"Le rejet de la catégorie de domination par la sociologie francophone est un phénomène plus surprenant encore que les croisades contre la sociologie critique. Comment une discipline peut‑elle en venir à rejeter un concept qui appartient à ses concepts fondamentaux depuis Weber et dont on voit mal ce qui pourrait le remplacer? Sans doute, l’effondrement du marxisme et la disqualification de l’ensemble des signifiants qui lui étaient associés ont‑ils été déterminants. Le fait que la critique de la domination ait été centrale dans cette grande blessure narcissique de l’humanité masculine qu’est le féminisme a probablement constitué un autre facteur décisif. La pertinence de la catégorie de domination a fait l’objet de critiques innombrables. On l’a notamment accusée de nier toute capacité de résistance aux acteurs (comme si la critique de la domination n’avait pas pour fonction principale de défendre ou de promouvoir des résistances à la domination), et d’impliquer un biais autoritaire, voire dépolitisant, en attribuant au sociologue le privilège du diagnostic politique (comme si la critique de la domination n’avait pas été portée avant tout par des mouvements politiques, le mouvement anarchiste en particulier). On a également reproché aux théories de la domination de présupposer que tout est domination (comme si l’usage de cette catégorie était nécessairement exclusif)."
-Emmanuel Renault, « De la sociologie critique à la théorie critique ? », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 3 | 2012, mis en ligne le 15 juin 2012, consulté le 26 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/sociologie/1237
-Emmanuel Renault, « De la sociologie critique à la théorie critique ? », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 3 | 2012, mis en ligne le 15 juin 2012, consulté le 26 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/sociologie/1237