"L'une des convictions que partagent bon nombre d'éthiciens de l' environnement est qu'il est nécessaire d'interroger explicitement les modalités générales du rapport à la nature tel qu'il a été pensé par la tradition philosophique, morale, scientifique et religieuse occidentale, si bien qu'il ne nous soit plus possible de puiser sereinement dans cette tradition les éléments permettant de fournir une solution aux problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés, dans la mesure ou cette tradition fait elle-même partie du problème.
Cette mise en cause massive de l'ensemble de la tradition occidentale considérée de telle façon que les phénomènes de crise paraissent résulter de ce qui lui est le plus propre, est sans doute ce qui définit le mieux l'exacte portée du questionnement en éthique environnementale, et ce qui permet immédiatement de comprendre qu'elle n'est ni une forme d'éthique appliquée au domaine particulier de l'environnement, prenant place à côté de l'éthique appliquée des affaires, de l'éthique appliquée d'entreprise [...] ni une éthique spécialisée ou sectorielle, a l'instar de la bioéthique, qui pourrait se contenter d'appliquer le modèle de l'une des morales normatives disponibles (d'inspiration utilitariste, déontologique, etc.) aux problèmes éthiques inédits suscités par le développement technologique, en soulevant la question des normes et des règles qui doivent lui servir de limites." (p.9)
" [Le livre de Hans Jonas] en dépit de l'affinité de sa problématique avec celle de l'éthique environnementale, n'a exercé sur cette dernière aucune influence significative." (p.11)
"La fondation de la revue Environmental Ethics en 1979 [...] lui a apporté une indéniable consécration académique." (p.13)
"La tradition écologique américaine, qui remonte à la première moitié du 19e siècle, est probablement l'une des plus riches et des plus complexes qui soit au monde, la seule qui se soit élaborée au croisement de plusieurs courants (géographie, littérature, transcendantalisme philosophique, militantisme politique, écologie scientifique ), et qui soit parvenue si rapidement a une conscience d'elle-même sous la forme d'une thématisation explicite en tant que partie constitutive d'une culture." (p.13)
"Si l'on prend enfin en compte le fait que la sensibilité environnementaliste présente la particularité, en Amérique du Nord, de se manifester sous la forme d'une religiosité diffuse, d'un agrégat de sentiments et d'attitudes, où la culture scientifique fait bon ménage avec l'inspiration romantique, suscitant une littérature militante inclassable et même un genre littéraire à part entière - alors, on comprendra que l'éthique environnementale, secrète aspiration de la pensée anglo-américaine en plusieurs de ses courants, ait pu si aisément trouver sa place au sein de cette tradition et qu'elle ait pu vouloir lui apporter ce qui lui manquait encore : une philosophie." (p.14)
-Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de L’environnement. Nature, Valeur, Respect, Vrin, 2007, 380 pages.