https://fr.wikipedia.org/wiki/Wendy_Brown
http://www.vacarme.org/article1375.html
Notes de cours de 2015: Wendy Brown, professeur de sciences politiques à l’université de Californie, s’intéresse au néolibéralisme et au déclin de la souveraineté. Pour elles, la multiplication des murs de séparation à l’échelle mondiale est le signe de l’agonie d’un ordre westphalien. Les murs ont selon elles une dimension spectaculaire : ils mettent en scène une souveraineté que les États ont en réalité perdue. Elle parle de démocraties emmurées. Ces murs sont souvent accompagnés de milices dans lesquelles des civils jouent un rôle policier ou militaire, signe d’une perte de l’État de son monopole de la violence légitime.
Les murs et barrières ne sont pas seulement matériels.
Paradoxe: Là où les frontières sont de plus en plus ouvertes s’édifient des murs.
Ex : entre Israéliens et Palestiniens, entre les USA et le Mexique (séparation nord-sud).
Pour Brown, les murs ne sont pas tant les marques de la puissance étatique que de son impuissance. Impuissance théâtralisée pour mieux se dissimuler en tant que telle. Perte de la souveraineté de l’État.
Les murs ne séparent plus des acteurs souverains (les États) mais des types d’acteurs transnationaux (individus, groupes, industries, organisations). Si les États ne sont les objets du dispositif de séparation, ils n’en sont pas nécessairement non plus les producteurs. En conséquence, l’État et la souveraineté se dissocient. L’Etat s’affaiblit en tant que forme politique qui détient un pouvoir sur un peuple et un territoire déterminée.
Intensification des flux transnationaux de nature diverse.
La rationalité néo-libérale ne reconnaît pas l’État comme souverain mais le réduit à un rôle de manager. Elle substitue à des principes politico-juridiques des critères marchands (Wendy Brown s’inscrit dans la théorie foucaldienne).
Pour autant, nous ne serions pas rentrés dans une ère post-étatique. Le problème n’est pas la perte d’importance de la souveraineté et de l’État, mais la disjonction des deux. Où s’incarne alors la souveraineté ? La souveraineté devient un attribut de domaines de pouvoir qu’elle était censée contenir : l’économie et la violence religieuse. La dimension théologique de la souveraineté est transférée au capital et à la violence légitimée par Dieu. Cela ne signifie pas que l’Etat cesse de se paré de cette dimension théologique. Mais cette affirmation trahit le déclin de la souveraineté. Celui qui perd son pouvoir se démène pour faire croire qu’il le conserve. Déni de la perte. Brown parle de coming-out théologique de la souveraineté, qui va conduire à la disparition de la souveraineté de l’État.
Pour Brown, le capital émerge comme un souverain global. Ce souverain transforme les individus en homo sacer (influence d’Arendt et d’Agamben). La rationalité néolibérale est un prétendant sérieux à la souveraineté globale.
Les murs révèlent le contraire de ce qu’ils sont censés incarner. Ils marquent l’effondrement de la distinction interne/externe, dedans/dehors, nous/eux. Ils fonctionnent sur un mode spectaculaire. Les murs mettent en scène l’effroi mais manifeste aussi un désir, un désir de mur, désir des individus de la puissance du souverain et angoisse vis-à-vis de son
impuissance. Angoisse sécuritaire et identitaire.
L’échec de la souveraineté. La souveraineté se transfert à l’économie et à la violence religieuse. Remise en cause du décisionnisme. Ces dimensions ne sont pas exclusives d’autres logiques. Brown parle d’un décisionnisme local lié à l’édification de murs, signe d’un État en partie déposséder de sa souveraineté au profit des citoyens, de l’armée et de la police.
Chez Brown, la police n’est pas simplement soumise à l’État mais traduit une perte de la souveraineté. Elle marque l’intensification de l’exception au détriment de la norme ou de la loi. L’action policière ou militaire est justement l’exception qui se substitue au droit sans pour autant que cela débouche sur un État d’exception. Police signifie groupes armés revendiquant un type de violence politique (ex : les minutes men). Remise en cause du monopole étatique de la violence. Pourtant, cet antiétatisme renforce l’État (les groupes armés communiquent leurs informations à la police d’État). Renforcement qui masque à peine l’incapacité de l’État à assurer ses prérogatives.
Le nœud économico-sécuritaire : les préoccupations économiques et sécuritaires nécessitent des barrières poreuses autant qu’une régulation des flux, ces deux logiques se renforcement mutuellement dans la promotion des murs. Les murs n’empêchent pas l’immigration mais répètent la rationalité néo-libérale. Les recours en justice contre les travailleurs clandestins augmentent ou baisse lorsque l’économie redémarre ou stagne. Les murs permettent donc des opportunités de passage. Dénonciation de l’immigration associée au terrorisme.
Le rapport entre souveraineté étatique et souveraineté individuelle. Elles sont liés dans le contractualisme libéral pour lequel la souveraineté politique est un prérequis à la souveraineté individuelle. Brown considère que ces deux souverainetés sont entrées en déclin. Si l’Etat devait permettre la souveraineté individuelle, son affaiblissement explique mieux le désir de murs présent chez le sujet. Le sujet va rechercher l’aide de l’État pour garantir sa propre souveraineté. Identification des individus à l’État-Nation, à son affaiblissement. Les sujets considèrent également que la menace de l’État peut menacer plus directement leur propre souveraineté. Le mur permettent la distinction fondamentale du Nous et du Eux. Cette séparation est un horizon nécessaire quand bien même le mur est purement factice.
La souveraineté politique produit une démocratie défensive, bunkerisée, emmurée.
http://www.vacarme.org/article1375.html
Notes de cours de 2015: Wendy Brown, professeur de sciences politiques à l’université de Californie, s’intéresse au néolibéralisme et au déclin de la souveraineté. Pour elles, la multiplication des murs de séparation à l’échelle mondiale est le signe de l’agonie d’un ordre westphalien. Les murs ont selon elles une dimension spectaculaire : ils mettent en scène une souveraineté que les États ont en réalité perdue. Elle parle de démocraties emmurées. Ces murs sont souvent accompagnés de milices dans lesquelles des civils jouent un rôle policier ou militaire, signe d’une perte de l’État de son monopole de la violence légitime.
Les murs et barrières ne sont pas seulement matériels.
Paradoxe: Là où les frontières sont de plus en plus ouvertes s’édifient des murs.
Ex : entre Israéliens et Palestiniens, entre les USA et le Mexique (séparation nord-sud).
Pour Brown, les murs ne sont pas tant les marques de la puissance étatique que de son impuissance. Impuissance théâtralisée pour mieux se dissimuler en tant que telle. Perte de la souveraineté de l’État.
Les murs ne séparent plus des acteurs souverains (les États) mais des types d’acteurs transnationaux (individus, groupes, industries, organisations). Si les États ne sont les objets du dispositif de séparation, ils n’en sont pas nécessairement non plus les producteurs. En conséquence, l’État et la souveraineté se dissocient. L’Etat s’affaiblit en tant que forme politique qui détient un pouvoir sur un peuple et un territoire déterminée.
Intensification des flux transnationaux de nature diverse.
La rationalité néo-libérale ne reconnaît pas l’État comme souverain mais le réduit à un rôle de manager. Elle substitue à des principes politico-juridiques des critères marchands (Wendy Brown s’inscrit dans la théorie foucaldienne).
Pour autant, nous ne serions pas rentrés dans une ère post-étatique. Le problème n’est pas la perte d’importance de la souveraineté et de l’État, mais la disjonction des deux. Où s’incarne alors la souveraineté ? La souveraineté devient un attribut de domaines de pouvoir qu’elle était censée contenir : l’économie et la violence religieuse. La dimension théologique de la souveraineté est transférée au capital et à la violence légitimée par Dieu. Cela ne signifie pas que l’Etat cesse de se paré de cette dimension théologique. Mais cette affirmation trahit le déclin de la souveraineté. Celui qui perd son pouvoir se démène pour faire croire qu’il le conserve. Déni de la perte. Brown parle de coming-out théologique de la souveraineté, qui va conduire à la disparition de la souveraineté de l’État.
Pour Brown, le capital émerge comme un souverain global. Ce souverain transforme les individus en homo sacer (influence d’Arendt et d’Agamben). La rationalité néolibérale est un prétendant sérieux à la souveraineté globale.
Les murs révèlent le contraire de ce qu’ils sont censés incarner. Ils marquent l’effondrement de la distinction interne/externe, dedans/dehors, nous/eux. Ils fonctionnent sur un mode spectaculaire. Les murs mettent en scène l’effroi mais manifeste aussi un désir, un désir de mur, désir des individus de la puissance du souverain et angoisse vis-à-vis de son
impuissance. Angoisse sécuritaire et identitaire.
L’échec de la souveraineté. La souveraineté se transfert à l’économie et à la violence religieuse. Remise en cause du décisionnisme. Ces dimensions ne sont pas exclusives d’autres logiques. Brown parle d’un décisionnisme local lié à l’édification de murs, signe d’un État en partie déposséder de sa souveraineté au profit des citoyens, de l’armée et de la police.
Chez Brown, la police n’est pas simplement soumise à l’État mais traduit une perte de la souveraineté. Elle marque l’intensification de l’exception au détriment de la norme ou de la loi. L’action policière ou militaire est justement l’exception qui se substitue au droit sans pour autant que cela débouche sur un État d’exception. Police signifie groupes armés revendiquant un type de violence politique (ex : les minutes men). Remise en cause du monopole étatique de la violence. Pourtant, cet antiétatisme renforce l’État (les groupes armés communiquent leurs informations à la police d’État). Renforcement qui masque à peine l’incapacité de l’État à assurer ses prérogatives.
Le nœud économico-sécuritaire : les préoccupations économiques et sécuritaires nécessitent des barrières poreuses autant qu’une régulation des flux, ces deux logiques se renforcement mutuellement dans la promotion des murs. Les murs n’empêchent pas l’immigration mais répètent la rationalité néo-libérale. Les recours en justice contre les travailleurs clandestins augmentent ou baisse lorsque l’économie redémarre ou stagne. Les murs permettent donc des opportunités de passage. Dénonciation de l’immigration associée au terrorisme.
Le rapport entre souveraineté étatique et souveraineté individuelle. Elles sont liés dans le contractualisme libéral pour lequel la souveraineté politique est un prérequis à la souveraineté individuelle. Brown considère que ces deux souverainetés sont entrées en déclin. Si l’Etat devait permettre la souveraineté individuelle, son affaiblissement explique mieux le désir de murs présent chez le sujet. Le sujet va rechercher l’aide de l’État pour garantir sa propre souveraineté. Identification des individus à l’État-Nation, à son affaiblissement. Les sujets considèrent également que la menace de l’État peut menacer plus directement leur propre souveraineté. Le mur permettent la distinction fondamentale du Nous et du Eux. Cette séparation est un horizon nécessaire quand bien même le mur est purement factice.
La souveraineté politique produit une démocratie défensive, bunkerisée, emmurée.