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    Andrew Feenberg, Philosophie de la praxis. Marx, Lukacs et l’École de Francfort

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Andrew Feenberg, Philosophie de la praxis. Marx, Lukacs et l’École de Francfort  Empty Andrew Feenberg, Philosophie de la praxis. Marx, Lukacs et l’École de Francfort

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 23 Avr - 10:52

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Andrew_Feenberg

    https://fr.book4you.org/book/5504550/a30122

    "Le premier Lukács et les principaux membres de l’École de Francfort – Horkheimer, Adorno et Marcuse – sont les figures majeures du marxisme occidental. Après leur publication en 1932, les Manuscrits de 1844, rédigés par Marx à ses débuts, sont immédiatement devenus le texte fondateur de ce courant."

    "La longue éclipse des Manuscrits de Marx et de Histoire et conscience de classe de Lukács, qui furent donc abandonnés à ce qu’Engels appela un jour le «grignotage des rats», peut s’expliquer par le fait que ces œuvres se situent à des moments de transition dans le cheminement intellectuel de leurs auteurs. Tous deux sont formés à la philosophie et plongés dans le « révolutionnisme » romantique. Tous deux écrivent leurs premiers travaux à des moments clés de leur parcours, des moments où ils éprouvent le besoin de dépasser ces bases intellectuelles et pensent qu’ils peuvent le faire sans rupture violente, grâce à la transcendance dialectique. Ils estimeront plus tard que cette transcendance est inadéquate, inscrite encore dans des positions qu’ils finissent par rejeter radicalement dans leur pensée de la maturité. Il est plutôt clair qu’après la rupture, leur jugement sur leurs premiers travaux est trop sévère, et que ces textes sont plus intéressants et plus marquants pour la suite que ce que leurs auteurs veulent bien reconnaître.

    Incontestablement, ces premiers écrits sont marqués par l’influence romantique. Par romantisme, on entend généralement ce courant de la culture moderne qui exalte la subjectivité contre l’objectivité, la vie contre la rationalité, le concret contre l’abstrait, les valeurs traditionnelles contre le mercantilisme capitaliste. Il est certain que l’opposition de ces philosophes au capitalisme, analysé et condamné en parallèle dans des critiques de l’« aliénation » et de la «réification», est, dans une certaine mesure, assujettie au romantisme."

    "Marx et Lukács adhèrent à leurs débuts aux valeurs fondamentales des Lumières: liberté et égalité. Mais ils s’écartent de cette tradition lorsqu’ils considèrent que, dans une société capitaliste, des individus isolés, soumis aux lois du marché, ne peuvent pas vivre selon ces valeurs. Ils jettent ainsi un pont entre philosophie et théorie sociale. Non seulement ils rejettent la capacité d’agir (agency) de l’individu, mais ils ajoutent que l’on ne peut plus identifier la subjectivité à une version du cogito cartésien ou à un moi transcendantal. Seul un sujet social, collectif, peut réaliser les valeurs prônées par la philosophie. Mais un sujet social est un objet dans le monde, un phénomène parmi d’autres qui reste pourtant lié à la tradition philosophique par des aspects importants de sa structure logique que Marx et Lukács repensent en termes sociaux.

    Cette approche hybride est source de complications. Le sujet individuel abstrait de connaissance pure transcende la nature et les besoins tandis que la liberté du sujet social est limitée par ces deux déterminations. Le sujet transcendantal est purifié de sa matérialité, il a donc accès à la vérité et, dans un cadre idéaliste, il peut même constituer la réalité. Mais, une telle transcendance est impensable pour un groupe social. On ne peut pas purifier un sujet social de sa matérialité parce que c’est seulement par des liens matériels d’un type quelconque qu’il peut se former, en partant des relations des individus qui le constituent. Dépouillez-les de la géographie, de la race, du langage et de la technique et il ne restera plus rien pour tenir les individus ensemble dans un groupe. Mais, ajoutez ces facteurs dans sa définition et il sera inexorablement concret. L’objectivité du sujet social le situe complètement dans le monde réel.

    Même si on admet l’existence de sujets sociaux, ni le sens commun ni la tradition philosophique n’acceptent qu’ils aient une signification ontologique. Ce ne sont que des ensembles contingents d’individus séparés, dotés sans doute de droits et de pouvoir politique, mais sans réalité fondamentale. Si Marx et Lukács avaient accepté cette vision, ils auraient sans doute apporté une contribution à la philosophie politique, mais, au-delà de ce domaine, ils auraient dû s’en remettre à l’une ou l’autre des approches traditionnelles de la philosophie. Mais ni Marx ni Lukács n’acceptent ce point de vue. Ils soutiennent plutôt que le sujet social doit s’approprier exactement les mêmes pouvoirs que ceux dont jouissent les sujets individuels dans la vieille philosophie. D’une manière ou d’une autre, il faut comprendre la réalité dans un rapport essentiel avec un sujet qui se trouve en elle et qui en dépend. Ne s’agit-il pas d’un cercle vicieux ? Pourquoi adopter une position aussi invraisemblable? Je défendrai l’idée qu’ils bravent les paradoxes qui surgissent par une fidélité à l’ambition de l’idéalisme d’expliquer l’être en partant de l’être humain: par exemple, en partant des formes et des catégories de la subjectivité transcendantale. Ces schémas explicatifs traditionnels se fondent sur un sujet individuel contemplatif. Mais Marx et Lukács prétendent que l’individu est le produit d’une communauté où il a forcément ses racines. Puisque le sujet transcendantal est une abstraction à partir de l’être social qui le fonde, il ne peut pas résoudre les problèmes fondamentaux de la philosophie et toute tentative de le faire engendre des mythes conceptuels. Seul un sujet social peut résoudre les antinomies dans la vie pratique et la théorie philosophique.

    Le fait que Marx et Lukács partagent cette conclusion est d’autant plus remarquable que Lukács ne connaît pas l’existence des Manuscrits de Marx quand il écrit Histoire et conscience de classe."

    "Après la Seconde Guerre mondiale, le marxisme français tombe sous l’influence du premier Lukács, qui fournit à toute une génération de théoriciens sociaux une alternative radicale à l’orthodoxie stalinienne dominante. Le texte le plus célèbre de cette tendance est Les aventures de la dialectique de Maurice Merleau-Ponty, qui introduit le premier l’expression « marxisme occidental » pour décrire la tradition découlant d’Histoire et conscience de classe. Ces théoriciens s’intéressent surtout au concept de praxis de Lukács et à sa théorie de la conscience de classe. Ils y voient une solution de rechange au dogme marxiste officiel du Parti comme sujet de la révolution. Avec Lukács, ils réaffirment la suprématie de la praxis de la classe ouvrière, que le Parti articule idéologiquement, certes, mais ne remplace pas.

    J’ai eu la chance de faire mes études avec des représentants de ces deux écoles de pensée, Herbert Marcuse et Lucien Goldmann."

    "Gramsci affirme en substance que toute connaissance se situe dans un contexte culturel fondé sur une vision du monde propre à une classe. Aucun domaine de la connaissance et aucun domaine correspondant de l’être n’est indépendant de la société. Cette interprétation, qu’il appelle « historicisme absolu », ressemble, dans ses grandes lignes, au marxisme hégélien de Lukács, Korsch, Bloch, Marcuse et aux premiers travaux de Marx lui-même. Il semble donc opportun d’employer pour tout ce courant de pensée l’expression "philosophie de la praxis"."
    -Andrew Feenberg, Philosophie de la praxis. Marx, Lukacs et l’École de Francfort, Lux éditeur, 2016 (1981 pour la première édition états-unienne).




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