce qui se fait pour ce qui se devrait faire apprend plutôt à se détruire qu’à se préserver : car un homme qui en toute occasion voudrait faire profession d’homme de bien, il ne peut éviter d’être détruit parmi tant de gens qui ne sont pas bons. Aussi est-il nécessaire à un prince, s’il veut se maintenir, d’apprendre à pouvoir n’être pas bon, et d’en user et n’user pas selon la nécessité. » (p.131)

    « Il faut […] qu’un prince ne se soucie pas d’avoir le mauvais renom de cruel, pour tenir ses sujets unis et fidèles : car avec très peu d’exemples il sera plus pitoyable que ceux qui, par excès de pitié, laissent se poursuivre les désordres, d’où naissent meurtres et rapines ; car ceux-ci d’ordinaire nuisent à une collectivité entière, et les exécutions qui viennent du prince nuisent à un particulier. » (p.137)

    "De là naît une dispute: s'il est meilleur d'être aimé que craint, ou l'inverse. On répond qu'on voudrait être l'un et l'autre ; mais comme il est difficile de les marier ensemble, il est beaucoup plus sûr d'être craint qu'aimé, quand on doit manquer de l'un des deux. Des hommes, en effet, on peut dire généralement ceci: qu'ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, ennemis des dangers, avides de gain ; et tant que tu leur fais du bien, ils sont tout à toi, t'offrent leur sang, leurs biens, leur vie, leurs enfants, comme je l'ai dit plus haut, quand le besoin est lointain ; mais quand il s'approche de toi, ils se dérobent. Et le prince qui s'est entièrement reposé sur leurs paroles, se trouvant dénué d'autres préparatifs, succombe ; car les amitiés qui s'acquièrent à prix d'argent, et non par grandeur et noblesse d'âme, on les paye, mais on ne les possède pas, et quand les temps sont venus, on ne peut les dépenser. Et les hommes hésitent moins à nuire à un qui se fait aimer qu'à un qui se fait craindre ; car l'amour est maintenu par un lien d'obligation qui, parce que les hommes sont méchants, est rompu par toute occasion de profit particulier ; mais la crainte est maintenue par une peur de châtiment qui ne t'abandonne jamais.
    Le prince, cependant, doit se faire craindre en sorte que s'il n'acquiert pas l'amour, il évite la haine, car être craint et n'être pas haï peuvent très bien se trouver ensemble ; et cela arrivera toujours pourvu qu'il s'abstienne des biens de ses concitoyens et de ses sujets, et de leurs femmes ; et quand pourtant il lui faudrait procéder contre le sang de quelqu'un, le faire, pourvu qu'il y ait justification convenable et cause manifeste ; mais surtout, s'abstenir du bien d'autrui: car les hommes oublient plus vite la mort de leur père que la perte de leur patrimoine. Et puis, les motifs pour ôter les biens ne font jamais défaut ; et toujours celui qui commence à vivre de rapine trouve motif d'usurper le bien d'autrui ; contre le sang, à l'inverse, ils sont plus rares et font défaut plus vite.
    Mais quand le prince est aux armées et a sous ses ordres une multitude de soldats, c'est alors qu'il est tout à fait nécessaire de ne soucier point du nom de cruel ; car sans ce nom, on ne tient jamais une armée unie et prête à toute opération. Au nombre des actions admirables d'Annibal, on compte celle-ci, qu'ayant une très grosse armée, mêlée d'hommes de toutes sortes de nations, qu'il conduisit faire la guerre en pays étrangers, il n'y surgit jamais aucun dissension, ni entre eux, ni contre le chef, tant dans la mauvaise que dans la bonne fortune. Ce qui ne put naître d'autre chose que de son inhumaine cruauté, laquelle, jointe à ses infinies qualités, le rendit toujours, aux yeux de ses soldats, vénérable et terrible ; et sans elle, pour produire cet effet, ses autres qualités ne lui auraient pas suffi. Et les écrivains, en cela assez inconsidérés, d'une part admirent ce qu'il a fait, et de l'autre en condamnent la principale cause.
    " (p.138-139)

    « Combien il serait louable chez un prince de tenir sa parole et de vivre avec droiture et non avec ruse, chacun le comprend : toutefois, on voit par expérience, de nos jours, que tels princes ont fait de grandes choses qui de leur parole ont tenu peu de compte, et qui ont su par ruse manœuvrer la cervelle des gens ; et à la fin ils ont dominé ceux qui se sont fondés sur la loyauté.
    Vous devez donc savoir qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois, l’autre avec la force ; la première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent, ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir bien user de la bête et de l’homme. Ce point a été enseigné aux princes en termes voilés par les écrivains anciens, qui écrivent qu’Achille et beaucoup d’autres de ces princes de l’Antiquité furent donnés à élever au centaure Chiron pour qu’il les gardât sous sa discipline. Ce qui ne veut pas dire autre chose –d’avoir pour précepteur un demi-bête et demi-homme- sinon qu’il faut qu’un prince sache user de l’une et l’autre nature : et l’une sans l’autre n’est pas durable.
    Puis donc qu’un prince est obligé de savoir bien user de la bête, il doit parmi elles prendre le renard et le lion, car le lion ne se défend pas des rets, le renard ne se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour connaître les rets et lion pour effrayer les loups. Ceux qui s’en tiennent simplement au lion n’y entendent rien. Un souverain prudent, par conséquent, ne peut ni ne doit observer sa foi quand une telle observance tournerait contre lui et que sont éteintes les raisons qui le firent promettre. Et si les hommes étaient tous bons, ce précepte ne serait pas bon ; mais comme ils sont méchants et ne te l’observeraient pas à toi, toi non plus tu n’as pas à l’observer avec eux
    . » (p.141-142)

    « Un prince, et surtout un prince nouveau, ne peut observer toutes ces choses pour lesquelles les hommes sont tenus pour bons, étant souvent contraint, pour maintenir l’Etat, d’agir contre la foi, contre la charité, contre l’humanité, contre la religion. Aussi faut-il qu’il ait un esprit disposé à tourner selon que les vents de la fortune et les variations des choses lui commandent, et comme j’ai dit plus haut, ne pas s’écarter du bien, s’il le peut, mais savoir entrer dans le mal, s’il le faut. » (p.142-143)

    « Chaque fois qu’à la généralité des hommes on n’ôte ni les biens ni l’honneur, ils vivent contents, et on a seulement à combattre l’ambition de quelques-uns, laquelle se réfrène de multiples façons et avec facilité. » (p.145)

    « La haine s’acquiert aussi bien par le moyen de bonnes œuvres que des mauvaises. » (p.150)

    « La sagesse consiste à connaître la nature des inconvénients, et à prendre le moins mauvais pour bon. » (p.164)

    « Ce n’est pas chose de peu d’importance pour un prince que le choix des ministres, lesquels sont bons ou non selon la sagesse du prince. Et la première conjecture que l’on fait du cerveau d’un maître est de voir les hommes qu’il a autour de lui. Et quand ils sont capables et fidèles, on peut toujours le réputer sage, puisqu’il a su les juger capables et les maintenir fidèles ; mais quand ils sont autrement, on peut toujours porter un mauvais jugement sur lui : car la première erreur qu’il fait, c’est dans ce choix qu’il l’a fait. » (p.165)

    « Je n’ignore pas que beaucoup ont été et sont d’opinion que les choses du monde soient de telle sorte gouvernées par la fortune et par Dieu, que les hommes avec leur sagesse ne puissent les corriger, ni même y aient remède aucun ; et par là ils pourraient juger qu’il n’y eût pas trop à s’échiner dans les choses, mais à se laisser gouverner par le sort. Cette opinion a été plus en crédit de notre temps à cause des grands changements qu’on a vu et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecture humaine. A quoi pensant quelquefois, je me suis en partie laissé aller à leur opinion. Néanmoins, pour que notre libre arbitre ne soit aboli, je juge qu’il peut être vrai que la fortune soit arbitre de la moitié de nos actions, mais aussi que l’autre moitié, ou à peu près, elle nous la laisser gouverner à nous. Et je la compare à l’un de ces fleuves impétueux qui, lorsqu’ils se courroucent, inondent les plaines, renversent les arbres et les édifices, arrachent de la terre ici, la déposent ailleurs ; chacun fuit devant eux, tout le monde cède à leur fureur, sans pouvoir nulle part y faire obstacle. Et bien qu’ils soient ainsi faits, il n’en reste pas moins que les hommes, quand les temps sont calmes, y peuvent pourvoir et par digues et par levées, de sorte que, venant ensuite à croître, ou bien ils sen iraient par un canal, ou leur fureur n’aurait pas si grande licence, ni ne serait si dommageable. Il en est de même de la fortune, qui manifeste sa puissance où il n’y a pas de force organisée pour lui résister, et qui tourne là ses assauts, où elle sait qu’on n’a pas fait de levées et de digues pour la contenir. Et si vous considérez l’Italie, qui est le siège de ces changements et qui leur a donné le branle, vous verrez qu’est est une campagne sans levées et sans aucune digue. Que si elle se fût donné un rempart d’une force suffisante, comme l’Allemagne, l’Espagne et la France, ou cette crue n’aurait pas fait les grands changements qu’elle a faits, ou elle ne se serait pas produite. » (p.173-174)

    « Si tel se conduit avec circonspection et patience, les temps et les choses tournent de façon que sa conduite soit bonne, il va prospérant ; mais si les temps et les choses changent, il s’effondre, parce qu’il ne change pas sa façon de procéder. Et il ne se trouve pas d’homme si sage qu’il ne sache accommoder à cela, soit qu’il ne se puisse écarter de ce à quoi la nature l’incline, soit encore parce que ayant toujours prospéré en cheminant par une voie, on ne se puisse persuader de s’en détourner. Et c’est pourquoi l’homme circonspect, quand il est temps de passer à l’impétuosité, ne sait le faire ; d’où sa ruine, que si l’on changeait de nature avec les temps et les choses, la fortune ne changerait pas. » (p.174-175)

    « Je juge certes ceci : qu’il est meilleur d’être impétueux que circonspect, car la fortune est femme, et il est nécessaire, à qui veut la soumettre, de la battre et la rudoyer. Et l’on voit qu’elle se laisse plutôt vaincre par ceux-là que par ceux qui procèdent avec froideur. Et c’est pourquoi toujours, en tant que femme, elle est amie des jeunes, parce qu’ils sont moins circonspect, plus hardis, et avec plus d’audace la commandent. » (p.176)

    « Ayant donc considéré toutes les choses ci-dessus exposées, et songeant en moi-même si à présent en Italie couraient des temps à faire la gloire d’un nouveau prince, et s’il y avait matière qui donnât à un homme de sagesse et talent occasion d’y introduire une forme qui lui fit honneur et fût bénéfique à l’ensemble des gens de ces pays, il me semble que tant de choses concourent en faveur d’un prince nouveau que je ne sais quel temps y fut jamais plus propice. Et si, comme j’ai dit, il était nécessaire, pour faire voir le génie de Moïse, que le peuple d’Israël fût esclave en Égypte, et pour connaître la grandeur d’âme de Cyrus, que les Perses fussent opprimés par les Mèdes, et l’excellence de Thésée, que les Athéniens fussent morcelés, de même à présent, pour faire connaître la valeur d’un esprit italien, il était nécessaire que l’Italie fût réduite aux termes où elle est à présent, et qu’elle fût plus qu’esclave que les Hébreux, plus serve que les Perses, plus morcelée que les Athéniens, sans chef, sans ordre, battue, dépouillée, déchirée, envahie, et eût éprouvé toutes sortes de malheurs. Et bien que jusqu’ici se soit montrée en certain homme [César Borgia] quelque lieu qui pouvait faire juger qu’il fût suscité par Dieu pour sa rédemption, cependant on a vu ensuite comment, au plus haut de sa carrière, il a été rejeté par la fortune. De sorte que, demeurée comme sans vie, elle attend qui pourra être celui qui ferme ses blessures, et mettre fin aux pillages de la Lombardie, aux exactions du Royaume et de la Toscane, et la guérisse de ses plaies déjà depuis longtemps devenues purulentes. On voit comme elle prie Dieu qu’il lui envoie quelqu’un qui la rachète de ces cruautés et insolences barbares. On la voit aussi toute prête et disposée à suivre une bannière pourvu qu’il y ait quelqu’un pour la saisir. » (p.177-178)
    -Nicolas Machiavel, Le Prince, GF-Flammarion, trad. Yves Lévy, Paris, 1992 (1532 pour la première édition italienne), 220 pages.


    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Mer 2 Déc - 18:50, édité 4 fois


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 25 Jan - 18:26

    https://fr.1lib.fr/book/901732/eb592b

    "L'édition des Œuvres complètes de 1958, par E. Barincou, n'est, de l'aveu même de son auteur, qu'une révision de la traduction de Toussaint Guiraudet, de 1798." (p.I)

    "[Machiavel] est d'abord un praticien de la politique qui, à son niveau de chef de bureau de la seconde chancellerie de Florence et de conseiller d'ambassade, participe de 1498 à 1512, en s'engageant pleinement, corps et âme, à la vie administrative, à la politique intérieure, extérieure et militaire de la République. Chassé du Palazzo Vecchio en 1512 par le retour des Médicis au pouvoir, Machiavel, qui n'a été jusqu'alors que l'auteur de rapports techniques à ses supérieurs et de quelques poèmes forts médiocres, se fait écrivain, pour compenser (de son propre aveu) son oisiveté forcée et tenter d'obtenir la grâce des Médicis." (p.III)

    "L'écriture de Machiavel est (se veut) le plus souvent d'une logique de fer et s'articule autour de termes récurrents: "donc", "c'est pourquoi", "car", "de telle sorte que", etc., qui conduisent à une conclusion inévitable et "nécessaire" [...]
    La méthode de Machiavel est historique, c'est-à-dire qu'elle repose sur la confrontation constante entre le passé et le présent
    ." (p.V)

    "Noirceur des hommes, influence déroutante de la Fortune: le tableau peint par Machiavel est si noir que l'on pourrait supposer que son auteur est résolument pessimiste et laisse les hommes suivre le cours inexorable du destin.
    Or, il n'en est rien
    ." (p.IX)

    "Maître-mot de la pensée machiavélienne, la virtus désigne les aptitudes politiques et guerrières et est inséparable de l'énergie la plus extrême, d'un goût de l'action poussé jusqu'à la violence." (p.X)

    "Il se plie tout naturellement aux usages religieux en vigueur ; il fait baptiser ses enfants, leur donne des parrains prestigieux et/ou de ses amis, est enterré à l'église. Ce qui le différencie, par exemple, du poète Luigi Pulci, à qui fut refusée une sépulture chrétienne. [...] Machiavel n'est pas un esprit mystique, ni même un esprit religieux." (pp.XIII-XIV)

    "Depuis le Décaméron de Boccace, depuis plus de deux siècles, la satire des clercs est un topos obligé de la littérature narrative, puis de la comédie italienne, et ce jusqu'à la Contre-Réforme. [...]
    L'anticléricalisme est de mise dans les milieux que fréquente Machiavel. Lui écrivant de Rome le 5 août 1513 à propos de rumeurs d'une possible intervention des Turcs en Italie, Vettori lui confie: "Le plus tôt sera le mieux, car vous ne pourriez pas imaginer le dégoût que m'inspire toute cette prétraille !" De telles paroles sont significatives, si l'on pense qu'elles se trouvent dans la bouche d'un ambassadeur auprès du Saint-Siège. Quant à Guichardin, lui-même lieutenant général des armées de la papauté et l'un des grands commis de l'Église, n'écrit-il pas dans ses Mémoires secrets qu'il désire, avant sa mort, voir le monde libéré de la tyrannie des prêtres scélérats ? [...]

    Sa copie du De natura rerum de Lucrèce témoigne d'intérêts philosophiques qui sont aux antipodes du spiritualisme savonarolien. De même l'appui qu'il recherche lors d'un procès auprès du général des camaldules, Pietro Dolfin, ennemi déclaré de Savonarole. De même encore, tandis que sa candidature à la chancellerie est rejetée en février 1498 au profit d'un compétiteur savonarolien, Nicolas est élu, peu après la condamnation et l'exécution du moine, alors qu'une sévère épuration frappe à Florence les "pleunichards" (ou partisans du frère)." (p.XIV)

    "Machiavel reproche, avec la même véhémence que Guichardin, à l'Église romaine et à ses chefs d'avoir été et d'être les responsables des divisions de l'Italie et de sa ruine." (p.XVII)

    "Contre l'opinion défendue par les aristocrates florentins, dont Guichardin notamment, Machiavel découvre le rôle et la puissance des "masses", c'est-à-dire de la classe moyenne, et porte corrélativement un jugement des plus réservés sur les patriciens." (p.XIX)

    "Froid et secret, volontaire, habile, bon capitaine et adroit diplomate, le prince nouveau est invoqué par Machiavel pour transformer le cours de l'histoire grâce à sa grande connaissance de et des Etats, de la nature des hommes et des choses ainsi que de l'histoire." (p.XX)

    "Le Secrétaire s'emploie en 1506 à former à Florence une milice paysanne, recrutée parmi les célibataires ayant entre dix-huit et quarante ans, organisée en "bannières" et en "bataillons" et s'exerçant les jours fériés. Le 9 décembre 1506, Machiavel est nommé secrétaire des Neuf, magistrature créée par la République afin de prendre en charge la milice. Il s'emploie dès lors avec passion à l'organisation et au développement de l'Ordonnance, parcourant inlassablement la campagne pour recruter, armer et entraîner les miliciens et les faire défiler dans la capitale.
    Sur le plan technique, Machiavel débat du problème militaire dans le Discours sur l'Ordonnance. Partant de l'idée que la force est nécessaire pour établir la justice dans l'Etat, il justifie la levée de fantassins dans la campagne et avance l'idée d'un recrutement ultérieur de cavaliers dans la cité. Le but ultime qu'il se fixe est de créer une armée florentine à recrutement régional, dirigée par les citoyens et animée d'un grand élan patriotique." (p.XXVI)

    "La condamnation des mercenaires est déjà chez Pétrarqu ; on la retrouve chez l'humaniste florentin Matteo Palmieri au XVe siècle. En 1421, dans son De militia, Leonardo Bruni propose l'institution d'une milice florentine, recrutée parmi les civils, au sein de l'élite de la cité, et non parmi les professionnels. Vers le milieu du XVe siècle, Patrizi recommande le service national, tout comme Domenico Cocchi le fera à l'époque de Savonarole. [...]
    Hostilité à l'égard de la classe marchande, préoccupée de ses intérêts et oublieuse de la cause commune et de son civisme passé. Bref, Machiavel rêve de relever le moral, la discipline, l'engagement des citoyens." (p.XXVIII)

    "L'Italie n'est, pas plus que la milice nationale, une découverte de l'auteur du Prince. Elle revient fréquemment lors de toutes les périodes d'invasion de la péninsule. Dès le VIIIe siècle, l'historien Paul Diacre évoque les malheurs de l'Italie, victime des violences barbares. Au XIIIe siècle, le chroniqueur Salimbene de Parme reprend le topos des infortunes italiennes. Cité par Machiavel, Pétrarque renoue avec l'idée de l'Italie victime de l'oppression étrangère et lance un vibrant appel contre l'envahisseur." (p.XXIX)

    "Machiavel -à l'exception de L'Art de la guerre- n'a pas obtenu un grand succès éditorial en France au XVIe siècle." (p.XXXIV)

    "Mis à la mode par Gentillet [à partir de 1576], protestant, et par Bodin, ligueur, l'anti-machiavélisme est repris en France pendant des décennies." (p.XXXV)
    -Christian Bec, préface à Nicolas Machiavel, Œuvres, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1996, 1386 pages.

    « Une ville doit son existence à des hommes libres, lorsqu’un peuple contraint par la contagion, la famine ou la guerre, à délaisser la patrie de ses pères, va de lui-même, ou sous la conduite de ses princes, chercher un nouveau séjour. Ce peuple fixe sa demeure au sein des villes qu’il trouve dans les pays conquis par ses armes, comme fit Moïse ; ou il en édifie de nouvelles, ainsi qu’Énée. C’est dans ce dernier cas que se manifestent la sagesse du fondateur et la fortune de son établissement, plus ou moins merveilleuse, suivant qu’a été plus ou moins grande la sagesse de celui qui en fut le principe. L’étendue de cette sagesse se connaît à deux choses : la première est le choix du site ; la seconde l’ordonnance des lois.»

    « On doit toujours confier un dépôt à ceux qui sont le moins avides de se l’approprier. »

    « Les troubles sont le plus souvent excités par ceux qui possèdent : la crainte de perdre fait naître dans les cœurs les mêmes passions que le désir d’acquérir ; et il est dans la nature de l’homme de ne se croire tranquille possesseur que lorsqu’il ajoute encore aux biens dont il jouit déjà. Il faut considérer, en outre, que plus ils possèdent, plus leur force s’accroît, et plus il leur est facile de remuer l’État. »

    « Dans toutes nos résolutions, il faut examiner quel est le parti qui présente le moins d’inconvénients, et l’embrasser comme le meilleur, parce qu’on ne trouve jamais rien de parfaitement pur et sans mélange ou exempt de dangers. »

    « Celui qui lira l’histoire de cette ville verra combien la calomnie a poursuivi de tout temps les citoyens qui se sont trouvés mêlés dans les affaires de quelque importance. »

    « C’est, pour ainsi dire, une règle générale, que presque jamais une république ou un royaume n’ont été bien organisés dès le principe. »

    « Et il n’est personne de si insensé ou de si sage, de si corrompu ou de si vertueux, qui, si on lui demande de choisir entre ces deux espèces d’hommes, ne comble de louanges celle qui est digne d’être louée, et ne couvre de blâme celle qui mérite en effet d’être détestée ; et cependant presque tous, frappés par l’attrait d’un faux bien, ou d’une vaine gloire, se laissent séduire, volontairement ou par ignorance, à l’éclat trompeur de ceux qui méritent le mépris plutôt que la louange. »

    « Qu’apercevra-t-il sous le règne des bons empereurs ? Un prince en sûreté au milieu de ses paisibles sujets, le monde en paix, gouverné par la justice ; il verra le sénat jouissant de son autorité, les magistrats de leur dignité, et les citoyens opulents de leurs richesses ; la noblesse honorée ainsi que la vertu ; partout le bonheur et la tranquillité. D’un autre côté tout ressentiment, toute licence, toute corruption, toute ambition contenue ; il verra renaître cet âge d’or où chacun peut exprimer et soutenir sans crainte son opinion. Enfin il verra le monde triomphant, le prince environné de respect et de gloire, et les peuples heureux l’entourer de leur amour.
    S’il examine ensuite dans tous leurs détails les règnes des autres empereurs, il les verra ensanglantés par des guerres atroces, bouleversés par les séditions, et remplis de désastres, soit dans la paix, soit dans les combats ; la plupart des princes égorgés par le fer ; en tous lieux des guerres civiles ou des guerres étrangères ; l’Italie dans les pleurs, et chaque jour en proie à de nouvelles infortunes ; ses villes ravagées et tombant en ruine. Il verra Rome en cendres, le Capitole renversé par les citoyens eux-mêmes ; les temples antiques profanés, les cérémonies religieuses corrompues, les villes peuplées d’adultères ; il verra les mers pleines d’exilés, et les rochers souillés de sang ; il verra Rome effrayée par des cruautés sans cesse renaissantes ; la noblesse, les honneurs, les richesses, et par-dessus tout la vertu, devenir autant d’arrêts de mort ; il verra les dénonciateurs récompensés, les esclaves corrompus pour trahir les maîtres, les affranchis leurs patrons, et ceux qui n’avaient pas d’ennemis, opprimés par leurs amis eux-mêmes ; c’est alors qu’il connaîtra clairement quelles sont les obligations que Rome, l’Italie et le monde entier doivent à César. Et sans doute, s’il est né d’un homme, il s’épouvantera d’imiter ces règnes exécrables, et brûlera d’un immense désir de faire renaître les bons. »

    « La confiance enfante presque toujours la victoire. »

    « Un peuple accoutumé à vivre sous un prince, et qui devient libre par accident, ne maintient qu’avec peine la liberté qu’il a conquise. »

    « Le plus petit nombre ne désire la liberté que pour commander, mais […] le nombre infini des autres citoyens l’implore pour vivre avec sécurité. »

    « Partout où la masse du peuple est saine, les désordres et les tumultes ne sauraient être nuisibles. »

    « Le peuple romain ne donnait le consulat et les autres principales magistratures de la république qu’à ceux qui les demandaient. »

    « On doit regarder comme un bien que chacun puisse proposer tout ce qu’il regarde comme utile au bien public, et qu’il est bon également qu’il soit permis de dire librement son avis sur ce que l’on propose, afin que le peuple, éclairé par cette discussion, puisse adopter le parti qu’il regarde comme le meilleur. »

    « J’appelle princes faibles ceux qui négligent les arts de la guerre. »

    « Rome, pendant quarante ans, avait joui des douceurs de la paix ; aussi Tullus, en montant sur le trône, ne trouva pas un seul Romain qui eût porté les armes. Néanmoins, quoiqu’il eût l’intention de faire la guerre, il ne voulut se servir ni des Samnites ni des Toscans, ni d’aucun autre peuple accoutumé à combattre ; mais, en prince éclairé, il résolut de ne s’aider que de ses propres sujets, et déploya dans ce projet une telle habileté, qu’en peu de temps il réussit à former d’excellents soldats. »

    « Épaminondas et Pélopidas, après avoir affranchi Thèbes, leur patrie, et l’avoir soustraite au joug que les Spartiates faisaient peser sur elle, virent qu’ils se trouvaient au milieu d’une ville façonnée à l’esclavage, et d’un peuple plongé dans la mollesse. Éclairés par leur propre courage, ils ne doutèrent pas de pouvoir former leurs concitoyens au métier des armes, d’entrer avec eux en campagne pour s’opposer aux progrès des Spartiates, et de parvenir à les vaincre. Les historiens rapportent en effet que ces deux illustres capitaines prouvèrent en peu de temps que ce n’était pas seulement à Lacédémone qu’on trouvait des guerriers, mais dans tous les lieux où il naît des hommes. »

    « L’esclavage est une chose tellement funeste. »

    « Les États bien organisés établissent des peines et des récompenses pour les citoyens, et ne font jamais des unes une compensation pour les autres. »

    « L’universalité des hommes se repaît de l’apparence aussi bien que de la réalité ; et souvent même l’erreur a plus de pouvoir que la vérité. »

    « Les peuples sont plus âpres dans leurs vengeances, lorsqu’ils ont recouvré leur liberté, que quand ils ne l’ont jamais perdue. »

    « Toutes les personnes actuellement vivantes savent avec quelle prudence et quel courage Gonzalve de Cordoue a conquis de nos jours le royaume de Naples en combattant contre les Français pour le roi Ferdinand d’Aragon. Quelle récompense a-t-il obtenue de sa victoire ? A peine est-il maître de Naples, que Ferdinand arrive d’Aragon, lui ôte d’abord le commandement de ses hommes d’armes, ensuite des places fortes, et finit par l’emmener à sa suite en Espagne, où il le laisse mourir peu de temps après dans l’oubli. »

    « La puissance et la grandeur de l’ennemi qu’il avait vaincu, la gloire qu’il s’était acquise en terminant une guerre si longue et si périlleuse, la rapidité de sa victoire, sa jeunesse, sa prudence, le crédit que lui attiraient tant d’autres vertus admirables, tout devait exciter contre lui la jalousie de ses compatriotes. »

    « La nature a créé les hommes avec la soif de tout embrasser et l’impuissance de tout atteindre ; et le désir d’avoir l’emportant sans cesse sur la faculté d’acquérir, il en résulte un dégoût secret de ce qu’ils possèdent, auquel se joint le mécontentement d’eux-mêmes. De là naissent les changements qu’éprouve leur fortune. Les uns, en effet, désirant acquérir davantage, les autres craignant de perdre ce qu’ils ont acquis, on en vient à la rupture, puis à la guerre, qui enfante à son tour la destruction d’un empire pour servir à l’élévation d’un autre. »

    « L’ambition des grands est telle, que si dans un État on ne s’efforce, par tous les moyens et par toutes les voies, de l’écraser sans pitié, elle l’entraîne bientôt dans sa chute. »

    « Le plus grand vice de toutes les républiques faibles, c’est l’irrésolution. »

    « Quiconque étudie les événements contemporains et ceux qui se sont passés dans l’antiquité, s’aperçoit sans peine que les mêmes désirs et les mêmes passions ont régné et règnent encore sous tous les gouvernements et chez tous les peuples. Il est donc facile pour celui qui approfondit les événements du passé de prévoir ceux que l’avenir réserve à chaque État, d’y appliquer les remèdes dont usaient les anciens, ou, s’il n’en existe pas qui aient été employés, d’en imaginer de nouveaux d’après la similitude des événements. Mais comme on néglige ces observations, ou que celui qui lit ne sait point les faire, ou que s’il les fait, elles restent inconnues à ceux qui gouvernent, il en résulte que les mêmes désordres se renouvellent dans tous les temps. »

    « Les tyrans que favorise la multitude, et qui n’ont d’ennemis que la noblesse, jouissent d’une bien plus grande sécurité, parce que leur violence est soutenue par de plus grandes forces que ceux qui n’ont d’appui contre l’inimitié du peuple que l’amitié de la noblesse. »

    « Combien les hommes peuvent aisément se corrompre. »

    « Les armées qui ne portent pas à celui pour lequel elles combattent une affection capable de lui donner un partisan dans chaque soldat, n’ont point assez de courage pour résister à un ennemi qui montrerait la moindre valeur. »

    « Renouveler chaque jour les offenses envers le peuple ne peut qu’offrir les plus grands dangers à celui qui gouverne. »

    « Les hommes que la prudence dirige savent se faire un mérite de toutes leurs actions, même de celles auxquelles la nécessité les contraint. »

    « Souvent le peuple désire sa ruine, trompé par la fausse apparence ; et rien n’est plus facile que de l’entraîner par de vastes espérances et des promesses éblouissantes. »

    « Pour éclaircir ce que j’entends par le mot de gentilhomme, je dirai que l’on appelle ainsi ceux qui vivent, dans l’oisiveté, des produits de leurs biens ; qui coulent leurs jours dans l’abondance, sans nul souci pour vivre, ni d’agriculture, ni d’aucun autre travail. Ces hommes sont dangereux dans toutes les républiques et dans tous les États ; mais on doit redouter par-dessus tout ceux qui, outre les avantages que je viens de détailler, commandent à des châteaux et ont des vassaux qui leur obéissent. »

    « Que celui qui veut fonder une république l’établisse donc là où règne ou peut régner une grande égalité. »

    « Les grands changements qui arrivent dans une cité ou dans une province sont toujours précédés de signes qui les annoncent ou d’hommes qui les prédisent. »

    « Tous les historiens s’accordent à penser qu’on admire et qu’on loue la vertu jusque dans ses ennemis mêmes. »

    « Un peuple qui commande, sous l’empire d’une bonne constitution, sera aussi stable, aussi prudent, aussi reconnaissant qu’un prince ; que dis-je ? il le sera plus encore que le prince le plus estimé pour sa sagesse. […] Et l’on verra combien la vertu et la gloire des peuples l’emportent sur celles des princes. »

    « C’est l’intérêt qui brise les nœuds de toutes les alliances. »

    « Celui qui veut obtenir les mêmes succès que Rome ne doit point établir dans son sein de distinction. »

    « C’est par crainte ou par envie que les hommes se livrent à la haine. »

    « Les choses de ce monde sont toujours en mouvement. »

    « Rien ne peut assouvir les désirs insatiables de l’homme. »

    « On sent aisément d’où naît chez les peuples l’amour de la liberté, parce que l’expérience nous prouve que les cités n’ont accru leur puissance et leurs richesses que pendant qu’elles ont vécu libres. […] Il est évident que l’intérêt commun n’est respecté que dans les républiques : tout ce qui peut tourner à l’avantage de tous s’exécute sans obstacle ; et s’il arrivait qu’une mesure pût être nuisible à tel ou tel particulier, ceux qu’elle favorise sont en si grand nombre, qu’on parviendra toujours à la faire prévaloir, quels que soient les obstacles que pourraient opposer le petit nombre de ceux qu’elle peut blesser. »

    « Cette morale nouvelle a rendu les hommes plus faibles, et a livré le monde aux scélérats audacieux. Ils ont senti qu’ils pouvaient sans crainte exercer leur tyrannie, en voyant l’universalité des hommes disposés, dans l’espoir du paradis, à souffrir tous leurs outrages plutôt qu’à s’en venger. »

    « Ces peuples, comme nous l’avons dit ci-dessus, n’abandonnaient leur patrie que chassés par la nécessité ; et la nécessité naît ou de la famine, ou de la guerre, ou des persécutions qu’on éprouve dans son propre pays, et qui contraignent à chercher de nouvelles contrées. »

    « Parmi les merveilles que Crésus, roi de Lydie, fit voir à Solon l’Athénien, était un trésor incalculable : ce prince lui ayant demandé ce qu’il pensait de sa puissance, Solon lui répondit que ce n’était point par cet amas d’or qu’il pouvait en juger, parce qu’on ne faisait pas la guerre avec de l’or, mais avec du fer ; qu’il pouvait survenir un ennemi qui aurait plus de fer que lui et qui lui ravirait ses trésors. […] Aussi, quel que soit le cri de l’opinion générale, je soutiendrai que ce n’est pas l’argent qui est le nerf de la guerre, mais une bonne armée ; car, si l’or ne suffit pas pour trouver de bons soldats, les bons soldats ont bientôt trouvé de l’or. […] En vain Périclès avait déterminé les Athéniens à faire la guerre avec tout le Péloponnèse, en les assurant que leur industrie et leur richesses devaient les rendre certains du succès : quoique en effet les Athéniens, dans le cours de cette guerre, eussent quelquefois triomphé, ils finirent cependant par succomber ; la sagesse de Sparte et le courage de ses soldats l’emportèrent sur l’industrie et les trésors d’Athènes. »

    « L’imprudence des hommes les excite quelquefois à prendre la défense des autres, tandis qu’ils ne savent ni ne peuvent se préserver eux-mêmes du danger. »

    « Le cœur une fois attaqué, la mort est inévitable. »

    « Pour qu’une religion et un État obtiennent une longue existence, ils doivent être souvent ramenés à leur principe. »

    « C’est une vérité constante que l’existence de toutes les choses de ce monde a un terme. »

    « On ne doit jamais laisser le mal suivre son cours. »

    « Il est bien plus aisé d’être chéri des bons que des méchants. »

    « Personne ne court volontiers à une mort certaine. »

    « Il ne faut donc jamais manifester ses projets que lorsque la nécessité y contraint, et que le moment d’agir est venu ; mais si pourtant on veut les révéler, que ce ne soit qu’à une seule personne dont on ait fait une longue expérience, ou qui soit animée des mêmes sentiments. »

    « Les hommes sont lents à se décider lorsqu’ils croient avoir le temps pour eux. »

    « Il est naturel que ceux qui ont souffert cherchent à se venger, et ce désir de vengeance fait couler le sang et cause la mort des citoyens. »

    « Il est nécessaire de changer avec les temps, si l’on veut toujours avoir la fortune propice. […] Deux raisons s’opposent à ce que nous puissions ainsi changer : l’une est que nous ne pouvons vaincre les penchants auxquels la nature nous entraîne ; l’autre, que quand une manière d’agir a souvent réussi à un homme, il est impossible de lui persuader qu’il sera également heureux en suivant une marche opposée. De là naît que la fortune d’un homme varie, parce que la fortune change les temps, et que lui ne change point de conduite. »

    « Quand il existe une erreur à laquelle tous les hommes, ou du moins la plus grande partie, se laissent prendre, je ne crois pas que ce soit un mal de la leur démontrer souvent. »

    « Tout prince attaqué par de nombreux ennemis triomphera de leurs efforts, toutes les fois qu’il saura employer avec prudence les moyens de semer la désunion parmi eux. »

    « Aux peuples habitués à la servitude, il est indifférent de changer de maître ; souvent même ils le désirent. »

    « Le bon peut trouver le bon. »

    « À la longue l’armée, oubliant le sénat, ne connaissait plus que son chef. C’est ainsi que Sylla et Marius parvinrent à trouver des soldats qui ne balancèrent pas à les suivre pour opprimer la république ; c’est ainsi que César put asservir sa patrie. Si jamais les Romains n’avaient prolongé ni les magistratures, ni les commandements ; si leur élévation n’eût point été aussi rapide ; si leurs conquêtes eussent été plus lentes, ils seraient aussi tombés plus tard dans la servitude. »

    « On pourrait prouver longuement combien les fruits que produit la pauvreté sont supérieurs à ceux de la richesse ; et comment la première a honoré les républiques, les royaumes, les religions mêmes, tandis que l’autre a été cause de leur perte, si ce sujet n’avait été traité un grand nombre de fois par d’autres écrivains. »

    « Il arrive souvent que les commencements de la tyrannie se cachent sous une action vertueuse. »

    « La confiance conduit à la victoire. »

    « Le plus sûr indice qu’on puisse avoir du caractère d’un homme est de connaître les personnes qu’il fréquente. »

    « Je ne regarde pas comme une ruse glorieuse celle qui nous porte à rompre la foi donnée et les traités conclus ; car, bien qu’elle ait fait quelquefois acquérir des États et une couronne, ainsi que je l’ai exposé précédemment, elle n’a jamais procuré la gloire. »

    « Ne point s’arrêter à une de ces demi-mesures qui n’ont fait jamais ni acquérir un ami, ni perdre un ennemi. »

    « On ne doit pas tenir les promesses arrachées par la force. »

    « Il suffit qu'un adolescent ait commencé à entendre dire, dès ses premières années, que telle chose est bonne ou mauvaise, pour que cette opinion s’imprime dans son âme, et lui serve à l’avenir de règle pour diriger toutes les actions de sa vie. »

    « Lorsqu’on voit son ennemi commettre une erreur manifeste, on doit soupçonner qu’elle cache quelque piège. »
    -Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live.


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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