https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02127757/document
"Ce qui réunit ces deux auteurs et les unit contre le reste de la philosophie, c'est la direction que prend leur philosophie : il s'agit de jouir, de prendre du plaisir effectivement ; il s'agit de vivre satisfait." (p.14)
"Ils ne se refusent pas à certains plaisirs catégoriquement et au nom d'une idée, mais ils les refusent avec mesure car ils contreviennent à leur quête du bien. En cela, Épicure et Spinoza s'opposent aux philosophes de l'Académie, du Lycée et de la Stoa qui refuseraient un mal non pour le mal qu'il leur fait subir, mais pour « l'amour du bien »." (p.15)
"Nous appréhendons « l'innocence du devenir » avec un regard inquisiteur : tout d'abord, telle chose est. Mais de cette chose, nous ne convenons pas. Nous souhaiterions que cela soit autrement. Nous souhaiterions pour les autres que cela soit autrement. Et nous avons une idée de ce que pourrait être le contenu de cet « autrement », c'est-à-dire nous avons une idée de ce que serait le bien pour les autres. Alors, nous voulons pour les autres le bien qui séjourne en notre tête. La différence s'intensifie de plus en plus entre ce que nous voyons et ce que nous voudrions voir : la réalité n'est pas conforme à notre souhait. Nous passons à l'action, et cherchons à l'améliorer. Ce qui serait patent dans ce cas-là – qui n'est évidemment pas celui d’Épicure et de Spinoza ! –, c'est que l'amélioration ne vise pas à améliorer le monde pour lui-même, la bête face à nous pour son bon plaisir personnel, mais bien à domestiquer l'extérieur pour le rendre docile, et s'en faire maître. Un tel processus de guérison n'est pas un processus qui vise à l'autonomie de l'extériorité, mais qui vise à se l'accaparer, à la rendre dépendante : le malade est toujours malade, et coupable de sa maladie, et n'est jamais guéri, donc il doit sans cesse aller chez le médecin. Donc l'amélioration en ce cas est une amélioration d'un individu non pour lui-même, mais pour le médecin. Il améliore chez l'autre les dispositions qui seront utiles à ses fins personnelles !" (p.17)
"Contrairement au christianisme qu'attaque Nietzsche – tout le monde n'a pas à être sauvé : laissons les joyeuses gens tranquilles ! Deuxièmement, ce n'est pas Épicure et Spinoza qui se plaignent du monde tel qu'il est, qui se plaignent des personnes qui les entourent et qui se voient désireux de les conformer à leurs envies, mais ce sont les individus qui se plaignent d'eux-mêmes, et qui ne se plaignent pas d'une essence cachée, mais d'un constat tout simple et qu'ils vivent certains jours (mais pas tous!) : parfois – souvent ? –, ils sont tristes. Donc, le signe, le symptôme de ce qu'ils appellent une maladie est clairement identifié : il s'agit de la tristesse. Donc, le signe de la guérison est du même coup tout aussi clairement identifié : il s'agit de ne plus être triste. De ce fait, qui mieux que le sujet se considérant comme triste peut être à même de juger s'il est guéri ? Qui mieux que lui peut savoir s'il se sent joyeux ? Qui mieux que lui peut être le juge de sa guérison ? Du même coup, en tant que juge de sa guérison, il en est également le seul acteur ; car, s'il ne se sent pas guéri, s'il se sent dans une position qui l'affaiblit, qui l'avilit et qui le rend coupable, il se sent de facto plus malade – plus triste – encore qu'il ne l'était ! Donc une telle guérison n'en est pas une. Donc il doit s'en défaire et chercher ailleurs. En cela, non seulement Épicure et Spinoza ne « rendent » pas malade mais entendent des gens se présenter comme tels, mais en plus, ils ne s'octroient pas le privilège d'être juges de la guérison qu'ils proposent, mais laissent chacun considérer si, en suivant leur remède, il se sent mieux ou non. En cela, le sujet se considérant triste est le seul à pouvoir y faire quelque chose effectivement. Non seulement le secours n'est pas extérieur à lui, mais il ne lui tombera pas tout cru du ciel : c'est à lui de le créer, de le mettre en place et de le suivre : c'est à lui de se faire son propre médecin." (p.18)
"Réagir à l'appel des individus en les incitant à créer par eux-mêmes." (p.18)
-Léo Costes, Le plaisir qu’est vivre : cheminer consciemment entre les méthodes d’Épicure et de Spinoza, Mémoire, 2018: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02127757/document
"Ce qui réunit ces deux auteurs et les unit contre le reste de la philosophie, c'est la direction que prend leur philosophie : il s'agit de jouir, de prendre du plaisir effectivement ; il s'agit de vivre satisfait." (p.14)
"Ils ne se refusent pas à certains plaisirs catégoriquement et au nom d'une idée, mais ils les refusent avec mesure car ils contreviennent à leur quête du bien. En cela, Épicure et Spinoza s'opposent aux philosophes de l'Académie, du Lycée et de la Stoa qui refuseraient un mal non pour le mal qu'il leur fait subir, mais pour « l'amour du bien »." (p.15)
"Nous appréhendons « l'innocence du devenir » avec un regard inquisiteur : tout d'abord, telle chose est. Mais de cette chose, nous ne convenons pas. Nous souhaiterions que cela soit autrement. Nous souhaiterions pour les autres que cela soit autrement. Et nous avons une idée de ce que pourrait être le contenu de cet « autrement », c'est-à-dire nous avons une idée de ce que serait le bien pour les autres. Alors, nous voulons pour les autres le bien qui séjourne en notre tête. La différence s'intensifie de plus en plus entre ce que nous voyons et ce que nous voudrions voir : la réalité n'est pas conforme à notre souhait. Nous passons à l'action, et cherchons à l'améliorer. Ce qui serait patent dans ce cas-là – qui n'est évidemment pas celui d’Épicure et de Spinoza ! –, c'est que l'amélioration ne vise pas à améliorer le monde pour lui-même, la bête face à nous pour son bon plaisir personnel, mais bien à domestiquer l'extérieur pour le rendre docile, et s'en faire maître. Un tel processus de guérison n'est pas un processus qui vise à l'autonomie de l'extériorité, mais qui vise à se l'accaparer, à la rendre dépendante : le malade est toujours malade, et coupable de sa maladie, et n'est jamais guéri, donc il doit sans cesse aller chez le médecin. Donc l'amélioration en ce cas est une amélioration d'un individu non pour lui-même, mais pour le médecin. Il améliore chez l'autre les dispositions qui seront utiles à ses fins personnelles !" (p.17)
"Contrairement au christianisme qu'attaque Nietzsche – tout le monde n'a pas à être sauvé : laissons les joyeuses gens tranquilles ! Deuxièmement, ce n'est pas Épicure et Spinoza qui se plaignent du monde tel qu'il est, qui se plaignent des personnes qui les entourent et qui se voient désireux de les conformer à leurs envies, mais ce sont les individus qui se plaignent d'eux-mêmes, et qui ne se plaignent pas d'une essence cachée, mais d'un constat tout simple et qu'ils vivent certains jours (mais pas tous!) : parfois – souvent ? –, ils sont tristes. Donc, le signe, le symptôme de ce qu'ils appellent une maladie est clairement identifié : il s'agit de la tristesse. Donc, le signe de la guérison est du même coup tout aussi clairement identifié : il s'agit de ne plus être triste. De ce fait, qui mieux que le sujet se considérant comme triste peut être à même de juger s'il est guéri ? Qui mieux que lui peut savoir s'il se sent joyeux ? Qui mieux que lui peut être le juge de sa guérison ? Du même coup, en tant que juge de sa guérison, il en est également le seul acteur ; car, s'il ne se sent pas guéri, s'il se sent dans une position qui l'affaiblit, qui l'avilit et qui le rend coupable, il se sent de facto plus malade – plus triste – encore qu'il ne l'était ! Donc une telle guérison n'en est pas une. Donc il doit s'en défaire et chercher ailleurs. En cela, non seulement Épicure et Spinoza ne « rendent » pas malade mais entendent des gens se présenter comme tels, mais en plus, ils ne s'octroient pas le privilège d'être juges de la guérison qu'ils proposent, mais laissent chacun considérer si, en suivant leur remède, il se sent mieux ou non. En cela, le sujet se considérant triste est le seul à pouvoir y faire quelque chose effectivement. Non seulement le secours n'est pas extérieur à lui, mais il ne lui tombera pas tout cru du ciel : c'est à lui de le créer, de le mettre en place et de le suivre : c'est à lui de se faire son propre médecin." (p.18)
"Réagir à l'appel des individus en les incitant à créer par eux-mêmes." (p.18)
-Léo Costes, Le plaisir qu’est vivre : cheminer consciemment entre les méthodes d’Épicure et de Spinoza, Mémoire, 2018: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02127757/document