https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Politzer
http://books.google.fr/books?id=eN4I-BNTg28C&pg=PR18-IA14&dq=Bergson&hl=fr&sa=X&ei=DA19VLOOCYLsaLuMgfgP&ved=0CEIQ6AEwBjgK#v=onepage&q=Bergson&f=false
"Le kantisme a été la plus formidable source d'énergie que connaissance l'histoire de la philosophie moderne." -Georges Politzer, "Un pas vers la vraie figure de Kant", Revue de Métaphysique et de Morale.
"Descartes est l'un des plus grands penseurs français et l'un des plus grands génies que la France ait donnés à l'humanité." -Georges Politzer, "Le tricentenaire du Discours de la Méthode".
***
"L'hostilité même à l'égard de Bergson, Henri Lefebvre en témoigne, étaient, chez les deux amis, totales, radicales, sans appel. « Bergson […] nous faisait horreur, physiquement », écrit H. Lefebvre dans La Somme et le Reste. « La condamnation de Bergson était pour nous irréfutable, définitive, absolue […] Par décret, disait Politzer. » La philosophie de Bergson, soutenait Politzer, rend incompréhensible l'accès à l'autre en enfermant chacun dans l'intériorité de la durée. C'est en réalité un solipsisme hérité de Berkeley."
"Mauvaise foi sans doute lorsqu'il l'accuse de donner dans les généralités, alors que L'Évolution créatrice s'ordonne précisément autour d'un problème précis, la construction de l'œil dans le mouvement de l'évolution."
"Politzer aurait dû être sensible au premier chapitre de Matière et mémoire dans lequel la perception est comprise en dehors de toute activité consciente comme l'action de chaque particule de matière ou corps sur toutes les autres. Il s'esquisse là une théorie très audacieuse de la perception qui ne doit rien, à ce moment, à la durée. C'est une théorie purement matérialiste de la perception, pourtant Politzer ne voit que les chapitres suivants qui introduisent l'esprit comme mémoire et temps. Sa critique, dans la mesure où elle peut être jugée pertinente, ne touche en réalité qu'une partie d'une œuvre que chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître comme magistrale."
-Roger Bruyeron, avant-propos à La Fin d'une parade philosophique : le bergsonisme, in Georges Politzer, Contre Bergson et quelques autres: Écrits philosophiques 1924-1939, Flammarion, 2013.
"Il montre que la doctrine déterministe perd toute signification si l'on conçoit la série de nos états psychologiques d'une certaine manière ; il montre qu'en animant dans la durée les abstractions de la psychologie classique, le problème de l'âne de Buridan perd toute signification pour l'homme. Ce que Bergson cherche de nouveau c'est le symbole réaliste de la liberté. On dirait alors que le problème de la liberté ne se pose même pas entre l'homme et la nature, que ce n'est pas de l'esclavage, mais du déterminisme qu'il s'agit de libérer l'homme. Car, les faits psychologiques une fois posés dans la durée « … il n'y a pas deux tendances, ni même deux directions, mais bien un moi qui vit et qui se développe par l'effet de ses hésitations mêmes, jusqu'à ce que l'action s'en détache à la manière d'un fruit mûr ». Le déterminisme est vaincu et l'homme est libre.
Mais Bergson ne voit pas qu'il est, non pas servi, mais trahi par sa métaphore. La métaphore du fruit révèle précisément que Bergson a démontré, non pas la liberté de l'homme, mais la liberté d'une pomme par rapport aux événements qui sont ses antécédents. En d'autres termes, Bergson a de nouveau raisonné sur une succession en général : il a montré que si l'on applique à cette succession le schéma de la durée, les termes de cette succession seront « libres ». La liberté apparaîtra alors chaque fois qu'on appliquera le schéma de la durée. Et voilà pourquoi la théorie de la liberté dépasse l'homme : celui-ci sera dit libre dans le même sens que la vie, puisque la théorie de la liberté exposée dans l'Essai contient en germe L'Évolution créatrice. Que l'homme soit assimilé non pas à une chose qui est, mais à une chose qui dure, cela ne change rien au fait qu'il est assimilé à une chose. Car ce n'est pas le fait que vous pouvez vous laisser écouler dans la durée qui fera de la durée un schéma humain. La meilleure preuve, c'est qu'il s'applique indifféremment à l'homme et au mouvement, et que la liberté qui vient à l'homme de la durée met l'homme et la vie en général sur le même plan. Or, en vérité, qu'importe à un coolie chinois d'être libre dans le même sens que la vie en général ?"
"Marx aurait pu le mettre en garde contre le ridicule des théories de la liberté, en lui apprenant ce que les hommes sont effectivement. Mais M. Bergson est porté par l'autre courant : voilà pourquoi il a instinctivement préféré Stuart Mill et Spencer à Marx ou à Freud."
"Bergson a défendu aussi de comparer la vie à un objet. Mais cette défense a ici la même signification qu'en psychologie. Il ne faut pas comparer un organisme à un objet, parce que « l'organisme qui vit est chose qui dure », et nous avons dans L'Évolution créatrice toutes les conséquences dogmatiques et critiques de l'application du schéma de la durée. Mais l'essence de l'objet n'est pas d'être immobile, mais de résulter d'une position en troisième personne, c'est-à-dire d'être précisément une chose. Que la chose soit chose qui est ou chose qui dure, cela n'a pas la moindre importance. L'essentiel est qu'on raisonne sur une chose et que l'on est, par rapport à l'homme, dans l'abstraction, puisqu'on ne doit réfléchir sur l'homme qu'en première personne et sur la vie humaine qu'en se plaçant au point de vue du je concret, c'est-à-dire de l'individu singulier. Mais en se plaçant à ce point de vue, ce n'est pas la vie organique qu'on trouve, mais la vie dramatique.
D'ailleurs, n'allons même pas si loin. En se transportant sur le plan de la vie en général, on dérobe à l'homme l'émotion que seul il a le droit de susciter : c'est même en cela que consiste ici l'abstraction. Et plus on insistera sur le dynamisme de la vie pour montrer combien il est émouvant, plus on sera dans l'abstraction, car plus on fera participer les choses d'une émotion qui n'est due qu'à l'homme.
Que l'on ne dise pas : le fait d'être ému devant le dynamisme de la vie n'empêche pas de l'être devant l'homme. L'argument est abstrait. Car en fait on considérera la vie en général et on oublie de considérer la vie humaine concrète. Car c'est précisément l'émotion que l'on devrait avoir pour l'homme qu'on a projeté sur les choses. Et si l'on revient ensuite à l'homme, l'homme ne sera émouvant que dans la mesure où l'on y retrouvera le dynamisme de la vie. Alors au milieu de l'hypocrisie la plus manifeste en face de l'homme, on pourra toujours faire figure de saint en frémissant devant le dynamisme."
-Georges Politzer, "La métaphysique de Bergson", Contre Bergson et quelques autres: Écrits philosophiques 1924-1939, Flammarion, 2013.
http://books.google.fr/books?id=eN4I-BNTg28C&pg=PR18-IA14&dq=Bergson&hl=fr&sa=X&ei=DA19VLOOCYLsaLuMgfgP&ved=0CEIQ6AEwBjgK#v=onepage&q=Bergson&f=false
"Le kantisme a été la plus formidable source d'énergie que connaissance l'histoire de la philosophie moderne." -Georges Politzer, "Un pas vers la vraie figure de Kant", Revue de Métaphysique et de Morale.
"Descartes est l'un des plus grands penseurs français et l'un des plus grands génies que la France ait donnés à l'humanité." -Georges Politzer, "Le tricentenaire du Discours de la Méthode".
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"L'hostilité même à l'égard de Bergson, Henri Lefebvre en témoigne, étaient, chez les deux amis, totales, radicales, sans appel. « Bergson […] nous faisait horreur, physiquement », écrit H. Lefebvre dans La Somme et le Reste. « La condamnation de Bergson était pour nous irréfutable, définitive, absolue […] Par décret, disait Politzer. » La philosophie de Bergson, soutenait Politzer, rend incompréhensible l'accès à l'autre en enfermant chacun dans l'intériorité de la durée. C'est en réalité un solipsisme hérité de Berkeley."
"Mauvaise foi sans doute lorsqu'il l'accuse de donner dans les généralités, alors que L'Évolution créatrice s'ordonne précisément autour d'un problème précis, la construction de l'œil dans le mouvement de l'évolution."
"Politzer aurait dû être sensible au premier chapitre de Matière et mémoire dans lequel la perception est comprise en dehors de toute activité consciente comme l'action de chaque particule de matière ou corps sur toutes les autres. Il s'esquisse là une théorie très audacieuse de la perception qui ne doit rien, à ce moment, à la durée. C'est une théorie purement matérialiste de la perception, pourtant Politzer ne voit que les chapitres suivants qui introduisent l'esprit comme mémoire et temps. Sa critique, dans la mesure où elle peut être jugée pertinente, ne touche en réalité qu'une partie d'une œuvre que chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître comme magistrale."
-Roger Bruyeron, avant-propos à La Fin d'une parade philosophique : le bergsonisme, in Georges Politzer, Contre Bergson et quelques autres: Écrits philosophiques 1924-1939, Flammarion, 2013.
"Il montre que la doctrine déterministe perd toute signification si l'on conçoit la série de nos états psychologiques d'une certaine manière ; il montre qu'en animant dans la durée les abstractions de la psychologie classique, le problème de l'âne de Buridan perd toute signification pour l'homme. Ce que Bergson cherche de nouveau c'est le symbole réaliste de la liberté. On dirait alors que le problème de la liberté ne se pose même pas entre l'homme et la nature, que ce n'est pas de l'esclavage, mais du déterminisme qu'il s'agit de libérer l'homme. Car, les faits psychologiques une fois posés dans la durée « … il n'y a pas deux tendances, ni même deux directions, mais bien un moi qui vit et qui se développe par l'effet de ses hésitations mêmes, jusqu'à ce que l'action s'en détache à la manière d'un fruit mûr ». Le déterminisme est vaincu et l'homme est libre.
Mais Bergson ne voit pas qu'il est, non pas servi, mais trahi par sa métaphore. La métaphore du fruit révèle précisément que Bergson a démontré, non pas la liberté de l'homme, mais la liberté d'une pomme par rapport aux événements qui sont ses antécédents. En d'autres termes, Bergson a de nouveau raisonné sur une succession en général : il a montré que si l'on applique à cette succession le schéma de la durée, les termes de cette succession seront « libres ». La liberté apparaîtra alors chaque fois qu'on appliquera le schéma de la durée. Et voilà pourquoi la théorie de la liberté dépasse l'homme : celui-ci sera dit libre dans le même sens que la vie, puisque la théorie de la liberté exposée dans l'Essai contient en germe L'Évolution créatrice. Que l'homme soit assimilé non pas à une chose qui est, mais à une chose qui dure, cela ne change rien au fait qu'il est assimilé à une chose. Car ce n'est pas le fait que vous pouvez vous laisser écouler dans la durée qui fera de la durée un schéma humain. La meilleure preuve, c'est qu'il s'applique indifféremment à l'homme et au mouvement, et que la liberté qui vient à l'homme de la durée met l'homme et la vie en général sur le même plan. Or, en vérité, qu'importe à un coolie chinois d'être libre dans le même sens que la vie en général ?"
"Marx aurait pu le mettre en garde contre le ridicule des théories de la liberté, en lui apprenant ce que les hommes sont effectivement. Mais M. Bergson est porté par l'autre courant : voilà pourquoi il a instinctivement préféré Stuart Mill et Spencer à Marx ou à Freud."
"Bergson a défendu aussi de comparer la vie à un objet. Mais cette défense a ici la même signification qu'en psychologie. Il ne faut pas comparer un organisme à un objet, parce que « l'organisme qui vit est chose qui dure », et nous avons dans L'Évolution créatrice toutes les conséquences dogmatiques et critiques de l'application du schéma de la durée. Mais l'essence de l'objet n'est pas d'être immobile, mais de résulter d'une position en troisième personne, c'est-à-dire d'être précisément une chose. Que la chose soit chose qui est ou chose qui dure, cela n'a pas la moindre importance. L'essentiel est qu'on raisonne sur une chose et que l'on est, par rapport à l'homme, dans l'abstraction, puisqu'on ne doit réfléchir sur l'homme qu'en première personne et sur la vie humaine qu'en se plaçant au point de vue du je concret, c'est-à-dire de l'individu singulier. Mais en se plaçant à ce point de vue, ce n'est pas la vie organique qu'on trouve, mais la vie dramatique.
D'ailleurs, n'allons même pas si loin. En se transportant sur le plan de la vie en général, on dérobe à l'homme l'émotion que seul il a le droit de susciter : c'est même en cela que consiste ici l'abstraction. Et plus on insistera sur le dynamisme de la vie pour montrer combien il est émouvant, plus on sera dans l'abstraction, car plus on fera participer les choses d'une émotion qui n'est due qu'à l'homme.
Que l'on ne dise pas : le fait d'être ému devant le dynamisme de la vie n'empêche pas de l'être devant l'homme. L'argument est abstrait. Car en fait on considérera la vie en général et on oublie de considérer la vie humaine concrète. Car c'est précisément l'émotion que l'on devrait avoir pour l'homme qu'on a projeté sur les choses. Et si l'on revient ensuite à l'homme, l'homme ne sera émouvant que dans la mesure où l'on y retrouvera le dynamisme de la vie. Alors au milieu de l'hypocrisie la plus manifeste en face de l'homme, on pourra toujours faire figure de saint en frémissant devant le dynamisme."
-Georges Politzer, "La métaphysique de Bergson", Contre Bergson et quelques autres: Écrits philosophiques 1924-1939, Flammarion, 2013.