https://www.atterres.org/users/cdurand
https://fr.book4you.org/book/4979090/97bff1
"[Une] vue d’ensemble fait apparaître un projet de classe dont la violence structurelle est décuplée par sa fragilité. Pour l’Europe en crise, tituber sur ses deux jambes, c’est accélérer un processus d’intégration sans légitimité démocratique et radicaliser l’agenda des réformes néolibérales. Autrement dit, asphyxier la délibération démocratique pour mieux livrer les sociétés européennes au processus d’accumulation du capital."
"Les nations ne sauraient être un refuge."
"L’intégration européenne n’est issue d’aucun enracinement populaire ; l’amitié entre les pères fondateurs est célébrée comme le symbole d’une fraternisation des peuples qui n’a jamais eu lieu. L’impulsion donnée après guerre au processus d’intégration européen provient de la mobilisation d’une toute petite élite transnationale dont le projet n’a réussi que parce qu’il convergeait avec la stratégie du gouvernement des États-Unis visant à poser, en Europe, les premiers jalons de la construction d’un capitalisme global."
"Ce sont les pressions conjuguées de l’URSS et d’un mouvement ouvrier en plein essor qui conduisent les États-Unis à imposer l’agenda de l’intégration européenne. L’objectif est double : arrimer solidement l’Allemagne fédérale au camp occidental et forcer la réorganisation de bourgeoisies nationales fortement décrédibilisées par leur collaboration avec le régime nazi.
En 1949, l’Américain Paul Hoffmann, administrateur de l’Economic Cooperation Administration (ECA) chargée de la répartition des fonds fournis par le plan Marshall, exige des Européens de s’engager au plus vite sur la voie de l’intégration économique."
"Pour mener à bien ce projet à long terme de construction d’un capitalisme global, les dirigeants des États-Unis comme les hauts fonctionnaires modernisateurs en Europe agissent dans le cadre d’une autonomie relative par rapport aux intérêts capitalistes domestiques. C’est ce qui permet de comprendre, par exemple, pourquoi Jean Monnet et son équipe tiennent soigneusement à l’écart des discussions sur la CECA les industriels de la sidérurgie qu’ils savent très hostiles à toute autorité supranationale risquant de s’opposer aux ententes privées. Cette autonomie relative de l’État vis-à-vis du capital ne correspond certainement pas à une déconnexion entre l’État et les classes capitalistes ; elle renvoie à la capacité de l’État à dépasser le point de vue partiel et à court terme des différents secteurs du capital afin de favoriser le développement du système dans son ensemble."
-Cédric Durand (dir.), En finir avec l’Europe, chapitre d'introduction, La Fabrique éditions, 2013, 160 pages.
https://fr.book4you.org/book/4979090/97bff1
"[Une] vue d’ensemble fait apparaître un projet de classe dont la violence structurelle est décuplée par sa fragilité. Pour l’Europe en crise, tituber sur ses deux jambes, c’est accélérer un processus d’intégration sans légitimité démocratique et radicaliser l’agenda des réformes néolibérales. Autrement dit, asphyxier la délibération démocratique pour mieux livrer les sociétés européennes au processus d’accumulation du capital."
"Les nations ne sauraient être un refuge."
"L’intégration européenne n’est issue d’aucun enracinement populaire ; l’amitié entre les pères fondateurs est célébrée comme le symbole d’une fraternisation des peuples qui n’a jamais eu lieu. L’impulsion donnée après guerre au processus d’intégration européen provient de la mobilisation d’une toute petite élite transnationale dont le projet n’a réussi que parce qu’il convergeait avec la stratégie du gouvernement des États-Unis visant à poser, en Europe, les premiers jalons de la construction d’un capitalisme global."
"Ce sont les pressions conjuguées de l’URSS et d’un mouvement ouvrier en plein essor qui conduisent les États-Unis à imposer l’agenda de l’intégration européenne. L’objectif est double : arrimer solidement l’Allemagne fédérale au camp occidental et forcer la réorganisation de bourgeoisies nationales fortement décrédibilisées par leur collaboration avec le régime nazi.
En 1949, l’Américain Paul Hoffmann, administrateur de l’Economic Cooperation Administration (ECA) chargée de la répartition des fonds fournis par le plan Marshall, exige des Européens de s’engager au plus vite sur la voie de l’intégration économique."
"Pour mener à bien ce projet à long terme de construction d’un capitalisme global, les dirigeants des États-Unis comme les hauts fonctionnaires modernisateurs en Europe agissent dans le cadre d’une autonomie relative par rapport aux intérêts capitalistes domestiques. C’est ce qui permet de comprendre, par exemple, pourquoi Jean Monnet et son équipe tiennent soigneusement à l’écart des discussions sur la CECA les industriels de la sidérurgie qu’ils savent très hostiles à toute autorité supranationale risquant de s’opposer aux ententes privées. Cette autonomie relative de l’État vis-à-vis du capital ne correspond certainement pas à une déconnexion entre l’État et les classes capitalistes ; elle renvoie à la capacité de l’État à dépasser le point de vue partiel et à court terme des différents secteurs du capital afin de favoriser le développement du système dans son ensemble."
-Cédric Durand (dir.), En finir avec l’Europe, chapitre d'introduction, La Fabrique éditions, 2013, 160 pages.