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    Bernard Sichère, « « A quoi bon des poètes en temps de détresse ? » » + nombreux articles sur Hölderlin

    Johnathan R. Razorback
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    Bernard Sichère, « « A quoi bon des poètes en temps de détresse ? » » + nombreux articles sur Hölderlin Empty Bernard Sichère, « « A quoi bon des poètes en temps de détresse ? » » + nombreux articles sur Hölderlin

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 31 Juil 2021 - 18:27

    " "A quoi bon des poètes en temps de détresse ? » est une parole du poète Hölderlin qui figure dans une strophe de l’élégie Pain et Vin, composée vers la fin de l’année 1800."

    "Lorsque Hölderlin compose ses grands poèmes, élégies et hymnes, en particulier les hymnes fluviaux, que Heidegger a commentés en 1934, et ceux qui portent explicitement sur le Dieu chrétien (L’Unique et Patmos en particulier), il est également celui qui prend en charge spirituellement la cruelle et profonde leçon de la Révolution française. Comme beaucoup de jeunes Allemands de sa génération (au premier rang desquels ses amis Hegel et Schelling), il attendait en effet beaucoup de cette révolution censée porter au monde le message d’un bouleversement radical des modes de pensée et d’existence. De fait, c’est en ces termes qu’il définit dans sa correspondance l’idée qu’il se fait de ce que doit être une révolution : « Je crois à une future révolution des conceptions et des manières de voir qui éclipsera tout ce qu’on a connu dans le passé. » Reste que, précisément, il dit cela au futur, après coup, dans une lettre adressée à son ami Ebel datée du 10 janvier 1797. Cela veut dire qu’à cette date il n’a plus aucune illusion sur ce qui s’est présenté en 1789 comme « révolution- naire ». Parce que la révolution qu’il avait saluée en saluant avec elle le nom de Rousseau comme celui d’un véritable héros spirituel (cf. l’ode « Rousseau » et la strophe 10 du poème Le Rhin : « Mais quand, comme en toi, Rousseau / L’âme s’est faite indomptable »), parce que cette révolution s’est effondrée dans le sang et dans le désaveu de sa propre promesse. En particulier, pour Hölderlin, l’échec de cette révolution doit se lire dans ce qui motive en profondeur sa déviation la plus évidente : la volonté systématique d’éradication de l’idée religieuse qu’il désigne plutôt dans sa poésie comme « spirituelle », en l’occurrence de la foi chrétienne et du monde chrétien. La question, à ce niveau, n’est pas de savoir si et dans quelle mesure Hölderlin est chrétien, s’il intervient en tant que représentant d’une confession religieuse particulière (comme un chrétien piétiste en l’occurrence) ; c’est d’une réalité d’une ampleur tout autre qu’il s’agit : de la possibilité ou non de relever le défi qui consiste à assumer, dans l’espace de la poésie, l’héritage de l’histoire occidentale telle qu’il est possible de le déchiffrer à l’aune de l’impasse, du désastre, que s’est révélée être la Révolution française."

    "L’attitude de Hölderlin, dans la mesure où elle est celle d’un poète qui s’en tient à son devoir sans en dévier, est tout autre : elle consiste à ne pas entériner cette absence en la considérant comme un fait acquis, à refuser par ailleurs la voie nihiliste ou dépressive tout autant que la voie rationaliste athée, et à tenir bon sur le message que ne peut pas ne pas continuer de nous lancer, d’une manière insistante quoique voilée, ce divin disparu, à la fois la vive lumière des Grecs et celle d’un christianisme manifestement en proie à un profond désarroi."

    "Mort du Dieu chrétien au premier chef, certes, mais mort aussi des dieux grecs : la vérité du nihilisme contemporain, en un mot, c’est la dédivinisation du monde."

    "Crise du poème, crise de la pensée, crise de la capacité de l’homme au destin, crise de sa relation aux dieux, crise de sa relation à l’être : une seule et même crise qui demande à être pensée à la fois comme vérité d’un effondrement de tout fondement (de tout ce qui fait un « monde » dans le triple nouage de l’homme à la nature non humaine, de l’homme au divin et de l’homme à l’homme), et comme appel à un au-delà de cet effondrement grâce à la mémoire des vérités qui furent (vérité de l’être pour le penseur, vérité du divin pour le poète). De là vient que presque tous les grands poèmes de Hölderlin ne sont pas seulement des poèmes du deuil, mais, en même temps, des poèmes de la remémoration, Andenken, du retour héroïque et risqué au feu de la Grèce orientale, de l’évocation-célébration des dieux qui furent et de l’attente résolue, une fois regagné le sol natal, du dieu qui va venir ou revenir (L’Archipel, strophe 18 : « Mais cela va finir ! Déjà j’entends au loin du jour de fête / Chanter le chœur sur la verte montagne »)."

    "[Depuis le milieu des années 1960] Réfugiée, pour une part, dans ses traditions académiques sans pouvoir se tenir à la hauteur des urgences du temps présent, la philosophie a par ailleurs, dans ce moment qu’on peut bien continuer d’appeler « structural », trop souvent cédé aux prestiges du paradigme scientifique, en l’occurrence du paradigme linguistique, donnant par là l’impression qu’elle rognait son domaine propre au profit des « sciences humaines ». Comme si Nietzsche avait crié pour rien, depuis l’annonce de Zarathoustra jusqu’au dialogue ultime d’Ariane et de Dionysos ; comme si Heidegger avait en vain formulé son diagnostic sur l’immensité, désormais, du désert qui coïncide avec la domination technique planétaire de tout étant."

    "Heidegger, qui demeura tout au long, [aux yeux de Lacan], le seul philosophe contemporain digne de ce nom."
    -Bernard Sichère, « « A quoi bon des poètes en temps de détresse ? » », Études, 2008/9 (Tome 409), p. 219-230. DOI : 10.3917/etu.093.0219. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2008-9-page-219.htm

    https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2006-2-page-141.htm

    https://www.cairn.info/revue-poesie-2010-4-page-93.htm

    https://www.cairn.info/revue-poesie-2013-3-page-183.htm

    https://www.cairn.info/revue-poesie-2014-3-page-205.htm

    https://www.cairn.info/revue-poesie-2012-3-page-100.htm

    https://www.cairn.info/revue-etudes-2013-7-page-75.htm

    https://journals.openedition.org/germanica/5299#xd_co_f=MTdjZmNjZjYtMzc3MC00YjQxLWI0NzItYWQ4YzYyZjlkNzI3~




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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