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    Abdelmalek Sayad, L'immigration ou les paradoxes de l'altérité + La Double Absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré + L'École et les Enfants de l'immigration

    Johnathan R. Razorback
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    Abdelmalek Sayad, L'immigration ou les paradoxes de l'altérité + La Double Absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré + L'École et les Enfants de l'immigration Empty Abdelmalek Sayad, L'immigration ou les paradoxes de l'altérité + La Double Absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré + L'École et les Enfants de l'immigration

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 4 Oct - 18:06

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdelmalek_Sayad

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    -Abdelmalek Sayad, L'immigration ou les paradoxes de l'altérité, tome 1 "L'illusion du provisoire",

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    -Abdelmalek Sayad, L'immigration ou les paradoxes de l'altérité, tome 2 "Les enfants illégitimes",

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    -Abdelmalek Sayad, La Double Absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré,

    "Les écrits d’Abdelmalek Sayad relatifs à la scolarisation des enfants d’immigrés s’inscrivent dans un contexte particulier qu’il importe de rappeler pour en saisir la portée. Le plus ancien date de 1977, à un moment où l’école française voit arriver de nouveaux publics issus des regroupements familiaux, et le plus récent de 1997, alors que la problématique de leur échec scolaire est devenue prégnante dans les débats publics."

    "Le point de départ de Sayad consiste à interroger les dispositifs conçus pour accompagner la scolarisation des « enfants étrangers non francophones ». Au moment de l’explosion (quantitative) scolaire, et avant l’institutionnalisation du regroupement familial en 1976, les mesures qui leur sont destinées prennent d’abord la forme des classes d’insertion (« Clin ») en 1970, puis des classes d’adaptation pour le secondaire (« Clad ») en 1973. Si les premières dispositions dataient des années 1930, la nouveauté réside, ici, dans le fait de penser et d’élaborer concrètement un enseignement différent ou spécifique pour ces élèves, là où il n’y avait aucune distinction faite auparavant. En 1976, la création des Centres de formation et d’information pour la scolarisation des enfants de migrants (CEFISEM) chargés de valoriser les « cultures d’origine » et de promouvoir des pratiques pédagogiques « adaptées » consacrent cette politique différentialiste qu’aborde amplement Sayad, en la reliant à la mauvaise conscience coloniale et postcoloniale. En effet, depuis les années 1970, la question des enfants « issus de l’immigration » (ou encore : « jeunes immigrés », « enfants de travailleurs migrants », « petits immigrés », etc.) et de leur « intégration » a envahi les discours sur l’école primaire. Officialisé par la circulaire no 75-148 du 9 avril 1975 dans le cadre de l’école élémentaire et inscrite au sein du tiers-temps pédagogique, l’« enseignement des langues et des cultures d’origine » (ELCO) à l’intention des « élèves immigrés » est en apparence le fruit de ces préoccupations, bien qu’il mêle en réalité des intentions contradictoires. Introduits dès 1973 pour le portugais, et assurés par des enseignants étrangers nommés et rémunérés par les pays concernés, ces cours de langue et de civilisation seront développés au fur et à mesure de la signature de conventions puis d’accords bilatéraux avec les États d’émigration et à leur demande (successivement l’Italie et la Tunisie en 1974, le Maroc et l’Espagne en 1975, la Yougoslavie en 1977, la Turquie en 1978 et l’Algérie en 1981). Le but était la fois de favoriser l’intégration et l’adaptation au système éducatif français des élèves étrangers et de « maintenir leurs liens » avec leur « culture d’origine », préservant ainsi la possibilité d’un retour des familles au pays.

    Les années 1970 sont ainsi une période où se développent, au sein de l’institution scolaire mais aussi dans l’ensemble de la société, des initiatives afin de favoriser la « scolarisation des enfants de migrants », faisant passer les jeunes concernés « de l’invisibilité à la surexposition », pour reprendre l’expression d’Ivan Jablonka. Des dispositions sont prises pour accueillir en particulier les familles des travailleurs immigrants d’Afrique du Nord, et parmi eux, principalement d’Algérie. Elles concernent à cette époque environ 600 000 enfants scolarisés dans le primaire. Si l’échelle a changé, le fait n’est pour sa part pas inédit. Les dernières années de la colonisation en Algérie (notamment avec ses ultimes et massives spoliations de terres dans les années 1940 et 1950, entraînant la prolétarisation croissante de sa population, ainsi que le conflit militaire) avaient accentué l’immigration algérienne, présente en France depuis le début du XXe siècle.

    Parfois dans des baraquements de fortune, alors que l’école n’est pas encore sortie de terre, les enseignants doivent inventer des dispositifs pour prendre en charge des classes d’enfants portugais, algériens et marocains, venus avec leur mère retrouver leur père. C’est dans les années 1970 qu’il faut accueillir, tester, innover, réfléchir, pratiquer son métier d’enseignant confronté à des populations parfois non francophones, issues majoritairement du monde colonial. Mais c’est seulement dans les années 1980 que les premiers textes théoriques et pédagogiques émergent, souvent issus eux-mêmes de « recherche-actions » en milieu scolaire ou de réflexions prenant appui sur le travail quotidien, bienveillant et bien souvent improvisé des enseignants, principalement de ceux du primaire."

    "Le contexte auquel Sayad réagit est également marqué, dans l’école élémentaire, par l’écho que rencontrent un ensemble de discours issus des mouvements pédagogiques, de l’Éducation nouvelle, puis du tournant critique post-68, qui tentent de définir de nouvelles méthodes et de nouveaux contenus pour l’école, libérée des « carcans institutionnels » et des « programmes périmés ». Une meilleure prise en compte du monde contemporain, et plus particulièrement des relations internationales, comme de l’environnement des enfants est vivement réclamée. Au primaire, c’est l’« éveil » qui s’impose ; on cherche à intéresser les élèves en leur parlant de leur univers immédiat et à les sensibiliser à la « diversité », par opposition à une histoire nationale réputée traditionnelle, « bourgeoise » et chauvine. La volonté affichée est de mieux répondre à la curiosité des élèves et de favoriser la compréhension des autres dans le respect des différences. L’éveil et le tiers-temps pédagogique permettraient ainsi la prise en compte de la « culture » des enfants d’immigrés.

    Parmi les pratiques scolaires mises en place, la « découverte de l’autre » s’impose comme la priorité des priorités, la tâche première et ultime. L’« autre » est tout trouvé, en ces temps de regroupements familiaux : les enfants immigrés eux-mêmes ou nés de parents récemment arrivés sur le sol français. Très vite, à l’école primaire, les élèves sont sollicités pour « raconter » leur parcours migratoire, leurs coutumes, leurs langues, l’histoire de leurs parents, etc. Ces pratiques relèvent de l’écoute des histoires de vies, de l’histoire orale en vogue à cette époque, de la valorisation des pratiques culinaires, des recherches sur les arts et traditions populaires des pays d’origine. Un véritable engouement culturaliste envahit l’école, et principalement l’école primaire. Un culturalisme fondé sur une pédagogie centrée sur l’individu, l’élève dans toutes ses dimensions affective, sociale et culturelle. Cette pédagogie se propose de promouvoir des pratiques tendant à favoriser une évolution positive des images de soi et d’autrui. L’idée de contribuer au développement d’une société « plus égale, plus libre, plus juste, plus solidaire » est indissociablement liée au projet en vogue d’« éducation interculturelle ». C’est cette « pédagogie interculturelle » (constituée d’idées de sens commun) que Sayad va examiner sans concession et critiquer sociologiquement, sans relâche, au risque d’être peu compris par ceux-là mêmes qui pouvaient se sentir proches de lui."

    "Jean-Pierre Chevènement, confie à Jacques Berque, alors professeur au Collège de France, spécialiste du monde arabe et musulman (ce qui en soi n’est pas anodin), une réflexion sur cette question devenue brûlante de l’école et de l’immigration. La « commission Berque » qui est installée en décembre 1984 (jusqu’en juillet 1985) comprend plusieurs spécialistes de l’école (des inspecteurs départementaux de l’Éducation nationale, des formateurs CEFISEM ou des administrateurs civils), mais aussi des personnalités chargées de l’intégration des étrangers en France. Peu de chercheurs vont participer aux travaux de cette commission, deux en réalité, l’anthropologue Altan Gokalp, spécialiste du monde turc et ottoman, et Abdelmalek Sayad, tous deux rattachés au CNRS. C’est de Sayad que vont venir les questions relatives aux contenus et aux apprentissages. Avant de démissionner de la commission, il rédige une série de textes destinés à nourrir la réflexion critique du groupe que nous présentons dans ce volume.

    Pour Sayad, l’école n’est pas à l’abri des conflits et des contradictions que suscite l’immigration. Par définition, l’école scolarise en prenant un pari sur l’avenir : faire des enfants issus de l’immigration des Français à part entière. Or l’école est soumise à des contraintes et des sollicitations contradictoires. D’une part, elle se méfie d’élèves qu’elle identifie (et parfois stigmatise) comme élèves « étrangers » et doute de la légitimité de son action (« avec eux ce sera difficile ») ; d’autre part, les familles immigrées ont besoin d’être rassurées sur ce que « fait » l’école de leurs enfants et s’inquiètent du traitement équitable, juste et non discriminatoire qu’elle affirme leur garantir. Pour Sayad, la commission Berque doit prendre en charge une question centrale, celle des savoirs, sans éluder la dimension ethnocentrique de certains programmes comme ceux de l’histoire. Ce que recommande Sayad et ce qu’il voudrait voir préconisé par le rapport Berque, c’est la mise en œuvre d’authentiques apprentissages historiques à propos de la composition de la population française dans le temps long des migrations, loin des démarches interculturelles ou culturalistes en cours dans les écoles, où l’histoire individuelle et familiale est dite en lieu et place de l’histoire collective.

    Le rapport atypique de Jacques Berque marquait pourtant une rupture, en dressant un bilan des initiatives « culturalistes » des années 1970 visant à prendre en compte la « culture des enfants immigrés » dans les classes. Il mettait en garde contre deux dangers : d’une part, la réduction populiste de la culture des enfants à une différenciation « folklorisante » ; d’autre part, la réduction (opposée symétriquement) « des cultures étrangères à leur seule dimension classique, prestigieuse, réservée à des castes d’intellectuels, d’artistes et d’initiés de différents types ». Jacques Berque prévenait par ailleurs les enseignants face au danger qui consisterait à « prendre pour l’universel sa spécificité à lui [l’enseignant] et à refouler dans l’anomalique ce qui ne cadre pas avec ses modèles. Or, prendre en compte l’hétérogène, ce n’est pas renoncer à soi11 ». Il proposait ainsi un enseignement de trois heures par semaine des « langues et cultures d’immigration » pour tous les élèves de l’école élémentaire. C’était, selon lui, la seule manière de créer une « identité commune solidaire » et non des identités clivées ou singulières. Dans le même esprit, il proposait de ne plus parler de « cultures d’origine » mais de « culture d’apport ». En revanche, l’idée d’introduire un enseignement de l’histoire de la lente constitution de la population française par l’immigration n’est pas retenue.

    Conscient que le rapport Berque n’irait pas assez loin dans la redéfinition de la politique scolaire à l’égard des enfants issus de l’immigration confiés à l’école de la République, et estimant n’avoir pas été assez entendu, Abdelmalek Sayad démissionna de la commission avant même la remise du rapport. La contribution qu’il avait préalablement envoyée avait pourtant été relue par Jacques Berque qui, sur un carton bristol, lui demanda de réduire autant que possible ses remarques afin qu’elles puissent être intégrées, au moins en partie, à la synthèse des travaux. Si aucune trace d’une version condensée de son texte ne se trouve dans les archives Sayad, ses réflexions et ses critiques ne se retrouvent, ni dans la forme ni dans le fond, dans le rapport final et officiel de J. Berque."

    "L’école apparaît si peu sûre d’elle-même qu’elle doute que les valeurs qu’elle diffuse imprègnent les enfants qui lui sont confiés. À l’inverse, ceux d’entre eux qu’elle définit comme allogènes sont immédiatement perçus comme détenteurs ou en possession d’une culture d’origine qui serait identique à celle de leurs parents ou grands-parents, ces derniers étant dotés d’une volonté rationnelle de conserver, comme des éléments figés dans le monde qui est le leur, un conservatoire des pratiques et des valeurs ancestrales.

    « La diversité est une richesse » : dans l’univers scolaire primaire, au moment où écrit Sayad, cette affirmation vaut credo. L’injonction paradoxale qui veut intégrer des élèves déjà intégrés et à qui l’on demande généreusement de décliner leur « différence » opère paradoxalement, dans les pratiques et les mots, comme un renvoi à la singularité, mais au nom de l’universel. De fait, à tous les échelons de l’Éducation nationale, la « diversité » est valorisée sans mesurer toujours l’enfermement que cela suppose pour des élèves pris au piège de leur particularisme supposé.

    Des expressions telles que « richesse culturelle », « respect des origines », « droit à la différence », « tolérance » reviennent en permanence dans les discours d’alors, comme un leitmotiv scolaire. L’intention bienveillante de valoriser le « culturel » ou la « culture » amène les professeurs à envisager ces notions de manière abstraite, décontextualisée et, dans la majorité des cas, sans aucune référence au milieu social d’appartenance. Pour Sayad, l’école raisonne souvent « comme si tout se passait dans un “ciel pur des cultures”, c’est-à-dire dans une situation abstraite où la culture est réifiée et posée comme une donnée transhistorique, transcendant les différences de classe (on parle volontiers à propos des immigrés, par exemple, de la culture algérienne, maghrébine ou encore espagnole ou portugaise, comme si chacune de ces cultures était une) ». L’école agit comme si les conditions historiques de la venue en France des familles concernées étaient détachées de leur condition sociale et fait semblant d’ignorer l’asymétrie des rapports entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Le principal reproche qu’adresse Sayad au rapport Berque réside dans la désocialisation du « problème » des enfants d’immigrés à l’école, qui conduit à invoquer la dimension culturelle (« le ciel pur des cultures ») sans jamais rien dire de la position de ces élèves et de leur famille dans la société française. Sayad est au fond témoin de cette retraduction des questions sociales en questions ethniques."

    "Sayad est un ancien instituteur, issu de l’École normale d’Alger Bouzaréa. La place de l’école dans son travail prend sa source dans une grande proximité avec une institution qu’il connaît empiriquement, professionnellement, qu’il a aimée, dont il maîtrise les codes, les usages, les pratiques comme les finalités. Son discours, critique au point de pouvoir heurter, n’en apparaît que plus iconoclaste à l’égard d’une institution scolaire qui, par souci de lutter contre le racisme, s’égare selon lui dans une célébration factice de la diversité au lieu d’affirmer les valeurs intégratrices qui la fondent. Pourtant, qu’il s’agisse des controverses autour de la laïcité ou de l’enseignement du fait religieux, de la refondation de l’école républicaine ou de la non-prise en compte des véritables questions sociales que sont les problèmes du logement et de la relégation des populations des « quartiers difficiles », la lecture des analyses de Sayad laisse penser que si leur audience avait dépassé les cercles académiques et associatifs, de nombreuses problématiques contemporaines auraient pu susciter d’autres approches, plus judicieuses."
    -Benoit Falaize et Smaïn Laacher, Préface à Abdelmalek Sayad, L'École et les Enfants de l'immigration, Seuil, 2014.

    "
    -Abdelmalek Sayad, L'École et les Enfants de l'immigration, Seuil, 2014.


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