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    Michel Daccache, La querelle du relativisme À propos de : Paul Boghossian, La Peur du savoir. Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance

    Johnathan R. Razorback
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    Michel Daccache, La querelle du relativisme À propos de : Paul Boghossian, La Peur du savoir. Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance Empty Michel Daccache, La querelle du relativisme À propos de : Paul Boghossian, La Peur du savoir. Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 19 Juil - 16:37

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Boghossian

    https://laviedesidees.fr/La-querelle-du-relativisme.html

    "Classiquement, en effet, quand nous parlons de connaissance ou de science, nous pensons qu’il y a un monde indépendant, que certaines méthodes nous permettent de le connaître objectivement et que certaines croyances se laissent ainsi expliquer rationnellement. À cela le relativiste objecte que notre connaissance ne saurait porter sur des faits réels, indépendants de nous : de l’idée que l’existence même de tels faits nous serait inaccessible, il en conclut que les faits sont bien plutôt constitués de l’intérieur par nos croyances et nos pratiques de justification. Nos connaissances se donnent leur objet, elles ne le trouvent pas déjà constitué : privées ainsi de garde-fou factuel, elles échoueraient alors à garantir qu’il existe de bonnes et de mauvaises façons de connaître. Il est faux de croire que certaines formes de justifications valent mieux que d’autres : toutes ne valent que dans et pour un cadre épistémologique donné, pour une culture ou une époque. Une fois tombé le privilège de la justification scientifique, c’est l’idée que nos croyances sont formées par la raison qui vacille alors : comment nos croyances pourraient-elles prétendre s’affranchir de l’influence des intérêts contingents qui président à leur formation ? Ne doivent-elles pas finalement plus à des éléments irrationnels (nos désirs, des choix extrinsèques) qu’à la considération détachée de « raisons de croire »10 ?

    Trois séries de thèses sont donc inféodées au relativisme : le constructivisme à propos des faits (chapitres 3 et 4), le constructivisme à propos de la justification (chapitres 5 à 7) et le constructivisme à propos de l’explication rationnelle (chapitre Cool."

    "Paul Boghossian suggère un contre-argument plus direct : lorsqu’il remet en cause l’existence d’un fait concernant l’origine des populations indiennes, le relativiste admet des faits de niveau supérieur : c’est un fait qu’il y a une théorie indienne, pour qui les migrations ne sont pas un fait. Comme il n’y a pas de fait absolu, l’existence d’une vision indienne des choses est aussi un pseudo-fait, posé par une théorie. En l’occurrence, ici, par la théorie de l’anthropologue européen qui rapporte le mythe indien. Mais alors il doit y avoir un fait qu’il y a une théorie anthropologique pour laquelle il y a un fait, et ainsi de suite. Paul Boghossian troque ici l’argument traditionnel d’une auto-réfutation du relativisme pour le diagnostic d’une régression perverse. On a là une première instance du mode d’argumentation principal de Boghossian contre le relativisme : de façon récurrente, il montre que ce dernier a des difficultés insurmontables à situer son cadre de référence et à définir les « paramètres » selon lesquels il est censé s’articuler. Ici, il doit reconnaître au moins un fait, un point de départ, et renoncer ainsi à un constructivisme radical à propos des faits.

    Admettons donc qu’il y a des faits indépendants (ou peut-être simplement un monde indépendant, Boghossian ne rentrant pas dans le débat de savoir si l’on peut remettre en cause la notion de fait et continuer à être réaliste) : le relativiste peut toujours soutenir qu’il n’y a aucune façon de savoir quel discours est plus objectif qu’un autre. Passant ainsi au plan épistémologique, il suggère que les termes objectif ou justifié ne sont jamais valables que dans le giron d’un système de normes donné, fixant ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Pour Galilée, une théorie se justifie par l’expérience : que le cardinal Bellarmin regarde dans le télescope, et il verra bien de lui-même. Mais ce qui vaut comme norme de la connaissance pour lui ne vaut pas pour le cardinal, qui se fie aux Écritures. L’exemple, autant que l’argument, sont au cœur de ces formes les plus connues de relativisme, qui sont en même temps les plus difficiles à défaire : le relativisme de sens commun, non philosophique, qui n’est pas encore une thèse métaphysique ni un scepticisme radical à l’égard de la connaissance, et qui manifeste juste un profond laissez-faire à l’égard de ce qui vaut pour justification.

    Il faut pourtant en isoler les faiblesses et les mettre en débat : qu’est-ce qui permet de dire que Galilée et Bellarmin sont dans des « systèmes de connaissance »13 différents ? Ne jugent-ils pas la plupart du temps de la même façon, comme lorsqu’il s’agit de faire une addition ou de dire le temps qu’il fait ? En écho à des arguments autrement plus amples (notamment ceux de Donald Davidson contre Willard von Orman Quine), Boghossian montre combien il est difficile d’admettre l’idée de systèmes de connaissance radicalement différents. Il souligne d’autre part que nul système ne peut mettre entre parenthèses l’importance de la perception.

    Ce que Paul Boghossian concède aux relativistes, c’est qu’on ne pourrait pas simplement comparer les normes de la justification d’un point de vue de nulle part : on commence bien toujours par raisonner dans un système de normes données. Mais cela ne signifie pas que l’on ne puisse pas le juger ni le comparer à d’autres par d’autres procédures.

    À supposer que l’argument porte, le relativiste a encore une ultime cartouche. En effet, même s’il y a des critères de connaissance objectifs, qu’est-ce qui dit que ce sont eux qui, en définitive, nous guident dans notre enquête ? Ne sommes-nous pas poussés, avant tout ou même uniquement, par des désirs ou des tendances irrationnelles ? On touche ici au problème du rôle exact de la logique et de la raison dans la formation des croyances. Soucieux surtout d’affronter les conséquences relativistes de ces doutes, Boghossian distingue ici deux voies d’argumentation. La première souligne une asymétrie injuste : on explique les erreurs par des facteurs extérieurs au raisonnement (influences sociales, psychologiques, etc.), tandis que les connaissances vraies seraient pures de ce genre d’influences et déterminées uniquement par les nécessités internes du raisonnement. La seconde repose sur une reprise des arguments Duhem-Quine de la sous-détermination des théories par les données. En bref : il y a toujours plusieurs façons d’expliquer un même ensemble de données ; si les théories sont également explicatives, le choix de l’une plutôt que d’une autre est nécessairement arbitraire ou irrationnel.

    Le détail de ces arguments et leur articulation réclameraient certainement plus de pages, et Boghossian n’entend pas le nier. Mais il veut surtout suggérer deux façons de résister à l’apparente conclusion relativiste : la première, par la défense de l’asymétrie entre croyances vraies ou rationnelles et les autres, la seconde, par la définition de critères de choix rationnels entre deux théories incompatibles. Ces deux voies sont amplement poursuivies en philosophie analytique."
    -Ophélia Deroy, « Des menaces postmodernistes au défi relativiste. À propos de Fear of Knowledge de Paul Boghossian », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 12 | 2007, mis en ligne le 18 avril 2008, consulté le 19 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/traces/220 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traces.220





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