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    Bruce Begout, Zéropolis. L'expérience de Las Vegas + Los Angeles, capitale du XXe siècle

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Bruce Begout, Zéropolis. L'expérience de Las Vegas + Los Angeles, capitale du XXe siècle Empty Bruce Begout, Zéropolis. L'expérience de Las Vegas + Los Angeles, capitale du XXe siècle

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 31 Jan - 20:12

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruce_B%C3%A9gout

    https://fr.book4you.org/book/16312799/9d2032

    "
    -Bruce Begout, Zéropolis. L'expérience de Las Vegas, Paris, Allia, 2002.

    "Quelle ville contemporaine, parmi la myriade des cités qui ont connu ces cinquante dernières années, partout dans le monde, une explosion démographique sans pareille, devrions-nous choisir pour accéder au sens de notre époque, pour espérer entrevoir le secret de notre présence au monde ?" (p.5)

    "Tandis que le Paris du Second Empire et de la Troisième République, de Nadar et de Blanqui, de la Commune et de la politique haussmannienne, formait aux yeux de Benjamin l'emblème du capitalisme industriel du XIXe siècle qui se mettait alors en place de manière systématique, avec ses fantasmagories urbaines qui témoignaient de la néo-magie technicienne, le Los Angeles des autoroutes sans fin, de l'industrie du spectacle, de la révolution informatique et numérique, représente sans conteste, pour le XXe siècle, la terre d'élection de la production urbaine et sociale. En un sens, la cité californienne marque la fin géographique de la civilisation occidentale, son point le plus à l'ouest, et en même temps son nouveau commencement historique. Ce que le siècle tout juste passé a engendré de révolutions technologiques et de transformations pratiques s'est, peu ou prou, situé là ou dans ses environs immédiats: la ville façonnée par l'automobile, l'extension suburbaine sans fin, l'omnipuissance du regard cinématographique puis télévisuel sur les esprits, la synthèse du mouvement et de l'image dans l'informatique, le spectre de la violence urbaine et des ghettos sociaux, la privation de la centralité et la dislocation des lieux, etc. En raison de son caractère protéiforme, de ses aspirations démesurées et de ses troubles sociaux non moins gigantesques, Los Angeles s'est imposée à tous, et même à elle-même, à sa grande surprise, comme le paradigme de la vie urbaine contemporaine. Qu'on le déplore ou non, la cité des anges est devenue, en quelques décennies, le modèle le plus puissant que les Etats-Unis ont tout d'abord produit sur leur sol et ensuite exporté." (p.6-7)

    "Tous les phénomènes majeurs qui ont modifié en profondeur la ville occidentale, à savoir la sécurisation, privatisation, marchandisation, ludicisation, fictionnalisation, paupérisation, dématérialisation de l'espace, ont éclos ici. Los Angeles a été ainsi vu comme bunker, communauté fermée, zone de chalandise, parc d'attractions, hypperréalité, désert culturel et historique, réseau numérique." (p.7)

    "Qu'est-ce qu'une réflexion sur notre urbanité [...] peut apporter plus généralement à une conception philosophique du monde ? [...] A la croisée des chemins du paysage et du commerce, de la promiscuité humaine et des échanges, de l'architecture et des discours, des déplacements et des emplacements, la ville se dérobe à toute définition univoque. Elle déjoue toute qualification, suspend chaque détermination. Ce n'est pas chose aisée que de dire ce qu'est une ville, que de la décrire et la comprendre, que d'en saisir le caractère propre et singulier. La tâche est encore plus ardue lorsqu'il s'agit d'une ville aussi multiforme et plastique que Los Angeles, qui a fait, depuis sa naissance, de l'indétermination un principe." (pp.8-9)

    "
    (pp.9-11)

    "
    (pp.12-13)

    " [Chez Walter Benjamin]
    d'outsider dans la ville." (pp.15-16)

    "Les questions relevant de l'inauthenticité ou de la banalité de la vie quotidienne resteront, pour nous, lettre morte." (p.16)

    "La ville est une réalité...
    [...] l'inquiète." (pp.19-20)

    "Il faudrait traiter Los Angeles [...]
    Seule la philosophie, comme science de l'Idée, est donc à même de comprendre une ville." (pp.20-21)

    "En ce début de XXIe siècle, Los Angeles représente sans doute la ville au monde [...] sur laquelle ethnologues, sociologues, urbanistes, historiens de l'art et de l'architecture, écrivent le plus." (p.21)

    "En vertu de sa disposition [...]
    du Sud de la Californie ?" (pp.23-25)

    "L'École de Los Angeles [...] s'est organisée à la fin des années 1980 autour de M. Davis, M. Sorkin, E. W. Soja, F. Jameson." (note 5 p.28)

    "Rien n'est plus surprenant aux Etats-Unis que cet écart immense entre d'un côté une vie matérielle assez insignifiante (à de notables exceptions) et de l'autre une référence perpétuelle à un Esprit supérieur. Entre les deux, rien. Ne subsistent que la vie quotidienne colonisée par l'architecture commerciale, les autoroutes et les 400 chaînes de la télé câblée et la révérence permanente à des instances supérieures qui, seules, donnent sens à tout ce fatras sans charme." (note 6 p.29)

    "Il est donc question de Los Angeles, métropole américaine de près de 15 millions d'habitants, sise dans le Sud de la Californie, dont l'aspect en apparence éclaté et l'étendue quasi infinie défient toute représentation précise." (p.31)

    "En raison de son absence de centre urbain et de son extension sans contour assignable, de l'anarchie de son développement et de la multiplicité hybride de ses quartiers, [Los Angeles] représenterait le déni vivant de la ville, une "non-entité urbanoïde" [écrit Lewis Mumford en 1962]." (p.32)

    "Il est absolument faux de dire que les critiques de la suburbia proviennent essentiellement d'individus européens qui ne reconnaissent plus une ville, leur ville et font montre de snobisme et d'élitisme. Les attaques les plus violentes contre ce type de développement suburbain sont venues d'auteurs typiquement américains qui n'avaient aucun préjugé culturel ou œillères traditionnelles: F. L. Wright, J. Jacobs, L. Mumford, J. H. Kunstler, M. Sorkin, M. Davis, etc." (Note 1 p.88-89)

    "Même s'il est difficile de nommer et de définir son espace urbain qui, en raison de sa complexité, de sa créativité et sa mutabilité constantes, défie toute compréhension théorie, il est encore possible de reconnaître quelques principes fondamentaux de développement de ce genre de ville suburbaine infinie.

    L'ordre urbain du nouveau monde pourrait s'expliquer tout d'abord par la phobie de l'homme américain pour une topographie centralisée, où tous les points de l'espace ne prenne sens qu'en fonction de leur relation avec un repère unique, polaire, autoritaire. En ce sens, le bannissement de la centralité dans un grillage urbain non hiérarchisé (the grid) n'est pas une simple réaction politique au modèle européen théocratique de la cité, car les Etats-Unis, sous bien des aspects, demeurent l'une des rares théocraties occidentales encore en vigueur, mais il représente plutôt l'expression d'une volonté d'aller de l'avant, toujours plus loin dans sa propre démarche, d'une marque profonde de l'esprit de frontière, que toute polarisation centralisatrice freine en donnant une clôture aux déplacements possibles de la volonté. Chaque ville construite selon ce modèle mental de l'illimitation doit ainsi laisser la possibilité de s'étendre vers l'extérieur ou de permettre une sortie rapide vers les espace non urbanisés, et elle n'est elle-même que cette extension. L'urban sprawl, outre sa dépendance vis-à-vis de la voiture et de la géographie américaine, s'origine dans cette passion de l'expansion infinie. La flèche le définit. De son côté, toute centralité implique un achèvement, une forme de perfection close et définitive qui s'accommode mal avec la vision de l'histoire de l'Américain moyen, lequel considère le temps comme une ouverture permanente et l'espace comme la faculté de parcourir cette infinité de possibilités ouvertes ou de la créer.

    Ce qui prime, c'est donc l'illimitation générale comme une manière de laisser respirer la ville vers ses bords extérieurs. Dans cette porosité périphérique, la ville devient elle-même les limites de la ville, la ville-limite, au sens où elle se tiendrait toujours sur le rebord de la non-ville (les jardins, le désert, etc.) à cheval sur l'habitation et la virginité du non encore construit. Péripolis, ville de la limite (péras) qui définit l'intérieur et l'extérieur, sur la ligne de crête entre les deux abîmes du centre et du dehors, elle apparaît ainsi comme la dernière ville, non pas la ville ultime, mais la ville après laquelle il n'y a plus rien, pas même l'idée de ville. Si l'idée de limite, ou de frontière, évoque pour l'Européen une démarcation entre deux espaces qu'elle sépare et distingue par une barrière physique, juridique ou symbolique, pour l'esprit américain, elle ressortit plutôt à la possibilité idéale de pouvoir sans cesse repousser l'espace hors de lui-même, de conquérir par le bord externe de nouveaux territoires, d'empiéter de manière quasi infinie sur la terra incognita. La frontière ne délimite pas, elle illimite. Elle se présente comme ce qui peut, à chaque fois, être poussé plus loin. Elle n'est que ce mouvement de perpétuelle fuite en avant. A mesure qu'elle avance, elle recule. L'idée de frontière n'exprime rien d'autre donc que cette possibilité de traverser les limites, franchir les obstacles. Elle ne vit que du franchissement. Car pour elle le franchissement est affranchissement, synonyme de liberté. En même temps donc que la limite s'instaure, elle réaffirme la possibilité de l'illimité qui se tient à sa frange. Limiter c'est aussi illimiter, créer l'infini qui déborde la limite. Aussi la ville-limite représente-t-elle une cité où chaque parcelle de terrain, chaque bout de bitume et de terre, offre la capacité de pousser plus loin sa route, de se sentir toute proche de la sortie vers des espaces vierges.

    Lorsque l'esprit de la frontière atteint certaines limites physiques du territoire (montagnes, désert, océan, etc.), il se retourne alors vers lui-même et recrée, par un effet de contrecoup, les terres inviolées au sein même de la ville. La frontière devient intérieure et se répercute dans l'espace interne de la civilisation." (pp.32-34)
    -Bruce Bégout, Los Angeles, capitale du XXe siècle, inculte/barnum, 2019, 184 pages.

    N'avait pas lu Davis et derniers textes du livre datent de 2003.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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